Chapitre 27 : Une surprise masquée
Une semaine et demi s'est écoulée depuis ma réconciliation avec Julio. Et je dois dire que, depuis ce jour-là, tout se passe mieux entre nous. La complicité et les bons moments sont revenus. J'ignore comment le vit Julio mais, pour ma part, je ne l'ai jamais autant aimé. Et je suis vraiment heureuse que notre relation soit repartie de plus belle. J'espère que ça durera encore longtemps.
- Tu es prête, ma chérie ? me demande María en passant un bras autour de mes épaules.
Je jette un coup d'œil à mon ordinateur avant de me tourner vers elle.
- Je n'ai jamais été aussi contente de ma vie ! Les billets seront disponibles en réservation dans quelques minutes, j'ai hâte de voir combien de personnes voudront venir à ma conférence.
Il y a quelques jours, des journalistes m'ont attrapée non loin de chez moi pour me poser des questions quant à cette conférence. J'ai eu une pub supplémentaire à laquelle je ne m'attendais pas spécialement. Mais la peur que personne ne veuille venir me creuse l'estomac.
- La honte si personne ne vient, je ris jaune en me rasseyant sur ma chaise.
- Arrête de dire n'importe quoi, mi amor, sourit María. Ils t'adorent. Je te promets qu'il y aura du monde.
- Je suis plus stressée que pendant mes examens, je pigne en tapant des pieds.
La réservation en ligne s'ouvre dans moins d'une minute. Le site internet est ouvert devant mes yeux au cas où il y aura un problème. J'ai devant moi une version interne du site, je vais pouvoir observer en temps et en heure le nombre de places réservées. Depuis une semaine, j'ai rappelé plusieurs fois sur mes réseaux sociaux la date et le lieu de la conférence. J'espère que ça portera ses fruits.
- Plus que dix secondes, s'enjoue María en sautillant sur place. Je suis si fière de toi, ma Rym.
Elle me fait un énorme bisou sur la joue avant que nous commencions à faire le compte à rebours. Dès que les places s'affichent sur le site internet comme étant disponibles, sur le coup, il ne se passe rien. J'attends un peu plus d'une minute avant de mettre la page à jour ; mais lorsque je le fais, un message d'erreur apparaît. J'appelle directement l'agence qui s'occupe de la maintenance du site internet.
- Pourquoi le site a planté ? je m'inquiète en passant une main dans mes longs cheveux.
- Il y a plus de deux mille personnes sur le site en ce moment même, rigole-t-elle. Il n'a pas supporté, nous sommes en train de le réparer.
- Deux mille personnes ? je m'affole en me levant de ma chaise.
- Ça fait un paquet de gens qui vont se battre pour choper les deux cents places disponibles ! Je vous envoie un message quand le site refonctionnera.
J'annonce directement sur mes réseaux sociaux l'arrêt du site internet dû au trop grand nombre de personnes présentes. Je reste encore bouche bée du nombre donnée par l'agence. Deux mille personnes ! Un sentiment de fierté me parcourt tout le corps. Je suis si heureuse ! J'enlace avec force María dans mes bras avant qu'elle ne sorte de ma chambre en me félicitant pour la dixième fois de la matinée. Je me laisse tomber sur mon lit, tout sourire. Il faut que j'annonce ça à quelqu'un. Par réflexe, je décide d'appeler ma meilleure amie. Elle hurle au téléphone tant elle est contente pour moi, ce qui décuple mon sourire.
- Je n'ai pas de mot pour te dire à quel point je suis fière de toi, ma petite Rym. Tu vas tout donner demain soir, tu es la meilleure, tu le sais.
Je reste au téléphone bien dix minutes avant de raccrocher. J'aurai aimé pouvoir appeler Julio mais il travaille. J'appelle donc la seconde personne qui me vient en tête.
- Je te pensais morte, ricane Rafaël à l'autre bout du fil.
- Excuse-moi de travailler et d'avoir une vie en dehors du gang.
- Tu aurais pu m'appeler avant.
- Les messages ne t'ont pas suffi ? Je te manque trop c'est ça ? je rigole en secouant doucement la tête.
- C'est ça, tu me manques trop.
Nous explosons de rire en même temps et continuons de nous attaquer gentiment. J'adore mes conversations avec Rafaël, elles me remontent tellement le moral. Je me sens toujours bien après un de ses appels.
- N'oublie pas, tu viens à dix-huit heures au gang ce soir pour qu'on puisse se préparer et être les plus beaux.
Nous avons notre fameuse mission dans une sorte de grand gala très festif. Rafaël est beaucoup trop contente d'y aller. Ça fait longtemps que nous n'avons pas eu ce genre de mission. Les grandes soirées mondaines commençaient à me manquer. Nous continuons à parler et je décide de lui annoncer mon projet de conférence, qu'il ignorait jusqu'alors, et ce qui s'est passé ce matin avec la réservation des places. Il s'enjoue presque autant que Gabriela et ça me réchauffe le cœur de voir à quel point je suis bien entourée. Avoir des proches encore plus heureux que vous, pour quelque chose que vous avez fait, n'a vraiment aucun prix.
- J'aurai tellement aimé venir te voir à ta conférence, me confie Rafaël alors que j'allais raccrocher.
- María, ma gouvernante, viendra. Je peux faire passer quelques personnes privilégiées. De toute façon, c'est moi qui décide. Si tu veux venir ce sera avec plaisir !
- Envoie-moi par message l'heure à laquelle tu veux que je vienne et le lieu précis. Je te promets que je serai là !
- Deux soirées de suite ensemble ? je rigole. Tu vas le supporter ?
- Je prendrai des cachets.
Je ne peux m'empêche de rire une nouvelle fois. J'aime ma relation avec Rafaël et pour rien au monde je ne voudrai qu'elle s'arrête. Pas même pour les beaux yeux de Julio. Finalement, je raccroche avec Rafaël, qui doit préparer la drogue et les chargeurs d'armes pour la mission de ce soir. J'allais reposer mon téléphone pour faire ma toilette lorsque je reçois un message de l'agence du site de réservation des billets : « Le site est réparé depuis une dizaine de minutes. Il y a encore plusieurs centaines de personnes sur le site alors que les deux cents places sont déjà parties. En seulement quelques minutes... Je vous souhaite une excellente journée, Rym Abril. Et bonne chance pour la suite ! ». Les deux cents places sont déjà parties. Je n'y crois pas. C'est incroyable ! Mon cœur se gonfle de gratitude et, dans ces moments là, je fais la seule chose qui me comble pleinement : je m'en vais prier.
Après ma prière, je me sens beaucoup plus sereine, beaucoup plus apaisée. Je gère mieux mes émotions et me sens prête à tout affronter. C'est lorsque je suis à genoux, et que je m'en remets à Dieu, que je me sens le plus moi-même. Après réflexion, je décide d'aller répondre à quelques messages privés sur les réseaux sociaux, que je viens de recevoir. Après un quart d'heure de réponses, je me rends compte que beaucoup sont déçus de ne pas avoir de place pour la conférence de demain. Et une idée de génie me vient à l'esprit. Je décide d'appeler le seul qui pourra m'aider.
- Rym ? Tu ne travailles pas aujourd'hui ? s'étonne Tony devant mon appel.
- Non, j'ai pris une journée de repos, je travaille sur un projet. Et je t'appelle pour ça, justement.
- C'est vrai que tu as ta conférence demain ! se rappelle-t-il. Que veux-tu de moi ?
- Tu as toujours ta caméra professionnelle ?
Tony a longtemps arrondi ses fins de mois en travaillant en tant que cameraman dans les mariages et les grandes fêtes.
- Je l'ai toujours, en effet. Tu en as besoin ?
- Je vais essayer de t'expliquer rapidement la situation, je souris. Ma conférence a lieu demain et les deux cents places disponibles ont été réservées à une vitesse folle. Et j'ai fait pleins de déçus. J'ai donc trouvé que ce serait une bonne idée de filmer la conférence et de la publier sur internet le lendemain.
Tony acquiesce plusieurs fois durant mon petit monologue.
- Je veux bien venir filmer ta conférence, se propose-t-il gentiment. Mais tu pourrais même faire diffuser ta conférence en direct sur internet, tu sais. Je peux facilement le faire avec ma caméra.
- Sérieusement ?
- Bien sûr ! J'ai déjà fait ça deux fois, je peux recommencer.
- Mon Dieu, ce serait vraiment génial Tony ! Je n'ai pas de mot pour te remercier, je te revaudrai ça !
- Ça me fait plaisir de t'aider, Rym. À quelle heure aura lieu la conférence ?
- Vingt heures demain.
- Je viendrai dans les alentours de seize heures pour m'assurer que tout fonctionnera bien, m'informe-t-il.
- Pas de problème, je serai là à la même heure. Et je paierai ton travail, soit-en rassuré.
Il me remercie et nous discutons encore quelques minutes avant que je ne raccroche. Je saute sur place pour annoncer le direct de ma conférence aux personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux. Le week-end qui arrive s'annonce si bien que je commence à avoir peur que quelque chose ne foire. Je fais fuir ces pensées en allant prendre une bonne douche chaude dans laquelle je reste un peu plus longtemps que d'habitude. Je me prépare simplement et décide de rejoindre María au rez-de-chaussée. Mais mon portable se met à sonner et je fais demi-tour. Il est bientôt midi et c'est Julio qui m'appelle.
- Bonjour, toi. Que me vaut le plaisir de ton appel ? je demande en souriant bêtement.
- Comment s'est passé la réservation des places ?
Je raconte une nouvelle fois tout ce qui s'est passé, toujours aussi enjouée. Julio est aussi heureux que Gabriela et Rafaël lorsque je leur ai expliqué. C'est rassurant de se sentir soutenu par ses proches.
- Tu penses que tu pourrais te libérer pour qu'on puisse manger ensemble ce midi ? Il faut que j'aille acheter un masque pour ma soirée avec mes collègues.
- Un masque ? je m'étonne en fronçant les sourcils.
- Oui, le thème c'est Chic et masqué et j'aimerais trouver un masque noir qui irait avec mon costume.
- Tu seras trop beau, je souris en l'imaginant en tenue de soirée. Je t'accompagne avec plaisir ! On se retrouve quand et où ?
- Dans une demi-heure au parc où on s'est embrassé la première fois ?
Je me mords instinctivement la lèvre et repensant à ce merveilleux moment.
- Je serai là !
Je raccroche et m'en vais préparer mon sac à main. J'ai presque vingt-cinq minutes de route en pleine heure de pointe. Je me dépêche en souhaitant un bon après-midi à María et pars, presque en courant, dans ma voiture. Je me gare à quelques rues du parc où je dois retrouver Julio. Un peu de marche ne me fera pas de mal. Je pose donc une paire de lunettes de soleil sur mon nez et m'en vais d'un pas certain. Au bout de plusieurs dizaines de mètres, j'ai la sensation d'être suivie. Sur le coup, je me dis que ce n'est qu'une impression et continue d'avancer. Mais l'envie de me retourner devient de plus en plus oppressante et, avant d'arriver au bout de la rue, je fais un demi-tour sur moi-même. Un homme s'arrête à une vingtaine de mètres de moi. Je penche légèrement la tête sur le côté en fronçant les sourcils. Il a aussi des lunettes de soleil et je ne le reconnais pas (si j'étais censée le connaître). Je m'avance vers lui d'un pas ferme.
- Me suivez-vous ? je demande en m'arrêtant à deux mètres de lui.
- Tu ne me reconnais pas, conclut-il en retirant ses lunettes de soleil.
J'écarquille légèrement les yeux en le voyant.
- Tu es le Viboras que j'ai aidé, je dis dans un souffle.
- Que tu as sauvé, rectifie-t-il en s'avançant encore un peu vers moi.
C'est un homme physiquement imposant qui doit être un peu plus âgé que moi.
- Tu m'as suivie ?
- Non, non. Je... Je marchais quand je t'ai vu sortir de ta voiture, je me suis dit que je devais venir te voir.
Je pense surtout qu'il retournait à son quartier général ou qu'il était en mission lorsqu'il m'a vue.
- Et que voulais-tu me dire ? je l'interroge en m'appuyant sur le mur d'une maison pour me mettre à l'abri du soleil.
- Je tiens à te remercier de m'avoir sauvé. Tu es une âme pure. Aucun membre des Tiradores n'aurait arrêté le saignement de la plaie. Grâce à toi, des membres m'ont retrouvé et notre médecin a pu me sauver la vie.
- Je sais, c'est moi qui ait envoyé deux de tes camarades te chercher. Je les ai croisés lorsque la police a commencé à arriver.
- Tu es vraiment quelqu'un de bien. Et je te suis redevable. Donc, si un jour j'ai l'occasion de te rendre la pareille, je le ferai sans hésiter.
- Tu ne me dois rien, j'ai fait ça de bon cœur.
- J'ai une dette que je te rembourserai, insiste-il en hochant la tête. Sur ce, je dois y aller, mon gang ne serait pas très serein à l'idée que je côtoie une Tiradores. Et désolé si je t'ai fait peur en te suivant dans la rue !
Un rire s'échappe de ma bouche.
- Je sais me défendre !
Il commence à faire demi-tour pour partir mais je le retiens en l'attrapant par le bras.
- Je sais que tu connais mon identité. Je t'en ai trop dit la dernière fois en parlant de Sublimeza. Est-ce que tu as révélé mon identité aux autres membres ?
- Non, je ne l'ai pas fait, me répond-il en secouant la tête. Mais, tu sais, tu n'es plus vraiment une inconnue dans ce pays depuis ton interview.
- J'en suis consciente mais je préfère garder l'anonymat, tant que je le peux encore, dans le monde des gangs.
- Je comprends, je ne trahirai pas ton identité.
Je lui fais une signe entendu de la tête avant de le quitter et de partir à la rencontre de mon petit-ami. Ça m'a fait plaisir de revoir cet homme dont j'ignore tout. Au moins, je suis rassurée qu'il aille bien et qu'il ait pu être soigné.
Je deviens toute guillerette à l'idée de retrouver Julio pour déjeuner. J'aperçois au loin son petit minois et me mets à sourire comme une imbécile lorsque je le vois assis à la place exacte où il se trouvait lorsque nous nous sommes embrassés la première fois. Pour jouer le jeu, lorsque j'arrive à sa hauteur, je me laisse tomber à côté de lui, pose mes jambes sur les siennes et l'embrasse langoureusement. Les souvenirs de cette soirée me sont gravés à l'esprit et les revivre me rend toute chose.
- Je suis contente de te revoir, je souris en me levant.
Je lui attrape la main et nous commençons à traverser le parc.
- Ça te dérange si nous mangeons en faisant les magasins ? Je reprends le travail dans une heure et j'aurai aimé manger et trouver mon masque pour ma soirée de ce soir.
- Avec plaisir ! Tiens, regarde, il y a un vendeur de tacos !
- Cette fois, c'est moi qui t'invite, déclare Julio en accélérant vers le petit stand en bord de rue.
Il commande nos repas et nous discutons avec le vendeur pendant que ce dernier les prépare. Une fois la première bouchée avalée, nous nous dirigeons vers une rue commerçante bordée de magasins en tout genre.
- Je suis sûr que tu peux trouver ton bonheur ici, je déclare en m'arrêtant devant une boutique de costumes et accessoires.
Il hoche la tête avant de tirer la porte et de nous faire entrer. C'est un petit magasin où chaque centimètre carré est occupé par un bout de tissu ou de plastique. C'est surchargé mais je suis sûre que Julio trouvera le masque de ses rêves. Après quelques minutes à déambuler dans la petite échoppe, une femme vient à notre rencontre pour nous proposer son aide, ce que nous acceptons sur le champ. Julio lui explique en quelques mots ce qu'il recherche et, à peine dix secondes plus tard, elle lui présente le meilleur masque qui soit. C'est un masque noir qui remonte sur une grande partie du front, qui cache tout le contour des yeux et qui termine sur un nez plutôt pointu.
- Personne ne te reconnaîtra avec ça, je plaisante en l'essayant moi aussi. Mince, il est beaucoup trop grand pour moi !
- Allez rends-moi ça que je puisse aller payer.
Nous ressortons de la petite boutique, un sac à la main. Nous continuons de nous promener pendant le reste de la pause déjeuner de Julio et je finis avec trois sacs dans les mains. J'ai craqué sur une paire de talons hauts, un collier en or et un petit ensemble de maillot de bain.
- C'était vraiment utile d'acheter tout ça ? rigole Julio alors que nous nous dirigeons vers sa voiture.
- Que veux-tu ? J'adore faire les magasins ! C'est une vraie thérapie, je te jure !
- C'est ça, rit-il en ouvrant la portière conducteur.
- Le jour où tu seras triste ou stressé, je t'emmènerai faire les boutiques et tu verras à quel point ça fait du bien !
Il lève les yeux au ciel avec un sourire moqueur.
- C'est quand même nul que tu ne puisses pas venir à notre soirée de ce soir, boude-t-il.
- L'anniversaire d'une cousine ne s'annule pas, tu le sais bien. Tu me présenteras tes collègues plus tard. On se rattrapera, c'est promis !
- Tu aurais été si belle avec un masque noir en dentelle.
Je lui tire la langue avant de lui claquer un gros bisou sur les lèvres.
- Je serai chez ma cousine à partir de dix-huit heures, ne t'étonne pas si tu n'as pas beaucoup de messages !
Je m'en veux tellement de lui mentir aussi facilement. On croirait vraiment que j'ai un anniversaire ce soir. Je vais finir en Enfer avec tous les mensonges que je sors à la minute.
- Je t'aime, Rym Abril.
Je lui fais un petit sourire en coin avant de l'embrasser une dernière fois.
- Je t'aime aussi.
Je claque la portière conducteur et lui fais plusieurs signes de la main avant qu'il ne reparte en faisant vrombir son moteur. Je n'arrive plus à détacher le sourire de mes lèvres et je reste quelques minutes seule, dans la rue, à penser à mon avenir avec lui. Je secoue la tête pour me ramener à la réalité. Je remarche d'un pas rapide en direction de ma voiture ; j'ai bien mangé et j'ai bien dépensé mon argent, il est temps de rentrer à la maison.
Je passe l'après-midi à répondre aux messages qu'on m'envoie sur les réseaux sociaux, à gérer mes mails et à passer du temps avec María. Ma journée passe à une vitesse folle et l'heure de partir au quartier général pointe le bout de son nez. Je m'en vais donc préparer mon sac à main où j'installe mon arme et mes papiers personnels. J'enfile une paire de baskets et une veste avant de partir. Je fournis un nouveau mensonge à María et quitte la maison en fermant à clef derrière moi.
- Le Diable va devenir mon meilleur ami si je continue comme ça, je soupire en claquant la portière de ma voiture.
J'arrive au gang une vingtaine de minutes plus tard, le sourire aux lèvres. Je suis toujours d'excellente humeur avant une mission comme celle-là. Je décide d'entrer sans frapper dans le bureau de Rafaël, comme à mon habitude, en criant.
- Salut beau gosse, comment vas... !
- Bonjour, Rym, me répond une voix grave.
- Tiens, Diego. Quel surprise ! Je cherchais juste Rafaël et...
Je me sens d'un seul coup mal à l'aise et décide de quitter la pièce pour éviter de ne lui parler. Après ce qui s'est passé lors de notre dernière réunion, je ne compte pas rester dans la même pièce que le patron. Ça fait deux semaines que nous avons attaqué les Viboras et qu'il a rejeté la faute de notre échec sur moi. Je ne suis pas retournée au quartier général depuis une semaine et demi et ça m'allait très bien. Mais avant que je ne puisse franchir la porte, Diego me rappelle.
- J'aimerais te parler, me dit-il simplement.
- Je n'ai rien à te dire, Diego. Pas après tout ce que tu m'as balancée à la figure.
- Mais moi j'ai à te parler, me rétorque-t-il. S'il te plaît, assieds-toi.
Il a une voix très calme qui ne lui ressemble absolument pas.
- Où est Rafaël ? je demande, par curiosité, en m'installant sur une chaise.
- Il est parti régler une affaire, il va revenir dans quelques minutes.
Je hoche seulement la tête en le fixant droit dans les yeux.
- Je tenais à m'excuser pour le comportement que j'ai eu envers toi la semaine dernière. J'ai agi sous le coup de l'impulsion. Tu n'es pas la cause de l'échec de la mission. C'est à cause de moi.
- C'est un génie qui est venu te souffler ces mots à l'oreille ? je réponds sarcastiquement.
- Non, c'est Rafaël.
Je m'attendais à tout sauf à cette réponse.
- Rafaël ?
- Oui, après que tu sois partie, il m'a expliqué à quel point j'avais tort. Il m'a dit que je devais faire un travail sur moi-même et me remettre en question. Et qu'en aucun cas c'était un signe de faiblesse.
Rafaël a ainsi pris ma défense lorsque je suis partie ? Je n'en reviens pas. Je suis extrêmement touchée par ce qu'il a fait. Vraiment.
- J'ai beaucoup réfléchi et je n'aurai jamais du te traiter ainsi, surtout que tu es ma meilleure recrue. Je suis vraiment désolé.
Je me lève de ma chaise pour me poster devant lui.
- J'accepte tes excuses même si je n'oublie pas tout ce que tu as dit à mon sujet. Pour le bien de nos relations et de celle du gang, je te pardonne. Mais ce que tu as fait ne s'effacera pas de ma mémoire du jour au lendemain. Sois-en sûr.
Il allait renchérir lorsque la porte s'ouvre sur Rafaël.
- Toujours autant à l'heure, à ce que je vois, plaisante-il avant de froncer les sourcils à la vue de Diego. Tu lui as parlé ?
- Il s'est excusé et tout est rentré dans l'ordre, je lui explique brièvement en m'avançant vers lui. Si tu me cherches, je serai avec Yanissa.
- J'ai vu la robe qu'elle t'a faite. Je crois n'avoir jamais vue de robe aussi belle de ma vie. Elle t'ira comme un gant.
Je lui souris de toutes mes dents et quitte la pièce après un petit signe de la main. Je monte à l'étage et rejoins Yanissa dans son atelier. Dès que j'entre dans la pièce, je vois une longue robe accrochée à un cintre.
- C'est cette robe-là que je vais porter ? je demande lorsque Yanissa arrive à ma rencontre.
- Comment tu la trouves ?
- Je n'ai pas de mot. Elle est magnifique, je souffle en touchant le tissu.
C'est une longue robe bicolore. Les manches sont en transparence avec de fines broderies blanches en dentelle. Le col est un grand triangle qui termine sur un décolleté s'arrêtant juste à la bordure de ma poitrine. Juste en dessous des seins démarre la dentelle noire qui descend jusqu'en bas de la robe. Et à partir de la moitié des cuisses, la robe devient un mélange de transparence et de dentelle noire. Le travail fin est époustouflant.
- Je n'ai jamais vu une aussi belle robe de toute ma vie, je la complimente en reprenant les termes de Rafaël.
- Elle t'ira à merveille, me sourit-elle. Mais avant je vais te coiffer et te maquiller.
Elle finit par me faire un chignon très travaillé et un maquillage léger pour « ne pas gâcher toute la beauté de la robe ». Nous mettons bien dix minutes à enfiler sa création que j'ai peur d'abîmer à tout moment. Yanissa me tend ensuite une paire d'escarpins noirs vernis qu'elle m'aide à mettre. Pour finir, elle me donne mon éternelle pochette noire.
- J'ai déjà mis les chargeurs d'armes que Rafaël m'a donné et ton arme de service.
- Je te remercie, Yanissa. Tu fais toujours un excellent travail.
J'en profite pour mettre mon téléphone et quelques papiers dans ma nouvelle pochette. Puis je continue de me regarder bien cinq minutes dans le miroir. Le blanc de la robe ressort très bien avec mon bronzage naturelle de mexicaine. Je suis prête à être la plus belle ce soir, j'en ai la certitude. Je retourne au rez-de-chaussée et je suis étonnée d'y croiser Rafaël encore en jean.
- Tu n'es pas un peu en retard, toi ? je demande en relevant un sourcil.
Il ne répond pas à ma question mais me dévisage fortement. Ses yeux s'écarquillent légèrement et il me fait un grand sourire.
- J'étais sûr que tu serais magnifique dans cette robe. Tu vas faire tourner des têtes ce soir !
Je rigole avec lui avant de lui intimer de se dépêcher. Il court donc presque à l'étage en me promettant de redescendre cinq minutes plus tard. Je décide de l'attendre dans le couloir mais c'était sans compter tous les regards masculins croisant ma route. Ça dure quelques minutes jusqu'à ce que Alejandro arrive vers moi. Il s'arrête à quelques mètres pour me regarder de haut en bas.
- Je te trouve vraiment très belle, Rym.
- Qu'est-ce que tu veux, Alejandro ?
- Rien, je...
- Alors dégage de là.
Je ne peux m'empêcher d'être aussi méchante avec lui. Dès que je le vois, les souvenirs de cette journée du quinze juin me revient en tête. Et je ne le supporte pas. Alejandro passe donc devant moi mais s'arrête une nouvelle fois. Il se retourne pour me parler.
- J'aimerais que tu saches que je suis désolé. Je ne te demande rien, je veux juste que tu le saches.
Il a débité ses paroles rapidement pour ne pas que je le coupe dans sa phrase. Je le regarde dans le blanc des yeux et ne vois aucune once de sa mauvaiseté légendaire. Je fronce légèrement les sourcils.
- Tu n'es pas désolé, Alejandro. On ne peut pas être désolé d'avoir volontairement jeté quelqu'un dans la gueule du loup.
Il allait répliquer lorsque Rafaël arrive vers nous. Ni une, ni deux, Alejandro déguerpit. Je reste perplexe.
- Qu'est-ce qu'il te voulait ? me question mon binôme, sur la défensive.
- Il n'a pas eu le temps de parler, je mens. Tu es arrivé avant qu'il ne dise quoi que ce soit.
À ce moment-là, j'ignore ce qui m'a poussé à mentir à Rafaël. Pourquoi ne lui ai-je pas simplement dit qu'il venait de s'excuser ? Devrait-il le savoir ?
- Tu préfères quelle voiture ? me demande-t-il, coupant court à toutes mes pensées.
Je jette un coup d'œil au panneau rempli des clefs de voiture du gang.
- À ton avis ? je souris en me tournant vers lui.
- La voiture de sport orange.
- On ne change pas une équipe qui gagne !
Nous partons tout sourire et tout contents vers notre voiture attitrée.
- Le cuir des sièges m'avait tellement manqué, je m'extasie en ouvrant la portière.
Rafaël m'aide à bien m'installer pour ne pas abîmer la robe. Une fois que je suis bien en place et ma pochette sur les genoux, je mets ma ceinture tandis que mon coéquipier s'installer du côté conducteur.
- J'aimerais que tu ne consommes pas d'alcool ce soir, je le préviens tandis qu'il règle les rétroviseurs. Je ne compte pas conduire au retour avec une robe pareille !
- Promis. Aucun verre d'alcool pour moi.
- La soirée va être démente, je déclare en frappant dans mes mains.
- Tiens, avant que je ne mette le contact, il faut que je te donne ça.
Il sort de la poche de son costume ce qui me semble être deux bouts de tissus avec des lanières en satin noires.
- Qu'est-ce que c'est ? je l'interroge en fronçant les sourcils.
Il me tend un des bouts de tissus et je me rends compte que c'est de la dentelle noire. Je la déplie et devine, aux deux trous découpés dans le tissu, que c'est un masque de soirée. Un très mauvais pressentiment commence à fleurir dans mon esprit et une boule à se former au creux de mon ventre.
- Pourquoi tu me donnes ce masque ? je m'étonne en articulant bien chaque mot.
- Il faut que tu le mettes, c'est une soirée qui a pour thème Chic et masqué. L'année dernière le thème était Classe en noir et blanc. Tu verras, le bal des pompiers est l'une des meilleures soirées de l'année !
Je reste totalement figée devant ce qu'il me dit.
- Dis-moi que tu plaisantes, Rafaël ?
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