Chapitre Onze




            Novembre
            — Bien, nous serons ravis de faire équipe avec vous, fit Kang Insu en se levant.

Yeonjun se leva également et lui serra la main avec le sourire d'un homme qui venait de conclure une affaire en or. La réunion venait de se terminer ; elle avait duré un peu plus d'une heure, mais cela avait porté ses fruits. Kang Insu était le directeur adjoint d'une grande société d'événementiel qui avait été suffisamment convaincu par le projet de leur nouvelle gamme pour leur promettre une place parmi l'un des plus grands festivals de design d'intérieur. Ce dernier permettrait à Regard de se faire un nom dans tous les pays d'Asie. Ce n'était pas encore le développement international dont il rêvait, mais patience, il savait que les projets les plus importants – du moins ceux qui lui tenaient le plus à cœur – verraient le jour d'ici peu. Ce n'est qu'une question de temps, se disait-il. En attendant, il saurait parfaitement se contenter des offres et contrats dont il pouvait se permettre.

Il passa devant Soobin pour quitter la salle de réunion et un autre sentiment de satisfaction le prit. Car, après tout ce qu'il avait dû faire pour cette histoire d'assistant phobique, il devait bien avouer qu'il était parvenu à tout faire rentrer dans l'ordre. Cette simple pensée avait le don de lui faire échapper un soupir de soulagement : tout était redevenu comme avant. Il ne devait plus se soucier d'autre chose que la nouvelle gamme qu'ils étaient en train de promouvoir et de tout ce qu'elle était censée leur rapporter. À savoir : plus de visibilité à l'international, donc plus de clients étrangers et par conséquent, une palette de design on ne peut plus diversifiée s'offrait à eux. Regard avait besoin de se renouveler, il savait que l'entreprise était encore jeune et que changer de clientèle après seulement quatre ans pouvait s'avérer risqué, mais il savait également que dans le milieu la prise de risque était souvent nécessaire à l'évolution.

Soobin et lui remontèrent dans leur bureau respectif après avoir encore salué l'équipe de collaborateurs. Il posa sur sa chaise du bureau sa sacoche de travail, avant de remarquer du coin de l'œil que le rebord des baies vitrées au fond de la pièce avait l'air poussiéreux. Sans hésitation, il ouvrit le tiroir droit de son bureau et en sorti un paquet de lingette dépoussiérante. Il se fit la réflexion qu'il devrait en racheter un paquet d'ici peu, autrement il tomberait à court de stock et ce n'était tout simplement pas envisageable. Une fois qu'il eut commencé avec le premier rebord, il ne put s'arrêter et astiqua le deuxième, puis le troisième. Puis les commodes qui comportaient tous les dossiers depuis la création de Regard lui semblaient soudainement sales, alors sans y réfléchir à deux fois, il se mit à les nettoyer également. Plus rien autour de lui ne comptait, trop absorbé par sa tâche, jusqu'à ce qu'une série de trois coups à sa porte ne se fasse entendre. Il sursauta légèrement, se reconnectant à la réalité, puis s'empressa de jeter toutes les lingettes qu'il avait utilisé avant d'aller ouvrir.

— J'étais prêt à parier que tu t'étais encore perdu dans ton mode "cendrillon", fit Taehyun d'un air las en voyant Yeonjun lui ouvrir, les manches de sa chemise retroussées.

Le brun eu grand mal à réprimer une sorte de grognement, irrité à l'idée que Taehyun fasse allusion à ses tocs sur son lieu de travail. Mais il se ravisa bien vite, se souvenant que l'agacement de son ami était on ne peut plus légitime puisqu'il avait l'avait involontairement délaissé pour son quart d'heure ménager improvisé.

— Arrête de dire ça, fit-il tout bas en remettant ses manches en place avant de s'emparer de son manteau. Pardon du retard, on peut y aller.

Après avoir fermé la porte de son bureau, il suivit le rouge jusqu'à l'ascenseur de l'étage. Il jeta un œil à sa montre : midi et demi. En effet, il avait passé environ dix minutes à astiquer ses meubles, c'était quelque chose qu'il avait encore du mal à contrôler quelques fois. Notamment après un événement important, comme la réunion à laquelle il avait assisté avec la compagnie d'événementiel. Et à présent, il avait un petit creux. Il se serait amplement contenté des restes de son diner d'hier soir, mais non. Taehyun avait insisté pour qu'ils déjeunent ensemble, ailleurs que dans les locaux de l'entreprise. Parce que – il se souvenait clairement de ses mots – « Tu es trop tendu et stressé avec tout ce qu'il se passe. Le boulot et le reste. ». Yeonjun n'avait pas bien compris ce que pouvait bien être ce reste, ou peut-être avait-il tout simplement préféré ne pas trop y réfléchir.

Il lui avait bien répété qu'il pouvait très bien gérer son stress, qu'il n'était plus un jeune amateur qui en était à son premier gros contrat, mais le plus jeune avait lourdement insisté comme il savait si bien le faire.

Et puis de toutes façons, ça fait longtemps qu'on n'a pas déjeuné ensemble, juste tous les deux.

Et là, il n'avait pas pu le contredire. Depuis un an environ, Regard prenait une importance considérable sur le marché du design d'intérieur coréen. Tous avaient été grandement occupés entre la satisfaction des demandes nationales de plus en plus nombreuses tout en ne mettant pas de côté la préparation des projets pour l'outre-mer. Et bien que Taehyun et lui avaient toujours fait attention à continuer d'entretenir leur amitié comme il se devait en dehors du travail, ces derniers mois leur avaient laissé peu d'occasion de passer du temps ensemble. La dernière fois qu'ils s'étaient vus remontait à plus d'une semaine lorsqu'ils avaient discuté de ça, de Soobin et de son problème. Et avant cette soirée, ils ne s'étaient pas vus depuis deux mois – peut-être trois – en seul à seul, en tant qu'amis et non que collègues. Alors, Yeonjun s'était dit que quitter les bureaux le temps d'un déjeuner pour passer plus de temps avec son meilleur ami ne pouvait pas lui faire de mal.

La réunion passée et le déjeuner s'annonçant on ne peut plus agréable – car il savait que Taehyun avait le don pour trouver les meilleures adresses – Yeonjun se sentit déjà plus détendu au fur et à mesure que l'ascenseur les rapprochait du rez-de-chaussée. Bien sûr, rien n'était terminé pour autant – c'était ça qu'il aimait dans son métier, il n'y avait pas de routine, ni de fin – mais le plus gros de la semaine avait été fait, il savait qu'il pouvait se permettre un léger lâcher prise.

En sortant des locaux, il ne put s'empêcher de remarquer une certaine silhouette élancée de l'autre côté de la rue. Il ne se permis pas de faire une quelconque remarque à voix haute, mais sûrement avait-il, sans le vouloir, fixé trop longtemps le jeune homme accompagné qui semblait attendre à l'arrêt de bus, puisque Taehyun prit la parole.

— Tient, Soobin mange avec Beomgyu aujourd'hui.

Cette simple phrase suffit à balayer le sentiment de satisfaction qu'il ressentait depuis quelques jours. C'était ridicule pourtant ! Cela allait de soi qu'il ne connaissait pas tout de la vie de Soobin, il n'était que son assistant et ce, même après la discussion qu'ils avaient eue et les mesures qu'il avait pris de son propre chef pour lui assurer un quotidien professionnel moins contraignant. C'était normal qu'il n'en sache pas plus sur lui, il n'en n'avait pas la nécessité en tant que chef d'entreprise. Alors pourquoi le voir rire avec ce jeune inconnu aux cheveux blonds cendrés lui procurait un désagréable ressenti dans la poitrine ? Il se rendit compte à nouveau que Taehyun était plus proche de Soobin et en savait plus sur lui, au point de savoir qui était ce Beomgyu. Pourquoi cette pensée lui était aussi désagréable ? Qu'est-ce que Soobin lui avait fait bon sang ?

— C'est qui ce Beomgyu ?

Il n'en revenait pas que la question lui ait échappé si facilement, mais elle lui avait brûlé les lèvres à l'instant même où ce prénom avait été prononcé par son ami. Il était conscient de dépasser les limites – celles qu'il s'était lui-même posées – en posant une telle question, mais cela avait été plus fort que lui. Et encore une fois, cette idée l'effraya. Plus fort que lui. Il n'avait pas pu se contrôler.

— Son meilleur ami, un danseur je crois.

Un artiste donc. Curieux, était-ce parce que Soobin travaillait pour Regard qu'il l'aurait plus imaginé côtoyer des peintres et dessinateurs ? Non, cela n'avait aucun sens, tout le monde ne vivait pas en fonction de Regard, il le savait pertinemment. Et puis, venait-il réellement de se demander quel genre d'amis Choi Soobin pouvait bien avoir ? C'était trop, il fallait qu'il se ressaisisse.

Leur bus arriva, il grimpa dedans et s'installa aux côtés de Taehyun qui, grâce à une discussion n'ayant rien à voir avec Soobin ou le travail – il était bien obligé de faire une distinction entre les deux maintenant –, lui permis d'oublier le temps d'un trajet tous ces changements déroutants. Il ne fallait pas que cette histoire l'affecte plus que de raison, car il en était convaincu : tout était revenu à la normale. D'ici quelques jours peut-être, il n'aurait de nouveau plus aucune raison de s'intéresser à son assistant d'une manière qui sortait du cadre professionnel qu'il avait toujours respecté.

:::

             — Et du coup avec Soobin, ça va mieux ?

Yeonjun manqua de s'étouffer avec sa bouchée de bulgogi. Lui qui pensait pouvoir échapper à toute cette histoire en mangeant avec son ami, il aurait dû se douter que ce dernier ne pourrait pas se retenir de poser une ou deux questions sur le sujet. Il fallait dire que depuis leur dernière entrevue chez lui, Taehyun ne l'avait jamais relancé à ce propos, et le connaissant, cela lui avait certainement demandé un effort colossal.

— C'est-à-dire ?

Taehyun le regarda, il avait l'impression d'être sondé, c'était souvent le cas avec son meilleur ami. Et même après des années d'amitié, il ne s'y faisait pas.

C'est-à-dire, est-ce que vous avez réussi à trouver un terrain d'entente, des mesures à prendre vis-à-vis de son problème pour qu'il puisse travailler normalement, ce genre de chose.

Il fixa son plat en silence. Il le savait, il était supposé répondre « oui tout va mieux, c'est réglé » et passer à un autre sujet de discussion. Parce que c'était le cas. Mais une partie de lui-même qu'il ne se connaissait pas le fit hésiter. C'était ce même sentiment qui le faisait douter des certitudes qui avaient toujours été claires auparavant.

Choi Soobin n'est que mon assistant, je ne dois pas me rapprocher de lui, m'intéresser à lui ou gagner sa confiance à tout prix, tout est redevenu comme avant, tout va bien.

— Oh, et bien j'imagine oui.

Il vit le rouge froncer les sourcils du coin de l'œil.

— Comment ça tu imagines ?

— Et bien, il ne vomit plus, ne fait plus de crise d'asthme ou autre, je fais en sorte qu'il ne revoit plus les Lee, Donghyuk a l'air de se tenir et il fait très bien son travail, exactement comme avant ! C'est que tout va bien, non ? fit-il en parlant en plus fort que prévu.

Le regard surpris que le plus jeune posa sur lui le fit défaillir à la seconde. Qu'est-ce qui lui prenait tout à coup ? Il avait complètement vrillé sur ce coup-ci. Adieu Choi Yeonjun stable et assuré qui sans le vouloir, avait dévoilé tous ces doutes à son meilleur ami en une seule phrase dans ce restaurant. Heureusement que ce dernier n'était apparemment pas très visité, quelle honte il ressentait ! Ce n'était pas normal de s'exclamer pour si peu, de répondre à une question par une autre, de remettre en cause ce qui était pourtant indiscutable.

— Il n'en tient qu'à toi de dire si tout va bien, puisque monsieur a tenu à me garder éloigné de tout ça, fit-il avec une légère amertume dans la voix. Mais puisque tu te poses la question, j'imagine que non, tout ne va pas bien.

— Bien sûr que si, tout va bien, affirma-t-il cette fois sans hésiter avant de reprendre une bouchée de son plat.

Il ignora le plus petit qui but son verre d'eau, s'essuya la bouche et s'installa dans sa chaise, les bras croisés et le regard fixé sur sa personne. Enfin, il tenta de l'ignorer, mais après deux minutes, il ne tenait plus.

— Bon, qu'est-ce qu'il y a ? fit-il en posant ses baguettes.

— J'attends que tu me dises vraiment ce qu'il se passe ! s'écria Taehyun.

Il soupira bruyamment, il adorait son ami, mais il pouvait parfois s'avérer très – trop – curieux et buté.

— Il ne se passe absolument rien ! 

Faux ! lui cria une voix qui vint briser l'intimité de ses pensées.

— Arrête de me mentir ! Sérieusement 'Jun, ça fait quoi, neuf ans qu'on se connait ? Tu sais très bien que tu ne peux rien me cacher ! Quand tu doutes, je le vois, quand quelque chose ne va pas, je le vois, ça sert à rien d'essayer de te cacher derrière ton masque de Monsieur Choi, je marche pas.

Il se mordit la lèvre. Tout ça, il le savait pertinemment au fond de lui, comment pouvait-il encore espérer pouvoir berner Taehyun après tant d'années ? Non, c'était plus compliqué que ça, c'était lui-même qu'il essayait de berner. Il fallait qu'il se fasse une raison : quelque chose n'allait pas.

— Ecoute, c'est pas facile pour moi non plus, je comprends rien à tout ce qu'il se passe..., fit-il en prenant son visage dans ses mains.

Il détestait ça : être perdu, ne pas comprendre. C'était tout ce qu'il avait toujours fuit, ou plutôt ce qu'il se démenait à éviter à tout prix depuis bien des années. Il avait toujours tout fait pour réussir, savoir ce qu'il faisait et bien le faire. Et il ne comprenait même pas pourquoi il se sentait aussi dépassé alors-même que Regard se portait bien. C'était clair, tout allait bien, mais alors pourquoi ces mots sonnaient faux ?

— Oui pardon, j'aurais pas dû te crier dessus, j'imagine bien que c'est pas de ta faute, s'excusa son meilleur ami sur un ton calme. À vrai dire je ne voulais pas t'en reparler tout de suite, mais je n'ai pas pu me retenir. Et puis, je m'inquiète...

Yeonjun se redressa.

S'inquiéter. Tout ce qu'il ne voulait pas entendre. Que son meilleur ami s'inquiète pour lui, c'était bien la dernière chose dont il avait envie, encore une fois. Rien ne se passait comme prévu, tout ce qu'il avait toujours évité se produisait. Il ne s'était jamais senti aussi désorienté de toute sa vie, ne pensant jamais que son bien être pouvait être indépendant de celui de l'entreprise. Mais il fallait croire que jouer la carte de l'ignorance ne fonctionnait jamais longtemps.

— Tu t'inquiètes, comment ça tu t'inquiètes ?

— Ne fais pas l'idiot Yeonjun, toi aussi tu as bien vu que quelque chose n'allait pas.

Ne sachant pas vraiment ce qu'il voulait dire par là, il laissa le silence lui répondre, et Taehyun leva les yeux au ciel avant de continuer.

— 'Jun. Tu te voiles la face. Rien que ça, c'est nouveau. Parce que d'habitude, tu n'as aucune raison de le faire et que tu es trop honnête pour ça. Je vois bien qu'il y a quelque chose qui cloche avec cette histoire de Soobin... Tu agis bizarrement, tu pars au quart de tour- et je ne dis pas que c'est grave ! s'empressa-t-il de préciser en voyant le visage du brun se décomposer à mesure qu'il énonçait les symptômes qui le trahissaient. Simplement que ce n'est pas dans tes habitudes...

Il le savait bien ça, que ce n'était pas dans ses habitudes et il ne savait pas s'il était reconnaissant que son ami le mette devant les faits accomplis ou si cela le déprimait encore plus. Un mélange des deux, très certainement.

— Je sais bien que ce n'est pas dans mes habitudes. Ça ne me ressemble pas de m'emporter comme ça, mais je n'y peux rien je... il peinait à trouver les mots. Je ne me comprends pas moi-même. Il y des choses que je ressens, que je pense, qui n'ont pas lieu d'être.

Il vit une lueur se mettre à briller dans les yeux bruns de son vis-à-vis et étrangement, cela ne lui plaisait pas. Pas du tout même.

— Tu peux... préciser ? lui demanda Taehyun, un curieux rictus au coin des lèvres.

Yeonjun soupira, résigné. Il prit un instant pour mettre au clair toutes ses pensées avant de se lancer.

— Soobin. Le problème, c'est Choi Soobin. Depuis cette histoire de phobie, je pense à lui. Je veux dire, plus que de raison. Il m'arrive de... de me demander s'il va bien, alors que nous ne sommes même pas dans la même pièce ! le rire qui échappa au plus jeune le coupa. Ce n'est pas drôle Tae', je suis sérieux ! Ce n'est pas normal, il m'arrive même de me demander s'il va bien alors que je suis chez moi, en train de faire à manger. Alors que quand je fais à manger, je ne pense à rien d'autre qu'à la recette que je suis ! Pas à un de mes employés et encore moins si ça n'a pas de rapport avec le travail. Je ne comprends pas... J'ai réglé ce problème, j'ai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour que sa peur ne le handicape pas trop, il m'a donné son accord et depuis, il travaille bien, l'entreprise va bien, tout continue son cours comme avant. Et pourtant, il m'arrive encore de m'inquiéter. Mais je devrais déjà être passé à autre chose ! Et puis, je ne sais pas pourquoi je me pose des questions sur lui, sur son entourage, je suis curieux de savoir avec qui il va déjeuner, ce qu'il peut aimer faire en dehors du travail...

Presque essoufflé, il regarda d'un air dépité le regard amusé et bien trop souriant que son meilleur ami posait sur lui.

— Je peux savoir ce qu'il y a de drôle sérieusement ?

Le rouge ne lui répondit pas tout de suite. Avant cela, il inspira profondément puis expira, son sourire ne quittant pas ses lèvres alors qu'il se ressaisi de ses baguettes.

— C'est juste..., il eut un moment d'hésitation avant de plonger son regard espiègle dans le sien. Tout ce que tu me dis là... c'est normal.

Yeonjun resta bouché bée. Il était perplexe, dubitatif, il n'y avait pas assez de mots pour d'écrire l'état dans lequel il se trouvait. Normal ?

— Je veux dire..., se dépêcha de préciser le plus jeune. Je sais que toi, tu n'es pas vraiment habitué à ressentir ce genre de choses. Mais il n'y a rien de mal à penser à Soobin pour autre chose que Regard tu sais ?

— Mais c'est une perte de temps !

— Comment peux-tu dire ça Yeonjun ? Penser à quelqu'un, une perte de temps ? Il ne t'arrive pas de penser à moi pour autre chose que t'assurer si je fais bien mon taf' ?

— Bien sûr que si ! Mais ce n'est pas comparable, tu es mon meilleur ami, je t'ai connu bien avant l'entreprise, bien avant que tu ne travailles pour moi, cela n'a rien à voir avec Soobin. Il n'est dans l'entreprise que depuis huit mois, c'est mon assistant, certes, mais il reste un employé. Efficace, je le reconnais, mais pas plus que Soohyun, Gyehyeon ou Donghyuk dans leur milieu, et il ne m'est jamais arrivé de penser à eux de cette façon.

Un silence s'installa et il eut à nouveau l'impression que le rouge le sondait, comme s'il analysait minutieusement chacune de ses paroles pour aviser son discours en fonction de ces dernières. Cette discussion ne le mettait pas très à l'aise, mais vu l'ampleur qu'elle prenait, il constatait à présent qu'elle s'était avérée on ne peut plus nécessaire.

— Tu sais, je ne trouverai pas ça particulièrement alarmant que tu t'intéresses plus à Soobin qu'à Suhyun ou Gyehyeon. Ils sont là depuis plus longtemps, c'est vrai, mais tu n'as pas vécu d'expérience avec eux comme tu l'as fait avec Soobin. Je suis d'accord pour dire que la découverte de sa phobie et tout ce qui s'en est suivis n'était pas prévu, mais il n'empêche que cela t'a poussé à penser à lui pour autre chose que son simple rôle d'assistant. Ce n'est pas étonnant que, même une fois l'affaire résolue, il t'arrive encore de penser à lui de cette façon, de t'intéresser à lui, à ce qu'il fait et autre. Tu n'es pas un robot 'Jun. Je sais que c'est quelque chose que tu évites, que tu n'apprécies pas spécialement, mais ça peut t'arriver d'avoir envie de te rapprocher de quelqu'un. Qui que ce soit, peu importe l'âge, la profession, le genre. C'est normal, et cela ne fait pas de toi un patron moins efficace.

Il savait que Taehyun avait toujours été doué pour repérer les failles d'autrui, les qualités, les défauts, les faiblesses. C'était une chose qu'il avait longtemps admiré chez le plus jeune, parce qu'il avait toujours été incapable de vivre en société de la même façon. Et après neuf ans d'amitié, il n'était pas surprenant que Taehyun ait percé avec une facilité déconcertante l'origine même de ses inquiétudes les plus profondes, et cela en l'espace de quelques minutes de discussion. Il n'était pas son meilleur ami pour rien, après tout.

— J'imagine que tu as raison..., avoua-t-il finalement, osant à peine lever ses yeux dans ceux de son vis-à-vis.

Mais du coin de l'œil, il aperçut ce dernier soupirer en souriant, conscient qu'il n'allait pas accepter cette vérité de sitôt. Cette simple réponse était déjà un grand pas pour Yeonjun. Tout cela était nouveau pour lui, cela dérangeait considérablement son train-train quotidien, celui qu'il s'était démené à installer depuis... depuis toujours à vrai dire. Il avait toujours eu ses habitudes, l'inconnu était à identifier et l'imprévu à éviter par-dessus tout. Il pouvait gérer l'incompréhension, car il lui suffisait de se renseigner, d'étudier. L'imprévu n'était par définition pas prévisible, on ne savait jamais ce que cela allait nous apporter. Du bon, si on était chanceux, du moins bon, si ce n'était pas le cas, et cette simple possibilité l'effrayait au plus profond de lui-même. Ne pas être capable de contrôler ce qui se passait autour de lui avait toujours sonné comme un échec au fond de lui, une incapacité qui faisait de lui un mauvais élève, un mauvais étudiant, un mauvais chef d'entreprise.

S'intéresser ainsi à un de ses employés, à son assistant, n'avait jamais fait partie de ses plans. Avoir un assistant non plus, d'ailleurs, mais l'année passée, Taehyun avait insisté. D'après lui, la charge de travail était devenue trop importante pour qu'il la supporte seul. Au bout d'un certain temps, il n'avait plus su lui résister, et ils avaient débuté les entretiens d'embauche. Soobin avait remplis toutes les conditions, et avec brio, il avait dû se l'admettre. Les autres candidats n'avaient pas vraiment fait le poids et il n'avait fallu attendre que deux petites semaines avant de rappeler celui qui, aujourd'hui, occupait ses pensées d'une étrange façon.

Cela ne lui était jamais arrivé auparavant, et pour tout dire, cela ne lui avait jamais ne serait-ce que traversé l'esprit, qu'il puisse un jour s'intéresser à quelqu'un. Encore moins si cette personne travaillait pour lui, qu'elle appartenait au domaine du travail, et pas à celui de la vie privée. Cette dernière n'étant composé que de sa famille, de Taehyun et de Capucine. Qu'est-ce que Soobin venait faire là ? Il se le demandait encore.

— Tu sais, ce n'est pas grave d'être ami avec son assistant, ajouta Taehyun après un long silence.

Et Yeonjun ne put réprimer un rire jaune.

— Je n'ai pas besoin d'être ami avec lui, je t'ai déjà toi.

— Ça n'a rien à voir, 'Jun. Tu ne te fais pas un ami parce que tu en as besoin, mais parce que tu en as envie.

Et il ne sut que répondre.






⌨️SUISEI...

hello ! comment allez-vous ?

j'espère que tout le monde va bien, de mon côté je vois plein d'ami.es, tout roule !

j'espère que ce chapitre vous aura plu hehe~

à plus mes chocolats <3

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