Chapitre 8 - Je ne savais pas
- Aurais-tu cinq minutes à m'accorder, mon chaton ?
Il crut avoir mal entendu et scruta son visage à la recherche de la moindre malice, du plus petit signe de ruse. Non, rien. Mis à part un sourire radieux qui riait à ses dépens.
- Ma Lady, je t'accorderai la vie entière si tel était ton désir, déclara-t-il en faisant une révérence. Après toi.
Elle lui sourit en coin puis lança son yoyo vers une cheminée et décolla aussitôt. Il déplia son bâton télescopique et la suivit sur des toits voisins à l'abri des oreilles et des regards indiscrets. Ladybug attendit qu'il range son arme pour commencer.
- Je te présente mes excuses pour mon comportement du mois dernier, dit-elle solennellement, son sourire rieur s'étant évaporé, remplacé par une expression embarrassée. Tu ne voulais que m'aider et je t'ai envoyé sur les roses. Alors que tu avais parfaitement raison, je me mentais à moi-même. Et à un point que je n'aurais jamais pu imaginer.
Des excuses. C'était la dernière chose à laquelle il s'attendait. Des remontrances pour son numéro de Dance Academy assurément, mais pas ça. Il ne l'aurait pas cru encore possible mais il sentit son cœur fondre encore un peu plus, sa Lady était si intègre et droite. Chat Noir avait été rongé par la frustration et son imagination s'était emballée dans de multiples scénarios peu réjouissants où Ladybug ne lui adressait plus la parole après s'être mêlé de ce qui ne le regardait pas, en fin de compte.
- Il n'y a rien à pardonner, ma Lady. Si tu as commis une erreur, je suis autant fautif que toi. Je n'aurais pas dû me mêler de ta vie privée. Si je m'y suis brûlé les ailes, c'est entièrement de ma faute. C'est déjà oublié.
Il appuya son discours d'un clin d'œil. Ladybug lui sourit avec reconnaissance et un soulagement évident. Puis elle sembla réaliser quelque chose :
- Te brûler les ailes ? Tu étais... jaloux ? s'étonna-t-elle en battant des cils.
- Jaloux qu'il ait attiré ton attention alors que je suis déjà un morceau de choix, ma Lady, confirma-t-il avec un air dramatique.
- Ne le sois pas. Il a rompu avec moi, déclara-t-elle un peu abruptement.
Déstabilisé, il ne sut trop comment interpréter cette déclaration. Il n'osait dire par politesse qu'il était désolé car il s'en réjouissait beaucoup trop. Et Ladybug avait un radar à mensonges. Ses immenses yeux bleus le scrutèrent et il eut la conviction qu'elle devina son état d'esprit. Elle eut un petit sourire amusé puis sortit son yoyo.
- Je dois y aller. À la prochaine, chaton !
- À la prochaine, dame de mes pensées, murmura-t-il au vent en la regardant s'éloigner.
- Ah ! On dirait que cette fois-ci, ça s'est bien passé ! se réjouit Will avec un air de connivence.
Depuis trois jours, Adrien ne pouvait décoller le sourire niais de ses lèvres au souvenir de Ladybug s'excusant auprès de lui. Sa meilleure amie venait de les rejoindre chez Nino qui préparait sa playlist pour la fête qu'il organisait chez lui pour le retour d'Alya.
- Tu vois ça à son sourire niais ou à son sourire niais ? demanda distraitement le DJ en herbe.
- À son air d'imbécile heureux, j'aurais plutôt dit, se moqua la jeune femme en se calant dans le fauteuil à côté de lui. Wouhou ! La terre appelle Adrien, répondez Adrien !
- Hein, quoi ?! Oh salut, Will ! Tu es arrivée depuis longtemps ?
- Nino, je crois qu'il faudrait que tu l'invites pour le faire atterrir. Sinon il va faire pot de fleurs pendant toute la soirée.
- J'ai essayé mais il m'a affirmé qu'elle ne viendrait jamais.
- Ben v'là aut' chose ! Elle est bien secrète ta copine, renifla Will, contrariée.
Trop heureux, Adrien haussa les épaules distraitement en guise de réponse. Will roula des yeux et sortit son téléphone pour pianoter dessus. Nino se tourna alors vers lui, en se grattant la tempe.
- Mec, faut que je te demande un truc.
- Mmh ?
- Pour la fête, Alya a invité Marinette. C'est ok pour toi ?
Le jeune homme redescendit sur terre brutalement. Cela serait la première fois depuis des mois qu'ils se côtoieraient, et ce serait mentir que de dire qu'il ne redoutait pas de se retrouver dans la même pièce qu'elle. Il n'avait rien fait de mal, pourtant il se sentait affreusement coupable. Était-il raisonnable de lui imposer sa présence ?
- Est-ce qu'elle est ok que je sois là ?
- Elle m'a dit que oui et que ça lui ferait même plaisir de te revoir.
- Vraiment ? s'étonna le jeune aux mèches blondes en se redressant.
- Elle m'a assuré être passée à autre chose et qu'elle ne t'en voulait pas le moins du monde, lui confirma son meilleur ami. Marinette, ça reste une chic fille.
- Avec le cœur sur la main, approuva Adrien, un peu déboussolé.
- Fais attention, Dridri, ou on va croire que ça te fait chier qu'elle t'ait oublié si rapidement, le taquina Will qui s'était presque fait oublier elle-même.
"Dridri" ne sut trop ce qui l'irrita le plus. L'affreux surnom, le fait qu'elle avait une fois de plus sauté sur l'occasion pour l'asticoter ou une dérangeante vérité qu'il n'avait pas envie de reconnaître. En effet, il avait été soulagé d'apprendre que Marinette s'était "remise" mais dans le même temps, son ego s'en trouva meurtri. Était-il une personne si quelconque qu'on pouvait l'oublier aussi facilement ? Il se sermonna avec un quasi-dégoût de lui-même pour avoir osé concevoir cette pensée. Marinette avait déjà dû souffrir suffisamment sans qu'il espère qu'elle soupire après lui pendant des années alors qu'il l'avait rejeté. Elle avait le droit de goûter au bonheur.
- Du coup, tu as prévu d'organiser l'enterrement de vie de jeune fille de Kagami ? lui lança-t-il l'air de rien.
Will se figea, fixa Adrien longuement, comme choquée par ce qu'il venait de faire. Le jeune homme eut des remords en voyant ses yeux gris s'embuer de larmes. La jeune femme se jeta à son cou, il crut d'abord qu'elle voulait l'étrangler mais Will lui fit juste un câlin. Pas rassuré pour autant, il lui tapota prudemment le dos.
- Adrien, fit-elle enfin en se redressant, tu m'es –enfin- rentré dans le lard ! Tu n'es pas perdu pour l'humanité en fin de compte ! Toutes ces heures à t'enseigner l'art de la punchline n'auront pas été vaines. Tu es sauvé, mon ami. Je suis si fière de toi !
La culpabilité du jeune homme fondit comme neige au soleil. Il eut une moue dubitative tandis qu'elle se tamponnait les yeux émotivement. Nino se marrait les mains plaquées sur la bouche.
- Que n'aurais-je fait sans toi, sifu ? fit-il sur un ton sarcastique.
- Tu te serais ennuyé, voyons. Et pour répondre à ta question, non. J'ai décidé de ne pas assister à son mariage.
Les deux garçons firent les gros yeux.
- L'autre jour, tu avais un autre discours, souleva Nino, incrédule.
- Il est des choses que même Willelmina Beaupré ne peut supporter. Alors, je lui ai tout avoué et lui expliquer que c'était trop dur. Que j'avais besoin de temps pour prendre du recul et l'oublier pour tenter de préserver notre amitié, expliqua-t-elle pensivement son menton dans une main. Peut-être.
- Willelmina ? C'est ça, ton prénom ?
Elle braqua ses yeux gris acier sur Nino, un sourcil en circonflexe.
- De tout ce que je viens de dire, c'est ça que tu retiens ?
Le meilleur ami d'Adrien haussa les épaules avec un air d'excuse. La jeune femme passa une main dans ses cheveux roux en soupirant.
- En fait, c'est ton histoire avec Marinette qui m'a motivé à le faire.
- Quoi ?! s'exclama Adrien. Il est où le rapport ?
- Tu te doutes bien qu'elle n'est pas tombée amoureuse de toi une semaine avant de te le dire quand même ?
- Je... je n'y ai jamais réfléchi.
Will roula des yeux et se tourna vers Nino.
- Tu confirmes ?
Nino eut un air très embarrassé. Il sortait avec Alya la meilleure amie de Marinette, elle lui avait fait des confidences mais avait été tenu de ne pas s'en mêler et surtout de se taire. Adrien le dévisagea comme s'il voyait un étranger.
- C'est vrai, mec ? Depuis combien de temps ?
Très, très mal à l'aise, le jeune homme hésita beaucoup à parler. Il se souvenait clairement des menaces dont sa chère et tendre avait usé pour s'assurer de son silence. Il en avait encore des sueurs froides.
- Bon, étant donné que c'est de l'histoire ancienne, je pense que ça ne prête pas à conséquence... Depuis le premier jour.
- Quel premier jour ?
- Ton premier jour au collège. Et si je devrais être précis, c'était au moment où tu t'es ouvert à elle en réglant cette histoire de chewing gum. Et que tu lui as donné ton parapluie pour qu'elle ne soit pas trempée par l'orage.
Adrien s'affala de tout son long sur le canapé de Nino, mortifié. Elle était amoureuse de lui depuis tout ce temps et il n'avait rien vu ? Il devrait peut-être programmer ce rendez-vous chez l'ophtalmologue qu'il repoussait depuis des lustres. Will se racla la gorge.
- Bon, pour en revenir au sujet premier de la conversation, je n'avais pas envie de souffrir en silence d'un amour non partagé pendant des années. Comme elle. Alors j'y ai mis fin.
- Tu as de sacrées balls, meuf, fit admirativement Nino en lui tendant le poing pour faire un check.
Elle le lui rendit avec un sourire radieux.
- Merci, mec. Mais ça fait mal, parce que je lui ai causé de la peine et que je l'ai très certainement perdue. Enfin bon, je me donne quelques mois pour l'oublier et retourner au royaume des cœurs à prendre.
Son meilleur ami ne fut pas dupe de son ton faussement léger. Il avisa des crispations autour de ses yeux, signe qu'elle se retenait de pleurer. La connaissant, elle allait partir dans peu de temps pour cacher sa douleur et garder une image digne. Et justement...
- Bon, j'y vais. J'apporte quoi pour la soirée, mec ? demanda-t-elle en se levant.
- Un truc à boire et un truc à manger. Ne te ruine pas, j'ai fait passer le mot à tout le monde, lui expliqua Nino.
- D'ac ! A plus !
Une fois seuls, le silence retomba, uniquement perturbé par les clics de souris et le pianotage du clavier de Nino.
- Je sais que je vais le regretter mais bon... pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
- À propos de Marinette ? demanda Nino.
Adrien hocha la tête, l'air morose. Son meilleur ami souffla et s'adossa pesamment dans sa chaise de bureau, croisant les mains sur le ventre.
- Si l'on met de côté le sort que me réservait Alya en cas de boulette...
Ils eurent un rire complice. La jeune femme pouvait effectivement se montrer impitoyable.
- Eh bien, ce n'était pas mon secret. Si Marinette n'y arrivait pas, ce n'était pas à moi de forcer le destin. La seule chose qui m'aurait fait reconsidérer ma position, c'était que tu aies des sentiments pour elle. Ce que tu n'as jamais laissé sous-entendre. Et apparemment, tu en pinces depuis longtemps pour quelqu'un d'autre donc... voilà.
Il avait eu raison, il regrettait de lui avoir posé cette question. Finalement, il ne se sentait pas serein à l'idée d'aller à la soirée.
- Toi, tu es en train de te dégonfler, lui fit Nino en s'asseyant dans le fauteuil qu'occupait Will.
- J'ai tellement honte, comment j'ai pu être si aveugle ?! maugréa-t-il les deux mains sur le visage. Comment veux-tu que je la regarde dans les yeux en sachant tout ça ?
- Comme elle le fera après que tu lui as brisé le cœur ? suggéra Nino en buvant son verre.
Adrien se fit la réflexion qu'il devait être masochiste pour s'entourer de personnes ayant l'art de la punchline qui fait mal. Il se leva à son tour en jetant un coup d'œil à l'heure.
- Bon, j'ai une séance photo. Me regarde pas comme ça, j'en ai vraiment une ! À tout à l'heure !
Il sortit de chez Nino en étant proche de la dépression. Il tenta de se focaliser sur les quelques minutes passées à parler avec Ladybug, de son sourire mutin et de cette étincelle malicieuse dans ses yeux bleus.
________________________________________________________
Prochain chapitre, la soirée ! C'est toujours intéressant comme type de situation, il peut s'en passer des choses au détour d'un bol de chips ou de guacamole...
Mince, j'ai faim maintenant '-'
Merci de m'avoir lu jusque là /o/
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top