Chapitre Quinze
Novembre
— Les passagers du vol 934 à destination de Paris Charles De Gaulle sont priés de se rendre en salle A4 pour un embarquement imminent, nous vous rappelons...
— Réveillez-vous Soobin.
Une légère pression exercée sur son épaule le ramena à la réalité. Le regard calme et sérieux de Choi Yeonjun lui fit prendre conscience de sa sieste improvisée sur les sièges peu confortables de l'aéroport et d'un geste de tête, il lui intima de le suivre. Soobin se leva, s'étira légèrement avant de se saisir de sa valise. Pourquoi diable avait-il fallut que leur vol ait lieu si tôt ? Six heures du matin, un jeudi, alors qu'ils avaient travaillé la veille ; parfois, il lui arrivait de remettre en question l'organisation de son patron. Au fond, il était persuadé que rien n'avait été laissé aux hasard, Yeonjun avait sûrement ses raisons pour les faire partir si tôt. Le fait était qu'il n'avait pas beaucoup dormit, quatre heures seulement à tout casser, et de toutes évidence, cela ne lui avait pas suffi. Ce qui le révoltait sans véritablement le surprendre en revanche, était de constater que son supérieur lui, s'était montré aussi propre sur lui qu'à l'accoutumé. Qui donc sur Terre se montrait aussi bien habillé et fraichement réveillé si tôt dans la matinée ? Il n'y avait décidément que Yeonjun pour être aussi ponctuel et beau de bon matin.
Soobin fronça les sourcils. Le revoilà qui divaguait ; son manque de sommeil lui faisait vraiment penser n'importe quoi.
Bientôt, ils furent installés dans l'avion qui les mènerait en Europe, sans qu'un mot de plus ait été échangé depuis son réveil. Yeonjun s'était montré professionnel – comme d'habitude à vrai dire – tout le long du processus. Soobin n'avait aucune idée de ce que comptait faire son patron maintenant que l'avion avait décollé – enfin si, il avait bien une petite idée –, en tous cas une chose était sûre ; lui allait rattraper sa nuit perdue.
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Lorsqu'il se réveilla, les hôtesses de l'air passaient dans les rangées pour distribuer les repas. Il se redressa, une grimace faisant surface sur son visage en sentant les conséquences de sa mauvaise position le lancer dans son bassin et son cou. Il ignora la douleur pour se saisir de son plat et demander un jus d'orange. Voilà qui allait le réveiller en douceur et lui faire le plein d'énergie.
— Bien dormi ?
Il avait presque sursauté, avant de regarder son patron délicatement ouvrir la boîte contenant leur repas. Choi Yeonjun lui demandait s'il avait bien dormi ? Il crut avoir rêvé, jusqu'à ce que le principal concerné ne plonge son regard dans le sien.
— Soobin ?
La réalité le frappa en même temps que cette réalisation : oui, son supérieur lui avait bien posé cette question. Légèrement stupéfait et encore un peu endormi, il mit un certain temps à répondre.
— Euh... Oui. Merci.
Il se trouvait bien idiot avec sa voix d'endormi et sa réponse déconstruite, mais il n'avait pas su quoi lui dire. Yeonjun qui s'inquiétait d'autre chose que de son travail ou de sa phobie, il allait avoir du mal à s'y faire.
Il se mit lui aussi à manger son plat, un nouveau silence s'imposant entre eux. Tout en dégustant son poulet au curry, il commença à cogiter tout en observant les alentours. Voilà des années qu'il n'avait pas pris l'avion et il lui sembla ne prendre conscience de son environnement que maintenant. Il était assis côté rangée et se rendit bien vite compte que l'avion n'était pas complètement rempli. Après tout, avec un tel horaire, il ne s'était pas attendu à voir des familles partir en vacances. Non à vrai dire, les passagers étaient essentiellement des gens visiblement fonctionnaires, ou encore des voyageurs solitaires – il y avait bien une dame aux allures très luxueuses –... et puis il y avait eux. Un patron et son assistant arrachés à leur lit pour faire affaire en France.
En échouant son regard sur le profil du plus vieux, il ne put s'empêcher de remarquer la fatigue de ce dernier. Ce n'était pas faute d'avoir essayé de la camoufler, n'importe qui aurait pu le croire pimpant et en pleine forme, mais il n'en n'était rien. De là où il était, Soobin voyait bien les yeux un peu tombants qu'il arborait et sa posture moins droite qu'à l'accoutumé. Et il ne put s'empêcher de se demander si Yeonjun n'avait fait que travailler depuis qu'ils avaient quitté le sol de la Corée.
L'ordinateur portable qui dépassait encore de sa sacoche lui servi de réponse.
Une fois leur repas terminé, les hôtesses passées, il était à présent bien éveillé. Et, alors qu'il se demandait comment il allait bien pouvoir tuer les longues heures de vol qui leur restait, il capta un drôle de geste à sa droite. Le plus discrètement possible, il surveilla le brun, et ses soupçons se confirmèrent rapidement. Yeonjun avait ressorti son ordinateur, certainement prêt à continuer ses rédactions de contrats et mails en tout genre. Psychologiquement tout du moins. Car s'il ne doutait pas de sa détermination, la façon dont sa tête avait manqué de taper contre le hublot ne trompait pas : il était mort de fatigue.
Pendant une poignée de minute, il ne sut trop que faire, continuant d'observer silencieusement son supérieur mener une rude bataille contre le sommeil. Il se demanda un instant si Yeonjun avait réellement dormi la nuit dernière, mais chassa bien vite la question de son esprit.
— Monsieur ?
Il se redressa d'un coup, à tel point que le plus grand se demanda s'il ne s'était pas craqué une ou deux cervicales passage.
— Oui ?
Soobin prit une grande inspiration. Qu'avait-il prévu de lui dire déjà ? Non, avait-il seulement prévu de lui dire quelque chose ? Il lui fallut un instant avant de répondre.
— Vous voulez que je vous relaye ? fit-il avec un air franc sur le visage.
Ce fut au tour de Yeonjun de se déconnecter un moment de la réalité, ou plutôt mettait-il du temps pour s'y replonger, il ne savait pas trop. Il remplaça bien vite sa mine étonnée par celle toujours aussi calme et sérieuse qu'il empruntait d'habitude.
— Oh euh...
— Vous semblez fatigué...
Exténué aurait été plus correct, mais il se retint.
— S'il vous reste des contrats à rédiger, je peux m'en occuper. Je peux même répondre à quelques mails.
Yeonjun semblait perdu dans une argumentation intérieure, sûrement en train de peser les pours et les contres de cette proposition tout en repoussant vainement la fatigue qui l'assaillait.
Après une petite minute, il se retourna vers lui.
— Mais vous...
— J'ai bien dormi monsieur, je suis en pleine forme. Je peux m'en occuper.
Il lui sourit légèrement, espérant intérieurement le convaincre sans pour autant parvenir à mettre le doigt sur ce sentiment qui le poussait à vouloir à ce point soulager son patron.
— Bon, si vous y tenez.
Il s'empressa de se saisir de l'ordinateur portable, tout en y faisant attention, avant de le poser sur sa tablette. Yeonjun trouva évidemment nécessaire de l'instruire pendant de longues minutes sur ce qu'il pouvait faire, ne pouvait pas faire, comment il devait le faire, et ce fut seulement après l'avoir observé pendant d'autres longues minutes qu'il sembla s'autoriser un peu de repos.
Soobin soupira en voyant le plus petit endormi à ces côtés. Yeonjun était sincèrement buté par moment, mais il se concentra bien vite sur ses nouvelles missions, une petite voix lui chuchotant que, niveau entêtement, il n'était pas en reste. Après quelques minutes plongé dans son travail, un nouveau mouvement sur sa droite l'intrigua. Il jeta un œil au siège voisin et y vit le brun qui tentait visiblement de trouver une position plus confortable pour dormir. Il le fixa quelques instants, puis une fois assuré qu'il était bien enfermé dans les bras de Morphée, il se pencha dans sa direction pour, d'un geste de poignet, incliner son siège vers l'arrière.
Puis il se redressa bien vite. Quelle mouche l'avait piqué au juste ? Il chassa cette action d'un geste de tête, comme pour l'oublier à jamais, avant de se replonger dans son travail.
:::
Taehyun fronça les sourcils.
Des mails de Yeonjun, il en avait reçu, des tas. Parce que son ami aimait bien envoyer des mails dès lors qu'il était question du travail, et ce, même s'il était totalement possible pour lui de lui envoyer un texto. En outre, il était devenu un expert en la matière, suffisamment pour savoir que, ce message-là, il n'était pas de son meilleur ami. Non, Yeonjun ne signait pas ses mails par un « Merci ! 😊 ».
Après quelques bouchées de riz, il comprit. L'auteur de ce message ne pouvait être que Soobin. Un regard vers l'horloge l'en persuada : à l'heure qu'il était, son ami et son assistant devaient encore être en plein vol. Et si ses déductions étaient correctes – et elles l'étaient très souvent –, Soobin s'occupait de répondre à quelques mails à la place de Yeonjun. Il fronça les sourcils à nouveau. En voilà un événement inattendu de si bon matin. Yeonjun qui laissait son travail – et l'accès à son ordinateur portable, accessoirement – au châtain, c'était pour le moins surprenant. Il aurait des questions à poser au plus vieux, mais elles attendraient.
Il regarda l'heure une deuxième fois et s'autorisa à se détendre. En temps normal, il serait déjà dans les transports en commun direction le bureau des ressources humaines de Regard. Mais aujourd'hui, c'était différent. Tout d'abord, il était vendredi, et les vendredis étaient toujours un peu plus calmes que les autres jours de la semaine. Et de plus, son adorable patron et ami de longue date étant en déplacement, il pouvait s'autoriser des horaires plus souples.
Et les horaires plus souples, c'était toujours agréable. Il pouvait prendre le temps de se réveiller en douceur, de manger correctement, et surtout, de le voir avant de partir.
La porte de la cuisine s'ouvrit, et il le vit. Il venait tout juste de se réveiller : ses cheveux en pagaille et ses yeux encore fermés ne trompaient pas. Sa bouille le fit sourire et la façon qu'il eut de s'avancer jusqu'à lui pour le serrer dans ses bras fit fondre son cœur comme neige au soleil.
— Tu n'es pas déjà parti ? fit-il d'une voix encore un peu enrouée.
— Non, Yeonjun n'est pas là, alors je m'autorise à rester un peu plus longtemps. Pour pouvoir nourrir mon petit oisillon ~ fit-il en lui ébouriffant les cheveux.
— Ouiiiii, fit le plus jeune en levant les bras pour montrer sa joie.
Taehyun laissa échapper un rire.
Kai était une véritable boule de joie, un rayon de soleil, une bouffée d'air frais. Il ne s'était jamais estimé malheureux, sa vie avait toujours été plutôt équilibrée ; elle avait connu des hauts et des bas, mais rien qui nécessitait de changement radical. Et puis il avait rencontré Kai, et il était allé jusqu'à remettre en question la définition du bonheur. Il s'était demandé comment il avait pu connaître le bonheur sans le connaître lui, sans entendre son rire au moins une fois par jour, sans le voir sourire ou parler de ses passions.
Alors oui, au début, cela n'avait pas été facile. La différence d'âge, de situation financière et familiale n'étant pas de leur côté. Mais ils avaient tenu bon. Ils étaient restés soudés, main dans la main face à tous les obstacles qui s'étaient dressés devant eux, et voilà où ils en étaient aujourd'hui : vivant dans le même appartement et dans une bulle de bonheur qui ne saurait être tourmentée par quoique ce soit.
Ils s'installèrent à table, Kai tenant à s'assoir sur ses genoux et pendant quelques minutes, il prit soin de le nourrir, bouchée par bouchée. Et sous les rayons du matin, il ne put s'empêcher de détailler son petit ami. La douceur de sa peau, les incalculables grains de beauté qui la parsemaient, ses lèvres fines toujours fendues en un sourire – et oh, quel sourire. Même en pyjama, Kai était un être fascinant, et ce, même si cela faisait bientôt un an qu'il avait la chance de vivre sous le même toit que lui.
— Prend une photo, ça durera plus longtemps, fit le métisse avec un sourire narquois.
Et il suivit son faux conseil, habitué aux expressions un peu étranges, directement tirées de sa langue d'origine, que son amoureux pouvait lui sortir quelques fois. Il se saisit de son portable et prit quelques clichés. Il les légenderait s'il avait la possibilité de les imprimer pour les exposer. Et Dieu savait qu'il avait une réserve conséquente de photo de l'étudiant. Kai avec un grain de riz au coin de la bouche, Kai au réveil, Kai qui rougit, Kai en plein fou-rire, et il en passait.
Puis, en le serrant à nouveau dans ses bras, il se fit la réflexion que finalement, cette idée d'exposition n'en valait pas la peine : pour rien au monde il ne partagerai ne serait-ce qu'un tout petit cliché de Kai. Taehyun n'était pas quelqu'un d'égoïste pourtant.
Non, simplement un homme éperdument amoureux.
⌨️SUISEI...
hello ! comment allez-vous ? :)
personnellement j'ai attrapé une vilain rhume, mais je devrais bientôt m'en remettre ~
j'espère que ce chapitre vous aura plu, notamment avec la première apparition tant attendu du personnage de kai ! j'aime beaucoup ces deux loulous, et je ne pense pas être la seule ~
à la semaine prochaine pour la suite mes chocolats !
kiss ~
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