Chapitre 24 : Perdre le contrôle de soi

Comme promis, Rafaël arrive au restaurant cinq minutes plus tard. Un demi-sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je le vois venir vers moi.

- Salut petite Rym, tu vas bien ?

- J'ai connu des soirées qui débutent mieux que celle-ci, je ris jaune en finissant mon cocktail. Mais je te remercie d'être venu.

- Je vais rattraper ton début de soirée pourri, tu vas voir. Rafaël De Prado refuse que Rym Abril passe une mauvaise soirée, même si c'est à cause de son copain. D'ailleurs pourquoi n'est-il pas venu ?

Un serveur nous interrompt pour prendre notre commande. Nous commandons chacun notre plat avec une boisson. Dès que l'homme s'éloigne, je décide de continuer.

- Julio doit travailler. Il est pompier et il y a un incendie qui s'est déclaré quelque part dans la ville. Je sais que c'est son métier et qu'il ne peut rien y faire mais au fond de moi, je me sens comme abandonnée. Je suis toujours enjouée dès qu'on doit se voir et je déchante presque à chaque fois.

- Je ne l'excuse pas mais tu dois te mettre à sa place pour comprendre. Si c'était lui qui décidait, crois-moi qu'il préférerait passer la soirée avec toi plutôt qu'à risquer sa vie dans les flammes.

Je hoche doucement la tête en le regardant dans les yeux.

- Tu as raison, Rafaël. En tout cas, heureusement que tu es venu !

- C'est avec plaisir. Je faisais une promenade nocturne dans la capitale quand je t'ai envoyé mon message. Je n'étais vraiment pas loin.

- Tu fais des promenades en chemise, avec une veste très bien taillée ?J'aurai plutôt pensé à une tenue décontractée.

- Je suis toujours beau, ça te dépasse, Rym, rigole-t-il en se levant. Je vais aux toilettes, je reviens.

Je lui tire la langue en le regardant partir. Je remarque qu'un groupe de jeunes femmes est attablé à ma droite. L'une d'elles le dévore carrément du regard et ses copines se mettent à glousser. Pensant sûrement que je suis sa petite-amie, elles me jettent des regards noirs et moqueurs. Les femmes entre elles sont si mesquines. Je finis par arrêter de les observer et mon binôme revient quelques minutes plus tard, tout sourire.

- Une fille sur ta gauche te dévore du regard depuis tout à l'heure. Tu as dû lui taper dans l'œil.

- Dommage que je ne veuille pas rencontrer de femmes, me sourit-il avec un clin d'œil.

- Je ne comprends pas pourquoi d'ailleurs ! C'est beau l'amour. Tu ressens des émotions tellement fortes pour une personne. C'est tellement puissant et agréable.

- Et puis on finit à une table seule car notre petit-ami nous a abandonné.

Cette pique me fait mal au cœur. Très mal. Je ne réponds rien à sa remarque et soupire en levant les yeux au ciel.

- Je suis désolée, je n'aurai pas dû dire ça comme ça. Je veux juste dire que ma vie est très bien comme elle est, je n'ai pas envie d'ajouter du négatif.

J'allais répondre lorsqu'il me coupe la parole.

- Je sais qu'il y a beaucoup de positif à entretenir une relation amoureuse mais il y a des moments négatifs. Et je n'en veux pas. Je crois vraiment aux pressentiments et je sais qu'au fond de moi, je le saurai lorsque je rencontrerai la bonne.

- Je vois ce que tu veux dire pour les pressentiments. J'en ai aussi.

- T'as ressenti quelque chose lorsque tu as rencontré Julio ? m'interroge-t-il.

Les souvenirs funestes de notre première rencontre me restent gravés à l'esprit.

- J'ai rencontré Julio le jour de l'explosion. C'est lui qui ait venu m'apprendre cette sombre nouvelle. Il a tellement été là pour moi que c'était une évidence à mes yeux. Mais nous ne sommes ensemble que depuis deux mois, j'ai besoin de voir comment va évoluer notre relation avant de savoir si c'est le bon.

- Personnellement, je crois vraiment que quand c'est la bonne personne, tu le sais directement. C'est comme si ton cœur reconnaissait celui de la personne en face de toi.

- Ça n'a pas été le cas avec Julio et pourtant on vit une belle relation, si on ne compte pas les faux-plans dus à son travail.

- Pour moi ce n'est pas l'homme de ta vie, me lâche-t-il tandis que le serveur arrive avec nos plats.

Je fronce tout de même les sourcils en remerciant le serveur. Je bois une grande gorgée de mon fameux thé glacé à la pêche avant que Rafaël ne rajoute :

- Après, ce n'est que mon avis.

- Oui, ce n'est que ton avis, je réponds, sèchement.

- Tu es vraiment la boudeuse par excellence, Rym.

- Je ne boude pas, nous avons juste des opinions différentes.

Il me fait une grimace et me tire un sourire tandis que je picore quelques frites.

- Et du coup, c'est définitif, tu ne vas plus en cours ?

- Oui, j'ai définitivement abandonné les études de droit. Ça m'a fait mal au cœur et j'ai mis du temps à m'en remettre. Ça me faisait bizarre de passer du statut d'étudiante à celui de cheffe d'entreprise à temps plein. J'ai eu l'impression d'être devenue une adulte du jour au lendemain.

- Je trouve que tu te portes mieux depuis que tu as délaissée les études de droit pour te concentrer sur Sublimeza.

- Ça m'a permis de développer ma créativité et mon imagination. J'ai pu tenter de nouvelles choses avec mon équipe de travail. D'ailleurs, j'ai rendez-vous demain dans notre laboratoire pour aborder mon nouveau projet avec eux et tester les différentes odeurs que nous allons produire. Vraiment, j'adore ! On diversifie un peu plus nos gammes de produits et ça plaît aux clients.

- J'aime t'entendre parler de ton travail. Ça se voit que tu es passionnée, ça me fascine !

Je rigole en passant ma main dans mes cheveux. Nous continuons de discuter pendant tout le repas en finissant de manger. Je passe une excellente soirée avec Rafaël.

- D'ailleurs, ma mère et ma tante t'ont adorée. Elles n'ont pas arrêtées de me parler de toi quand je les ai eu au téléphone cet après-midi.

- C'est vrai ?

- Elles t'ont trouvées si naturelle et si vraie. Elles veulent que je t'invite à nouveau à la maison.

- Ce serait avec plaisir, je souris de toutes mes dents alors que nous nous levons de table.

J'enfile ma veste et attrape ma pochette noire.

- C'est à cause de moi que tu es venu ici, Rafaël. Je t'offre le repas.

- Non, Rym. Je vais payer, ça me fait plaisir de t'inviter.

Je lève un sourcil en sortant pour porte-monnaie.

- J'ai déjà sorti ma carte, attends-moi dehors, j'arrive.

Devant mon air insistant, il ne résiste pas et se dirige vers la sortie. Je m'en vais payer puis passe aux toilettes avant de quitter le restaurant et de retrouver mon coéquipier. Il a enfilé son long manteau beige qui lui va à ravir. C'est vraiment un beau garçon. Il ferait des ravages s'il daignait s'intéresser un minimum aux femmes.

- Tu veux rentrer chez toi ? je lui demande alors que nous commençons à marcher un peu pour digérer.

- Non, je me suis dit que puisque tu as payé le repas, j'allais t'inviter au cinéma. Et puisqu'on n'a pas pris de dessert, ce sera pop-corn, boissons et friandises à volonté !

Je frappe dans mes mains, toute contente.

- Je suis complètement partante ! Allons-y !

Je sautille sur place en lançant des grands sourires à Rafaël.

- Tu as décidément bien rattrapé cette soirée pourrie !

Nous décidons de prendre sa voiture pour nous rendre au cinéma. Je ne me vois pas marcher trois kilomètres sur des talons hauts dans les rues pavées de Mexico. Nous arrivons à peine dix minutes plus tard devant le grand cinéma. Nous nous mettons d'accord sur le dernier film d'action sorti. Rafaël nous commande un tas de cochonneries et il me prend un thé glacé à la pêche.

- Comment sais-tu que c'est ma boisson préférée ?

Il me fait un clin d'œil pour toute réponse et nous partons nous installer. Je n'arrive pas à détacher ce sourire de mes lèvres. Je suis vraiment heureuse de passer la soirée avec lui. Il ne m'a fait de faux-plans, il est prévenant, il me fait très bien la conversation, il connaît mon amour pour le thé glacé à la pêche et il me fait rire. Je passe une soirée parfaite. Je suis heureuse d'avoir un Rafaël dans ma vie et je souhaite à tout le monde d'en avoir un.

*

- Tu écoutes vraiment les informations dans ta voiture ? je rigole en cherchant une station de radio musicale.

- Il faut s'informer de ce qui se passe dans le monde, cher Rym Abril, me rétorque Tony avec un grand sourire.

- Appelle-moi Madame la cheffe, je plaisante en trouvant enfin une bonne station de radio.

Il fait une piètre imitation de moi tandis que nous quittons le parking. Nous partons tous les deux dans les laboratoires de Sublimeza, à une cinquantaine de kilomètres des locaux. J'ai choisi mon directeur général pour m'accompagner. De tous mes salariés, il est celui qui connaît le mieux l'entreprise. J'installe le GPS pendant il s'arrête à un feu rouge. Je baille fortement en me rasseyant confortablement.

- J'en connais une qui n'a pas beaucoup dormi, sourit-il, les deux mains sur le volant.

- J'ai passé la soirée avec un ami. Nous étions au restaurant puis nous sommes allés au cinéma. C'était vraiment bien. Nous avons ri, parlé et surtout bien mangé. C'était parfait !

- Et c'est juste un ami ? s'étonne Tony.

- Juste un ami. Il sait que je suis en couple avec un autre homme.

- Tu sais, il y a des hommes que ça ne dérange pas...

- Je t'arrête tout de suite, il ne veut aucune relation amoureuse et aucune femme dans sa vie. Autre qu'une amie, je précise avec un sourire.

Nous passons les cinquante kilomètres à parler de nos vies et à rire. Finalement, le trajet passe très vite. Lorsque nous arrivons dans le laboratoire, on nous assigne des badges pour pouvoir nous rendre dans les différentes sections. Je décide de m'entretenir avec le directeur, accompagnée de Tony. Je lui explique mon projet des trois box distinctes, en hommage à ma famille, avec des senteurs et des produits différents. Il est très emballé par l'idée et note tous les détails de ce que nous voulons sur son ordinateur. Je lui présente également les différents produits que je souhaite mettre dans la box avec, notamment, le nouveau sérum que nous allons développer. Ce laboratoire est fait pour cela. L'entreprise Sublimeza est divisée en trois bâtiments. Il y a d'abord les locaux où sont prises toutes les décisions commerciales et la conception des nouveaux produits ainsi que tout ce qui concerne la comptabilité et le traitement des commandes. Ensuite, le laboratoire nous sert à développer nos produits. Tous nos tests et nos créations de produits s'effectuent ici. Les parfums, les sérums, les masques et les autres produits cosmétiques sont créés et testés ici-même. Pour finir, une fois que le produit est approuvé, la confection se fait dans notre usine. Les commandes que passent nos clients sont préparées et envoyées par les salariés de l'usine, qui possède plusieurs sections de travail. C'est une grande organisation mais qui assure le bon fonctionnement de l'entreprise ainsi que la qualité de nos produits qui sont créés par des professionnels.

Tony et moi passons donc deux bonnes heures à expliquer notre projet en détails au directeur du laboratoire puis à sentir une quantité de flacons aux senteurs différentes. Il y a plusieurs gammes d'odeurs pour un même parfum.

- Pour la rose musquée, je pensais plutôt à une senteur très sucrée et très douce, j'explique en reniflant un récipient pour la trentième fois de la matinée.

J'ai une idée précise des odeurs que je souhaite puisqu'elles correspondent aux membres de ma famille décédés. Une nouvelle heure s'écoule avant que nous repartions vers la capitale.

- J'en ai pleins les narines, je déclare en relevant mon nez, me faisant grimacer. Ça fait du bien de sentir l'air pur !

Tony hoche la tête avant de s'engouffrer dans la voiture. Il est déjà treize heures. Nous mettons un peu plus d'une heure à rentrer. Une fois dans les locaux de Sublimeza, je préviens Katerina que je serai absente à peine une heure. Puis je repars aussi vite que je suis arrivée. Je m'en vais au volant de ma voiture pour me rendre au gang. J'ai une réunion avec Diego, je suis déjà en retard. J'entends mon portable vibrer dans mon sac à main alors que j'entre dans la banque. Je dis rapidement bonjour d'un geste de la main au personnel avant de prendre le passage secret. Je cours presque à travers les longs couloirs du quartier général avant d'entrer sans frapper dans le bureau du patron. Tout le monde est déjà là. D'un rapide coup d'œil, je repère Rafaël et m'en vais à ses côtés.

- Pardonnez mon retard, je m'excuse en jetant un coup d'œil à la petite assemblée attroupée devant le bureau de Diego.

Nous sommes une petite dizaine. Il n'y a que les membres les plus importants du gang. Je suis fière d'en faire partie.

- La mission de samedi a été un échec cuisant, déclare le patron en soupirant bruyamment.

Je regarde furtivement Rafaël qui paraît très concentré.

- Je n'aurai jamais dû suivre ton plan, Rym.

- Je vous demande pardon ?

- La négociation ne marche jamais avec les gangs. Tu es nouvelle, j'aurai dû m'en douter que ça ne pourrait pas marcher.

Alors là, s'il croit que je suis une femme sur qui on peut marcher sans problème, il se trompe complètement. S'il croit qu'il peut mettre la faute sur moi sans répercutions, il se trompe également.

- À quel moment avez vous entamé une négociation ? je demande en parlant bien fort. À quel moment vous ai-je dit de vous comporter comme le plus gros des imbéciles en menaçant ouvertement le chef des Viboras ? Non parce qu'à part faire votre coq devant lui, vous n'avez absolument rien fichu. Vous étiez là, à vous pavaner, alors que vous n'êtes pas foutu de mener à bien une mission !

Je me détache de l'assemblée pour me pointer devant lui.

- Tu traites ton patron d'imbécile ? s'offense-t-il en se collant à son bureau pour s'approcher de moi. Pour qui te prends-tu ?

- Je ne vous ai jamais dit d'aller le menacer, je poursuis en ignorant sa remarque. Je ne vous ai jamais demandé de faire intervenir vos hommes aussi tôt dans le dialogue. S'ils ont tiré sur nous c'est parce que vous avez commencé à tirer sur eux. Je vous avais prévenu que j'aurai dû parler en première pour entamer la négociation, mais comme toujours vous pensez tout savoir.

Je fais un tour sur moi-même pour montrer d'un geste de la main la bande d'hommes derrière moi. Je suis en colère et incontrôlable.

- Vous êtes tellement entourés d'hommes que vous en devenez complètement débile ! Vous n'avez pas pris mon plan dans son intégralité parce que vous n'êtes qu'un macho pathétique. Mais, en attendant, c'est moi qui ai décroché l'un de vos plus gros contrats avec Monsieur Hernandez. Et vous n'êtes toujours pas foutu de voir qu'une femme vaut bien plus que dix hommes réunis ! Vous me dégoûtez ! Vous osez me reprocher mon plan alors que c'est vous qui n'avez pas voulu le suivre ! Vous êtes tous pathétiques !

Hors de moi, je quitte la pièce en claquant violemment la porte. J'y mets une telle force que plusieurs membres sortent de leur bureau pour savoir ce qu'il se passe. Je hurle de rage en traversant le couloir à grands pas. Je n'attends même pas que la réunion se termine pour voir Rafaël et quitte directement le bâtiment. Je ne supporte plus cette bande de mecs qui n'est pas capable d'admettre qu'une femme peut avoir raison. J'aurai dû négocier samedi dernier. Je sais au fond de moi que j'aurai pu réussir, mais on ne m'a même pas donnée ma chance.

Je remonte dans ma voiture en claquant également la porte. Avant de démarrer, je respire doucement. J'inspire et j'expire pour me calmer. Je ne peux pas prendre le volant avec une telle colère au fond de moi. Finalement, je retourne dans les locaux de Sublimeza bien plus tôt que prévu.

- Déjà revenue ? s'étonne Katerina en me voyant passer devant l'accueil.

- Mon rendez-vous s'est écourté. Je n'ai pas d'entretien cet après-midi ?

- Non, aucun.

- Génial, merci !

Je repars dans mon bureau où je ferme bien la porte pour ne pas être dérangée. J'ai plusieurs contrats à signer et les différents compte-rendus de mes chefs de service à lire et à classer. Je commence à moitié à m'endormir sur mes dossiers alors qu'il n'est que quinze heures. Je n'ai pas mangé depuis ce matin, il me manque du carburant dans l'estomac. Je finis par ressortir du bâtiment pour aller me chercher à manger au coin de la rue. En passant, je tombe sur une femme sans abri qui supplie la personne devant moi de lui donner un peu d'argent. Je prends donc deux sandwichs à la boulangerie ainsi que deux boissons. En ressortant, je tends à la femme le repas que je viens de lui acheter. Je lui tends également la monnaie que m'a rendue la vendeuse. Elle me remercie une bonne dizaine de fois, un véritable sourire aux lèvres. Je crois qu'il n'y a rien de plus beau dans ce monde que ces sourires sincères pleins d'amour.

Je rentre donc, pour la quatrième fois aujourd'hui, dans les locaux, prête à me mettre au travail. Mais l'altercation que je viens d'avoir avec Diego me reste à l'esprit. Je m'en veux de ne pas savoir gérer ma colère et de me laisser emporter par ces émotions trop fortes pour moi. J'aimerais savoir défendre mes idées en restant calme. Mais je n'y arrive pas. Je prends les choses beaucoup trop à cœur pour cela.

Je finis par travailler encore une heure et demi avant de quitter les locaux, complètement éreintée. Je jette un coup d'œil à mon téléphone en retournant à ma voiture. J'en ai plusieurs de Julio qui me harcèle depuis ce matin. C'est vrai que je ne lui ai pas répondu depuis son faux-plan d'hier soir. Je décide de lui répondre lorsque je rentrerai, pour être plus posée et au calme, et je décide également d'ignorer les messages de Rafaël qui doivent sûrement concerner la réunion. Je réponds seulement à ma meilleure Gabriela, qui m'a envoyé plusieurs vidéos hilarantes sur les réseaux sociaux. Je finis par entrer dans ma voiture pour retourner chez moi. Telle ne fût pas ma surprise de voir une voiture noire garée dans l'allée menant à ma maison. Je soupire en coupant le contact. Une partie de moi est toujours en énervée quant au faux-plan d'hier soir, mais je vais enfin le revoir, et ça me réjouit malgré tout.

- Julio ? j'appelle en entrant à la maison.

Il sort sa tête de l'encolure de la porte du salon et je lui saute dans les bras en le couvrant de bisous. Je ne pensais pas être aussi heureuse de le revoir, même après ce qu'il a fait hier soir.

- Qu'est-ce que tu es beau ! je m'écris alors qu'il me repose au sol. Tu vas bien ?

- Je voulais te faire la surprise, me sourit-il en me reprenant dans ses bras. C'est pour me faire pardonner d'hier soir.

- Tu es tout pardonné, je réponds en respirant son odeur à travers son t-shirt. Qu'est-ce que tu m'as manqué !

Nous restons ainsi quelques secondes avant que María ne se pointe devant nous.

- Bonjour à toi aussi Rym ! rigole-t-elle en me claquant un bisou sur la joue. Je vous laisse tous les deux, je vais aller faire mes emplettes. À tout à l'heure !

Je lui fais un signe de la main alors qu'elle quitte la maison. Je pousse Julio vers le canapé sur lequel nous nous affalons.

- Comment s'est passée ta journée ? je lui demande en posant ma tête sur ses genoux.

- Tu l'aurais su si tu avais répondu à mes messages, me répond-il froidement.

- Je suis désolée, hier soir j'étais énervée d'avoir un nouveau faux-plan et aujourd'hui j'ai passé la matinée en déplacement pour mon nouveau projet chez Sublimeza. Puis j'ai bossé tout l'après-midi dans les locaux. Je n'ai pas eu le temps de consulter mon téléphone.

Ce n'est qu'un tout petit mensonge de rien du tout. Il a l'air de le prendre plutôt bien et nous restons quelques minutes dans le silence à nous faire des papouilles. Ça m'avait manqué. Mais Julio vient casser ce petit moment en me disant :

- Je suis vraiment désolé pour hier soir. Je me répète mais je le pense sincèrement. À cause de moi, tu passes des soirées pourries.

- Non, à vrai dire, j'ai passé une excellente soirée, je souris malgré moi.

- Tu n'es pas rentrée chez toi ? s'étonne-t-il.

Je secoue la tête en continuant de jouer avec sa main.

- Juste après ton message, un ami m'a appelé. Miguel, tu te souviens ? C'est celui que tu as vu à la fête foraine.

Il acquiesce en fronçant les sourcils.

- Miguel m'a donc appelé et je lui ai dit que j'étais seule au restaurant. Il est venu m'y rejoindre puisqu'il n'était pas loin. Nous avons dîné ensemble et nous sommes allés au cinéma avant que je ne rentre à la maison.

- Je croyais que ton ami devait toujours être accompagné d'un adulte.

- C'est mieux pour lui mais il apprend de plus en plus à devenir indépendant, je mens. Et puis, j'étais avec lui, il n'était pas seul. En clair, j'ai passé une très bonne soirée et tout s'est bien passé.

Je m'en veux de mentir aussi bien. J'y suis néanmoins obligée, pour le moment. Mais, la réaction de Julio est tout sauf celle à laquelle je m'attendais. Il se lève d'un seul coup du canapé et me donne un violent coup de genoux à l'arrière du crâne.

- Qu'est-ce que tu fais ? je demande en me frottant la tête.

- Je vois que tu passes du bon temps avec ce mec. Ça fait plusieurs fois que tu le mentionnes dans nos conversations.

- Et qu'est-ce que ça peut te faire ? Je n'ai pas le droit d'avoir des amis maintenant ?

Je le vois tourner en rond dans la pièce et s'énerver. Son attitude est incompréhensible.

- Je n'en ai rien à faire ! Tu peux même passer du bon temps avec tous les mecs de la Terre si ça te chante !

- Eux, au moins, ne me mettront pas de faux-plans. Au moins Miguel était làquand toi tu n'étais pas foutu de ramener tes fesses pour me voir.Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, Julio.

Il ne répond pas mais je le vois serrer les points.

- Ma parole, tu es vraiment jaloux ? Parce que si c'est le cas tu vas arrêter immédiatement. Je ne supporte pas ce genre depersonnes. Tu ne me fais pas confiance ? Tu as peur que je me casse voir ailleurs ? Si c'est le cas, c'est que tu me connais vraiment mal. Je ne veux pas de pervers narcissique dans ma vie. Je suis une fille indépendante qui n'a besoin d'absolument personne dans sa vie et qui se débrouille seule. Je fais ce que je veux et si ça ne te plaît pas, ça reste ton problème à toi. Pas le mien.

Il continue de marcher en rond avant de s'arrêter devant moi et de me regarder droit dans les yeux.

- Ce qui m'énerve c'est de savoir que tu prends du bon temps avec un autre homme que moi.

- Prendre du bon temps ? Nous avons juste partagé un repas et nous sommes partis regarder un film au cinéma. Nous sommes amis, rien de plus, et si tu n'es pas capable de comprendre ça, je ne peux plus rien pour toi.

J'ai toujours détesté les embrouilles de couple. C'est épuisant moralement et ça fait mal au cœur.

- Je ne sais même plus quoi te dire si tu n'es pas capable d'avoir confiance en moi, je soupire en me laissant tomber sur la canapé. Tu as bien des amies filles ?

- Oui mais je sais qu'il ne se passera rien avec elles.

La même onde de colère qui m'a traversé en début d'après-midi revient de plus belle et ça me remet hors de moi.

- Avoue que tu te fous de moi ? je hurle en pointant mon index sur lui. Tu te fous de ma gueule, Julio ? Je ne suis qu'une traînée qui ne sait pas contrôler ses hormones avec ses amis garçons ? Alors monsieur as le droit d'avoir des amies filles mais moi je n'ai pas le droit d'avoir des amis garçons parce qu'il pourrait se passer quelque chose ? Dis-moi que tu te paies ma tête là ! Qui suis-je pour que tu me traites ainsi ?

Je me mets sur la pointe des pieds pour coller ma tête à la sienne.

- Alors très bien, tu peux ne pas avoir confiance en moi. Après tout, ça ne fait que deux mois que ça marche entre nous. Mais tu ne peux pas me sortir que je pourrai aller voir ailleurs ! Tu me prends pour qui, sérieusement ? Tu crois que je suis tellement intenable que je vais sauter sur le premier mec venu ? Je n'arrive même pas à croire que tu puisses me sortir ça. Après tout ce que je t'ai raconté...

Ma voix se brise en mille morceaux. Je n'arrive pas à dire tout ce que j'ai sur le cœur. Je suis terriblement déçue de son comportement.

- J'aurai préféré que tu rentres hier soir, plutôt que de passer la soirée avec ton Miguel, lâche-t-il finalement après quelques secondes de silence.

- Parce que tu crois que mon monde ne tourne qu'autour de toi ? Que je n'ai pas une vie en dehors de notre couple ? Que je suis une fille bien gentille et bien soumise qui attend son mari sagement assise dans la cuisine ? Mais tu te fous vraiment de moi ? Va te faire voir, Julio ! Vraiment ! Dégage de chez moi ! Je ne sais même pas comment j'ai fait pour ne pas découvrir cette face de toi avant aujourd'hui ! Je suis trop bête d'aimer des gens aussi égoïstes que toi. Je suis bête d'avoir confiance en des personnes avec qui ce n'est même pas réciproque.

Je reste collée devant lui, dans une colère monstre. Ce n'est pas parce qu'il fait une tête de plus que moi que ça va m'empêcher de faire ou de dire quoi que ce soit.

- Maintenant tu sors de chez moi, Julio, j'articule en serrant fort les poings. Je suis terriblement déçue.

- Tu ne comprends rien à rien, Rym.

- Tu te plains qu'on ne passe pas assez de temps ensemble alors que tu passes ta vie à annuler nos rendez-vous.

- Je travaille, moi.

- Parce que je me la coule douce tous les jours, moi ?

- Je dis juste que ton travail est moins compliqué que le mien.

Je lui donne un coup de poing dans le torse pour le faire reculer.

- Tu as déjà été chef d'entreprise pour oser venir juger mon travail ? Non, alors maintenant tu dégages de chez moi et tu ne te repointes plus jamais ici. Je ne veux plus te voir Julio ! Ton comportement me dégoûte. Tu me dégoûtes ! Je me sens stupide d'avoir cru que tu étais différent des autres.

Je le pousse jusqu'à ce qu'il soit sur le pallier de la porte. J'ouvre cette dernière et le jette dehors.

- Tu n'es qu'une pauvre folle ! crie-t-il en partant vers sa voiture, aussi énervé que moi.

Je claque violemment la porte d'entrée en hurlant de rage et de douleur. Je sens l'eau me monter aux yeux. Je les retiens depuis si longtemps que ça m'en brûle le corps entier. La colère me bouffe de l'intérieur et j'ai si mal. Aussi bien physiquement que psychologiquement. J'ai l'impression que mon cœur va exploser de haine et mon cerveau de colère.

Je retire ma main de la poignée de la porte et me retourne dos à elle. Je n'en peux plus. Je suis épuisée, je me sens vide et je suis hors de moi. Alors, je fais ce que la plupart des gens font. J'ouvre mes vannes de tristesse et je pleure comme je n'ai pas pleuré depuis longtemps. Les gens pleurent lorsqu'ils sont seuls, à l'abri des autres. Je m'effondre sur le sol, plus triste que jamais. J'ai tellement mal que j'ai l'impression que mes larmes sont de l'acide qui viennent me brûler, une à une. J'ai le visage ravagé par le chagrin d'amour.

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