Chapitre 10 - Le deal

Adrien était revenu chez Nino avec l'impression d'être une vache envoyée à l'abattoir. Lorsqu'il arriva, Marinette éclatait Kim à Ultima mecha strike VII. Il sourit en constatant qu'elle était toujours imbattable. Kim perdit et manifesta son désarroi avec des gestes rageurs pendant que la championne prenait une pose victorieuse.

- Le talent, Kim. Le talent, fanfaronna Marinette en faisant mine de se recoiffer. Alors personne n'est tenté par une fessée humiliante dispensée par votre humble servante ?!

- Si ce n'est pas de la vantardise, je ne sais pas ce que c'est, lança-t-il en espérant que son malaise ne soit pas trop visible.

Lorsqu'il croisa le regard de ses yeux bleus si familiers, il sentit distinctement son cœur cogner contre sa cage thoracique. Ses battements s'apaisèrent un peu quand elle lui sourit avec chaleur. Il retint cependant un sursaut quand elle lui toucha le bras pour lui faire la bise.

- Salut. Ce n'est pas se vanter si c'est la pure vérité. Tu devrais le savoir mieux que personne, le défia-t-elle en lui tendant la manette.

Il le savait, oui. Ils en avaient passé des après-midi à jouer ensemble, à exploser les scores, à tenter de se dépasser encore et toujours. C'était de bons souvenirs. Marinette lui accorda deux tours de chauffe avant de commencer les choses sérieuses. Adrien constata avec soulagement qu'il pouvait la côtoyer sans éprouver cette culpabilité qui ne l'avait jamais quitté depuis sa déclaration.

Enfin, c'est ce qu'il pensait avant que Will n'arrive. Elle déposa deux paquets de chips et une bouteille de soda sur la table servant de buffet. Nino vint l'accueillir en lui faisant la bise avec une affection qui le surprit beaucoup. Puis il constata que Will avait les yeux rougis. Ils les rejoignirent lorsque Marinette gagna sa troisième partie d'affilé.

- Je crois que tu m'as assez humilié pour le restant de mes jours. Je demande grâce ! fit-il en joignant les mains dans un signe de supplication.

- C'est bon, j'ai pitié de toi. Et puis on va pas rester sur la console toute la soirée, dit-elle tandis que Nino approchait avec Will.

- Ah Marinette, je te présente l'auto-proclamée meilleure amie d'Adrien, Willelmina "Mademoiselle Bulldozer" Beaupré, fit-il avec un grand sourire.

- Tu n'as pas l'impression d'en faire un peu trop, Nionio ? le taquina-t-elle.

- Pas du tout, Willelmina.

Elle soupira en roulant les yeux, sa chère amie regrettait visiblement de lui avoir dit son prénom. Se désintéressant de Nino qui partit à la recherche d'Alya, Will se tourna vers Marinette qui devait se sentir de trop et lui fit une bise sauvage.

- Enchantée de faire enfin ta connaissance, j'ai beaucoup entendu parlé de toi, declara-t-elle en jetant un regard à Adrien qui voulut disparaître sous terre.

- Ah.

Cette imitation de Denis Brogniart fit hurler la sonnette d'alarme d'Adrien qui prétexta une urgence pour se réfugier dans les toilettes. Il se tapa la tête contre le mur pour récompenser son manque de courage. Mylène le fit sortir des toilettes pour prendre sa place. Acculé, il trouva refuge dans la salle de bain. Il s'assit par terre contre la cabine de douche et se frotta les yeux, comme pour se réveiller d'un mauvais rêve.

Plus par instinct que consciemment, il sortit son téléphone et pianota dessus :

CN : ma Lady ?

Sa réponse fut quasiment instantanée.

LB : il y a une attaque ?

CN : pas d'akuma, rassure-toi

CN : j'avais juste besoin de parler

Après un petit temps, elle lui répondit.

LB : je t'écoute

Adrien respira à nouveau, il n'aurait pas supporté d'être rabroué en l'état actuel des choses.

LB : qu'y a-t-il ?

Le jeune homme hésita. Lui parler de ses problèmes actuels n'étaient pas envisageable. Pouvait-on seulement parler de problème ?

LB : Chat ? Tu commences à m'inquiéter

Alors il lui parla de ce qui lui pesait ces derniers mois.

CN : comment fais-tu pour supporter de mentir tout le temps à ton entourage ?

CN : parfois, ce secret me pèse tellement

CN : j'aimerai juste pouvoir être moi-même et pas seulement en montrer une partie quand je suis Chat Noir et une autre quand je suis en civil

LB : je suis désolée, Chat

LB : même si j'ai horreur de ça, je supporte les mensonges parce qu'ils ne sont pas faits avec l'intention de nuire

LB : sinon je n'ai pas fondamentalement la sensation d'être une personne différente dans un cas comme dans l'autre

LB : je suis Ladybug avec ou sans masque

LB : tu es si différent que ça ?

CN : je suis plus...

CN : ... lisse

CN : je ne suis pas ce boute-en-train au charme irrésistible ;)

LB : ce doit être reposant

CN : T.T

LB : je te taquine

LB : pourquoi ?

CN : c'est quand j'ai reçu mon miraculous que ma vie est enfin devenue intéressante

CN : sous le masque de Chat Noir, je peux être ce que l'on ne me permet pas en temps normal

CN : Libre

Les mots coulaient, fluides. Il ressentait un immense soulagement en vidant son sac, en s'ouvrant à elle.

LB : ce qui inclut de faire des jeux de mots interdits par la convention de Genève ?

CN : ils sont très bien mes jeux de mots !

CN : Mais oui, tu as saisi l'idée

CN : Je suis désolé de t'avoir saoulé avec cette histoire de révélation d'identité secrète

CN : Mais plus le temps passe et plus j'aimerai qu'au moins toi tu saches

LB : Chat...

CN : Laisse-moi finir

CN : s'il te plaît

CN : Tu n'aimerais pas qu'au moins une personne puisse partager ton secret ?

CN : Tu n'aurais plus à vivre dans cette solitude quotidienne

CN : Tu pourrais baisser ta garde, au moins avec cette personne

LB : Chat, je sais que je te saoule de mon côté avec ça mais ce n'est pas juste pour le plaisir d'être à cheval sur les règles

LB : Ce secret est là pour nous protéger, nous et nos proches

LB : imagine que l'un de nous soit akumatisé ?

LB : l'autre serait en grave danger

CN : impossible

CN : les porteurs de miraculous y sont immunisés

LB : seulement quand ils sont transformés

LB : je l'ai appris à mes dépens

En lisant cette ligne, il bondit presque d'horreur.

CN : QUOI ???????!

CN : MA LADY ?! ÇA VA ?!

LB : oui, je vais bien

CN : QUE STCEQUI SEZT PASSE ??!!!

LB : respire un bon coup, chaton

Effectivement, son souffle était court. Il tenta de contenir l'élan de panique qui menaçait de le submerger.

LB : Je vais bien

LB : essaie de ne pas de culpaviliser

CN : oh non

CN : cetait y a un mois c'est ca ?

LB : oui...

Il gémit en enserrant sa tête avec ses deux mains.

CN : je reviens je vais me pendre

LB : ...

CN : cest de ma faute !

LB : je tinterdi de penser ca !

LB : que je sache c'et le papillon qui envoe ses akuma

LB : pas toi

LB : tu n e pas le centr de mon univers chat

LB : et jai une vie endhors de ladybug

LB : et puis tikki ma reveillé avant quil ne soit trop tard

CN : Tikki ?

CN : ton kwami ?

LB : oui

LB : je me suis transformé et purifié lakuma

LB : tout va bien chat

CN : pourquoi tu nas rien di ?

LB : parce que je savais que tu reagirai comme ca

Cela le toucha plus qu'il n'aurait su le dire.

CN : tu me connais si bien...

LB : ca fait plus de 5 ans qu'on se connait

CN : déjà ?

LB : je commence à comprendre comment tu fonctionnes

LB : eh oui

CN : ce sont nos noces de bois :3

LB : ...

LB : c'est une façon de voir les choses...

CN : faudrait fêter ça !!

LB : fêter quoi ?

CN : notre rencontre, bien sûr !

LB : chat, je sais que tu aimes blaguer mais que recherches-tu au juste ?

CN : à t'être agréable ?

LB : ...

LB : Chat, tu as toujours des sentiments pour moi ?

Adrien sentit son cœur se contracter douloureusement. Après une conversation agréable et réjouissante et une petite parenthèse de panique, voilà qu'ils se rapprochaient d'une pente glissante. Sa raison lui disait de cesser cette conversation tant qu'il en était encore temps. Et comme on pouvait l'attendre d'un jeune homme raisonnable et bien élevé comme lui, il l'ignora souverainement. Mais prendre cinq minutes pour répondre à une question simple était on ne peut plus suspect. En tapant sa réponse, il eut l'impression de sauter dans le vide.

CN : jusqu'au jour de ma mort, ma Lady

Il lâcha son téléphone comme s'il était brûlant et, le cœur battant la chamade, attendit et attendit. Ce qui lui semblait être une éternité s'écoula avant que le signal de notification ne retentisse enfin. Loin de se précipiter pour prendre connaissance de sa réponse, il fixa l'écran avec angoisse. La lecture du prochain message pourrait le détruire, il le savait. Mais peut-être que non ? Il entendait de loin les allées et venues, les rires et la musique. Ils devaient avoir lancé un jeu à boire quelconque. Il se félicita de pouvoir s'y soustraire. Un héros doit rester sobre en toute circonstance si jamais le devoir l'appelait.

Il inspira profondément et déverrouilla l'écran.

LB : je ne sais pas quoi dire

Le jeune homme ressentit un vif soulagement et il lui sembla que la Terre tanguait. Elle ne l'avait pas rejeté.

CN : cela n'appelle pas une réponse

CN : mais je ne peux m'empêcher de remarquer qu'elle a changé depuis la dernière fois

Il se mordit la lèvre et regretta aussitôt son dernier message. Il avait dépassé les bornes. Elle allait l'envoyer sur les roses. Il finirait seul et vieux avec des pulls moches. Et il adopterait des perruches qui finiront par se nourrir de son cadavre après une overdose de churros.

LB : moi aussi, je l'ai remarqué

Quelques minutes s'écoulèrent, et n'y tenant plus :

CN : ma Lady ?

CN : ca va ?

LB : cela reste encore à déterminer...

CN : ...

LB : Chat Noir ne sachant pas quoi répondre ?

LB : je crois que je vais prendre mes bottes de neige pour demain

Il sourit.

CN : si ma Lady fait de l'esprit c'est que ca doit aller

LB : je suppose que oui ;)

Adrien sentit distinctement son palpitant manquer un battement en lisant le smiley clin d'œil.

CN : ma Lady... mon cœur ne va pas le supporter...

LB : quoi donc ?

LB : ca ? ---> ;)

Mais qu'est-ce qu'il se passait ?! Le jeune homme dut relire plusieurs fois les messages de son interlocutrice pour être certain de ne pas rêver.

CN : ...

LB : vu l'effet que ça te fait, je suis curieuse de le voir en direct ;p

Il y eut comme un court-circuit dans son cerveau en lisant le message. Il était en train de réaliser lentement mais sûrement que Ladybug, sa partenaire qu'il considérait comme son âme sœur  -n'ayons pas peur des mots -, était en train de flirter. 

Outrageusement. 

Avec lui. 

L'ironie de la situation voulut que cela le choque, trouvant même cela quelque peu déplacé. Non qu'il ne s'en réjouissait pas. Bien au contraire. Mais elle avait toujours repoussé ses avances et elle faisait soudainement volte-face ? Sans compter que chat échaudé craint l'eau froide. Il rit tout seul. Avec un sourire malicieux, il décida de rentrer dans la danse.

CN : ma Lady, je ne suis pas un chat de gouttière qu'on amadoue avec si peu

LB : serait-ce un défi, chaton ?

CN : je n'oserai pas, je suis sage comme une image !

LB : ah oui ? Disons que je relève le défi

LB : quels seraient les enjeux ?

La conversation échappait totalement à son contrôle, ce qu'il prenait avec un ravissement ébahi. Il se donnait l'impression d'être au volant d'une voiture lancée à pleine vitesse. Shooté à l'adrénaline, il sentait qu'il risquait à tout moment de quitter la route mais cela lui paraissait secondaire. Il était ivre de vitesse et ne voulait pas s'arrêter. Pour rien au monde.

LB : mais il faudrait déjà définir le cadre du défi

LB : des suggestions ?

Adrien eut la gorge soudainement sèche. Non, pas la moindre idée ne lui venait en tête. Il faudrait quelque chose de stupide où il serait gagnant-gagnant. Mais là, il n'arrivait pas à aligner deux pensées cohérentes. Une idée germa cependant peu à peu dans son esprit.

CN : lors du prochain combat contre un akuma, c'est toi qui feras les blagues et moi qui serai la voie de la raison

LB : tu as mon attention

CN : le premier qui sort de son rôle a perdu

CN : si je gagne...

Il retint son souffle. Est-ce qu'il osera ?

CN : je veux un baiser

LB : on a de l'ambition à ce que je vois, soit

Il n'arrivait pas à croire que Ladybug accepte aussi facilement.

LB : si je gagne, je te révélerai un élément de mon identité de ton choix

Il cligna des yeux, il ne comprenait pas. En quoi était-elle gagnante dans le fait de lui révéler quelque chose d'elle-même ? Alors qu'elle était à la limite de la paranoïa dès qu'ils effleuraient le sujet.

CN : mais...

CN : il n'y a pas d'enjeu, ma lady é-è

LB : tu crois ça ?

LB : je te laisse le choix entre avoir peut-être un baiser en gagnant ou d'apprendre à coup sûr quelque chose sur moi en perdant

LB : à toi de voir ce que tu désires le plus...

Le jeune homme fut frappé par le machiavélisme du stratagème et en fut très impressionné. Sa Lady se révélait une adversaire habile et très joueuse. Soit il gagnait et il avait un baiser, soit il perdait exprès et pouvait obtenir une information, n'importe laquelle ? Et ce serait une double défaite, car il serait tombé dans son piège de son plein gré. En se retrouvant précisément là où elle le voulait. Il en eut des frissons.

CN : je n'ai jamais été aussi content qu'on soit dans le même camp

LB : heureuse de constater que tu continues de le croire

CN : ...

LB : 3 - 1

CN : bien sûr que tu comptes les points...

LB : >:)

LB : deal ?

Adrien ne réalisait pas comment la conversation avait pu dériver à ce point.

CN : deal

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Gros chapitre où ça part en cahuète /0/
Si vous avez lu jusque là, vous aurez remarqué que j'alterne les points de vue de Marinette puis d'Adrien.
Le prochain chapitre, nous retournons voir du côté de notre héroïne si elle n'aurait pas un peu bu en fin de compte ;)

Merci de m'avoir lu jusqu'ici *-*

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