Interné

La pièce vide, absence de tout à l'intérieur sauf ma propre personne, je reste là assis devant un mur blanc, désespérément blanc. Tout se montre blanc, ma mémoire en revanche ne l'est guère.

Je me livre mentalement contre moi une guerre. Et si j'avais, pourquoi ai-je, il aurait fallu, voici comment les reproches commencent, avec un temps infini je pouvais céder ad vitam aeternam à l'autoflagellation !

Je me mis nerveusement à gratter le mur, j'eus l'impression de devenir progressivement un rongeur, un nuisible à éliminer.

Plus je songeais à ma vie, plus celle-ci m'apparût tel un songe.

Je cauchemardais éveillé, je croisais les jambes, enfouissant mon visage dans mes genoux, comme un enfant puni attendant le retour de ses parents. Je me sentis abandonné,terriblement abandonné, mes larmes se mirent à couler sur mon pantalon, je me mis à pleurer de la sorte pendant près d'une demi-heure. Quel traitement est-ce là ?

Interné dans cette clinique haïssant le terme d'hôpital psychiatrique, me retirant le droit à la liberté en me déclarant dès le départ à quel point je me montrais parfois voire trop souvent un danger pour moi ou autrui, sans mes médicaments, pleins d'interdits m'interdisant de vivre, je me sentis puni. La guérison consiste sûrement à une punition, me punir de ma tentative de suicide, de ma dépression nerveuse, de la prise intensive de mes drogues m'ayant apporté dans ce monde effroyable du répit. Ou sans doute punir ma manière de penser, tout mon être aspirant à ne plus être.

Mes yeux petit à petit s'accoutumèrent à la pénombre ambiante, à la blancheur maladive des murs, à l'absence de meuble, pas mon esprit. Je rêvais d'une fenêtre ou deux, d'une chaise où m'asseoir, d'un lit sommaire où je pourrais tout à mon aise m'allonger, de feuilles de papier avec des stylos, de mon ordinateur dont la chaleur réchaufferait mes genoux meurtris. Rien qu'au souvenir de ma chambre, je pris conscience du manque de dignité dans lequel je me trouvais, je m'y étais plongé de mon plein gré, je m'injuriais d'imbécile, d'impulsif inapte à la vie en société et incapable d'aimer.

Dans le silence, je me mis à fredonner une berceuse dont j'avais oublié les paroles, son air m'apaisa, je m'allongea sur le froid sol en imaginant des draps, les bras maternels m'entourant avec sa voix me conduisant toujours au repos bien mérité. C'est ainsi que je m'endormis. Ils me réveillèrent.

Depuis ce court internement, je pris la décision de ne plus les contredire.

« Allez vous mieux depuis votre arrivée ? » me demanda le spécialiste.

Je lui répondis par l'affirmative,sans sourciller, mentant pour survivre.

« Avez-vous récemment pris conscience de vos problèmes psychologiques ? »

De nouveau, je dis oui.

« Pouvoir en parler améliore votre état, selon vous ? »

Encore un oui.

« Bien, parlons-en ! » m'intima t-il, le même fichu sourire sur ses lèvres durant tous nos entretiens, sentant la cigarette et le café froid.

Absolument pas reconnaissant de cette proposition, je me montrais néanmoins diligent afin d'améliorer mes chances de sortie, j'inventais même des chapitres pathétiques à ma descente en enfer dans cet enfermement permanent. Je me découvris des talents d'orateur que j'avais cru perdu à jamais dans mon subconscient abscons.

Jouez-vous de moi, vous serez mes jouets, j'obtiendrais ce que je souhaite, voici mes pensées à ce moment-ci, encore parfois. Ils ne me détruiront pas, pas encore..

Ils ne m'auront pas..

Pas à pas, je les mettrais eux en rond.

Ils ne me mettront pas au pas !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top