Chapitre Neuf


            Octobre
            Yeonjun était plongé dans un énième dossier, le soleil du milieu d'après-midi illuminait son bureau à travers les baies vitrées derrière lui lorsqu'on toqua à sa porte. Il se redressa, prenant alors conscience de la mauvaise position qu'il avait inconsciemment adopté et ses sourcils froncés se haussèrent. Il n'avait aucune idée de qui pouvait bien venir lui rendre visite à cette heure-là et il n'avait jamais été friand des imprévus. Il lança un « entrez » et en voyant une chevelure rousse dépasser le pas de la porte, tout lui revint à l'esprit.

— Vous m'avez demandé m'sieur Choi ?

Il eut un sourire crispé. Donghyuk et sa façon de parler, il n'arriverait jamais à s'y faire, c'était certain. Il acquiesça et lui montra un des sièges en face de son bureau. Le décoloré referma la porte et vint s'assoir. Il avait complètement oublié l'injonction qu'il lui avait glissé avant qu'il ne parte manger avec l'équipe. À présent, tout lui revenait dans la figure. Sa discussion avec Taehyun, celle qu'il avait eu avec Soobin et qui avait inévitablement mal tourné... Son regard se posa sur le visage du basané. Avec sa frange qui se déposait délicatement sur ses yeux chocolat, ses joues rebondies, ses nombreux grains de beauté et ses lèvres rondes, il avait du mal à croire que c'était bien Lee Donghyuk qu'il avait face à lui. Celui qui, certes, sortait d'une excellente école en étant boursier et était bourré de talent, mais qui était également la raison d'un Soobin agonisant dans les toilettes d'un bar. Il fallait dire que l'illusion du jeune graphiste plutôt beau garçon s'effondrait dès lors qu'il ouvrait la bouche.

— J'ai fait quelque chose de mal ?

Il se rendit compte qu'il l'avait observé plus que prévu sans prendre la parole. Il fallait qu'il se ressaisisse. Plus vite cette histoire serait réglée, plus vite elle sera derrière lui et tout pourrait reprendre son cours naturel.

— Non..., il réfléchit un instant. Enfin, oui. Mais je ne doute pas qu'il s'agissait là d'une répercussion involontaire.

Parfois, il se demandait même s'il comprenait ce qu'il lui disait. Mais il chassa cette réflexion d'un battement de cil. C'était ridicule, si Taehyun l'avait entendu penser, il ne se serait pas privé de le frapper.

— Qu'est-ce qui va pas ? Mes croquis vous plaisent pas ? Vous trouvez que ça ne correspond pas assez à la nouvelle gamme ? Les collaborateurs sont déçus ?

Il trouverait presque mignon, à s'inquiéter comme ça.

— Non, vos croquis sont à la hauteur de mes attentes, ne vous inquiétez de rien. 

Cela lui faisait toujours un peu de mal de l'admettre d'ailleurs. 

— Ce dont j'aimerais vous parler, c'est de votre... attitude.

Il le vit écarquiller les yeux. Et dire qu'il ne comptait lui parler que de ses allusions déplacées ; si cela ne tenait qu'à lui il s'apprêterai à lui déballer tout ce qui – selon lui – n'allait pas dans sa conduite. Mais il se retint, quel était ce soudain sentiment ? D'accord, il n'avait jamais porté Donghyuk dans son cœur, mais pourquoi avait-il l'impression de ressentir jusqu'à de la haine pour lui ? Cela ne lui ressemblait pas... Il soupira. Tout cela l'exaspérait et il n'arrivait toujours pas à croire que tout cela arrivait à cause de Soobin...

— Ecoutez, j'ai eu vent de certaines de vos... manières. Il y a des collègues que vous côtoyez qui sont dérangés par certaines remarques que vous pouvez faire.

— Qui ça ? s'empressa de demander le faux roux.

Yeonjun s'exhorta au calme.

— Je ne suis pas en mesure de vous donner des noms, cela serait briser la confiance de mes employés et je ne peux pas me le permettre. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que vous devez cesser certaines remarques tournant de près ou de loin autour du sujet du sexe.

Dis comme ça, il se trouvait ridicule. C'était presque dérisoire de s'entendre dire cela, mais il avait tenu à ce que ce soit lui qui en parle à Donghyuk et non Taehyun, alors maintenant, il assumait. Il observa avec attention l'expression faciale du jeune graphiste. Ses grands yeux le fixaient comme s'il venait de lui annoncer quelque chose d'incroyable.

— Hein ?

Il ferma les yeux puis soupira. Comme pour canaliser les mauvais sentiments qu'éveillait en lui ce pauvre jeune homme. Il vint poser ses coudes sur son bureau, joindre ses mains entre elles avant d'à nouveau planter ses yeux dans ceux du basané.

— Ce que je suis en train de vous dire, Donghyuk, c'est qu'il y a certains de vos collègues qui sont dérangés par vos propos déplacés vis-à-vis de la sexualité en général.

Il ne vit pas son expression hébétée quitter les traits de son visage, alors il continua. 

— Prenons par exemple la soirée d'il y a deux semaines, au Starboard. Vous avez fait référence à une certaine femme qui, visiblement, avait des rapports avec votre ancien patron.

— Ah oui ! Kim Jiseol ! Faut dire aussi qu'elle en était presque fière et-

— Qu'importe, le coupa-t-il, il n'avait pas spécialement envie d'en savoir plus. Ce genre de réflexion, d'anecdote, provoque des réactions désagréables chez certains de vos collègues.

— Comme quoi ?

Les sourcils froncés, il le foudroya du regard avant de se calmer à nouveau. Il songea aux paroles de Taehyun lorsqu'ils l'avaient embauché.

Je ne vois pas une once de mal en lui. Il est maladroit, c'est un fait, mais il y a quelque chose de naturel chez lui, presque enfantin. Ce n'est pas un mauvais bougre, 'Jun, il faut juste se faire à sa façon de s'exprimer.

Il s'autorisa à croire que le décoloré voulait bien faire en lui posant cette question qu'il trouvait déjà de trop. Mais qu'importe, s'il fallait ça pour qu'il évite de faire arriver son assistant en retard à leur réunion, il le ferait.

— Tout d'abord, ce que je vous ai dit et m'apprête à vous dire restera dans ce bureau, est-ce bien clair ? il le vit hocher d'un geste de tête. Bien. Certains de vos collègues réagissent mal, voire très mal, à ce genre d'allusions. Et cela peut même entraîner des crises d'angoisse, des difficultés à respirer, des tremblements, des nausées...

Il s'efforça de chasser toutes les images qui lui venaient en tête et le crispaient. 

— C'est pour leur bien que je vous demande de cesser vos remarques de ce type, comprenez que je n'en fais pas une affaire personnelle et que je ne cherche en aucun cas à vous censurer. Je ne fais cela que pour Regard, vous imaginez bien que je préfère vous demander cela plutôt que de vous virer.

Le plus jeune semblait administrer toutes les informations qui lui étaient données sans broncher, sans avoir de réactions impulsives ou déplacées. Au contraire, il croyait le voir se détendre.

— Ils sont beaucoup dans l'groupe ?

— Je ne peux pas vous en dire plus.

— D'accord..., le regard de l'artiste se perdit dans le vide, et Yeonjun cru apercevoir un voile de peine se déposer sur ses iris chocolat. J'pensais pas que parlez d'cul pouvait mettre des gens mal. Mais j'ai compris, j'ferais bien attention m'sieur Choi ! fit-il avec un léger sourire alors qu'il plongeait de nouveau son regard dans le sien.

Il le congédia et une fois la porte fermée, il fut bien obligé de reconnaître que son meilleur ami avait raison. Oui, Donghyuk avait une façon de parler qui le dérangeait – et continuerai de le déranger, sans aucun doute – mais il lui semblait avoir redécouvert le jeune graphiste. Ou plutôt l'avait-il réellement découvert pour la première fois. Force était d'admettre que, non, Donghyuk n'était pas un mauvais bougre. Il pouvait s'avérer bienveillant et compréhensif.

C'était une surprise, mais pas aussi mauvaise que celles qu'il évitait sans cesse, il devait le reconnaître.

:::

            — J'le sens pas 'Gyu.

Soobin entendit son ami soupirer à l'autre bout du fil alors qu'il se laissait choir sur son divan.

— De quoi est-ce que tu parles encore ?

— Choi Yeonjun, fit simplement le châtain en desserrant sa cravate avant de se pencher pour difficilement défaire ses lacets de sa main gauche.

Beomgyu sembla étouffer un cri de frustration.

— Qu'est-ce qu'il a encore fais pour que tu me parles de lui ?

— Rien, mais... je ne sais pas, j'le sens pas ce type.

— Ce type, c'est ton patron, le reprit-il. Et pourquoi tu devrais pas le sentir ? C'est que ton boss, alors même s'il est un peu égocentrique sur les bords-

— Il est au courant 'Gyu.

Le blond cendré s'arrêta net. Soobin en profita pour mettre l'appel sur haut-parleur afin d'avoir ses deux mains libres pour se défaire de ses chaussures.

— Comment ça, il sait ?

— Il l'a découvert lors d'une visite chez des clients. Je préfère te passer les détails, mais justement. Il n'est plus aussi individualiste qu'avant, et c'est ça qui me plaît pas.

— Pourquoi ?

— Je crois qu'il veut... m'aider ?

— Mais c'est génial ! s'écria le plus jeune.

— Non 'Gyu, ce n'est pas « Génial ». fit-il en copiant le ton trop enjoué qu'il avait utilisé. Moi je veux juste qu'il me laisse faire mon boulot comme d'habitude. Il va commencer à croire que je suis handicapé, que je suis un vrai boulet et c'est la dernière chose dont j'ai envie !

— Mais ce n'est pas la dernière chose dont tu as besoin Soobin, répondit alors le danseur du tac au tac. Purée, t'es un sacré gamin quand tu t'y mets. On s'en fiche de ta petite fierté, s'il peut t'aider, c'est tant mieux ! Tu préfères ça ou être viré, franchement ?

Il y eut un silence. Un silence durant lequel Soobin fixa le plafond de son salon. Il savait que Beomgyu avait raison, il avait toujours raison dans ce genre situation.

— Oui bon, admettons, finit-il par dire. Je lui ai dit qu'il n'y avait rien à faire- et c'est vrai ! insista-t-il avant que le danseur ne le coupe. Je ne vois pas ce qu'il pourrait faire de toute façon.

— Si tu ne le laisses pas essayer aussi...

— Oh, il a bien essayé crois-moi. Tu sais ce qu'il m'a pondu ? Que je devais éviter de manger avec Donghyuk, enfin, de traîner avec lui en général.

— Et bien ?

— Et bien c'est ridicule Beomgyu ! Pourquoi je devrais me tenir éloigner de quelqu'un avec qui je m'entends bien ?

— Mais parce que ce quelqu'un dit des choses déplacées qui ne te font pas du bien !

— Oui mais tu te rends compte ? Si je commence par m'éloigner de Donghyuk, après je vais plus faire de rendez-vous clients, après je pourrais plus travailler aux bureaux, pui-

— Tu vas toujours dans les extrêmes Soob' ! On te suggère de passer moins de temps avec ton collègue, et toi tu penses déjà à travailler de chez toi ! Arrive à imaginer un entre-deux.

— Mais je veux pas d'entre deux ! Je veux être normal putain !

Voilà, c'était dit. À présent, il peinait à retenir ses larmes. Il était épuisé par cette situation, cette peur qui le privait de vivre normalement, d'envisager une vie comme celle des autres. Il passa ses mains sur son visage, les larmes ayant finalement commencé à couler sans son accord. Dans ces moments-là, il détestait tout, tout et tout le monde. Il détestait Choi Yeonjun pour s'être immiscé dans sa vie et avoir tout empiré, il détestait Donghyuk pour ses remarques qui l'avaient poussé à se faire découvrir par son patron dans un état lamentable, il détestait les Lee, il détestait cet homme, il détestait cette peur, il détestait la vie.

— Écoute Binie. Tu sais très bien que personne n'a de vie normale. Ta phobie te rend différent, mais ce n'est pas pour autant que tu dois te faire du mal en essayant d'avoir une vie qui... n'est juste pas faite pour toi. Arrête de la nier cette peur, il faut que tu apprennes à faire avec.

— Tu m'as répété ça un nombre incalculable de fois, m-mais je ne sais pas comment faire moi ! Y-y' pas de... de manuel « vivre en ayant peur du sexe pour les nuls », il entendit son ami rire de l'autre côté du fil, et cela lui réchauffa le cœur. J'en sais foutrement rien... je suis fatigué 'Gyu.

— Je sais Binie. Mais je pense vraiment que tu devrais laisser monsieur Choi t'aider, au moins essayer. Je ne pense pas que ça puisse te faire du mal.

— Je ne sais pas... j'ai l'impression qu'il fait des choses dans mon dos, ça ne me plaît pas, marmonna-t-il en essuyant ses dernières larmes.

— Des choses dans ton dos ?

— Ouais, genre aller voir Donghyuk pour lui dire d'arrêter de raconter ses histoires tordues.

— Il aurait fait ça ?

— Y'a quelques mois je t'aurais répondu non, mais avec la désagréable persévérance dont il fait preuve dernièrement... je ne sais plus trop quoi penser de lui.

— Moui. Et bien, pour une fois qu'il se soucie d'un de ses employés.

— Mais c'est bien ça qui me perturbe, rebondit Soobin en se levant de son canapé pour se diriger vers sa salle de bain. Pourquoi est-ce qu'il fait ça tout d'un coup ? C'est plus le job de Taehyun normalement.

— Mais tu lui aurais dit pour ton souci ?

— Jamais ! Et d'ailleurs, je ne lui dirais pas, Choi Yeonjun c'est déjà trop. Mais attend ! Tu crois qu'il l'a dit à Donghyuk ? s'affola-t-il en se regardant dans le miroir, les yeux écarquillés.

— Mais j'en sais rien, tu me poses de ces questions... maronna le blond cendré. J'espère qu'il est suffisamment futé pour ne pas l'avoir fait.

Soobin perdit son regard dans le reflet de ses yeux. Il ne savait plus quoi penser de Choi Yeonjun à présent. Il avait toujours eu ce caractère un peu snob, déterminé mais pas très solidaire. Le voir agir comme il le faisait ces derniers temps était déroutant, cela brouillait toutes les idées qu'il s'était faites de lui. Il n'était pas particulièrement fan des cases, mais son patron avait toujours eu la sienne. Pourquoi la quitter pour lui ? Yeonjun était intelligent, pour sûr, mais altruiste ? Pas vraiment, s'il s'avérait qu'il avait mis Donghyuk au courant... et bien quoi ? Que pouvait-il faire ? Après tout, c'était lui le patron, et pas l'inverse.

Tout se compliquait, et cela le fatiguait encore plus d'y penser.

— Oui t'as raison, je suis désolé de t'embêter avec ça, fit-il en commençant à déboutonner sa chemise, son portable posé sur le rebord de son lavabo.

— Nom de Dieu, tu répètes ça encore une fois et je viens jusqu'à chez toi pour brûler tous tes albums de Girl's Generation.

Soobin laissa échapper un rire, semi amusé, semi inquiet pour ses précieux albums. Choi Beomgyu était capable du pire après tout, il était bien placé pour le savoir.

— Évite quand même, ça représente des années d'économie.

— Alors arrête de sortir ce genre de phrases.

— Promis, admit-il en souriant. Je te laisse 'Gyu, je vais me laver.

— D'accord, à plus mon Binnie. Je t'aime.

— Je t'aime aussi Beom'.










⌨️SUISEI...

heyyyyy comment ça va mes chocolats pralinés ?

bien j'espère ! moi je suis de nouveau en voyage alors je suis légèrement fatiguée, mais savoir que je vais pouvoir lire vos retours sur ce chapitre me remonte déjà bien le moral !

j'aime beaucoup les interactions entre beomgyu et soobin. vous avez compris, les moments amitiés, c'est ma cam maintenant xD (et je suis pas seule... 👀)

en tous cas ! j'espère que ce chapitre vous a plus, j'ai hâte de vous retrouver la semaine prochaine pour la suite !

plein de bisous ~~ <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top