Chapitre 22 - Pourquoi moi ?

Will ressortit du bureau de la psychologue épuisée et les yeux rougis. Marinette avait ardemment insisté pour qu'elle consulte après "l'incident". Cette fille était vraiment cool, toujours à se soucier des autres et à vouloir les aider. La jeune femme soupira en s'asseyant dans le bus qui la ramènerait chez elle.

-Vous devriez vous trouver un centre d'intérêt qui vous aiderait à rééquilibrer votre quotidien, à lui redonner du sens. Quelque chose qui vous donnerait envie de vous lever chaque matin, lui avait la psy.

Elle ferma les yeux, pressant son front contre la vitre glacée. Son souffle créait des auréoles de buée. Vidée. Elle se sentait vidée. Vide. Elle était vide. Et pourtant, chaque pas, chaque mouvement lui pesaient considérablement et semblaient lui coûter une énergie faramineuse.

Dépression légère à modérée, avait-elle dit avec cette distance professionnelle.

Pas nécessité immédiate de recourir à la médication mais elle tenait à la voir deux fois par semaine pour le mois de décembre. Will regrettait de lui avoir parlé de sa sœur et de ses parents qui avaient divorcé après sa mort, incapables de se reconstruire et de soutenir. Elle détestait ressentir la pitié de ces inconnus qui la considéraient alors comme une petite chose fragile et cassée.

Parce que c'était justement comme ça qu'elle se voyait elle-même. Nino lui rendait visite, Adrien et Marinette aussi. Mais la présence des deux derniers lui était difficile. Ils rayonnaient de bonheur et c'était presque insupportable de les voir être heureux ainsi. Elle leur en voulait. C'était laid mais c'était ainsi. Elle leur en voulait d'être heureux, d'avoir quelqu'un qui ait une place spéciale dans sa vie.

Will descendit à son arrêt et marcha dans le froid de décembre pour rentrer chez elle. Sa respiration projetait de la vapeur dans l'air. Quand elle était petite, elle faisait semblant de fumer en soufflant fort. Sa sœur lui manquait tellement, Kagami lui manquait tellement. N'avait-elle donc sa place nulle part ? Elle avait déserté les cours d'escrime pour larver, une bouteille à la main.

Lorsque la jeune femme ouvrit la porte de son appartement, son regard s'égara sur la porte-fenêtre donnant sur le balcon. Deux silhouettes familières aux parisiens étaient assis sur le garde-corps de son balcon. Elle se frotta les yeux pour être sûre de ne pas rêver mais tout portait à croire que Ladybug et Chat Noir étaient bien là.

Elle alla leur ouvrir sans prendre la peine d'enlever son manteau ni de se déchausser.

-... pratique ! Qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il neige ! On est toujours bien dedans !

Ladybug rit en regardant Chat Noir.

-J'avoue que c'est un détail auquel je n'avais pas fait... Oh ! Bonjour !

L'héroïne s'était retournée pour la saluer lorsqu'elle avait ouvert. Son partenaire descendit de son assise et fit une élégante révérence.

-Bonjour, mademoiselle ! J'espère que vous vous portez bien ?

Will demeura impassible, presque indifférente à l'attitude charmeuse du héros. Ce dernier venait de se prendre un vent monumental.


Elle était assise dans un fauteuil, les mains sur les genoux, pendant que l'eau était mise à bouillir. Les protecteurs de Paris lui faisaient face dans son clic-clac. Ni l'une, ni les autres ne disaient quoi que ce soit ou ne savaient comment engager la conversation. Le malaise était palpable.

-Alors ? C'est bien comme situation, héros ? leur demanda-t-elle pour briser le silence.

-Oh, vous savez. Je ne pense pas qu'il y ait de bonne ou de mauvaise situation -Aïe !

Chat Noir venait de recevoir une pichenette de la part de Ladybug et se frottait la joue pour faire passer la douleur. Indifférente à son tourment, cette dernière souriait sereinement à son interlocutrice.

-Cela dépend des jours mais nous n'avons pas trop à nous plaindre, lui répondit-elle, de manière évasive.

La bouilloire siffla. Will se leva et versa l'eau dans une théière. Elle posa trois tasses sur la table basse et se rassit.

-Je suppose que ce n'est pas uniquement pour parler mutuelle et couverture dentaire héroïque que vous êtes là ?

-Non, en effet, confirma Chat Noir d'un ton posé qui lui arracha une expression de surprise.

Le héros était connu pour son bagou et ses plaisanteries à rallonge. Son attitude ne la rassérénait pas le moins du monde.

-Vous avez peur que je sois akumatisée ? lança-t-elle en servant le thé.

-C'est effectivement une possibilité, mais non. Ce n'est pas pour cela que nous sommes ici.

Ladybug jeta un coup d'oeil à son partenaire et reprit :

-Nous sommes à la recherche d'alliés dans la lutte contre le Papillon qui devrait potentiellement prendre fin.

Will se brûla en portant la tasse à ses lèvres, elle recracha le liquide brûlant sur le côté. Chat Noir tira sur un mouchoir en papier et le lui tendit tandis qu'elle toussait. Elle le prit et s'épongea le visage.

-Quoi ? Vous êtes sérieux ? Et qu'est-ce que l'épave que je suis pourrait faire pour vous ?

Chat Noir affichait une expression embarrassée qu'il partageait avec sa partenaire.

-Eh bien, commença-t-il prudemment avant de soupirer et de se frotter la nuque de la main.

Will recracha à nouveau le thé qu'elle buvait mais cette fois-ci, le héros en fut aspergé. Dégoulinant, celui-ci affecta une expression dépitée tandis que Ladybug riait une main plaquée sur sa bouche.

-Nom de dieu ! C'est toi, Adrien ?! s'exclama la jeune femme abasourdie.

Les deux héros la regardèrent avec des yeux de merlan frits.

-D'accord, va falloir m'expliquer pourquoi tous nos amis ne nous calculent pas mais qu'elle si, lâcha Ladybug, dépitée.

Les yeux gris de Will s'arrêtèrent sur l'héroïne et une lueur de compréhension passa dans son regard.

-Marinette... ? tenta la jeune femme.

Cette dernière lui sourit en coin et hocha de la tête.

-Je crois que je vais avoir besoin de quelque chose de plus fort que le thé...

Pendant ce temps, Chat Noir s'épongeait consciencieusement avec une expression résignée.


-Nous sommes partenaires en escrime, Dridri. Bien sûr que je saurais reconnaître ton langage corporel même si tu étais déguisé en zombie, expliqua-t-elle sur le ton de la conversation.

Elle avait sorti une bouteille de rhum et avait corsé son thé en regardant les deux héros d'un air absent.

-N'empêche, c'est pas sympa de venir me faire des farces.

-Will, commença-t-il sur le ton si familier de son meilleur ami, il ne s'agit pas d'une plaisanterie.

Sa compagne posa une main sur son avant-bras.

-Nous sommes tout ce qu'il y a de plus sérieux. Adrien a beaucoup hésité à te faire cette proposition mais...

-Oh, vraiment ? la coupa-t-elle, acide. Parce que je suis une bonne à rien aux instincts morbides ?

Elle fusillait le héros du regard qui lui rendait la pareille.

-Bon, ça suffit. Tu n'as pas l'air de vouloir parler. On repassera un autre jour, lança-t-il en se levant, passablement excédé.

Sans bouger de sa place, Ladybug l'attrapa par la ceinture lui faisant office de queue. Il trébucha et se retourna vers elle avec un air contrarié. Elle tapota la place sur le canapé.

-Nous n'avons pas terminé, Chaton.

-Chaton ? pouffa Will en se moquant du surnom affectueux.

Elle ne contint que difficilement l'hilarité qui s'était emparée d'elle. Sous le masque, Adrien fulminait toujours en lui lançant des regards meurtriers.

-Nous souhaiterions que tu nous rejoignes dans la lutte contre le Papillon en devenant une héroïne à ton tour, déclara Ladybug sans prêter attention à leur manège.

-Pourquoi moi ?

-Tu es la personne la plus digne de confiance et la plus apte que nous connaissons pour remplir le rôle que nous te destinons.

-Cependant, ce ne sera pas sans conséquences sur ton quotidien, ajouta Chat Noir. Comment tu peux t'en douter, la vie de héros... ce n'est pas qu'une partie de plaisir.

-D'accord.

Les deux héros se regardèrent avant de se tourner vers la jeune femme.

-Euh, tu es sûre ? demanda Ladybug, mal assurée.

Elle vida sa tasse puis la déposa sur la table avant de hausser les épaules.

-Certaine, je n'ai rien de mieux à faire de toute à façon.

-Bon, eh bien... c'était facile, commenta le protecteur de Paris, décontenancé.

Il sortit un boîtier noir recouvert d'inscriptions rouges et le lui donna. Étonnée, Will l'ouvrit et découvrit un peigne à cheveux décoré d'une abeille. Une lumière jaune vif sortit et une étrange créature jaune à rayures noires apparut devant ses yeux ébahis. Elle ouvrit les yeux et lui sourit.

-Bonjour, je m'appelle Pollen et je suis le kwami de l'abeille, se présenta-t-elle d'une voix fluette.

Will, toujours muette, fixa la créature avant de regarder à nouveau ses amis.

-C'est quoi cette arnaque ? Je croyais que je devais devenir une héroïne et tu me refiles un bijou clinquant en guise de pot de vin pour que je fasse du dog-sitting ?

Ladybug éclata de rire sous le regard affligé de son partenaire. Un peu décontenancé, le kwami reprit :

-Non, non ! Je ne suis pas un chien. Je suis l'esprit lié au miraculous de l'abeille. C'est moi qui te donnerai tes pouvoirs comme le font les autres kwamis pour Chat Noir et Ladybug.

-Aaaaah ! Et qu'est-ce que j'aurais comme pouvoir ?

-Le Royal Jelly, déclara fièrement Pollen. Il te permettra de recharger les pouvoirs des miraculous de tes alliés.

-VRAIMENT ?! s'exclamèrent les protecteurs de Paris.

Le kwami jaune rit en voyant leur mine ahurie.

-Après l'utilisation de ton pouvoir, tu disposeras d'à peu près cinq minutes avant de te détransformer. Pour que je récupère des forces, il faudra que je mange du miel. De fleurs, de préférence.

-Sérieusement ? Tu es le kwami de l'abeille, tu t'appelles Pollen et tu te nourris de miel de fleurs ? résuma Will perplexe.

Pollen ignora le ton sarcastique de sa nouvelle porteuse et continua sur sa lancée.

-Ton arme sera la rapière et elle te permettra de paralyser les ennemis que tu marqueras deux fois au même endroit.

Will eut un sourire en apprenant que son arme serait celle qu'elle manie depuis plusieurs années déjà.

-Et comment je fais pour me transformer ?

-Il faut que tu portes mon miraculous sur toi et que tu dises "Pollen, transforme-moi" ! Essaie ! l'encouragea-t-elle.

Un peu gênée, comme si elle faisait un essayage sans être derrière le rideau d'une cabine, elle se fit une queue de cheval et inséra le peigne à la base de celle-ci.

-Pollen, transforme-moi !

Dans une pluie d'étincelles jaune doré, elle revêtit une combinaison moulante jaune à rayures noires. Elle portait un masque, de longs gants et des cuissardes noires. Une rapière ressemblant à un dard se trouvait à sa taille. Elle jeta un coup d'oeil dans son dos et lâcha un cri d'excitation en se retournant pour montrer aux héros sa trouvaille.

-J'ai des AILES ! Je peux VOLER !

Les ailes transparentes se mirent à battre frénétiquement, émettant le bruit caractéristique du vol des abeilles. Tout à coup, Will quitta le sol et vola à travers la pièce avec extase. Avant de se prendre une cloison en faisant un virage trop serré. Elle s'écrasa au sol sous les rires de Chat Noir et Ladybug. Le héros lui tendit une main secourable qu'elle accepta en se relevant.

-Bon, il va falloir que je m'entraîne un peu, concéda-t-elle en riant.

-Pour revenir en civil, tu n'as qu'à appeler ton kwami. Plagg ?

Adrien se détransforma dans une lueur vert sombre. Marinette apparut sous sa forme civile dans un nuage d'étincelles rouges et rosées.

-Pollen, appela doucement Will.

Le kwami réapparut devant elle avec un grand sourire et une étincelle dans ses yeux noirs.

-C'était génial ! s'exclama la nouvelle porteuse du miraculous de l'abeille. Je ne m'étais pas sentie aussi vivante depuis.... woh, longtemps !

-Sans vouloir gâcher ton enthousiasme, commença Marinette, il faudra que tu préserves ton identité secrète. As-tu une idée de nom de héros ?

La rousse fit mine de réfléchir en échangeant un regard avec Pollen.

-Que penses-tu de Wasp ? Ça veut dire "guêpe" en anglais, lui demanda-t-elle avec un grand sourire.

-C'est parfait, approuva le kwami en sautant.

-Eh bien, c'est décidé ! Je serai Wasp ! proclama la jeune femme avec un air triomphant.

Autant tout à l'heure, elle était au trente-sixième dessous, autant maintenant elle se sentait d'attaque pour décrocher la lune.


Quand elle se retrouva seule avec Pollen, elle farfouilla dans ses placards pour trouver un pot de miel. Elle le lui ouvrit et le kwami se régala.

-Merci beaucoup !

Will lui sourit, attendrie. Une fois repue, Pollen s'assit sur le plan de travail et la fixa, pensive.

-Il faut que tu saches que lorsque tu te transformes, nous fusionnons. En quelque sorte.

-Oui, et alors ?

La petite abeille se gratta la tête avant d'accrocher son regard.

-Alors, je suis capable de ressentir les émotions de ma porteuse, déclara-t-elle avec prudence. Tu as le cœur brisé, Will.

Cette dernière soupira, sentant la mélancolie et la douleur la menacer de leurs assauts interminables.

-Pour ne rien te cacher, oui.

-Je t'en parle pour te mettre en garde, car il est aisé de sombrer quand on souffre. Ne cède pas aux ténèbres, Will, sinon tu m'entraîneras avec toi dans ta chute. Comme Papillon.

La jeune femme se redressa, horrifiée à l'idée qu'une chose pareille puisse lui arriver. Elle ignorait pourquoi mais elle ressentait une intime connexion avec Pollen depuis leur rencontre aussi soudaine qu'extraordinaire.

-Je ne laisserai jamais une telle chose arriver ! proclama-t-elle.

Le kwami jaune lévita au niveau de son visage et plongea son regard dans le sien avec gravité.

-Et pourquoi cela ? la défia-t-elle un peu.

Willelmina mit ses mains en coupe pour accueillir son kwami et la regarda avec une certaine émotion.

-Parce que maintenant, j'ai une raison de me lever le matin.


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Ah, Will, Will... ce personnage est difficile à écrire, car il a des enjeux dramatiques. Mais il ne faut pas que ça tombe dans l'émo-dark-trash-dépressif. Je suis toujours sur le fil avec elle. J'espère qu'elle vous plaît quand même ^^

Merci de m'avoir lu jusque là et à bientôt pour la suite avec Alya /o/

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