Chapitre 11 - Will
LB : deal ?
Marinette souriait à pleine dent, le visage éclairé par l'écran de son portable.
CN : deal
Elle se sentait euphorique et triomphante. C'était elle qui avait pris l'ascendant dans la conversation. Faire perdre ses moyens à Chat Noir était une sensation nouvelle et délectable. Puis, elle se souvint fort opportunément qu'elle avait déclaré à plusieurs reprises qu'elle ne voulait pas hâter les choses. Objectivement, c'était un ratage complet.
En temps normal, ou plutôt il y a encore un mois, elle aurait perdu pied, pris peur et se serait enfui. Ici et maintenant, elle se sentait vivante, dans un état proche de l'exaltation. C'était donc ça "flirter" ? Elle comprenait aisément pourquoi tant de monde aimait ça. Ce petit pas de deux à qui avance, à qui recule. Ne voir qu'Adrien l'avait peut-être privé de quelque chose. Elle n'aurait même pas osé le faire avec lui, se désola-t-elle.
Avec Chat Noir, il y avait toujours eu des non-dits même si Marinette repoussait rituellement ses avances. L'issue serait-elle heureuse si la jeune femme non seulement les acceptait mais se mettait à lui en faire ?
Un nouveau bip interrompit le fil de ses pensées.
CN : ma Lady ?
LB : oui, mon chaton ?
Il écrivait, arrêtait, effaçait, ré écrivait...
LB : un problème ?
Sa réponse fut pour le moins inattendue.
CN : je voulais juste être sûr et certain que tu savais ce que tu faisais
CN : que tu ne faisais pas ça sur un coup de tête
CN : et que tu ne le regretteras pas
Marinette fut touchée de sa sollicitude. Elle se dit que décidément, elle n'était entourée que de personnes adorables pleines d'attentions envers elle.
LB : bien sûr que si
LB : c'est sur un coup de tête
LB : mais je sais avec qui je le fais
Chat Noir refit son petit manège pendant un moment sous le regard amusé de Marinette. Finalement :
CN : 4 - 1
LB : ;)
CN : je vais te laisser
CN : bonne nuit, ma Lady
LB : bonne nuit, mon chaton
Il se déconnecta et elle fit de même. Marinette rangea son portable dans sa poche et savoura le moment présent.
Lorsqu'elle envisagea de rentrer chez elle, Adrien la rejoignit dans la cour.
-Excuse-moi de te déranger. Mais aurais-tu vu Will ?
-Je crois qu'elle m'a dit vouloir rentrer y a quoi ? Une demi-heure peut-être ?
Il eut un air soucieux.
-Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda-t-elle intriguée.
-Tu as dû remarquer qu'elle ne va pas bien ?
-Oui, elle m'en a touché deux mots.
-Vraiment ?
-Après m'avoir fait part de l'admiration qu'elle avait pour moi, oui.
Elle lui fit un immense sourire puis éclata de rire en voyant son visage se décomposer.
-Je croyais que tu ne m'en voulais pas ?
-C'est vrai, je ne t'en veux pas... Dridri.
Son rire redoubla quand il se cacha le visage d'une main. Il semblait ne pouvoir en supporter davantage.
-Alors pourquoi tu prends un malin plaisir à me torturer comme ça ?
-Parce que c'est trop tentant pour vouloir y résister.
Marinette partit dans un fou rire incontrôlable sous le regard dépité d'Adrien. Il eut un petit sourire, l'air de dire qu'il aurait fait la même chose si leur place avait été inversée. Elle le vit lui faire un signe de tête, lui demandant s'il pouvait s'asseoir. En train d'essuyer ses larmes, elle acquiesça à bout de souffle.
-Oh merde.
Marinette fut interloquée. Le jeune homme ne jurait que très rarement.
-Elle va vraiment très mal, lâcha-t-il en découvrant le paquet de cigarettes au chocolat.
-T'inquiète pas, c'est pas des vraies, lui dit-elle en se souvenant de sa propre erreur.
-Je sais. Mais tu comprendras peut-être mieux si je te dis que sa grande sœur lui en donnait en cachette quand elle était petite. Pour jouer à la grande avec des fausses cigarettes. C'est sa madeleine de Proust. Elles étaient très proches.
-Etaient ? demanda Marinette avant de comprendre. Oh merde.
-Comme tu dis. Je ne veux pas paraître impoli mais je vais aller m'assurer de savoir où elle est et si elle va... enfin si elle est saine et sauve. Pas que je craigne qu'elle fasse quoi que ce soit de grave, mais Will a parfois des réactions démesurées, expliqua-t-il en se levant.
Marinette se leva en même temps que lui, inquiète pour la jeune femme.
-Je viens avec toi.
-Quoi ? Toi aussi, tu t'es subitement pris d'affection pour elle ? lui demanda-t-il en rentrant dans l'appartement.
Marinette ne sut dire s'il était étonné ou agacé.
-J'ai encore le droit d'apprécier qui je veux, fit-elle un peu sèchement en le suivant.
Elle le vit se retourner les yeux écarquillés et le teint livide.
-Marinette, je ne sous-entendais pas que tu m'appartenais d'une quelconque manière, ni Will d'ailleurs ! Non, non, jamais ! C'est juste que... le charme particulier de Will a tendance à faire pas mal de tri dans son entourage proche. Genre, frappe chirurgicale. Je suis juste étonné que Nino et toi, en partant sur de mauvaises bases, l'adoptiez en fin de compte. Au contraire, ça me fait plaisir.
Il fit une pause et chercha Nino et Alya du regard.
-Je reviens, je vais les prévenir qu'on part.
-Je vais prendre mon sac et je t'attends devant l'immeuble.
Il hocha de la tête et ils se séparèrent. Adrien revint bien vite, il sortit ses clés de voiture et monta prestement. Marinette s'assit en place passager en même temps qu'il démarrait le moteur. Il lui tendit son téléphone déverrouillé et démarra.
-Appelle-la pendant que je nous emmène chez elle.
Elle chercha son nom dans son annuaire et n'eut pas longtemps à chercher. Marinette constata avec un serrement à la poitrine qu'Adrien n'avait que dix contacts dans son téléphone. Elle ne s'attarda pas sur le fait qu'elle était assignée dans le groupe « proches » avec Alya, Nino, Kagami, Chloé et Will. Les autres étaient son père, Nathalie, le « Gorille » (?) et un photographe célèbre qui faisait ses shootings. En écoutant les sonneries dans le vide, elle se désola que la solitude du jeune homme ne semblait pas avoir diminué avec le temps et les rencontres. Après une troisième tentative d'appel :
-Elle ne répond pas, dit-elle en raccrochant, le regard fixé sur la route.
Adrien jura entre ses dents. Elle lui jeta un coup d'œil et constata qu'il serrait plus que nécessaire les mains sur le volant. A un feu rouge, il s'accouda à sa portière, l'air hanté par un cauchemar.
-Ne fais pas ça, Will, ne fais pas ça, murmura-t-il comme une prière.
Marinette préféra garder le silence et posa sa main sur la sienne, lui communiquant son soutien. Il la regarda et lui fit un sourire reconnaissant. Lorsqu'ils arrivèrent devant chez elle, il bondit hors de sa voiture à peine garée. Son amie le suivit sur ses talons. Lorsqu'elle ne répondit pas plus à l'interphone, il sortit son double des clés et passa en hâte la porte d'entrée et l'interpalier. Ils couraient comme si l'enfer était à leurs trousses.
Il sembla à Marinette que l'ascenseur prit un temps fou pour monter au cinquième étage. Son compagnon de cabine sortit en trombe et se jeta sur la serrure avec une telle nervosité qu'il fit tomber le trousseau. Elle l'écarta doucement mais fermement et ramassa les clés avec le calme qu'elle éprouvait quand elle faisait face à un akuma. La jeune femme ouvrit promptement la porte et se précipita en sentant l'odeur caractéristique du gaz. Dans la cuisine, Will était étendue par terre, inconsciente. Une bouilloire et son contenu étaient renversés par terre et le feu d'une gazinière était ouvert.
Retenant sa respiration, Marinette ferma le feu et alla ouvrir toutes les fenêtres du séjour pour aérer.
-Je sens son pouls, lâcha Adrien rassuré en la soulevant dans ses bras.
Il l'amena à la fenêtre et attrapa un plaid traînant sur son canapé et la couvrit.
-Je vais appeler les secours, fit Marinette en sortant son téléphone sur le petit balcon.
Durant tout l'appel, Adrien couvait Will d'une inquiétude qui allait au-delà de l'amitié. Marinette se dit qu'il était vraiment quelqu'un d'extraordinaire. Une telle loyauté, une telle dévotion... elle retint un grognement de frustration. Rien de tout ça ne l'aiderait à l'oublier convenablement. Mais que pouvait-elle faire au fait qu'il était vraiment quelqu'un de bien ?
Un gémissement lui parvint pendant qu'elle communiquait l'adresse au standardiste à l'autre bout du fil. Will semblait émerger. Elle n'entendit pas ce qu'Adrien lui dit tout bas pendant qu'elle donnait les derniers détails avant de raccrocher.
En salle d'attente, elle avait envoyé un message à Alya et Nino pour les « rassurer ». Enfin, pour les tenir au courant. Ils s'étaient proposé de passer mais Marinette les enjoignit de reporter une visite au lendemain au vu de l'heure tardive.
Un gobelet fumant entra dans son champ de vision, Adrien était allé leur chercher un peu de réconfort auprès d'un distributeur automatique. Il s'assit sur le siège libre à côté d'elle, les yeux cernés et l'air épuisé. Les mains en coupe autour du chocolat chaud, elle savoura le réconfort du sucre et de la crème déshydratée-réhydratée.
-Merci. Alors ? s'enquit-elle, inquiète.
-Légère commotion, rien de grave. Le médecin m'a dit qu'elle avait eu de la chance qu'on soit arrivé si vite. Bon sang ! Heureusement qu'on n'a pas allumé la lumière, gémit-il en imaginant le cas contraire.
-Adrien, est-ce qu'elle... ? commença Marinette, après un temps d'hésitation.
-Est-ce qu'elle a tenté de se suicider ? lâcha-t-il en se penchant en avant, les coudes sur ses genoux. Je ne sais pas. De ce que j'ai vu, elle a l'air d'avoir glissé sur une flaque d'eau. Mais je ne suis pas détective et je ne suis pas dans sa tête. Qui sait ce que la douleur peut nous faire faire ?
-Tu le connais ?
Le jeune homme tourna la tête vers son amie.
-Qui ça ? Ah ! Oui et tu la connais aussi, fit-il avec un sourire goguenard.
Marinette chercha mentalement quelle connaissance pouvait-elle partager avec Will.
-C'est Kagami, précisa Adrien au bout d'un moment.
-Oh ! Mais... ? J'ai reçu une invitation au mariage de Kagami et ce n'est pas- Oh ! Oh. Je vois.
Le jeune homme hocha tristement de la tête. Elle sentit son cœur se briser en comprenant la situation de la jeune femme. Assez spontanément, leur regard se rencontra, faisant passer tout un tas d'émotions indescriptibles. Douleur, tristesse, compassion, amour. L'amour inconditionnel donné sans espoir de retour. Ils l'éprouvaient tous les deux sans le savoir.
-Merci d'être venue. Sans toi, je crois que je me serai juste effondré, lui dit-il avec émotion.
Ressentant sa détresse, Marinette lui prit la main et la lui serra pour lui faire comprendre qu'elle le soutenait. Il lui rendit son étreinte, essuyant quelques larmes qui échappait à ses paupières fermement closes.
-Je ne sais pas ce que ça fait d'avoir une sœur. Mais elle en est ce qui s'en rapproche le plus, lui confessa Adrien. J'ai eu tellement peur en la voyant étendue sur le sol, j'ai cru qu'elle...
N'y tenant plus, le visage inondé de larmes, Marinette le prit dans ses bras. Elle le sentit s'accrocher à elle comme un noyé à sa planche de salut. Une main sur son épaule, elle lui caressait le dos pour le réconforter. Il avait enfoui sa tête dans son cou et après avoir laissé échapper quelques larmes, il sembla y trouver un peu de sérénité. Durant un temps, ils restèrent ainsi, enlacés, encore sous le choc de ce qu'il venait de se passer.
Le médecin repassa les voir et les informa qu'ils la gardaient pour la nuit. Normalement, elle pourrait sortir demain. En voyant l'état des deux jeunes gens, il leur conseilla également de se tourner vers l'aide psychologique s'ils en éprouvaient le besoin. Ils le remercièrent et reprirent la voiture d'Adrien.
-Je... commença-t-il, gêné. Je n'ai pas envie d'être seul ce soir. Est-ce que ça te dérangerait de rester dormir chez moi ? J'ai une chambre d'ami.
Marinette sortit son téléphone et envoya un message à ses parents, qu'ils ne s'inquiètent pas.
-Bien sûr.
-Merci.
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Han, vous vous y attendiez pas à celle-là, hein ?!
A demain pour la suite /o/
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