𝐁𝐨𝐧𝐮𝐬 𝐈 - 𝐕𝐢𝐬𝐜𝐮𝐦 𝐀𝐥𝐛𝐮𝐦

- 1886 mots -

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Do you get déjà vu when she's with you?

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- 11 juillet –

(Undercover - Chapitre 18)

À l'occasion du Gion Matsuri, les rues de Kyoto grouillaient de monde. Comme à chaque année, la ville avait été soigneusement décorée en l'honneur de cette fête, et personne ne résistait à l'envie d'en profiter dès les premiers jours. L'ambiance était au rendez-vous et je passais une soirée des plus agréables, ce qui contrastait drastiquement avec mon humeur d'il y a quelques heures en arrière.

Ce matin même, j'avais rompu – une bonne fois pour toutes – avec mon ex de longue date, et là, j'étais tranquillement en train d'attendre que ma commande de douceurs me soit servie pour que je puisse rejoindre de nouveau la fille qui me tenait compagnie depuis plusieurs heures déjà. C'est d'ailleurs en patientant dans cette interminable file que je me suis surpris à repenser à ma rupture et que, plus surprenant encore, j'ai réalisé à quel point cela m'affectait peu en comparaison avec ce que j'aurais imaginé.

Mais bon en même temps, c'était compréhensible ; À l'instant même où Yumi Shimizu a traversé la porte de mon appartement pour le cours d'appui de maths habituel, c'est à peine si j'ai eu le temps d'y songer. Lui expliquer les théorèmes de mathématiques, ça m'a fait me concentrer sur totalement autre chose, si bien que j'en ai presque oublié l'épisode de ce matin.

Et puis, j'devais avouer que la présence de Shimizu était loin d'être étrangère à ma bonne humeur. Sous ces faux airs d'ange que lui conféraient les traits délicats de son visage et ses prunelles d'un bleu nacré, cette jolie blonde avait un caractère bien trempé qui ne cessait de m'intriguer. D'une audace sans précédent, elle avait osé s'incruster dans l'équipe de volley en début d'année en se faisant passer pour son frère jumeau, le tout simplement pour un pari conclu avec sa meilleure amie – élément qu'elle m'avait avoué il y a moins d'une heure seulement. Je ne pouvais que lever mon chapeau face à son culot, elle n'avait vraiment peur de rien. J'trouvais ça vraiment marrant.

J'avais hâte de voir comment elle allait se débrouiller pour maintenir sa couverture lors des deux semaines de camp d'entrainement au lac biwa ~

Mais il n'y a pas que ça qui m'amusait chez Shimizu. Un autre truc qui m'a tout de suite percuté chez elle, c'est qu'elle ne se privait jamais de m'envoyer paître lorsque je la charriais. Elle se fichait bien – en apparence du moins - de ce que je pouvais bien penser d'elle, et elle sortait toujours de ses gonds face à mes railleries, loin d'être le genre à tenir sa langue dans sa poche. Et puis le mieux, c'est qu'elle ne se vexait jamais réellement lors de nos joutes verbales, et je la soupçonnais – enfin non, j'en étais persuadé – qu'elle aimait tout autant que moi nos petites chamailleries, et moi, ça me faisait plaisir de simplement pouvoir profiter de la présence de quelqu'un qui ne se forçait pas à essayer de me plaire, à l'instar des trois quarts des meufs du lycée.

C'était bizarre de me dire que je ne connaissais ma camarade que depuis quatre mois. On se côtoyait tellement au quotidien que cela me surprenant à chaque fois de constater que notre amitié était si récente que cela. Son affiliation au club de volley y était certes pour quelque chose au vu de nos intombables heures d'entrainements, mais il n'y avait pas que ça. Le fait que je partage son petit secret concernant son double jeu, ça rendait notre relation d'autant plus spéciale à mes yeux, un peu comme une sorte de privilège auquel j'étais le seul gars – Yamazaki ne le mérite pas - à avoir le droit. Et puis, même si j'adorais les réactions de Shimizu lorsque les gars se rapprochaient du pot aux roses et que j'enfonçais le clou avec quelques piques bien senties, au fond, je croisais tout autant les doigts qu'elle pour que son secret ne reste connu que de nous.

Ce serait du gâchis de perdre un joueur aussi distrayant, n'est-ce pas ?

Je sortis de mes pensées lorsque les douceurs que j'avais commandées me furent remises, et après avoir chaleureusement remercié la personne qui m'avais servie, je m'empressai de retourner dans le petit parc à l'écart de toute cette agitation, là où j'avais laissé Shimizu il y a de ça une bonne dizaine de minutes.

C'est donc sans grandes difficultés que mes yeux se posèrent quasi instantanément sur la silhouette de ma camarade, allongée de manière parfaitement immobile au milieu de la pelouse verdoyante. Un petit rire m'échappa alors que je me rapprochai d'elle à grands pas.

Ça t'a tellement fatigué que ça de danser avec moi, Shimizu ? m'exclamai-je d'un ton faussement désolé tout en m'asseyant à même le sol. Fallait me dire que tu n'arrivais pas à suivre le rythme du pro de danse que je suis, ajoutai-je alors que la jolie blonde se redressait à son tour en position assise.

Pas du tout je regardais juste les étoiles, se justifia Shimizu en posant enfin ses prunelles bleutées sur moi. Avec la pollution lumineuse, elles ne sont pas aussi visibles que depuis la campagne, mais ça en vaut tout de même la peine, m'expliqua-t-elle le regard rendu brillant par les lointaines lumières dans mon dos qui éclairaient doucement son visage.

Ah oui, c'est vrai qu'elle, elle aimait par-dessus tout observer les constellations de la nuit. Pas les couleurs rosées du soleil dans le ciel encore éclairé des dernières lueurs du jour.

Tiens, dis-je en lui tendant l'une des assiettes en cartons sur laquelle étaient disposées les quelques douceurs à base de cerises qu'elle m'avait réclamées tantôt. T'as de la chance, c'était les derniers.

Merci beaucoup Nishi, dit-elle tout en m'adressant un petit sourire.

Sans plus attendre, elle croqua l'un des mochis et un soupir de satisfaction lui échappa, visiblement ravie de son choix. Choix qui m'avait surpris lorsqu'elle m'avait fait part de son envie puisque je n'avais jamais spécialement prêté attention aux desserts à base d'autre chose que de la fraise.

Je me mis à mon tour à manger, laissant un court silence s'installer entre nous. La quiétude du parc contrastait avec l'ambiance haute en couleur qui réglait en ville, mais ce n'était pas pour me déplaire. Cette atmosphère plus calme avait aussi quelque chose d'agréable à mes yeux.

Tu t'es pas trop mal débrouillé tout à l'heure, lança Shimizu l'air de rien, ce qui me sortit de mes pensées.

Venant de toi, ce compliment me va droit au cœur, plaisantai-je en référence au fait que s'il y a bien l'un de nous d'eux qui peut se vanter de savoir danser, c'est bien elle.

T'avais l'air de connaître le morceau joué, et donc de savoir plus au moins quand bouger, fit remarquer la jolie blonde, perspicace comme toujours. Je me trompe ? me nargua-t-elle, visiblement fière d'avoir tapé juste.

Seuls les incultes ne connaissent pas clair de lune de Claude Debussy, répliquai-je d'un ton hautain, ce qui fit glousser mon interlocutrice.

Ouh monsieur s'y connaît en musique, railla-t-elle tout en me jetant une œillade moqueuse. Comment ça se fait ?

À cette question, mes pensées se tournèrent bien évidemment vers Ayame Matsuo. C'est parce qu'elle jouait du violon que mon intérêt s'est porté sur les grands compositeurs classiques. Seulement, je n'avais pas trop envie d'évoquer mon ex en cet instant, par crainte de plomber l'ambiance. Alors, j'optais donc pour une réponse plus évasive, en mentionnant brièvement la passion de ma mère pour les concertos de musique, plus particulièrement ceux avec le piano pour instrument central.

Ta mère a vraiment bon goût, déclara Shimizu avec admiration. Entre son sens de la déco et ces centres d'intérêt tous plus classes les uns que les autres, elle doit être vraiment incroyable.

Je me mis à rire, amusé par l'image que ma camarade dépeignait de ma mère. Personnellement, j'aurais rajouté « curiosité débordante et sans limite »et « têtue comme une mule quand elle croit avoir raison » à son palmarès, moi.

J'adore le piano, c'est vraiment mon instrument de musique préféré, révéla Shimizu tout en mâchant un autre de ses mochis.

Tu en joues ? m'enquis-je avec intérêt.

Non pas du tout, gloussa la jolie blonde. Mais j'aurais bien voulu, ajouta-t-elle d'un air songeur.

Tu penses que tu aurais réussi à l'insérer dans ton agenda digne d'un Premier ministre ? la taquinai-je en lui octroyant l'un de mes sourires les plus agaçants.

Bien évidemment, j'suis une personne très sérieuse et bien organisée, moi, répliqua Shimizu en me retournant un regard malicieux. Dommage qu'on ne puisse pas en dire autant de certains...

S'en suivit un débat futile lors duquel je feignis d'être profondément outré des accusations de la jolie blonde, le tout sous ses roulements d'yeux à répétition à chaque fois que j'ouvrais la bouche. L'escalade de piques continua jusqu'à l'instant où je parviens, comme bien des fois, à avoir le dernier mot de notre petite joute verbale. Et cela, comme bien des fois, ne plût pas à Shimizu qui, dans un geste rapide et précis, trouva le moyen de me pincer les côtes.

Je commençai à protester pour la forme, mais même Shimizu n'y cru pas, ce qui nous fit rire de nouveau. Les quelques rares passants nous jetèrent des regards tantôt curieux, tantôt attendris, mais c'est à peine si je les remarquai, mon attention focalisée sur le visage amusé qu'affichait mon amie, ou plutôt sur ses yeux nacrés dans lesquels toute la lumière présente autour de nous semblait briller. À cet instant, jamais ses prunelles ne m'avaient parues aussi claires et translucides, et je devais bien avouer que ce spectacle ne me laissait pas indifférent. Elle avait des beaux yeux.

T'as l'air songeur, me fit tout à coup remarquer Shimizu, ce qui me sortit de ma discrète contemplation.

J'étais en train de me demander si c'était vraiment bon des mochis à la cerise, répliquai-je du tac au tac tout en avisant rapidement les douceurs qui reposaient dans l'assiette de mon interlocutrice.

Tu en as jamais mangé ? Me demanda-t-elle presque indignée alors que je secouais négativement la tête. Tiens, prend le dernier, m'indiqua-t-elle gentiment tout en me présentant son assiette. J'insiste, tu peux pas continuer à vivre dans l'ignorance, ajouta-t-elle avec un ton sérieux que je n'aurais pas remis en doute si ses lèvres ne présentaient pas un léger sourire.

Ah, c'est trop aimable de ta part Shimizu, gloussai-je tout en piquant allègrement ledit mochi.

Alors ? Verdict ?

Mmh pas mal, lançai-je après quelques secondes d'un air faussement snob. Mais la pâte est trop collante, peut mieux faire. Je mets un sept sur dix.

Quoi c'est tout ? s'insurgea la jeune femme. Ça vaut au moins un neuf.

La statuette qu'on a vue tout à l'heure valait aussi un neuf, et pourtant tu lui as mis un trois, fis-je remarquer d'un ton désinvolte alors que les yeux de Shimizu s'écarquillèrent.

—Roh t'es encore bloqué sur ça ? Il ne lui en fallut pas plus pour exploser de rire. J'hallucine.

Les échos de son rire furent bien vite rejoints par le mien, avec pour seuls témoins de cet échange la lune ronde et les quelques milliers d'astres célestes.


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𝙶𝚞𝚒 - 𝚅𝚒𝚜𝚌𝚞𝚖 𝙰𝚕𝚋𝚞𝚖

↬ 𝙻𝚒𝚎𝚞 𝚍𝚎 𝚛𝚎𝚗𝚌𝚘𝚗𝚝𝚛𝚎, 𝚜𝚢𝚖𝚋𝚘𝚕𝚎 𝚍'𝚎́𝚝𝚎𝚛𝚗𝚒𝚝𝚎́.

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