𝐗𝐈 - 𝐃𝐢𝐠𝐢𝐭𝐚𝐥𝐢𝐬 𝐏𝐮𝐫𝐩𝐮𝐫𝐞𝐚
- 2526 mots -
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You don't listen anyways,
I'll be quiet
I don't really feel like fighting
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- 29 janvier –
La sonnette retentit pour la troisième fois lorsque j'ouvris la porte de mon appartement, ce qui m'annonçait déjà la couleur de la conversation qui allait suivre.
Ayame était là, face à moi, et en un simple coup d'œil, je savais d'ores et déjà la raison exacte de sa présence. Elle était visiblement très remontée à en juger son visage déformé par la colère. Bien plus que je ne l'aurais imaginé lorsque je lui ai envoyé ce message, il y a de cela maintenant quelques heures.
Seulement que moi, je n'avais vraiment pas la tête à me disputer ce soir. À un peu plus deux semaines du tournoi national de volley, j'étais tout simplement lessivé par notre programme d'entrainement intensif. Sans parler des séances que j'effectuai de mon côté afin de me perfectionner d'ici au jour J. Alors avec toute cette fatigue que j'avais peu à peu accumulée, l'idée d'affronter une Ayame en colère ne me disait pas tant que ça.
Je n'eus même pas le temps d'ouvrir la bouche pour me justifier qu'Ayame me contourna pour entrer, me bousculant avec son étui à violon par la même occasion. Je me retiens de soupirer et referma la porte derrière elle, me préparant mentalement à recevoir ses foudres.
—Écoute, commençai-je en me retournant lentement. Je sais que tu es énervée, mais...
—Bien sûr que je suis énervée, me coupa vivement Ayame en me fusillant de ses beaux yeux verts. Et il y a de quoi, non ?
Ma copine sortit rageusement son cellulaire de sa poche, s'y prit à deux reprises pour pianoter son code à cause de son impatience, ce qui la fit râler encore plus, puis me mis notre dernière conversation sous le nez comme si je ne l'avais jamais lu.
—Tu m'avais promis que tu viendrais me chercher après mon cours et qu'on passerait la soirée ensemble, débita-t-elle avec une rapidité fulgurante.
—Et j'ai dû annuler à la dernière minute, résumai-je d'un ton las, trop exténué pour tourner autour du pot. Oui je sais, c'est moi-même qui t'ai envoyé le message.
—Et t'es fier en plus ?
Ayame me jeta un autre regard noir, visiblement au bord de l'implosion. Son envie de m'étriper se lisait clairement sur son visage, et au fond, je ne pouvais pas trop lui en vouloir.
J'étais censé l'attendre à la sortie de son tout premier cours de violon, et je n'ai malheureusement pas pu suite à un empêchement imprévu. Je savais que rien ne pouvait me faire pardonner d'avoir dû annuler au dernier instant, surtout que je savais pertinemment à quel point ma présence était importante pour Ayame, mais ce n'était pas vraiment comme si j'avais spécialement eu le choix non plus.
—Tu voulais que je fasse quoi, au juste ? demandai-je à mon tour agacé, les sourcils froncés. J'allais quand même pas dire à ma sœur de se débrouiller avec son gosse alors qu'elle est malade comme un chien, non ? Izumi avait besoin de moi, je pouvais pas refuser.
—certes mais tu aurais pu mieux faire les choses, maintenait-elle fermement tout en rangeant son portable.
—Ah genre comme demander à mes parents de s'occuper de Keiji ? demandai-je sarcastiquement, les bras croisés. J'sais même pas sur quel contient ils sont, là, et le temps qu'ils se libèrent, Izumi sera probablement déjà guérie.
Je m'attendais à ce que la colère d'Ayame explose pour de bon et que j'en prenne pour mon grade, mais au lieu de cela, c'est un semblant de tristesse qui s'invita dans sa voix lorsqu'elle me répondit.
—T'as toujours des excuses à tout, c'est dingue.
Je haussai un sourcil, incrédule face à ses paroles.
—Si tu penses que de m'occuper de mon neveu alors que je suis crevé c'est une excuse....
—Je ne faisais pas spécialement référence à ça. Ma copine prit une grande inspiration, tentant visiblement de se calmer par elle-même puisque je n'allais certainement pas l'y aider. À cause de ton volley, on ne se voit quasi plus parce que t'es tout le temps en train de t'entrainer. Et après, t'es trop fatigué pour quoi que ce soit.
—On a la compet' dans deux semaines, rappelai-je platement tout en me frottant frénétiquement les yeux. C'est normal qu'on doive serrer la vis, qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, moi...
—Et je sais que c'est important pour toi, mais franchement, tu crois pas que t'abuses ? Me reprocha Ayame en plissant ses yeux. Je t'ai jamais autant délaissé même lorsque j'avais tous mes projets d'arts à faire en même temps ! tu pourrais au moins faire un effort pour ta petite amie, ajouta-t-elle d'un ton sans appel.
—Ah ouais, délaissée carrément ? ne pus-je me retenir de pouffer, ma fatigue laissant progressivement place à la mauvaise humeur. Eh beh bordel...
Cette fois-ci, ma réplique ne la laissa pas indifférente. Ayame s'approcha vivement de moi, les poings serrés et tremblants de colère, et si ses yeux pouvaient tuer, nul doute que je serais déjà mort depuis un bon moment.
— J'suis pas juste ta pote, au cas où tu l'aurais oublié, grinça ma copine.
—Oh ça, j'l'ai pas oublié, marmonnai-je de mauvaise foi.
—Je te demandais pas la lune non plus, juste un peu plus d'attention, s'emporta-t-elle de nouveau tout en accompagnant ses paroles de quelques gesticulations nerveuses.
—De l'attention, hein ? répétai-je à mon tour à bout de nerfs. Non mais tu t'entends parler ? T'es en train de me faire la morale parce que pour une fois, j'me fais passer avant ?
—Et maintenant t'essaye de faire la victime pour me faire culpabiliser, bravo, me félicita mon interlocutrice d'un ton désabusé.
—Pardon ?
Je secouai la tête. On nageait en plein délire. Je ne me souvenais même plus la raison initiale de notre dispute. Tout ce que je savais, c'est qu'on allait finir par se blesser mutuellement si cela continuait ainsi, sauf que ni elle ni moi n'avions les idées assez claires pour interrompre cette dispute.
—Ah non mais ça c'est la meilleure, ripostai-je en riant jaune. Remets-toi en question deux secondes, non ?
—Mais toi remets toi en question !
—C'est toi qui passe ton temps à te plaindre, si t'étais pas aussi égoïste, on ne se disputerait pas autant, enchainai-je durement et sans aucun filtre. Parfois, je me demande si notre couple est sincère à tes yeux, ou si c'est juste un prétexte pour dorer ton image. J'aurais dû me taire, mais c'était plus fort que moi. Tu dois être vachement contente de pouvoir te pavaner avec moi à tes côtés, hein ?
Ma joue chauffa soudainement, suivis de picotements désagréables sur mon épiderme. Un peu confus, je me mis à frotter mon visage endolori, me rendant peu à peu compte de ce qui venait de se produire.
J'avais bien mérité, celle-là.
La main encore tendue dans les airs, Ayame respirait bruyamment. Elle n'avait pas tout à fait décoléré, mais à mesure que les secondes défilaient et qu'elle prenait conscience de son geste, la tristesse fit peu à peu apparition dans le fond de ses iris. Mes paroles l'avaient blessée bien plus que la gifle qu'elle m'avait donnée.
—T'es vraiment un connard, murmura-t-elle la voix brisée alors que sa main retombait mollement le long de son corps.
Le silence retomba, aussi lourd que du plomb. La douleur dans ma joue s'estompait gentiment, mais celle dans mon cœur ne fit que s'accroître à la place. Autant j'étais encore en colère contre elle, je m'en voulais terriblement de lui avoir dit toutes ces choses affreuses. J'avais vraiment agi comme un parfait connard. Même si je n'étais pas d'accord avec les reproches qu'elle me faisait, rien ne m'autorisait à la blesser ainsi.
Et je voyais dans ses yeux emplis de douleur qu'elle aussi, sa colère envers moi et sa tristesse de m'avoir giflé bataillaient en elle. Sauf que ni elle ni moi n'étions prêts à mettre notre ego blessé de côté pour briser ce silence devenu insoutenable. On avait dit trop de choses. Que ce soit des pensées en l'air ou des reproches, on avait dit trop de choses pour faire comme si de rien n'était et revenir en arrière.
Cette fois-ci et pour la première fois depuis notre mise en couple, cette dispute avait pris des proportions inimaginables. Ça avait été violent. Quelque chose s'était brisé entre nous.
Son regard était brouillé de larmes. Par ma faute. Mais j'étais bien incapable de bouger pour la réconforter. Ma propre déception me l'en empêchait, tout comme elle m'empêchait de prononcer ne serait-ce que le moindre mot. Comment en étions-nous arrivés là ? Pourquoi finissons-nous toujours par blesser les êtres que nous aimons le plus ?
Mes yeux quittèrent les siens un instant. Je ne pouvais pas retirer ce que j'avais dit. Et elle non plus. Que faire maintenant ? Aucun de nous ne s'était préparés à ce que tout dégénère ainsi. Qu'étions-nous censés faire ? sensé dire ? Et si...
Et si je venais de signer la fin de « nous » ? Un élan de panique monta soudainement en moi à l'idée de la perdre. Non, on allait quand même pas se séparer, n'est-ce pas ? Pas pour si peu ? Tout le monde se disputait de temps en temps, hein ? Mon regard sans doute affolé se braqua au sien, mais je fus incapable d'y déchiffrer quoi que ce soit. Tant d'émotions y passaient que mon cerveau ne pouvait pas y déceler le moindre indice quant à ses intentions. Tout s'embrouillait, plus rien n'avait de sens. Et puis, bordel...
J'suis le responsable des larmes qui roulent sur ses joues.
—Oncle Yugo ?
De concert, on se retourna tous les yeux en direction de cette petite voix fluette, appartenant à personne d'autre qu'à mon cher neveu. Il se tenait au bout du couloir menant au salon, l'air légèrement perturbé et les sourcils froncés d'incompréhension. Était-ce nos cris qui l'avaient alerté ? J'osai espérer que non. Il ne manquait plus qu'il assiste à cela...mais alors pourquoi réagissait-il de manière si méfiante vis-à-vis d'Ayame ?
Sans défaire son regard inquiet d'Ayame, Keiji s'avança aussi vite que ses pas pouvaient le lui permettre en ma direction. Sa main s'agrippa à mon jogging alors qu'il continuait de dévisager ma copine, qui avait entre-temps discrètement essuyé ses yeux.
—Dis bonjour mon grand, soufflai-je d'une voix douce en posant ma main sur le haut de sa tête.
—Bonjour, répéta-t-il un peu intimidé. Désenchanté de faire votre méconnaissance, ajouta-t-il après un temps de réflexion.
J'échangeai un regard perplexe avec Ayame, comme pour m'assurer d'avoir bien entendu. Un instant, notre surprise commune nous fit presque oublier qu'on venait de se disputer.
Je dis presque, pace que ses yeux encore brillants me le rappellent sans cesse.
—Keiji, tu ne reconnais pas Ayame ? Interrogeai-je en lui ébouriffant gentiment les cheveux, ne pensant même pas au fait que je devrais peut-être songer à le corriger sur sa prononciation. Tu l'as déjà vue pleins de fois pourtant.
—C'est à cause de ma nouvelle couleur je pense, résonna ma copine tout en observant l'une de ses mèches devenue blonde, un brin vexée. Ça change de mes cheveux quasi noirs.
Keiji hocha la tête comme pour lui donner raison avant de basculer sa tête en arrière pour croiser mon regard déjà passé à autre chose.
—On mange bientôt ? J'ai faim.
—Va mettre la table alors, j'arrive dans cinq minutes.
—D'accord. Au revoir, lança-t-il avant de détaller au plus vite.
Le silence retomba. L'intervention – bien que fortuite – de mon neveu avait totalement changé l'atmosphère entre nous. On était bien plus calmes qu'avant, mais intérieurement toujours aussi déchirés.
—Je pense que je devrais m'en aller, souffla finalement Ayame, ce qui brisa la quiétude autour de nous.
—On devrait discuter avant, non ? Rétorquai-je tout en l'empêchant de passer.
—Discuter pour dire quoi ? Tout est dit, non ? prononça-t-elle difficilement, le regard fuyant.
—Et ça te va de partir alors qu'on est sur de mauvais termes ? lâchai-je de manière abrupte.
—Ça ne va mener à rien, soutint la jolie blonde face à moi. Je pense...qu'on a besoin de temps.
—Et qu'est-ce que ça veut dire, au juste ? Que tu veux rompre avec moi ? résumai-je d'un ton détaché malgré l'anxiété que je ressentais.
À l'entende de ce que je venais de dire, Ayame releva vivement la tête, faisant croiser son regard paniqué au mien. Ma réplique semblait lui avoir glacé le sang, et cela me rassura quelque peu de la voir si effrayée par ce que je venais de dire. Cela me confortait dans l'idée que cette possibilité ne lui avait probablement même pas effleuré l'esprit.
—Quoi ? non ! Souffla-t-elle précipitamment. D'où tu tiens ça, encore ?
Je haussai les épaules, elle poursuivit sans attendre.
—J'voulais juste dire qu'on devrait peut-être...réfléchir dans notre coin et attendre que ton tournoi passe.
Je fermai brièvement les yeux, à la fois excédé et attristé qu'elle remette le sujet du volley sur le tapis, comme s'il s'agissait de l'unique raison de notre dispute. J'avais conscience que l'importance que j'accordais à ma passion la dérangeait, mais tout de même. Je me retins cependant de tout commentaire afin d'éviter de nouveaux éclats de voix pour lesquels je n'aurais pas la force.
—Une sorte de pause, alors ? demandai-je afin de m'assurer de ce que j'avais compris.
—Appelle ça comme tu veux, répliqua-t-elle en rivant son regard sur le vase de l'entrée.
—Très bien.
Ayame sembla surprise que j'accepte, mais elle ne le formula pas à voix haute. J'arquai un sourcil. S'attendait-elle à ce que j'insiste comme d'habitude pour que l'on répare immédiatement les pots cassés ? Sans doute. Dommage pour elle que j'en ai pas eu la motivation aujourd'hui.
—Bon et bien...à bientôt, balbutia-t-elle un peu mal à l'aise.
—Ouais à bientôt, répliquai-je simplement. Mais...
Dans l'encadrement de la porte maintenant ouverte, j'observai Ayame me lancer un regard curieux, le doigt encore appuyé sur l'interrupteur pour appeler l'assener.
—Mais quoi ? interrogea-t-elle finalement.
—S'il y a quoi que ce soit, tu m'appelles, dis-je d'un ton détaché.
J'avais beau être en colère contre elle, Ayame restait ma petite amie avant tout et son bien-être m'importait bien plus que nos petits différents. Je tenais à ce qu'elle le sache, même si au vu du léger sourire qui naquit sur ses lèvres rosées, elle s'était déjà attendue à ce que je lui dise quelque chose de tel. Cela signifiait qu'elle l'aurait fait même si je n'avais rien dit. Ce constat me rassura : la confiance qu'elle m'accordait était restée inchangée.
Je n'eus cependant pas le loisir de contempler son sourire bien longtemps ; l'ascenseur venait d'arriver, et elle s'y était engouffré sans plus de cérémonies. J'aurais juré avoir entendu un faible « toi aussi » juste avant que les portes ne se referment.
Mes mains vinrent se perdre dans la racine de mes cheveux alors qu'un énième soupir me traversa. Bordel, qu'est-ce que je détestai les disputes.
─── ∗∙⋅☾⋅∙∗ ───
𝙳𝚒𝚐𝚒𝚝𝚊𝚕𝚒𝚜 𝙿𝚞𝚛𝚙𝚞𝚛𝚎𝚊 - 𝙳𝚒𝚐𝚒𝚝𝚊𝚕𝚎 𝚙𝚘𝚞𝚛𝚙𝚛𝚎
↬ 𝙷𝚢𝚙𝚘𝚌𝚛𝚒𝚜𝚒𝚎, 𝚖𝚎́𝚏𝚒𝚊𝚗𝚌𝚎, 𝚖𝚊𝚗𝚚𝚞𝚎 𝚍𝚎 𝚜𝚒𝚗𝚌𝚎́𝚛𝚒𝚝𝚎́
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