𝐗𝐈𝐕 - 𝐂𝐫𝐚𝐭𝐚𝐞𝐠𝐮𝐬
- 2255 mots -
┌─────────────┐
You're saying I'm the one, but it's
your actions that speak louder
└─────────────┘
- 11 avril –
Étant donné que l'heure de fermeture du Kyoto Brew Coffee approchait, il y avait quasi plus aucun client dans le café lorsque je poussai la porte d'entrée, Ayame sur les talons. C'était devenu plus qu'une habitude pour nous deux de nous retrouver en ce lieu après les cours de violon de ma copine, et ce surtout depuis le début des vacances scolaires. Maintenant que la pression des examens finaux était derrière nous, chaque occasion était bonne pour qu'on passe du temps ensemble.
Et ce soir comme bien d'autres, on avait décidé d'aller chercher une énième boisson chaude dans notre café préféré, juste après avoir assisté au coucher du soleil qu'Ayame appréciait tant.
—Tu veux prendre quoi, mon ange ? Demandai-je tout en retenant la porte vitrée du Kyoto Brew Coffee.
—Comme d'habitude s'il te plaît, répondit simplement Ayame, amusée que je lui pose toujours la question. Je t'attendrai là-bas, ajouta-t-elle en montrant de la tête un canapé en velours à sa gauche.
Alors que ma copine s'éloigna, je continuai mon chemin et gravis les quelques marches qui me séparaient du comptoir de l'échoppe. Comme il n'y avait pas de clients devant moi en cette heure tardive, ce fut tout de suite à mon tour de commander, alors je m'avançai directement devant la caisse. J'eus la bonne surprise d'y découvrir l'employée habituelle, Hanae Yaikonada, en grande discussion avec une autre personne que je n'avais jamais vue auparavant. Et au vu de son accoutrement, j'en déduisis qu'il s'agissait sans doute d'une nouvelle employée du KBC.
Je jetai un discret coup d'œil en direction d'Ayame, le nez plongé sur son portable, et un sourire amusé naquit sur mes lèvres. Elle n'avait très probablement pas remarqué ce changement ; dans le cas contraire, elle serait probablement en train de détailler la nouvelle sous toutes les coutures, navrée de constater qu'elle était vraiment jolie même avec cette sorte de couvre-chef d'uniforme étrange coincé dans sa longue chevelure claire.
En me voyant arriver, les deux filles se turent immédiatement dans ce qui semblait être une discussion animée. Hanae m'adressa un petit signe de main en guise de salut avait de disparaître en cuisine, me laissant seul avec la nouvelle qui, pas perturbée pour un sou, se tourna en ma direction, un sourire des plus éclatants sur les lèvres. Son regard océan m'observait sans ciller et avec tant d'assurance que je me demandai un instant si elle était vraiment fraichement embauchée.
—Bonsoir et bienvenue au Kyoto Brew Coffee, s'exclama-t-elle d'un ton affirmé et toute souriante. Qu'est-ce que je peux vous servir ? Me demanda-t-elle tout en se munissant d'un stylo et d'un gobelet en carton.
—Bonsoir, répondis-je sur le même ton, un sourire poli aux lèvres. J'vais prendre un Matcha Green Tea sans sucre et un café s'il vous plaît, énumérai-je.
L'employée hocha doucement la tête et baissa le regard pour écrire ma commande sur deux gobelets. C'est à cet instant que je constatai qu'elle n'avait pas une seule fois détourné les yeux face à moi, ce qui m'amusa un peu. Elle semblait totalement hermétique à ma présence, et mes sourires ne semblaient pas la déstabiliser non plus - ou du moins, en apparence. Ça me changeait de d'habitude.
—Ce sera tout ? m'interrogea-t-elle en reportant son attention sur ma personne.
—Oui, merci, répondis-je en préparant le montant – que je connaissais déjà par cœur – dans ma main.
Je profitai du fait qu'elle était affairée à m'encaisser pour discrètement lire son nom sur son badge, accroché au niveau de son cœur.
—Ça fera 960 Yens, s'il vous plaît, m'annonça-t-elle toujours avec la même assurance.
—Tenez, dis-je en lui remettant le montant exact.
—Merci, souffla-t-elle en comptant rapidement l'argent. Vos boissons seront prêtes dans un instant.
La formalité dont faisait preuve mon interlocutrice me fit sourire ; on devait avoir à peu près le même âge, mais j'avais l'impression qu'elle s'adressait à moi comme le ferait un élève avec son prof. Je me retiens toutefois de de tout commentaire, sentant qu'elle ne laisserait probablement pas passer un affront de ce genre, et me contentai de lui sourire en retour.
—Merci à vous, rétorquai-je simplement. Bonne soirée.
—À vous aussi, dit-elle sur le même ton.
Je retrouvai, comme convenu, l'intégralité de ma commande à peine quelques secondes plus tard. L'employée rousse me gratifia elle aussi d'un joyeux « bonne soirée ! » lorsque je me saisis des boissons, et après lui avoir rétorqué la même chose, je me dirigeais sans plus attendre vers Ayame.
Ayame dont le regard était justement braqué en ma direction. Ou plutôt, sur ce qui se passait derrière moi. Ma copine devait sans doute avoir remarqué la nouvelle employée à la caisse, et à en juger son manque de réaction lorsqu'elle prit la boisson que je lui tendis, elle devait déjà être en train de s'imaginer tout un tas de scénarios plus ridicules les uns que les autres.
Je m'attendais à ce qu'une de ses remarques fusent, mais rien de tel ne se passa. Ce fut même le contraire. À mon plus grand étonnement, Ayame resta parfaitement muette et se contenta simplement de quitter le café. Non sans jeter un dernier regard derrière elle certes, mais le tout dans le plus grand des silences.
Quelques minutes passèrent ainsi, sans qu'aucun de nous deux ne revienne sur ce sujet. Sa main libre emprisonnée dans la mienne alors qu'on se promenait tranquillement, on aurait pu croire qu'Ayame était simplement passée à autre chose. Mais je la connaissais trop pour y croire. Tout mon être savait que la raison de son mutisme n'était que le fruit de son intense réflexion à ce sujet.
—Elle est vraiment jolie, la nouvelle, déclara soudain Ayame d'un ton détaché.
Je pivotai légèrement ma tête en sa direction, guettant avec attention l'expression de son visage. Je savais que ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne dise un truc, mais je restai sur mes gardes car ce n'était pas dans ses habitudes d'attendre aussi longtemps pour le faire.
—C'est une question piège ? Plaisantai-je à moitié, les sourcils légèrement froncés.
—Hein ? Ayame braqua ses yeux verts en ma direction en un soupir lui échappa lorsqu'elle comprit mon sous-entendu. Roh ça va, j'vais pas m'énerver parce qu'une autre fille est jolie.
—On sait jamais, rigolai-je ce qui me valut un regard noir.
—Et puis, elle a surement déjà un petit ami donc j'ai pas de quoi m'en faire, continua-t-elle de raisonner. Dis...tu as vu son nom ?
—Yumi Shimizu il me semble, lâchai-je en me remémorant ce qui était marqué sur son insigne.
—Shimizu, tu dis ? Les sourcils d'Ayame se plissèrent.
—Mais pourquoi ça t'intéresse ? l'interrogeai-je ensuite, de plus en plus perdu face à son attitude.
Au milieu de la ruelle déserte, Ayame s'arrêta et j'en fis de même. Depuis le début de notre conversation, elle semblait perturbée, et mes réponses à ses questions des plus étranges ne faisaient visiblement qu'accroitre son sentiment.
—J'crois que j'ai déjà entendu parler d'elle, mais je ne suis pas sûre. Ayame sortit son cellulaire. Faut que je redemande à Sanae...
—Et c'est quoi le rapport avec toutes les questions que tu m'as posées à son sujet ? m'impatientai-je légèrement sous le regard toujours aussi perplexe de ma copine.
Ayame m'observa quelques instants, l'air de se demander si elle allait prendre la peine de me faire part de ses pensées. Je la vis hésiter, ouvrir la bouche pour parler, puis se raviser l'instant d'après. Un soupir lui échappa.
—Pour rien, lâcha-t-elle platement. Allons-y.
En temps normal, j'aurais sauté sur l'occasion pour m'éloigner de ce terrain glissant. Seulement, ma curiosité avait pris le pas sur ma peur, et je n'avais plus qu'une idée en tête : comprendre.
—Non, dis-moi, insistai-je en me plaçant devant elle. J'veux savoir maintenant.
—Alors tu m'écoutes jusqu'au bout, hein ?
—oui oui, assurai-je en me retenant de sourire face à ma petite victoire.
—Eh bien...j'sais pas trop comment te l'expliquer, commença Ayame d'un ton incertain. Ça va te sembler bizarre, mais dès que je l'ai vue, j'ai eu un mauvais pressentiment. Ses mots m'étonnèrent mais je restai de marbre. Comme si quelque chose me disait de me méfier de cette fille.
—Comme à chaque fois quoi, commentai-je innocemment.
—Bien sûr que non, s'exaspéra-t-elle comme si j'avais dit la plus grosse énormité du siècle. Là, c'est différent. J'ai vraiment un mauvais feeling.
—C'est encore un de tes trucs de sorcellerie ? dis-je avec amusement.
—Je ne plaisante pas, Yugo.
L'air sérieux qu'elle abordait me fit passer l'envie de rire, et une pointe d'agacement commença à pondre au fond de moi. Le ton n'allait pas tarder à monter pour un rien, je le sentais. Ah...
Bordel, qu'est-ce que j'aime pas quand elle est comme ça.
—Cette fille va nous apporter que des problèmes, reste loin d'elle, déclara Ayame de but en blanc.
—Mais on ne la connaît même pas, argumentai-je à mon tour. Arrête de voir le mal partout, tu veux ?
—Et toi arrête de faire la sourde oreille dès que je te dis un truc, rétorqua-t-elle vivement, la mine sombre. Tu m'énerves quand tu fais ça.
—Et toi tu m'énerves quand tu me prends la tête pour rien.
Les yeux d'Ayame s'écarquillèrent, et même si une part de moi regretta instantanément mes paroles, je ne pris pour une fois même pas la peine de me justifier ou m'excuser. J'étais déçu, et peut-être encore plus qu'elle-même à cet instant.
Je commençai vraiment à en avoir marre du manque de confiance qu'elle m'accordait, comme si j'allais la tromper avec la première venue ou que sais-je. N'avait-elle pas encore compris qu'il n'y avait qu'elle dans mon cœur ? N'avais-je donc pas réussi à la tranquilliser à ce sujet ?
Que lui fallait-il de plus pour qu'elle réalise que son comportement méfiant à tout va était tout bonnement infondé ?
—Qu'est-ce que tu insinues, au juste ?
La voix de ma copine tremblait. De rage ou de déception, je ne saurais dire.
—On devrait arrêter cette conversation ici, dis-je calmement dans une vaine tentative de calmer les choses.
—Bah non va y, grinça ma copine, ses yeux lançant des éclairs. T'as un truc à me dire, alors fait toi plaisir.
Je fermai les yeux un instant, me préparant mentalement à une énième dispute sans fondement. Moi qui avais naïvement espéré que cela ne se reproduirait plus...
—Tu devrais te calmer avant.
—Je suis parfaitement calme alors dépêches-toi de parler avant que je ne m'énerve.
Je me retiens de justesse de la contredire et soupirai. Mon regard se perdit dans le vide alors que le fond de ma pensée s'agitait dans mon esprit. Et puis, sans que je ne puisse vraiment le contrôler, mes mots traversèrent d'eux-mêmes la frontière de mes lèvres.
—Est-ce qu'on est vraiment faits pour être ensemble, Ayame ?
Un ange passa, et j'eus l'impression que le monde avait cessé de tourner. Pourtant, cela ne m'empêcha pas de continuer sur ma lancée.
—Est-ce que c'est normal de s'entre déchirer autant pour des choses aussi insignifiantes ? demandai-je sans parvenir à cacher ma tristesse. Ça me fait de la peine de voir que même après tout ce temps, tu es incapable de me faire confiance, et ça me fait encore plus de mal de me dire que je suis la raison pour laquelle tu n'arrives pas à changer cela. Je m'interrompis brièvement, à court de souffle. Du coup, je me demande souvent est-ce que je suis vraiment la personne qu'il te faut pour être heureuse.
Peut-être était-ce le fait que j'évitais délibérément de regarder Ayame qui me donnait le courage de prononcer de telles choses. Je ne savais pas. Et je ne voulais pas savoir. Le poids qui venait de s'enlever de mon cœur laissait croire qu'il s'agissait là de la meilleure chose à faire.
Alors rassemblant tout mon courage, je me forçai à regarder ma copine dans les yeux alors que je prononçai les derniers mots que j'avais en tête.
—J'ai beau t'aimer du plus profond de mon être...je commence à me dire que peut-être l'amour ne suffit plus.
Les yeux brillants de larmes, elle m'observait avec tant de souffrance dans le regard que j'en eus le souffle coupé. Je n'avais qu'une envie, la serrer dans mes bras pour la réconforter. Mais je ne le pouvais pas. Pas après ce que je venais de lui balancer à la figure. Je méritais de souffrir, alors je me contentai de recevoir silencieusement la douleur que ses beaux yeux émeraude me communiquaient.
J'me sens tellement mal. Bordel.
—D'accord.
La voix d'Ayame n'avait été qu'un faible murmure, mais cela avait amplement suffi à doubler mon sentiment de culpabilité. Si violent que j'en eus le souffle coupé.
—Merci d'avoir été honnête avec moi, ajouta Ayame avant de se retourner pour s'éloigner de moi, toujours en retenant les larmes qui voulaient s'échapper de ses prunelles. Et sache...que je te considère vraiment comme la bonne personne, Yugo.
J'aurais voulu qu'elle s'énerve. Égoïstement, j'aurais préféré la voir en colère contre moi plutôt qu'au bord des larmes. C'était moins difficile à encaisser que de savoir que je venais de lui briser le cœur.
J'suis vraiment trop con.
—Ayame...
Mais trop tard, sa silhouette venait de disparaître dans la nuit.
─── ∗∙⋅☾⋅∙∗ ───
𝙲𝚛𝚊𝚝𝚊𝚎𝚐𝚞𝚜 – 𝙰𝚞𝚋𝚎́𝚙𝚒𝚗𝚎
↬ 𝙴𝚜𝚙𝚘𝚒𝚛
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top