Chapitre Quatorze




            Novembre
            Il ne fallut pas une seconde de plus à Soobin pour dégainer son téléphone une fois la porte de son appartement claquée. D'un geste bien connu de ses doigts, il cliqua sur le contact « Gyu 🐻❤ ».

— Allo ?

— Je pars en France dans trois jours !

Le sourire aux lèvres, Soobin fixait le vide, encore statique dans l'entrée de son petit appartement. Lorsqu'il se décida à bouger pour poser ses clés et enlever ses chaussures, il se demanda si son meilleur ami n'était pas mort d'une crise cardiaque.

— 'Gyu ?

L'instant d'après un énorme cri se fit entendre et Soobin dû éloigner son téléphone pour éviter d'être sourd avant l'âge. Il avait l'habitude maintenant ; Beomgyu était quelqu'un de bruyant.

— Que- qui- quoi ? Mais euh pourquoi ? s'écriait le plus jeune, visiblement déboussolé par la nouvelle.

— Ça m'était complètement sorti de la tête, mais Choi Yeonjun a envoyé une volontaire expatriée en France il y a de cela deux trois ans environ. Sa mission avait pour but de faire connaître Regard à plusieurs compagnies françaises pouvant être intéressées par nos services, et aujourd'hui, cette personne a appelé mon patron et dans trois jours je pars avec lui à Paris !!

La nouvelle faisait encore un peu trembler sa voix tant l'émotion le prenait. Soobin avait toujours aimé voyager ; l'idée qu'il s'en faisait tout du moins, car il n'avait pas eu l'occasion de sortir de son pays très souvent. Sa famille n'était pas des plus aisées et se contentait très bien de la campagne coréenne qu'ils avaient l'habitude de visiter durant les grandes vacances. Beomgyu non plus n'avait jamais pu avoir le soutien de sa famille pour ce genre de chose. Il leur était arrivé une fois de voyager une semaine au japon. Avec leurs économies, ils n'avaient pas pu visiter le pays de fond en comble mais pour eux, c'était déjà quelque chose.

À côté de cela, la France relevait de l'inespéré. Il n'avait pas pensé, en postulant comme assistant dans une entreprise de design d'intérieur, qu'il aurait la chance de voyager et surtout de partir si loin de son pays natal. L'Europe, la France, Paris : cela avait quelque chose de grisant.

Beomgyu laissa entendre sa joie par de nombreux « wouah » et autres « awesome » qui était visiblement son expression favorite du moment. Ils discutèrent encore un peu tandis que Soobin s'installait confortablement sur le divan de son salon, chaussures et manteau enlevés.

— Mais dis-moi, commença le blond cendré. Ça ne te dérange pas de partir avec ton patron ? Juste avec lui, je veux dire.

Soobin regarda par la fenêtre de son appartement. Il était vrai qu'avec cette nouvelle terriblement excitante était venue celle qui l'avait un peu freiné dans son entrain. Ce voyage ne compterai que Choi Yeonjun et lui, Marie étant déjà sur le terrain et le reste de l'entreprise étant nécessaire en Corée du Sud. Il n'avait pas trop su comment prendre la nouvelle au début. Ce qui était certain, c'était que si on la lui avait annoncée quelques semaines auparavant, il se serait enterré six pieds sous terre. Seul avec Yeonjun dans un autre pays – intéressant à découvrir, certes – pour une durée indéterminée ? Quelle horreur ! telle aurait été sa réaction. Et pourtant, il se surprenait lui-même en constatant que, étrangement, l'idée ne le rebutait pas tant que ça.

— Je ne sais pas, commença-t-il en triturant le tissu de son coussin. Tu sais... Je crois que... Que je m'entends un peu mieux avec lui, ces derniers temps.

Il imaginait sans aucun mal son ami écarquiller les yeux comme il savait si bien le faire.

— Je veux dire, disons que... je le trouve un peu moins agaçant qu'avant, et puis... Je ne sais pas, il m'a fait confiance aujourd'hui, il m'a confié une mission très importante, le genre dont il ne laisse personne d'autre que lui s'occuper habituellement... Et, je ne sais pas, répéta-t-il. Je dois avouer qu'il est moins chiant et barbant que je ne le pensais.

Et il entendit le rire de Beomgyu résonner dans l'appareil, faisant naître un rictus sur ses lèvres.

— C'est bon à entendre, fit le plus jeune d'une voix douce.

Soobin cru presque se sentir rougir d'un coup. L'envie d'effacer tout ce qu'il venait de dire et de se contredire lui brûlait les lèvres ; il ne voulait pas que Beomgyu se fasse d'idée. Et Beomgyu était doué pour ce genre de chose, voir des sentiments là où il n'y en n'avait pas, interpréter n'importe quel geste comme la preuve d'une passion brûlante et inavouable. Beomgyu était un grand romantique, et s'il avait pris l'habitude d'apprécier cet aspect de sa personnalité avec le temps, il n'avait aucune envie de devenir le nouveau héros de ses scénarios farfelus.

Pourtant, cette fois-ci, il ne trouva pas le courage d'élever la voix pour l'empêcher d'imaginer quoi que ce soit. Il se fit la réflexion que la voix de son ami n'avait rien de celle aiguë et pleine de sous-entendu qu'il prenait lorsqu'il insinuait ce genre de chose, et il comprit le plus jeune était simplement sincère. Il était le seul à s'être fait des films l'espace d'un instant et il préféra se taire en chassant ses pensées d'un battement de cils.

— Tu n'oublieras pas de me ramener des souvenirs, hein ? s'écria ensuite Beomgyu, sa bonne humeur de retour à l'autre bout du fil.

Soobin se ressaisi en l'entendant et un sourire fit son chemin sur ses lèvres légèrement gercées. Il n'avait pas à s'en faire : ce voyage ne promettait rien d'autre qu'un nouveau départ pour sa relation avec son patron, d'une façon purement platonique et professionnelle. Yeonjun savait pour son problème, et à présent, il pouvait un peu plus lui faire confiance. Et cette pensée réussit à adoucir les battements effrénés de son cœur.

:::

            — Tu es sûr que tu ne veux pas que je vienne ?

Yeonjun leva les yeux au ciel pour la troisième fois de la soirée.

— Non, Tae', je t'assure pour la septième fois que ce n'est pas nécessaire.

Taehyun l'observa faire sa valise, les bras croisés et un air peu rassuré peint sur le visage. Ce n'était pas la première fois que Yeonjun voyageait sans lui dans un continent qui n'était pas le leur. Et puis, il était plus âgé, il savait très bien vivre seul – il le faisait depuis quelques années après tout – mais c'était plus fort que lui ; il ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter. Il était question de Choi Yeonjun, la dernière fois que son meilleur ami avait quitté l'Asie, il était accompagné par une personne de confiance. Là, Yeonjun partait, pour une durée indéterminée, en France, et avec Soobin pour seule compagnie. Il avait conscience que les chances que ce séjour tourne au vinaigre étaient minces, pourtant, l'inquiétude était là. Après cet étrange épisode concernant la phobie de l'assistant et les mesures que Yeonjun prendrait vis-à-vis de cette dernière, il n'avait pas véritablement eu de nouvelles sur comment se passaient les choses entre ces deux-là. Il savait bien que son ami ne parlait pas de ce genre de choses très souvent, et il était on ne peut plus conscient que l'heure n'était pas à l'interrogatoire, mais l'effet était là : il ne savait pas si Soobin reviendrait entier de ce séjour, ni si son meilleur ami n'allait pas faire de gaffe considérable en son absence.

Légèrement anxieux, il se redressa sur le lit du brun, Capucine entre les jambes. La lapine somnolait, bercée par les caresses que le rouge exerçait sur son pelage depuis plusieurs minutes.

Toujours debout dans sa chambre, Yeonjun se tourna dans sa direction et croisa son regard.

— Ecoute Thyun, je ne vois même pas pourquoi tu t'obstines avec ça. Tu sais bien que Regard a besoin de toi ici, tu ne peux pas te permettre de m'accompagner.

Ledit Thyun soupira. À presque trente ans, Yeonjun ne comprenait toujours pas que ce qu'il pouvait bien penser et ressentir n'était pas nécessairement en relation avec l'entreprise.

— C'est pas ça 'Jun, je suis bien au courant qu'en tant que DRH, mon job est de rester. Mais c'est la première fois que tu pars seul en dehors de l'Asie et- je ne sais pas écoute, je sais bien que tu sauras te débrouiller, mais ça me fait juste un peu peur. Voilà.

Ce fut au tour de Yeonjun de se redresser en croisant les bras. Taehyun le regarda droit dans les yeux, d'un air de dire : parce que moi au moins, je n'ai pas peur de dire ce que je ressens. Fais-en de même, s'il-te-plaît.

— Je ne serai pas seul, Tae', fit le plus vieux d'un ton calme. Soobin sera là lui aussi, et puis c'est moi le plus âgé ici, c'est toi mon enfant à l'origine ! fit-il en levant la main droite, un air faussement menaçant sur le visage.

Les deux amis rigolèrent un instant. Il était vrai que, durant leurs études, Taehyun se plaisait à comparer leur groupe d'ami à une sorte de famille. Il avait toujours été le plus jeune, lumineux et plein de joie de vivre, Yeonjun le père un peu coincé qui n'avait d'yeux que pour le travail, et elle, qui avait toujours su prendre soin d'eux de la meilleure des façons.

— D'ailleurs, si tu partais avec moi, Taeyeon serait obligée de faire du baby-sitting, et je suis convaincu que ta sœur a autre chose à faire que s'occuper de ton gosse pendant ton absence.

Le rouge lui monta aux joues instantanément. Depuis que ledit gosse était entré dans sa vie, Yeonjun ne manquait pas une occasion de lâcher une ou deux remarques sur lui ou leur relation. Cela n'avait jamais rien de blessant, mais sa situation était déjà suffisamment spéciale comme ça, il n'avait pas forcément besoin que son meilleur ami en remette une couche dès qu'il en avait la possibilité.

— Je vais commencer à croire que tu veux le rencontrer, à parler de lui tout le temps, lâcha-t-il avec un petit sourire en coin.

Yeonjun détourna le regard, se concentrant de nouveau sur sa valise.

— Très peu pour moi, j'ai jamais été très... garderie.

Si cela ne tenait qu'à lui, Taehyun aurait pris un oreiller pour le balancer sur le plus grand. Mais il venait de réveiller Capucine, et ne voulait la violenter plus que cela. De plus, il pouvait être certain qu'en agissant de la sorte, Yeonjun ne trouverait pas cela drôle très longtemps et l'obligerai à ranger toute sa chambre par la suite.

— Tu dis ça, mais tu vas partir avec Soobin pendant on ne sait pas combien de temps dans un pays que vous ne connaissez pas.

Il vit Yeonjun froncer les sourcils, et sourit à son tour, content d'avoir trouvé une réponse de taille.

— Je ne vois pas le rapport, marmonna-t-il en déposant minutieusement chacune de ses chemises dans sa valise noire. Soobin n'est pas un enfant et puis, la France ne m'est pas si inconnue que ça.

Taehyun leva les yeux au ciel une fois encore, déposant Capucine sur le sol pour que la lapine puisse vaquer à ses occupations.

— Se balader avec Google Map ne compte pas, Yeonjun. Et collectionner les plans de Paris non plus, fit-il d'une voix blanche.

Ce fut au tour de Yeonjun de prendre quelques couleurs. Il le savait dérangé d'être ainsi exposé, alors même qu'ils se connaissaient depuis des années, et que cette passion que le plus vieux avait pour ce pays n'était plus un secret pour lui depuis belle lurette.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, bougonna le brun en continuant de ranger chaque costume dans son bagage, prenant soin de ne pas les froisser et de les arranger par couleur.

Taehyun n'eut pas le cœur à répondre à cette phrase empestant le déni. Il observa son grand ami détailler chacun de ses ensembles, probablement déjà en train de penser aux personnes importantes qu'il allait rencontrer, à quel costume ferait-il mieux de porter en fonction de ces dernières, de la météo, et accessoirement de la taille de sa valise. De là où il était, il devinait sans mal chaque chemise être pliée à l'intérieur de sa veste et rangée à côté du pantalon correspondant, le tout méticuleusement agencé de sorte que rien ne dépasse et que tout arrive sans encombre à Paris. Voilà encore un élément qui l'inquiétait légèrement.

De souvenir, Yeonjun avait toujours eu ces tocs de maniaquerie : il devait se laver les mains au moins huit fois par jours, avait toujours un gel hydroalcoolique sur lui, passait la poussière dans son bureau alors même qu'il payait des gens pour le faire – plus souvent encore s'il était travaillé par un dossier difficile –, rangeait généralement ce qu'il avait par couleur ou ordre d'acquisition, et la liste de ceux qu'il avait réussi à mémoriser s'arrêtait là.

Plus ou moins étrangement, Yeonjun n'était pas fier de cette facette de sa personnalité. À vrai dire, il trouvait que cela ne collait pas avec l'image qu'il voulait renvoyer de lui – il ne lui avait jamais dit ces mots, mais les avait compris avec le temps.

Et Dieu savait à quel point Yeonjun tenait à cette image, celle du patron pas spécialement froid, mais strict, propre sur lui et sans rien pour déborder de cette idée que l'on devait se faire de lui. Un patron qui se respectait n'avait pas de problème de maniaquerie, un patron qui se respectait n'avait peur de rien, un patron digne de ce nom ne laissait pas ses sentiments interférer dans son travail. Et pour Yeonjun, le travail était toute sa vie. Si le brun pouvait se permettre d'avoir un tel comportement devant lui, c'était bien parce qu'ils s'étaient connus neufs ans auparavant, et que Yeonjun savait pertinemment que jamais il ne le jugerait pour une telle chose. En revanche, imaginer une autre personne dans la confidence n'était pas dans ses plans, et c'était là que Taehyun s'inquiétait à nouveau.

Soobin et lui s'entendaient assez pour qu'il sache que le plus jeune ne ferait pas de mal à une mouche et qu'il avait une personnalité assez ouverte. Mais il était bien placé pour savoir que Soobin avait ses défauts lui aussi et il ne pouvait s'empêcher d'imaginer la réaction de châtain s'il venait à découvrir la maniaquerie presque maladive de leur supérieur. Soobin pouvait être imprévisible, et cela l'effrayait légèrement.

— Tu sais, commença alors le plus vieux, le sortant de ses pensées. Tu ne devrais pas t'en faire pour Soobin, ni pour moi ou pour... nous deux, finit-il par dire, le ton un peu plus bas.

Taehyun se tut, pendu aux lèvres de son ami qui semblait enfin décidé à éclairer quelques zones d'ombre.

— Je sais bien que tu t'inquiètes avec ce qu'il s'est passé récemment et notre départ un peu précipité. Mais je t'assure que tout se passera bien, Soobin et moi nous..., il sembla hésiter, le regard suspendu dans le vide. Nous nous entendons un peu mieux qu'avant, enfin, c'est l'impression que j'ai, fit-il avec un sourire un peu triste sur le visage. Tu sais bien que je n'ai jamais été très doué pour ce genre de chose, mais j'ai vraiment l'impression que ça va un peu mieux. Je crois qu'il me fait confiance, et j'imagine que je lui fais un peu plus confiance également ?

Yeonjun planta ses yeux bruns dans les siens, l'air légèrement perdu, mais une lueur brillait au fond de ses orbes. Taehyun cru voir scintiller une sorte de détermination dans son regard.

— Bien sûr, toutes ces choses n'étaient pas censées arriver. Mais comme tu le dis si souvent, tout n'est pas forcément prévisible et je pense que j'ai réussi... nous avons réussi, corrigea-t-il, à faire avec. Et puis, pour le contrat qu'on a à faire là-bas, tu n'as pas à t'en faire non plus. J'ai relu les informations envoyées par Marie et...

Le plus jeune le laissa continuer sans l'écouter plus que cela ; Choi Yeonjun n'était pas Choi Yeonjun si tout ne revenait pas au travail. Mais à vrai dire, il était encore légèrement bouleversé des paroles prononcées par son ami quelques instants auparavant. C'était la première fois qu'il voyait le plus grand ainsi : légèrement perdu sans paniquer de l'être, confiant vis-à-vis d'une situation qui le préoccupait beaucoup quelques semaines auparavant, serein face à autre chose qu'un problème purement technique. Et il ne sut trop comment interpréter ce qui se passa dans sa poitrine à cette soudaine réalisation ; peut-être était-ce de la fierté, de l'amour ou tout simplement un souffle de soulagement qui venait apaiser son être.

Le sourire aux lèvres, il continua d'écouter le brun comme il l'avait toujours fait.

Je suis fier de toi, 'Jun.











⌨️SUISEI...

hi ! j'espère que vous allez bien !

désolée pour le léger retard (j'ai une bonne excuse : je regardais la dernière saison de Sex Education)

j'espère que ce chapitre vous plaît ! de mon côté j'ai repris un petit peu d'avance et surtout un bon (?) rythme d'écriture ! ça me fait toujours autant plaisir de vous partager cette histoire et de lire vos commentaires :)

portez vous bien mes chocolats !

plein de bisous ~

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