Chapitre 4 - Main tendue
- Plagg, transforme-moi ! lança Adrien en avisant le flash info passant à la télévision.
Une fois devenu Chat Noir, il fonça à tire d'aile vers le lieu du sinistre. L'orage menaçait au-dessus de Paris. Le ciel d'un bleu limpide était désormais couvert de nuages noir d'encre. Il conçut quelques jeux de mots de son cru et garda en réserve ceux qu'il estimait les meilleurs. Le héros connaissait les toits de Paris comme un taxi ses rues. A la différence qu'il n'avait pas à se soucier des feux de circulation, des piétons et des autres véhicules. Chaque fois qu'il revêtait le masque de Chat Noir, il exultait à l'idée de courir, bondir, presque voler sur les toits de Paris. Loin du sol, près du ciel.
Libre.
Avec elle. Ladybug.
Chaque fois qu'un akuma possédait une malheureuse victime était une catastrophe, mais il ne pouvait nier le fait que cela lui permettait de la revoir. D'être à ses côtés, de rentrer à nouveau dans ce tango mortel qu'ils exécutaient face à leur adversaire du jour ou de la nuit. Il y avait quelque chose d'enivrant à sentir cette union, cette harmonie entre eux. En plein combat, pouvoir anticiper les décisions de l'autre, s'y accorder, ressentir que l'on peut faire aveuglément confiance à l'autre. Faire partie d'un tout, de quelque chose de plus grand que soi.
Sous le masque, Adrien aimait ces sensations. Il se sentait plus vivant que jamais en déployant la puissance décuplée de ses muscles pour abattre son bâton sur « Meteorologicus ». Fabien Debonnaire. Le présentateur de la météo militant écologiste de la chaîne locale qui avait reçu un blâme pour avoir pris du temps d'antenne pour prévenir du réchauffement climatique.
Ce dernier esquiva assis sur ballon et s'éloigna en montant dans les airs, hurlant à gorge déployée.
- Climatosceptiques ?! Sceptisez-moi donc ça ! Tombe la neige et déchaîne ta fureur ! hurla-t-il en tendant les bras vers le ciel. Haha ! Fini le déni !
Aussitôt dit, des flocons se mirent à tomber emportés par un vent glacial. L'écart de température lui coupa presque le souffle.
- Fait vraiment pas un temps à mettre un chat dehors ! fit-il en se retenant de claquer des dents.
- Toujours aucune idée d'où l'akuma aurait pu se loger ?! lui lança sa coéquipière en le rejoignant d'un bond sur le toit.
Elle faillit perdre l'équilibre mais il l'attrapa par la main et la tira vers lui. Ils s'accroupirent pour offrir moins de prise au vent.
- J'aurais penché pour le ballon, sans grande conviction. De toute manière, cela va être difficile de l'atteindre.
- On n'a pas déjà eu quelqu'un qui contrôlait la météo ? demanda négligemment sa Lady en cherchant une possible ouverture.
- Mm-mm... Ah si ! Mais ça remonte à loooongtemps ! C'était cette fille qui avait perdu les votes du public pour présenter la météo, je crois. Elle avait une ombrelle. C'était quoi déjà son nom ?
- Climatika.
- C'est ça ! Quel manque d'originalité ! pesta-t-il faussement dégoûté, en repérant une cheminée sur laquelle il pourrait prendre de l'élan pour atteindre le ballon. Si le Papillon commence à recycler ses concepts, c'est que la fin est proche. Quelle dé-chat-dence ! Aïe !
Ladybug venait de lui donner une pichenette sans quitter le vilain des yeux.
- Tant que tu ne l'imites pas en recyclant tes blagues, nous aurons des lendemains.
Chat Noir se frotta la maxillaire et la scruta tandis qu'une partie de son attention surveillait le vilain. Ce dernier chantait un chant de Noël « Vive le vent d'hiver ». Le héros s'enorgueillit d'un meilleur goût en ce qui concerne le comique de situation. Son attention sur Ladybug, il la sentait différente, pas spécialement distante mais différente. Leur dernier échange était encore trop frais pour que cela n'ait pas un rapport avec son comportement du jour.
- Je vais utiliser mon pouvoir, tu sais ce que tu as à faire, chaton ? lui dit-elle en braquant ses yeux bleus sur lui.
Il eut un pincement au cœur en entendant le surnom qu'elle lui avait donné à leurs tous débuts. Chat Noir hocha de la tête et s'élança telle une panthère noire dans ce décor blanc irréel. La neige le gêna à peine dans son évolution, sautant de cheminée en cheminée. Ladybug utilisa son lucky charm et récupéra une fléchette rouge à pois noirs. Pour une fois, c'était clair comme de l'eau de roche.
Usant sa vue surhumaine, il balaya en un instant les possibilités et en arriva aux mêmes conclusions que sa partenaire. Elle arma son bras et adopta l'angle idéal. Chat Noir monta sur la plus haute cheminée, le vilain le repéra mais le héros était bien trop rapide pour lui. La neige fit place à la pluie torrentielle. Il manqua glisser mais sauta néanmoins vers sa cible... le cordon sous le ballon météorologique. Il l'attrapa et se mit à se balancer comme un saucisson accroché à son clou. Cela perturba le vilain, déséquilibré qui perdit en altitude et en contrôle. Un soleil de plomb et une chaleur cuisante s'abattirent soudainement sur eux.
Ladybug lança son arme dans un geste précis et avec une puissance que sa carrure ne laissait pas présager. Le projectile fila telle une balle et creva instantanément le ballon en le traversant de part en part. Le gaz volatile s'échappa aussitôt, la gravité réclama son dû. Le vilain avec une expression d'horreur commença sa chute dans le vide. Suivi de près par Chat Noir mais celui-ci affichait une expression tranquille, comme s'il ne craignait rien. Un filin noir tissa une toile où ils atterrirent en contrebas sans heurt. Avec l'air de quelqu'un qui a souvent usé de cette technique, il rebondit comme sur un trempoline et arracha le nœud papillon du vilain pour le déchirer. L'akuma s'en échappa puis Ladybug le purifia avant de le relâcher. Dans un tourbillon de coccinelles magiques, Paris retrouva un ciel bleu et ensoleillé.
La victime désorientée comprit en voyant les deux protecteurs de Paris ce qu'il venait de se passer et ce qu'il avait fait. Il se mit à sangloter. Ladybug le réconforta comme elle le pouvait puis s'éclipsa rapidement sur le signal du décompte avant sa détransformation. Chat Noir la suivit sur les toits.
- Attends ! l'appela-t-il alors qu'elle s'apprêtait à lancer son yoyo.
Elle se retourna, pas vraiment l'air ravi qu'il la retienne. Un bip sonore accentua son sentiment d'urgence.
- Qu'y a-t-il ?
Son partenaire fut stoppé net par l'expression dans son regard. Il aurait voulu aborder le sujet avec elle mais ils étaient pressés par le temps. Il fouilla sa poche et en sortit une feuille de papier plié qu'il lui tendit. Ladybug l'accepta avec circonspection, le déplia et le lut. Elle écarquilla les yeux de surprise puis les leva vers lui.
Au moment où elle allait parler, il l'interrompit :
- Ce n'est qu'un aménagement nous permettant de communiquer hors costume, en cas de besoin. Je ne désire pas outrepasser les limites de nos vies privées respectives.
Elle le toisa, perplexe.
- Pour n'importe quel besoin, en fait, se sentit-il obligé de préciser.
Ladybug cligna des yeux, un sourire malicieux en coin. Sans qu'il ne sache pourquoi, il se mit à rougir. Elle replia le papier et le glissa dans son col.
- J'y réfléchirai, fit-elle en s'en allant sur un bip alarmant de son miraculous.
- Une semaine ! Elle réfléchit depuis une semaine ! grogna-t-il de frustration en faisant les cent pas dans son appartement.
Plagg dévorait un camembert avec une joie indifférente à la détresse de son porteur.
- UNE SEMAINE ! s'exclama le jeune homme en s'arrêtant près du kwami noir qui sursauta, en lâchant presque son festin.
- J'avais entendu la première fois, renifla-t-il avec dédain. Et les fois précédentes, d'ailleurs. Mange un camembert, cela te détendra.
Adrien le fusilla du regard.
Un bip sonore, témoin d'une notification, retentit dans le séjour qu'il arpentait fiévreusement. Il se jeta fébrilement sur son téléphone et l'ouvrit pour découvrir avec une déception renouvelée que ce n'était que Chloé qui lui envoyait un message de Saint Barthélémy. Il soupira et fit défiler pensivement les photos de son voyage. N'arrivant même pas à se concentrer sur les images, il lança rageusement l'appareil sur son immense canapé et partit prendre une douche pour se changer les idées.
Il ouvrit à fond les robinets et bien vite, la salle de bain s'emplit d'un brouillard parfumé au patchouli. Sans préambule aucun, le jeune homme offrit son visage à la chaleur réconfortante de l'eau lui ruisselant sur tout le corps. L'adolescence était déjà bien loin, il avait une carrure adulte maintenant. Les traits poupins avaient laissé place aux lignes carrées et fortes, sa mâchoire et son nez s'étaient imposé dans ce visage déserté par l'innocence enfantine.
Le jeune homme se passa les mains sur les yeux à plusieurs reprises et se traita de sombre idiot. Si Will était au courant de ce qu'il avait fait, il ne faisait aucun doute qu'elle se serait ouvertement moquée. Son plan était simple : Ladybug ressentait le besoin de lui parler, ce qui était réciproque, mais des semaines entières pouvaient passer sans qu'il n'y ait le moindre akuma à l'horizon. Alors il avait créé un salon privé en utilisant une application de messagerie instantanée passant par le darkweb. Une garantie d'anonymat et d'intraçabilité selon ce que Max, un camarade de lycée devenu ingénieur informatique, lui avait expliqué. Une adresse IP, un login, un mot de passe. Voilà ce qu'il lui avait donné avant de se séparer. Un moyen idéal pour se parler sans contraintes.
Bien sûr, c'était en partant du principe qu'elle adhérerait à son idée. Il en aurait pleuré de frustration et de rage.
Peut-être qu'il devrait envisager d'abandonner l'idée qu'un jour, peut-être sa lady pourrait le regarder comme il le faisait.
Il sourit, résigné. Même lui ne croyait pas un seul instant en être capable. Abandonner Ladybug. Inenvisageable. Le jeune homme avait bien essayé d'avoir une relation, mais cela avait vite tourné au fiasco. A chaque fois. La première fois parce qu'il était le fils de son père, la deuxième parce qu'il devait être la prise suivante du tableau de chasse d'une collègue mannequin. Et la troisième, il ne préférait pas y penser. Cette fois-ci, elle avait été sincère et était tombée amoureuse de lui. Mais, ce n'était pas réciproque. Cela se termina dans le sang et les larmes. Il se souvient encore de Will se retenant à grand peine de rire.
Sa meilleure amie n'était pas au courant de sa double-vie, il ne lui avait dit que ce qui était nécessaire à la compréhension de la situation. Adrien réalisa à quel point il ressentait le besoin de pouvoir parler librement à quelqu'un. De sa double-vie, sans être sans arrêt sur ses gardes, à guetter la parole de trop qui pourrait tout faire basculer. Les premiers temps de Ladybug et Chat Noir avaient été teintés de l'euphorie de la nouveauté et de son coup de foudre pour sa coéquipière. Mais désormais, cinq ans après, il sentait la solitude plus durement que jamais. Il ne parlait pas de Chat Noir avec ses amis. Il ne parlait pas de sa vie civile avec Ladybug. Il était déchiré entre deux mondes où il désespérait d'être enfin quelqu'un d'entier.
Il ferma les paupières qui tremblaient déjà d'émotion contenue. Heureusement que Plagg était trop occupé à se bâfrer pour venir se moquer de lui.
Dans le salon, le kwami se caressait pensivement le ventre rebondi. Trop occupé à digérer, il ne remarqua pas le bip de notification qui accompagna le rétro-éclairage du téléphone abandonné sur le canapé.
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C'est très rafraîchissant de s'asseoir tous les soirs devant son clavier, consulter son plan d'écriture et de laisser ses doigts filer presque tous seuls. Il semblerait que mon blocage passe lentement mais sûrement . Pourvu que ça dure !
N'hésitez pas à me faire un retour !
A très bientôt ;)
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