𝐈𝐈 - 𝐂𝐡𝐫𝐲𝐬𝐚𝐧𝐭𝐡𝐞𝐦𝐮𝐦
- 2331 mots -
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And I don't wanna live that way
Reading into every word you say
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- 12 avril -
Mes parents sont repartis hier soir pour l'étranger.
J'aimerais dire que je suis surpris et déçu qu'ils n'aient pas tenu leur promesse, celle de rester à la maison jusqu'au jour de la rentrée, mais ce serait un mensonge. Au fond, je savais qu'ils ne pourraient pas rester aussi longtemps, et je suis tellement habitué à ce genre de scénarios qu'au fil du temps, ça ne me fait plus rien.
Le travail a toujours eu une place centrale dans la famille Nishimura. Mes parents ont chacun d'eux des postes très haut placés dans leur milieu, ce qui les contraint à voyager un peu partout et à travailler d'arrache-pied. Je ne les vois pas souvent.
Déjà lorsque j'étais tout petit, c'était rare – pour ne pas dire exceptionnel- de voir mes deux parents à la maison en même temps. Cela arrivait que lors de certaines fêtes importantes ou à l'occasion de nos anniversaires, et encore.
En principe, c'était donc ma mère qui resait s'occuper d'Izumi et de moi, mais elle avait toujours tellement de boulot qu'elle passait sa journée enfermée dans le bureau de sa chambre. Et pour être honnête, j'ai passé sans doute plus de temps avec la baby-sitter qu'elle avait engagée pour moi avant que je ne commence l'école primaire qu'avec mes deux parents réunis. Elle me gardait pendant la journée, quand mes parents travaillaient ou que ma grande sœur était à l'école. Je ne me souviens plus de son nom, mais c'était une femme vraiment très gentille.
Quand j'ai commencé à aller à l'école, puisque mes parents ont commencé à s'absenter de plus en plus en même temps pour le boulot, c'était souvent ma grande sœur qui s'occupait de moi. J'avais six ans, et Izumi quatorze. Même avec nos huit ans d'écart, on s'entendait pas trop mal. Il m'arrivait de me disputer avec elle – quand elle s'y met, Izumi est la fille la pire des pestes que je connaisse- mais ce n'était jamais rien de bien sérieux.
D'ailleurs, quand on voit la dispute qui a éclaté entre nos parents et elle lorsqu'elle est tombée enceinte, toutes les embrouilles qui ont précédé, laissez-moi vous dire c'était du pipi de chat à côté...bon en même temps, je ne peux pas leur jeter la pierre, parce que ce genre de situation aurait fait des vagues dans n'importe quelle famille. Et puis maintenant, quand on voit à quel point ma famille est gaga de Keiji, on aurait de la peine à croire que mes parents aient été réticents au début.
Avant la naissance de mon neveu, ma sœur a commencé à travailler afin de mettre de l'argent de côté pour s'occuper de son fils et déménager. Du coup, je me suis retrouvé seul à nouveau, mais comme j'avais déjà onze ans et que j'étais plutôt débrouillard, mes parents n'ont pas jugé nécessaire d'appeler qui que ce soit.
Et en vrai, ils ont bien eu raison.
Je m'en suis toujours plus au moins sorti avec les corvées domestiques, et avec les cours, les amis et le volley, mes journées étaient bien rythmées. De plus, d'avoir des parents avec un salaire aussi élevé me procure un certain confort de vie qui est non négligeable. Je réside dans un duplex assez luxueux au septième étage, avec une vue imprenable sur Kyoto, et je ne manque jamais de rien au niveau matériel.
Même si certains soirs, j'aurais bien voulu voir mes parents ou ma sœur en poussant la porte de la maison, je ne suis pas à plaindre. Il y a pire comme problème de vie.
Et puis, tant que j'ai le volleyball et Ayame dans ma vie, qu'est-ce que je peux bien demander de plus ?
— Hey, Yugo ! Le claquement de doigts d'Ayame devant mes yeux me fait soudain revenir au moment présent. Tu m'écoutes quand je te parle ? M'interroge ma copine d'un air septique.
— Désolé, m'excusai-je tout en soupirant longuement. J'étais perdu dans mes pensées.
—Oh, mon cœur. La jolie brune se saisit de ma main sous la table et enlace nos doigts ensemble pendant que je la regarde faire. Tu es encore en train de penser à tes parents, c'est ça ?
—Non, mentis-je ce qui me vaut le regard accusateur de ma copine. Bon d'accord, peut-être bien que j'y pensais encore un peu.
—Ne soit pas déçu qu'ils aient dû partir plus tôt, tenta-t-elle de me rassurer d'une voix douce. Tu sais bien que leurs obligations passent avant tout.
—Je ne suis pas déçu, objectai-je en haussant négligemment les épaules. Je m'y attendais à ce qu'ils me fassent le coup, de toute façon, admis-je à voix basse. Ce n'est pas la première fois que ça arrive, ni très certainement la dernière. Je fermai les yeux un instant, pris une grande inspiration pour me calmer puis décida de changer drastiquement de sujet, ne souhaitant pas plomber l'ambiance de notre date. Tu me parlais de quoi toi du coup ?
Cette fois-ci, c'est Ayame qui soupire, et je sais d'ores et déjà qu'elle va me faire part de quelque chose qui l'agace. Sa main quitte la mienne pour se saisir de la boisson de couleur verte qu'elle a commandé un peu plus tôt, posée sur la table entre nous, puis Ayame se laisse aller contre le dossier du canapé dans lequel elle est assise. Son regard se verrouille quelques instants sur un point au-dessus de mon épaule gauche, et alors qu'elle se met à mordiller la paille, ses yeux se plissent soudain alors qu'elle renifle de manière dédaigneuse.
J'arque un sourcil, à mi-chemin entre l'amusement et l'incompréhension face au comportement étrange de ma copine. Curieux de savoir ce qui la dérange tant, je tournai tête pour suivre le regard d'Ayame et mes yeux tombèrent sur le comptoir du café dans lequel nous nous trouvons, et plus particulièrement sur l'employée à la caisse. Il s'agit d'une fille aux cheveux roux qui travaille ici depuis l'ouverture du Kyoto Brew Coffee, l'année précédente. D'après le badge qu'elle porte, j'ai appris qu'elle s'appelait Hanae Yaikonada, et au fil du temps, puisque je suis un client régulier, il m'est arrivé de discuter avec elle pendant qu'elle préparait ma commande. Yaikonada est de quelques années mon ainée, et c'est une personne pour le moins très joviale et souriante.
Mon regard se braqua à nouveau sur Ayame, et un sourire moqueur prit place sur mon visage en constatant que c'est bien cette employée qu'elle fusille du regard.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Osai-je finalement demander d'un ton trahissant mon envie de rire. C'est parce qu'elle a oublié que dans ton Matcha Green Tea Latte, il ne fallait pas ajouter de sucre? Plaisantai-je sarcastiquement en insistant sur le nom bien compliqué de sa boisson.
Ayame posa à nouveau son regard couleur olive sur moi et cessa de mordiller la paille.
—Mmh non, rien à voir. J'aime juste pas la façon dont elle te regarde, déclara-t-elle simplement en jouant avec une mèche de ses longs cheveux. Ça m'agace.
—C'est difficile de détourner le regard quand on a affaire à une personne aussi incroyable que moi, répliquais-je d'un ton faussement pompeux, prenant la situation à la légère. Ah, c'est pas facile tous les jours d'être doté d'une plastique aussi parfaite ~
—Et puis, la façon dont elle sourit bêtement à chaque fois que tu commandes pour nous deux, ça m'énerve aussi. En voyant qu'Ayame n'a même pas pris la peine de relever ma plaisanterie, je comprends qu'elle prend la situation bien plus à cœur que ce que j'imaginais. Elle n'a toujours pas compris qu'on est ensemble ou quoi ?
Alors que je commence à comprendre ce qui se trame dans sa tête, je sentis toute trace d'amusement déserter mon visage peu à peu mon visage au fil des secondes. Si cette employée n'a, à mon sens, rien tenté de déplacé à mon égard, je doute très fortement qu'Ayame soit du même avis.
—Hey doucement, essayai-je de la tranquilliser d'une voix douce. Tu te fais des idées, tu sais bien qu'elle a toujours été très souriante avec les clients. Face à l'air peu convaincu d'Ayame, je poursuivis d'un ton plus léger dans l'espoir de détendre la situation. Et à mon avis, elle a bien compris que j'étais à toi vu comme tu l'as mal regardée.
—Je suis persuadée que tu l'intéresses d'une façon ou d'une autre, déclara tout de même ma copine en me jetant un petit regard pour guetter ma réaction. On dirait un peu l'une de ces filles qui te courent après à Kotodama...et j'aime pas ça du tout.
Là, plus de doutes possibles. Que ce soit à la façon dont elle triture machinalement ses doigts, ou encore au ton réprobateur de sa voix, lorsqu'elle commente la situation tout me montre qu'Ayame nourrit un réel sentiment d'inquiétude mêlée à une certaine hostilité vis-à-vis de cette employée de café.
—Ayame. Mon dos quitta le dossier du canapé et je m'avançai vers elle. Je te l'ai déjà dit des milers de fois, tu n'as pas à t'en faire de ce genre de choses. Doucement, j'emprisonnai l'une de ses mains libres dans la mienne. Je m'en fiche de ce que les autres filles pensent, ça ne change rien au fait qu'il n'y a que toi qui comptes pour moi, terminai-je tout en déposant un baiser sur sa joue. Pourquoi est-ce que tu ne me crois pas ? Est-ce que je t'ai déjà donné une raison de douter de moi ?
À l'entente de ma dernière question, Ayame secoua négativement la tête. Un nouveau soupir franchit la barrière de ses lèvres alors qu'elle détourna le regard.
—Non ce n'est pas ça. Elle prit une grande inspiration, comme si ce qu'elle s'apprêtait à dire lui valait un gros effort. Il y a tellement de filles qui te courent après que j'ai des fois peur que tu te lasses de moi pour une autre...C'est normal d'avoir peur de perdre ce à quoi on tient, non ? Demanda-t-elle d'une petite voix presque timide qui est absolument adorable.
—Ayame, prononçais-je sans parvenir à retenir un sourire attendri face au sous-entendu.
— Arrête de sourire comme un débile, me coupa-t-elle vivement, plus comme un moyen d'extérioriser la gêne qu'elle éprouve face à sa confession que par réel agacement de mon amusement. C'est pas drôle, je suis sérieuse, moi.
—Mon ange, écoute-moi. Toute son attention se porta sur moi et mon regard se verrouilla au sien. J'aimerais tellement que tu te vois comme je te vois, déclarai-je le plus sérieusement au monde et sans ciller une seule fois. Ne doute plus. Ni de toi, ni de moi. Fais-nous confiance. D'accord ?
Ayame m'observa durant quelques longues secondes avant de hocher timidement la tête, maintenant complètement rassurée. Un petit rire nerveux lui échappa alors qu'elle semblait prendre conscience de l'absurde de ses doutes.
—Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler ton ange, murmura-t-elle à voix basse. Les anges ont les cheveux clairs, et je ne suis pas blonde, ajouta Ayame en observant une de ses mèches aussi foncées que l'ébène presque à contre cœur.
—Je m'en fiche de ta couleur de cheveux, répliquai-je en me saisissant de la mèche qu'elle triturait. Tu es mon ange, un point c'est tout. Et puis, je sais que tu aimes trop quand je t'appelle comme ça.
—Même pas vrai, bougonna Ayame d'un ton pas convaincant pour un sou, mais je ne lui fis aucune remarque sur le fait que ses yeux brillent de bonheur à chaque fois que ce surnom traverse la barrière de mes lèvres. On y va ?
Même si elle ne l'a jamais dit explicitement à voix haute, je sais que le rapide baiser qu'elle a déposé sur ma joue lorsqu'on est sortis du Kyoto Brew Coffee, c'est sa façon de s'excuser.
En dépit de l'apparence confiante et sûre d'elle qu'elle donne à première vue, Ayame est une personne assez sensible intérieurement qui a besoin qu'on la rassure de temps en temps. Je le savais déjà avant qu'on ne se mette officiellement ensemble, mais j'ai quand même l'impression que ce côté-là de sa personnalité s'est un peu développée depuis. Je mets ça sur le compte de notre nouveau statut à tous les deux. C'est quelque chose de nouveau pour elle, il lui faudra un peu plus de temps avant de s'y faire totalement.
—Quand les cours reprendront, j'espère que tu n'oublieras pas d'emmener ta merveilleuse petite amie en date, me prévint Ayame avec un petit sourire entendu.
—Bien sûr que non, tu me prends pour qui ? M'exclamai-je en faignant d'être offusqué. Je suis outré, là. J'sais pas si je vais m'en remettre.
—Tu passes tout ton temps libre dans le gymnase de ton lycée avec ton club de volley, faut bien que je te remette les pendules à l'heure maintenant qu'on sort ensemble.
—Hey c'est même pas vrai, dis-je en riant franchement, amusé de ces propos.
—Un peu quand même, maintient-elle en arrêtant de marcher pour se planter face à moi. Déjà qu'on n'est pas dans le même établissement, si en plus restes toujours plus longtemps à tes entrainements, on ne va jamais se voir.
—Mais si on va se voir, soutins-je d'une voix confiante. En plus, vu que je sus à nouveau seul à la maison, tu peux venir quand tu veux, ajoutais-je ce qui la fit rire doucement.
—Tu ne m'oublieras pas, hein ?
Tu es déjà constamment dans ma tête, Ayame Matsuo, alors il n'y a aucune chance que je ne t'oublie.
—Je ferais tous les efforts que tu voudras, promis-je en scellant ma bouche à la sienne.
Et lorsque je lui ai fait cette promesse, j'en pensais chaque mot du plus profond de mon être sans savoir à quel point ça allait se retourner contre moi.
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𝙲𝚑𝚛𝚢𝚜𝚊𝚗𝚝𝚑𝚎𝚖𝚞𝚖 - 𝙲𝚑𝚛𝚢𝚜𝚊𝚗𝚝𝚑𝚎̀𝚖𝚎
↬ 𝙵𝚛𝚊𝚐𝚒𝚕𝚒𝚝𝚎́ 𝚍𝚎𝚜 𝚜𝚎𝚗𝚝𝚒𝚖𝚎𝚗𝚝𝚜
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