Chapitre 19 - L'interview

-Rappelle-moi pourquoi j'ai accepté cette interview déjà ? gémit Ladybug, assise à côté de Chat Noir.

Alya et Nino faisait les dernières vérifications techniques pour enregistrer l'évènement et le diffuser en direct live. Un petit attroupement de touristes et de locaux leur faisait des signes auxquels ils répondaient avec un geste de la main. Si ce n'était les flashs qui les éblouissaient par moments, il n'était pas tout à fait désagréable de prendre un bain de foule. L'image publique, tout ça, tout ça.

-Parce que c'est ta meilleure amie ? suggéra son partenaire à voix basse.

-Pas celle de Ladybug, fit-elle avec beaucoup de mauvaise foi et un sourire devant des touristes chinois qui les mitraillaient.

Chat Noir leva les yeux au ciel, geste très inhabituel chez lui qui la fit sourire. Il se retint de justesse de l'embrasser dans le feu de l'action.

-Attention, chaton, le prévint-elle, un peu paniquée.

-On va pouvoir commencer ! lança soudainement Alya en s'asseyant dans sa chaise.

Les deux héros se tournèrent vers l'apprentie journaliste et se concentrèrent pour éviter des gestes affectueux qu'elle ne manquerait pas de remarquer.

-Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir accordé cette interview et d'avoir sacrifié votre grasse matinée pour vos fans.

-Mais de rien, fit simplement Ladybug qui pleurait intérieurement sur sa nuit réparatrice.

-Toujours un plaisir, répondit Chat Noir avec un sourire charmeur.

L'héroïne ne put s'empêcher de sourire.

-Alors, hier était le cinquième anniversaire de votre apparition et du début de votre combat contre le Papillon. Quel effet cela vous fait ?

Sous le masque, Marinette sentit ses entrailles se liquéfier. Elle ne s'était pas tout à fait remise de l'affrontement, enfin du dîner avec son... beau-père ? Et Alya faisait, sans le savoir, un lien avec ses propres interrogations.

-Cela me fait l'effet que le temps passe vite, dit-elle en gardant un sourire de façade. N'est-ce pas, Chat Noir ?

-Tout à fait, ma Lady ! Pas de repos pour les braves ! renchérit-il sans laisser paraître qu'il avait remarqué son trouble. Je m'en souviens comme si c'était hier, je venais à peine d'acquérir mes pouvoirs que je devais déjà les mettre en action.

-Oui, c'était pareil pour moi, continua-t-elle avec une certaine nostalgie. Je me sentais si gauche et pas prête pour affronter les épreuves qui m'attendaient. Heureusement que tu étais là.

Ils échangèrent un regard plein de tendresse. Alya reprit au bout d'un moment :

-Et au bout de toutes ces années, avez-vous une idée de ce que désire le Papillon ? Son objectif ?

Ladybug fut impressionnée par le sérieux de ces questions, Alya avait évolué. Sa façon de se tenir, le ton dans sa voix, la tournure de ses phrases. Elle avait gagné en maturité.

-Ce n'est pas quelque chose que nous souhaitons communiquer. J'espère que vous comprendrez que vous révélez des informations de manière publique pourrait arriver à ses oreilles, déclara Chat Noir avec un sourire d'excuse.

Lui aussi avait changé, il était bien sérieux tout à coup quand on abordait le sujet. Et il est vrai qu'ils n'avaient pas eu, ou plutôt pris, le temps de se poser pour qu'elle lui parle à cœur ouvert de ses préoccupations. Oui, ils avaient eu autre chose à faire.

-Bien sûr, je comprends. Alors peut-être pourrez-vous répondre à cette question. Vous l'avez peut-être manqué mais la dernière vidéo de vos exploits postés sur le Ladyblog a déchaîné les passions. La voici.

Ladybug jeta un regard en coin à Chat Noir qui le lui rendit, sans comprendre. C'était de ça dont elle avait oublié de parler. Ce fut rapide mais le montage trouva un écho particulier chez le héros en noir. Elle connaissait ce sourire attendri, il la voyait lui aussi. Cette harmonie nouvelle entre eux, cette proximité criante d'une intimité toute autre que professionnelle.

-D'aucun disent qu'on pouvait spéculer sur la nature de votre relation depuis des années et qui dépasserait le cadre de vos exploits héroïques. Mais après le visionnage de cette vidéo, le doute ne serait plus permis. Ladybug, Chat Noir, pouvez-vous nous confirmer le nouveau statut de votre relation ?

Vite, il fallait répondre. Vite. Mais quoi ? S'afficher publiquement n'était pas souhaitable. La protectrice de Paris commençait à retrouver les élans paranoïaques qu'elle avait du temps où elle ignorait l'identité de Chat Noir. C'était une chose de savoir entre eux, c'en était une autre de le faire savoir au monde. Il y avait beaucoup en jeu. Par ailleurs, quelle que soit leur réponse, internet se chargerait d'interpréter comme il le voulait. Elle se sentait piégée.

-Non, nous ne le pouvons pas, déclara-t-elle finalement d'une voix qu'elle espérait maîtrisée.

-Ma Lady ?! s'exclama son partenaire avec un mouvement de recul théâtral. Tu me brises le cœur !

Il singea des larmes de désespoir, puis mit genou à terre en tendant les bras vers elle.

-Je te voue un amour éternel, comment peux-tu y rester insensible ?

Son cœur bondit dans sa poitrine, il jouait vraiment la comédie ? Ou bien exprimait-il le désespoir qu'il avait réellement enduré ces années durant avant qu'ils ne se trouvent enfin ? Ladybug le fixa de ses yeux bleus, grave.

-Chat Noir, il n'y a pas d'avenir possible entre nous sans connaître nos identités. Et tu sais que la protection des personnes qui me sont chères m'est primordiale, tu en fais partie.

Le héros sembla troublé par cette déclaration. Il ne devait sans doute pas s'attendre à ce qu'elle rentre dans son jeu. Le silence s'installa entre eux. Avec un sourire en coin, elle l'invita à reprendre place à ses côtés puis Ladybug se tourna vers Alya qui avait gardé un silence religieux durant leur échange. Elle avait des étoiles dans les yeux.

-Une autre question ? l'encouragea l'héroïne.

-Ah euh, oui !

Elle jeta un coup d'œil à sa fiche et se redressa avec une expression sérieuse.

-Vous êtes les protecteurs de Paris mais également des personnes lambda dans la vie de tous les jours. Comme nous l'avons dit plus tôt, cela fait cinq ans que vous nous protégez au péril de votre vie. Comment vous imaginez-vous dans cinq ans ?

Par le pouvoir du crâne ancestral et la barbe de Yoda réunis, Ladybug crut qu'elle allait faire bouffer sa fiche à sa meilleure amie. Mais c'était pas possible de mettre les pieds dans le plat à ce point et de viser juste à chaque fois ?! Elle envisagea quelques secondes de la faire disparaître pour le bien de l'humanité et sa tranquillité d'esprit.

-Eh bien, je n'y ai pas vraiment réfléchi. Je n'aimerai pas forcément avoir à tenir ce rôle toute ma vie, lâcha-t-elle.

Ladybug sentit que son compagnon réagit à sa déclaration.

-Comprenez-moi bien, j'aime ce que je fais et je suis fière de ma mission de protéger mes concitoyens. Mais je mets ma vie en danger quotidiennement, je dois sacrifier ma vie personnelle en le cachant à tout le monde. Ce n'est pas une vie facile, loin de là.

En se tournant vers Chat Noir, elle vit dans son regard toute la sollicitude qu'il pouvait se permettre en public.

-Et vous, Chat Noir ? relança Alya.

-Aussi longtemps qu'on aura besoin de moi, je serai là, affirma-t-il avec un clin d'œil. Mais il est vrai que je songe parfois à la retraite. J'aimerai avoir une vie de famille.

Ladybug retint un sursaut et les questions qui lui brûlaient les lèvres. Il venait vraiment de lui dire ça ? En direct ? Il n'avait pas fait ça quand même ! Le héros dut le réaliser et noya le poisson en se mettant à prendre la pose tel un top model. Tentant « vainement » de séduire sa lady en lui demandant si cela la tentait d'avoir des petits chatons et des petites coccinelles. Les joues rouges, n'en croyant pas ses oreilles, elle préféra lever les yeux au ciel.

-Parfois, il serait préférable que tu fermes ta boîte à camembert, Chat Noir, asséna-t-elle.

Les oreilles de ce dernier se plaquèrent en arrière d'une façon comique, et il se roula en boule par terre, feignant le désespoir.

-Quelle diva ! commenta Ladybug, insensible à sa comédie.

Soudain, un cri d'horreur déchira l'atmosphère légère. L'héroïne se tourna instantanément vers l'origine de la gorge humaine qui avait exprimé une terreur sans nom. Chat Noir s'était redressé aussitôt, sur ses gardes.

-Alya, Nino, nous reprendrons plus tard si vous le voulez bien, fit Ladybug en sortant son yoyo prêt à en découdre.

Son partenaire sortit son bâton et se propulsa en l'attrapant au passage. Instinctivement, elle s'accrocha à lui comme elle l'avait fait tant de fois auparavant. En arrivant sur place, ils se rendirent compte que l'akuma du jour était un immense monstre d'eau.

-Ma Lady ? commença son compagnon.

-Laisse-moi deviner, les chats n'aiment pas l'eau ? fit Ladybug en cherchant l'objet contenant l'akuma.

-L'eau froide.

Amusée, elle secoua la tête sans quitter leur adversaire des yeux. L'akuma était vraisemblablement au coeur de l'immense créature à laquelle il faisait face. Ils distinguaient vaguement une ombre humanoïde dans la silhouette aqueuse.

-Il va falloir le sortir de son enveloppe sinon, on ne pourra pas purifier l'akuma, lança Chat Noir.

Il bondit pour l'attaquer avec son bâton. Son arme fit littéralement un plat, c'était comme s'il s'amusait à taper la surface de l'eau. Le héros esquiva en arrière pour retourner aux côtés de partenaire. Faisant tourner son bâton dans une main, il semblait analyser la situation. L'akuma les avait repéré et s'apprêtait à les charger.

-On va devoir utiliser nos pouvoirs, cette fois-ci, déclara-t-il en bondissant sur le côté.

-J'en ai bien peur, Chaton ! Lucky charm !

Un nouvel objet rouge à pois noirs lui tomba dans les bras, la laissant perplexe.

-Un pied de biche ? Mais les armes contondantes sont inutiles !

Ladybug ne se laissa pas décourager et analysa à son tour leur environnement. Une fois son plan mis au point, elle en donna les grandes lignes au héros chargé de le distraire. Elle fonça vers un bac à sel qu'on installait en prévision des  gelées prochaines. D'un savant coup de pied de biche, elle l'ouvrit et le renversa sur le sol. Répétant l'opération à plusieurs, l'allée s'était transformée en une mer de sel. Elle porta ses doigts à ses lèvres et siffla. Ce fut le signal.

A l'autre bout de l'allée, Chat Noir déboula au pas de course poursuivi par l'akuma. Le héros bondit avec toute la grâce féline dont il était capable et fit un dérapage contrôlé sur la piste saline. Sur son passage, le monstre d'eau absorbait tout le sel. Il commença à montrer des signes de faiblesse et d'inconfort. Ce fut le moment où Ladybug lança son yoyo sur un lampadaire de l'autre côté de l'allée et le tendit à un autre de son côté. Chat Noir dépassa sa position sur les genoux, en se penchant en arrière, comme s'il était à une compétition de limbo et lui fit un signe de victoire.

Lorsque la victime du Papillon arriva à son tour, elle semblait suffoquer mais décidé à attraper son partenaire. Trop focalisé sur sa cible, il ne remarqua pas le filin mis à en travers. Il le percuta violemment, pliant les lampadaires sous le choc de l'impact. La masse d'eau se dispersa et laissa en arrière une femme étendue et sonnée. L'héroïne sauta sur l'ouverture et la rejoignit pour chercher l'objet akumatisé. Elle repéra l'écusson curieusement noir d'un uniforme de la voirie et l'arracha pour le déchirer. Elle eut à peine le temps de purifier le papillon noir qu'un des lampadaires céda pour s'écraser sur elles.

Sans la moindre hésitation, Ladybug s'interposa pour le réceptionner mais Chat Noir surgit, vif comme l'éclair et utilisa son cataclysme pour instantanément détruire la menace. Essoufflé, il la fixa s'assurant qu'elle allait bien. La victime du Papillon était déboussolée, et ne savait plus où elle en était. Elle hurla d'horreur. Ladybug se retourna et comprit d'où venait la menace. Le second lampadaire.

Elle écarta Chat Noir qui fut projeté. Les bras en croix, elle réceptionna la colonne d'acier qu'elle tenta de dévier pour protéger la civile. Une douleur fulgurante lui déchira les bras avant, lorsque la colonne retomba lourdement dans un nuage de poussière et de seul. Des larmes lui vinrent tandis qu'elle gardait ses bras repliés sur eux-mêmes, tentant de maîtriser la douleur par sa respiration.

-Ma Lady ! Mon dieu, non ! Qu'as-tu fait ? s'écria Chat Noir, paniqué et ne sachant quoi faire.

-Lance mon pied de biche en l'air, articula-t-elle entre ses dents.

-A tes ordres !

Il s'exécuta et les coccinelles magiques réparèrent les dégâts. Sauf ses blessures.

-Je crois que... j'ai les bras cassés, dit-elle entre ses dents. 

Ses boucles d'oreilles bipèrent. Le moindre mouvement, même respirer, faisait bouger ses bras, lui tirant des larmes.

-Il faut que je t'emmène à l'hôpital, lui dit-il en la prenant dans ses bras avec autant de précaution que possible. Pardon, pardon, je suis désolé !

Déjà des journalistes accouraient. Son propre anneau commençait à biper. Chat Noir prit la tangente. Chacun de ses pas était un à-coup pour ses fractures, une torture innommable. Elle eut la nausée en sentant les bouts s'entrechoquer.

-Non, surtout pas ! 

-Ne sois pas ridicule, tu as besoin de soins !

-Gardien... Tikki... Plagg... 

La douleur fut telle qu'elle perdit connaissance.


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Les choses se corsent ! huhuhuh =3

Je vous préviens juste que je reçois des amis pendant toute la semaine et que je posterai moins souvent les chapitres. Mais n'ayez crainte, je continue /o/

A très bientôt /o/

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