Évasion médicamenteuse
J'ai eu la bêtise de le croire apte à entendre ma souffrance, à lui donner en pâture quelques uns des passages de ce journal, il m'a questionné sur l'absence de notation des jours, mon mépris de suivre un ordre précis. Ce que j'écrivais à ses yeux s'éloigne bien trop du journal, voici des phrases brutales semblant étrangères les unes des autres, rien ne décrivant mes journées banales. Des pensées me mettant à nue tout au plus, il ne s'agit pas d'un journal. Il m'a observé de travers, comme si j'avais échangé l'endroit de l'envers. J'ai tenté vainement, en avalant mon orgueil, de lui évoquer mes figures de style, l'impossibilité de rater un exercice puisqu'il s'agit avant tout d'écrire pour mieux se porter pas nécessairement se montrer fidèle à tout ce que mes journées et nuits m'ont retiré ou apporté. Pas convaincu, il renâcla.
Ayant lu mes problèmes d'insomnies, la sensation de ne pas améliorer la situation avec ses prescriptions, il m'offrit tel un bon prince la possibilité de me griller davantage le cerveau, augmentation des doses, prendre en complément un traitement pour améliorer mon sommeil quasiment inexistant. J'émis des réserves, de ses noirs gribouillis il leva sa tête en me déclarant d'un ton se souhaitant rassurant l'impossibilité d'en mourir.
Je faillis lui asséner ne souhaiter que ça jour après jour pour m'épargner d'écouter des inepties ! Pourquoi-donc abandonner toute pudeur avec de tels incompétents songeant durant toutes les séances où ils s'engraissent de l'argent des désaxés sûrement au prochain repas ?
Puis l'observant ainsi durant plusieurs minutes à minutieusement me remémorer sa fonction, ne tarissant pas d'éloges sur l'île synthétique qui me retiendrait de broyer du noir, ces artificielles promises me couvrant de chimiques baisers extatiques ou la manière d'ingérer ses drogues.
À la façon dont il traita, la situation je le sentis presque s'attendant à des chaleureux remerciements, des larmes de bonheur de ma part. Je demeurais immobile, supportant son babille.
Mon psychiatre se retirait toute responsabilité, même de son rôle devant m'apporter un semblant de soin grâce à la technique de l'évasion médicamenteuse.
Ma séance terminée, je m'empressais d'aller rendre visite à un médecin, je l'interrogea en détails sur les risques auxquels je pouvais m'exposer avec une telle ordonnance. Ahuri, il relit à plusieurs reprises le bout de papier, il osa timidement me demander les raisons pour me retrouver sous ses traitements, je les lui donna. Interloqué, il me laissa contrairement à mon spécialiste n'ayant pas grandement de temps à m'accorder le loisir de disserter sur mon absence de désir de vie ou de la continuer ainsi que de mon incapacité à dormir plus de trois heures par nui. Devant les troubles psychiques cohabitant avec moi dans cet esprit désespérant de désespéré, se sentant démuni, s'interrogeant si un psychiatre pouvait être considéré comme un collègue médical, sur leur conscience du serment d'Hippocrate, il me prescrit un somnifère selon lui plus doux.
À son air, je pressenti toutefois sa volonté de me détourner de l'autre drogue prescrite par mon si spécieux spécial spécialiste.
Avec des tournures de phrases se croyant subtiles, je hochais la tête,promis une vigilance à toute épreuve, il me demanda de le revoir dans une semaine pour savoir si je supportais le traitement, dans le cas contraire je devrais le changer voire progressivement l'arrêter.
Je ne montra pas mon angoisse à l'idée de ne plus posséder ma légale drogue, comme tout médecin il se montra optimiste, un sourire aux lèvres, sommairement il m'a examiné en me disant pour mon plus grand malheur à quel point j'allais pour le mieux, je ne manquais pas de santé, seulement une perte de poids, une fatigue certaine tirant mes traits.
Lorsque enfin, retournant à mon appartement harassé je ne sais de quoi,ayant passé à la pharmacie pour me procurer les deux drogues, je les jaugeais du regard. Finalement avant de me coucher, je pris en compte l'augmentation de dose de mon anti-dépresseur et deux comprimés du somnifère donné par mon psychiatre. Assez heureux de l'effet sédatif, j'observais de loin des visages de proches pourtant si lointains me demandant de revenir, je me mis à rire, dans mes draps je sentis mon corps peser si lourdement, tout se mit à virevolter.
En pleine béatitude, je souriais, me satisfaisant de cette évasion médicamenteuse me libérant de tout, je me sentis si bien pour la première fois de mon existence.
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