Chapitre Vingt-et-un




            Novembre
Taehyun lança un regard furtif à l'écran de son téléphone, et souri.

Ce n'était pas très professionnel, de laisser son cellulaire ainsi posé sur son bureau. L'écran s'allumait dès qu'une notification apparaissait, et cela attirait inévitablement son attention. Mais de temps à autre, lorsque sa journée de travail n'était pas trop chargée, il s'autorisait ce genre de bêtise. Ce n'était pas bien méchant, il avait une capacité à se remettre au travail assez bonne – ses années d'écoles préparatoires y étant pour quelque chose. Et cette après-midi, la charge de travail étant particulièrement légère – il lui restait quelques appels à passer, rien de bien affolant – il s'autorisait à échanger avec son petit ami par texto.

Ce n'était pas faute de lui avoir rappelé que traîner sur son téléphone en cours était une mauvaise chose. Kai n'avait eu cesse de lui répéter que plusieurs de ses cours étaient en « classe libre », et que par conséquent il était libre de passer du temps sur son téléphone, pour écouter de la musique, chercher des sources d'inspiration ou encore s'envoyer des travaux par mail. Mais certainement pas pour discuter par message avec son petit ami, l'avait-il sermonné.

C'est pas comme si tu ne me répondais pas. Pourtant, toi aussi tu es au travail, hein Hyunnie ?

Voilà comment il avait lamentablement perdu ce débat. Alors depuis, il leur arrivait quelques fois d'échanger pendant la journée.

Alors qu'il se dirigeait en dehors de son bureau pour se servir un café, il se fit la réflexion que ce petit coin détente était bien morne sans la présence de Soobin. Ce dernier avait beau être souvent plus occupé que lui, ils réussissaient toujours à se croiser pour papoter quelques minutes entre deux dossiers périlleux. Et si non, ils déjeunaient ensemble avec leur petite équipe habituelle. Et Taehyun avait beau apprécier ses collègues, il devait avouer que la présence du châtain lui manquait particulièrement. Il ne s'estimait pas très proche du plus jeune, mais leur relation avait quelque chose de doux et naturel qui s'était mis à lui plaire.

Bien sûr, celui qui lui manquait le plus restait Yeonjun. Et même s'il avait maintenant l'habitude que son meilleur ami parte plus ou moins régulièrement en voyage d'affaire, il avait dû s'habituer au décalage horaire monstrueux qui le séparait du plus âgé. Lorsque Yeonjun partait en Chine ou au Japon, dans quelques régions que ce soit, ils parvenaient à garder contact sans trop de lacunes.

Huit heures de décalage en revanche, cela faisait une différence on ne peut plus importante. Et ne pas pouvoir prendre de nouvelles de son ami proprement, cela le frustrait.

Néanmoins, un nouveau sourire vint prendre possession de ses lèvres lorsqu'il sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Attendant patiemment que sa tasse se remplisse, il lut les messages envoyés par Kai.

Hyuka 🐧🤍

J'ai demandé à Ryujin, elle est d'accord pour que tu viennes après la fermeture de la salle !

J'ai hâte que tu voies nos projets (*^▽^*)

J'ai surtout hâte de voir le tien

Des semaines que tu m'en parles et j'ai même pas pu en voir un bout

Hehe

On ira le voir en dernier (╹ڡ╹ )



Et en replongeant son téléphone dans sa poche, Taehyun sut qu'il aurait bien du mal à se défaire de son sourire. Kai avait ce don sur lui : qu'importe la situation, il parvenait toujours à le mettre de bonne humeur. Que ce soit par la façon dont il s'exprimait, lui montrait son amour, respirait...
Oui, Kang Taehyun était un homme aveuglé par l'amour. Mais il s'était rarement sentit aussi bien de toute sa vie.

Un peu moins d'une heure plus tard, il fermait son ordinateur portable pour de bon. Le pas légèrement pressé, il se revêtît de son manteau et de son écharpe avant de fermer son bureau et de quitter les locaux, non sans saluer ses collègues graphistes à travers la baie vitrée qui donnait vue sur leur espace de travail. Il peinait à tenir en place une fois installé aux commandes de sa voiture, impatient de pouvoir enfin rendre visite à Kai dans son établissement. C'était que, n'étant pas son véritable tuteur légal, il ne faisait jamais que l'y déposer ou le récupérer à la fin des cours lorsqu'il était disponible. Et à force d'entendre le plus jeune raconter ses innombrables anecdotes sur sa vie d'étudiant en art, Taehyun était devenu curieux. Pour la première fois, l'école d'art ouvrait ses portes aux proches des élèves un jour où il n'était pas surbooké. Et si les horaires avaient été un peu courts, il était heureux d'avoir obtenu le feu vert de cette Ryujin – la déléguée de classe, s'il ne se trompait pas – pour pouvoir assister à leur petite exposition après l'heure de fermeture.

Près d'une dizaine de minutes plus tard, il se garait dans une rue adjacente de l'établissement en question. Et il lui fallut moins d'une minute pour se retrouver devant ses portes, un grand dadais aux boucles brunes lui sautant au cou. Soupirant de ce qui pourrait être qualifié de soulagement, il se détendit en sentant l'odeur de son petit ami. Ce dernier brisa leur étreinte un peu trop tôt à son goût et le prit par le poignet pour le tirer à l'intérieur de son école. Une fois dans l'enceinte de la bâtisse qu'il n'avait qu'observé de loin à ce jour, il ne put malheureusement pas s'attarder autant qu'il l'aurait voulu pour pleinement prendre connaissance de ce lieu si important pour le plus jeune, ce dernier lui précisant qu'ils n'avaient tout de même pas le privilège de rester plus d'une heure.

Rapidement, ils se retrouvèrent dans une grande salle vide de personnes à l'arrière de l'école, seulement éclairée par quelques lampes à l'intensité et aux couleur variantes.

— C'est là ! s'écria Kai tout sourire.

D'un regard intéressé, Taehyun écouta son petit ami lui parler de chaque œuvre composée par ses camarades. « Utopie », ce simple mot avait confectionné leur sujet, et en se mettant par groupe ou en travaillant individuellement, toutes et tous avaient réussi à produire quelque chose qui représentait ce qu'était à leurs yeux cette fameuse utopie. C'est un sujet un peu bidon et bateau, lui avait dit le brun le jour-même où ce devoir lui avait été donné. Pourtant, il n'avait jamais senti de réel ennui ni une quelconque irritation dans sa voix lorsqu'il lui avait régulièrement donné des nouvelles de son projet. Et s'il se surpris à sincèrement apprécier certaines créations qu'il avait devant les yeux, qu'il s'agisse de photos, peinture, montage plastique ou autre, une seule pensée subsistait en lui : C'est ton œuvre à toi que je veux voir !

Sans qu'il ne sache si le plus jeune agissait par taquinerie ou par embarras, il se sentait frustré de ne pas pouvoir tout de suite accéder à la seule et unique chose pour laquelle il s'était déplacé. Mais Taehyun avait toujours su être patient, alors même si son amoureux lui rendait la tâche un tout petit peu plus difficile, il se garda de le presser plus.

Quelques longues minutes plus tard, Kai posa ses mains sur ses yeux.

— Attends que je te dise pour ouvrir les yeux.

Partagé entre tendresse et agacement, Taehyun ne fit qu'esquisser un sourire silencieux, un léger rire lui échappant des lèvres lorsqu'il sentit le plus grand le guider plus loin dans la salle. Quelques instants plus tard, il ne bougeait plus, et le métisse lui donna le feu vert pour regarder ce qu'il avait devant lui.

Les yeux écarquillés, il prit plusieurs minutes pour observer avec adoration le travail de Kai. Ce dernier avait opté pour un mélange d'aquarelle et de crayons – il lui avait toujours dis que ces deux outils étaient ses favoris. Et ce qui le frappa immédiatement, fut cette silhouette un peu diluée dont on distinguait malgré tout la peau à l'aspect presque mielleux et cette courte chevelure flamboyante qui flottait au milieu de la composition comme partagée entre l'océan et l'espace. Plus les secondes défiaient, plus Taehyun se senti ému d'être représentée au centre de l'œuvre de sa moitié. Il avait représenté le haut son corps à nu, au sein duquel il avait par la suite inséré ce qui semblaient être ses vœux les plus chers. Comme une maisonnette au milieu d'une forêt, un berger australien sautant dans un champ de fleur, des enfants jouant sur une plage – parce que qu'est-ce qu'il pouvait aimer ça, les enfants et les chiens – des personnes de couleur de peau variées s'enlaçant, un établissement truffé de panneaux solaires...

Tout. Il y avait absolument tous les rêves et les désirs les plus profonds du plus jeune dépeints dans cette aquarelle sur toile. Et Taehyun comprit. Il comprit qu'au centre d'une affection particulière pour les enfants et les canidés, de cette maison hypothétique située au milieu d'une forêt, ce désir de paix universel, il y avait lui. Lui, Kang Taehyun, un homme à peine comme les autres, avec son passé, ses choix et ses mésaventures. Mais surtout, lui, l'homme qui était aimé de Kai Kamal Huening, ce petit bout d'artiste et d'humanité tout bonnement adorable qu'il s'estimait encore chanceux de côtoyer à ce jour.

— Alors, tu en penses quoi ? finit par demander le brun, les joues légèrement rougies.

Taehyun savait trouver les bons mots pour s'exprimer, mais rarement lorsqu'il ressentait quelque chose d'aussi puissant et abstrait que ce mélange d'émotion bouleversant qui le traversait à cet instant. Alors pour toute réponse, il ne prit même pas la peine de regarder autour d'eux et cueillit avidement les lèvres de son petit ami des siennes. Et Dieu, ce qu'il pouvait se sentir bien à la seule sensation d'embrasser celui qu'il aimait, dans un lieu qui lui tenait à cœur et devant une œuvre d'art qui exprimait bien des choses. Oui, Taehyun se sentait bien. Et cela ne faisait plus aucun doute que Kai était responsable de ce bonheur qu'il ressentait de façon presque constante.

— J'en pense que je t'aime comme un fou, Hyuka, lui susurra-t-il une fois leur échange brisé.

Kai se mit à rire, le serrant fort dans ses bras tout en lui tapant le dos dans un geste qui trahissait son léger embarras.
Et Taehyun aurait tout donné pour que ce moment ne s'arrête jamais.

:::

— Ayo, les amoureux !

Quelques fois, Taehyun estimait, lui  ou Kai il ne savait pas trop, heureux de ne pas être des plus introvertis, ni trop pudiques quant à la façon dont il s'exprimait.

Kai était quelqu'un de bruyant, qui riait aux éclats dès qu'il s'amusait ou ressentait une joie extrême, parlait parfois la bouche pleine et qui communiquait beaucoup par contacts physiques. Il ne faisait aucun doute que son éducation étrangère ne l'avait pas habitué aux mœurs de la Corée du Sud. Mais Taehyun l'aimait en partie pour ça, ce jeune homme qui n'éprouvait aucune difficulté à exprimer ses doutes, ses peines et ses joies. Et même s'il se fichait bien du regard des autres, il lui arrivait de ressentir de la satisfaction à l'idée que Kai soit scolarisé dans un établissement où la majorité des élèves avaient un esprit un minimum ouvert. Car son petit ami lui avait avoué à plusieurs reprises que c'était en grande partie pour ça qu'il aimait son école d'art.

Je n'ai pas l'impression d'être un étranger ou un mec qui peut en aimer un autre. J'ai l'impression d'être moi, qu'on me parle pour ce que je suis vraiment, et qu'est-ce que c'est agréable !

En quelques enjambées, ils rejoignirent le couple qu'avait interpellé le brun en sortant de l'école. À vue d'œil, Taehyun n'avait aucune idée de qui il s'agissait, mais il ne doutait pas une seconde que les présentations seraient vite faites.

— Hueningie !

Le rouge aurait pu tiquer en voyant ce parfait inconnu se ruer dans les bras de son petit ami, mais en se rappelant les mots que Kai avait utilisés plus tôt, il sut qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter de quoi que ce soit.

— Hyunie, je te présente Kangmin ! fit le brun en en désignant le garçon nettement plus petit que lui d'un geste de main.

— Enchanté ! fit ce dernier en lui tendant une main qu'il prit dans la sienne malgré la surprise du geste choisi. Wouah, ça fait quelque chose de rencontrer la muse de Kai en vrai ! Vous êtes vraiment très beau, plus grand que ce que je pensais, et j'adore le rouge ! fit-il en pointant sa chevelure du doigt.

Il ne fallut pas beaucoup plus de temps à Taehyun pour recoller les morceaux : Kai lui avait souvent parlé de ce Kangmin, un garçon maladroit, presque aussi bavard que lui – si ce n'était plus – d'une gentillesse inégalable et au comportement étrange parfois.
C'étaient les mots de Kai, pas les siens.

— Merci beaucoup, j'aime bien ta couleur aussi, répondit-il.

Son âme d'amoureux des colorations n'avait pas su se retenir. En plus d'une panoplie de piercings, l'étudiant arborait une chevelure azur impeccable. Aucun doute possible : elle était récente. Et il sut qu'il avait visé juste lorsque Kangmin échangea un regard complice avec le brun.

— Je t'avais dit qu'elle était bien cette couleur !

— Oui oui, fit Kai en lui passant une main faussement rassurante dans le dos.

Alors que les deux jeunes artistes continuaient de discuter, Taehyun tourna enfin son attention sur une silhouette légèrement à l'écart. Il aurait presque pu l'oublier avec les deux garçons bruyants qui monopolisaient toute l'attention. Enfouie dans son écharpe, une jeune fille aux courts cheveux châtains se tenait là, silencieuse. La première pensée qui lui vint fut qu'elle devait mourir de froid dans sa tenue ; la seconde fut que malgré tout, cette jupe – et tout ce qui constituait sa tenue – la rendait très jolie.

La dénommée Jiyeon se trouvait être la petite amie de Kangmin qui, de façon évidente, en était éprit de la plus sincère des façons. Et cela semblait réciproque à la façon dont la jeune femme avait de le couver du regard silencieusement, de se lover contre lui lorsqu'il l'attirait contre lui...
Ils sont adorables, ne put-il s'empêcher de penser.

Après avoir discuté avec le couple pendant quelques minutes, ils se retrouvèrent tous deux dans la voiture de Taehyun. En route pour leur appartement, la radio servait de bruit de fond tandis que les deux amoureux échangeaient paisiblement.

— Je les aime trop tous les deux !

— Oui c'est vrai qu'ils sont mignons, fit le plus vieux en faisant référence au couple rencontré plus tôt.

— Ils ont fait leur première fois y'a deux semaines je crois, Kangmin était vachement fier.

Et un silence suivit.

Taehyun déglutit avec difficulté. Il n'avait aucune idée de ce qui avait bien pu pousser Kai à lui dire cela. Était-ce le genre de chose qu'on disait de personnes que l'on venait de rencontrer ? Pour sûr, il lui avait déjà parlé de son ami, du fait qu'il semblait revivre depuis sa mise en couple avec Jiyeon. Et Kai n'était pas du genre pudique, il n'avait pas vraiment de tabou et pouvait se mettre à parler de n'importe quel sujet qui pouvait paraître... déplacé. Et en règle générale, Taehyun n'avait pas beaucoup de problème avec ça, c'était aussi en partie ce qui lui avait plu chez le plus jeune : sa franchise et son manque de complexe.
Sauf que ce sujet, Taehyun le redoutait. Et malgré tout l'amour qu'il éprouvait pour Kai, certaines choses ne changeaient pas.

— Ah..., fit-il après quelques longues secondes de silence. C'est bien pour eux, j'imagine...

Il fit semblant de ne pas remarquer la façon dont le plus grand quitta le paysage du regard pour poser ses yeux bruns sur lui. Il fit semblant de ne pas se sentir l'ambiance s'alourdir et se contenta d'observer la route. Lorsqu'ils s'arrêtèrent à un feu rouge, Kai reprit la parole.

— Tu sais, ça fait quatre mois qu'ils sont ensemble, nous ça va bientôt faire un an et j'me demandais si... 'fin je sais pas.

Taehyun serra la mâchoire, ses jointures virant au blanc alors qu'il resserrait ses mains autour du volant.

— T'en n'as pas envie toi ?

— De quoi ?

— De faire l'amour.

Le feu passa au vert, et il démarra.

— C'est ce que tu penses ? demanda Taehyun habilement.

Il devinait Kai faire la moue du coin de l'œil, triturant la fermeture éclair de sa doudoune bleue. Il le vit hausser les épaules.

— Je sais pas, on n'a jamais eu l'occasion d'en parler. Mais j'me suis dit que ça devrait être naturel et que ça finirait par venir...

— À t'entendre, on dirait que notre relation est déjà terminée.

Je t'en supplie, ne me dit pas que c'est le cas.

Kai se redressa d'un coup.

— Non, non ! Bien sûr que non Hyunie ! C'est juste quelque chose qui me trotte dans l'esprit en ce moment...

Taehyun se sentit affreusement soulagé de la réponse du brun, et il s'en voulut. Pour cette conversation, pour Kai, pour tout ce qu'il ratait sans avoir jamais pu décider de quoi que ce soit.

— Ça finira par venir Kai, ne t'en fais pas trop.


Tu es un connard Kang Taehyun.
Une merde ambulante.

Je fais de mon mieux.

Ce n'est pas suffisant. Pas pour lui.


— D'accord mon Hyunie ~

Le baiser que Kai lui déposa furtivement sur les lèvres avait le désagréable goût du regret, de frustration et de tristesse.

Tout ça, c'est de ta faute, ne put-il s'empêcher de penser.






⌨️SUISEI...

hey hey ! comment allez-vous mes chocolats ? :3

désolée pour l'heure ! quelques obstacles se sont dressés devant la publication de ce chapitre (wattpad entre autre lol)

j'espère que ce chapitre vous a plu ~ cette intrigue secondaire me fait un peu douiller mais j'apprécie beaucoup ces deux personnages et leur dynamique hehe.
j'espère qu'ils vous plaisent aussi ! :)

sur ce, je vous souhaite une bonne soirée, un bon week-end et je vous dis à bientôt pour une surprise de noël ~ 👀

prenez soin de vous mes chocolats <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top