Chapitre 25
Le temps de récupérer la missive accrochée à la patte du petit oiseau et de parcourir la réponse de Nigel, Drago a quitté le lit pour filer sous la douche.
Dans sa lettre, Nigel accepte le plan proposé la veille - celui de Drago, en réalité : libérer un des disciples et le pister jusqu'à ce qu'il nous mène au sorcier qui détient encore le bâton-catalyseur. Il m'indique qu'il va le libérer dans la journée, dès sa garde à vue terminée, soi-disant pour manque d'éléments probants.
Quand Drago quitte la petite salle d'eau, il est habillé avec soin, tiré à quatre épingles, sa natte de nouveau tressée au creux de son épaule. Dans le coin cuisine de la chambre, il fait bouillir de l'eau pour son thé, comme à son habitude. Mais une seule tasse cette fois.
Je devine à sa posture et à ses gestes retenus qu'il est contrarié, mais je prends tout de même le temps de lui résumer la réponse de Nigel. Il porte sa tasse de thé à ses lèvres, en boit une gorgée l'air indifférent.
— Je te laisse faire alors...
Je laisse retomber le parchemin sur le petit bureau, un peu décontenancé par son changement d'attitude.
— Je veux que tu m'accompagnes.
— La Memoriae Captiva ne servira à rien pour une filature.
— Je sais. Viens, même sans potion.
Pendant que je me prépare, il finit sa tasse, s'équipe de sa ceinture de potionniste sans un mot, y glisse quelques fioles qu'il choisit avec soin dans son coffret. À choisir, je préfère encore ses piques narquoises dès le lever du lit.
Sur le chemin de la Citadelle, je le briefe sur l'enjeu de la filature : le type libéré va sans doute vouloir rejoindre le sorcier au catalyseur. Celui-ci peut être n'importe où, toujours dans le désert ou dans une cache aux alentours de la ville. Les officiers de la Citadelle ont posé une trace sur lui pour l'empêcher de transplaner le temps de l'enquête. Par contre, il est libre de voyager à la moldue, ou d'utiliser un portoloin. C'est ce qu'on espère qu'il fera, ça nous permettrait de déterminer sa destination plus facilement.
— Dans le cas où il veut utiliser un portoloin, il va devoir s'en procurer un quelque part dans Le vieux Caire. À nous d'ouvrir l'œil pour ne pas le perdre...
Devant la prison de la Citadelle, le disciple sort libre, jette un regard aux alentours, puis s'engouffre sans surprise dans le souk sorcier. On le suit à distance raisonnable entre les étals, Drago sur mes talons. Je mets de côté les mots que j'essaie d'assembler pour avoir une discussion avec Drago, mais il faut que je reste concentré si je veux garder mes distances avec le type tout en évitant de le perdre de vue. Très vite pourtant, il s'arrête dans une petite échoppe et commande à boire. Je fais signe à Drago qu'on s'installe sur l'une des terrasses pas tout à fait en face de la sienne, à une table qui permet de le surveiller sans être remarqués. Comme je me mets dos à la rue et laisse la place d'en face à Drago, il hausse un sourcil sans comprendre.
— Il pourrait me reconnaître, il sait à quoi je ressemble, pas toi.
— Je croyais que j'attirais l'attention avec ma gueule trop pâle...
— J'ai jamais dit ça...
Mauvaise foi. Évidemment qu'on ne remarque que lui. Il dénote clairement dans le souk avec sa prestance et sa beauté froide, mais peut-être suis-je le seul que ça dérange vraiment. Il rabat le chèche sur sa tête pour dissimuler ses cheveux et se positionne pour pouvoir observer notre type sans que ce soit flagrant. Et moi, ça me laisse du temps pour détailler Drago et réfléchir à ses envies impossibles.
Je commande deux boissons pour ne pas attirer l'attention inutilement sur nous et, au bout de longues secondes, Drago brise le silence.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Mon ventre se serre avant de comprendre qu'il ne parle que de la filature. Toujours aussi professionnel.
— Ce qu'il fait, avec qui il parle, tout ce que tu trouves étrange...
Pendant un moment, il ne se passe rien, ni entre nous ni du côté du sorcier. Drago se contente de boire quelques gorgées de son verre en choisissant de m'ignorer avec application.
— Un gars vient de s'attabler aux côtés du sorcier, me prévient-il. Il lui a tendu une bourse, s'est penché vers lui, puis l'autre est reparti aussitôt. Rien d'autre. Si, attends... Non, le type vient juste de commander une assiette.
Je note les informations en hochant la tête avant de faire un geste vers le tenancier de notre échoppe pour commander une planche pour deux. Il n'y a plus qu'à patienter.
Tandis que je pioche quelques mezzés avec les doigts pour les rapatrier dans mon assiette, j'essaie d'assembler les pensées que j'ai cogitées depuis ce matin. Je partage les brochettes de köfte, tends sa part à Drago avant de me racler la gorge.
— Et si on pouvait continuer ces missions en binôme, sur le terrain ?
Drago continuer d'éviter mon regard, ignore l'assiette entre nous et se contente de ricaner.
— Déjà que la moitié du Ministère fera une syncope quand ça se saura...
Qu'il prenne ma proposition comme une blague m'agace un peu.
— Rien à foutre du Ministère ! Est-ce que toi ça te plairait, Drago ?
Il quitte enfin des yeux le type à surveiller pour revenir vers moi un instant.
— Les missions des Aurors à Londres sont beaucoup moins exotiques que celle-ci, tu sais.
— Je peux me faire transférer aux Services Magiques Extérieurs. Les missions sont plus intéressantes, je pense qu'on a seulement effleuré les soucis de libre circulation des objets de magie noire dans ces pays où il n'y a aucune régulation... Moi qui voulais me barrer de Londres depuis un moment, c'est peut-être le bon compromis.
— Tu ne peux pas fuir éternellement, Potter.
Je fais tourner le fond de mon verre, partagé entre l'agacement vis-à-vis de son ton paternaliste et l'amusement lié au fait qu'il me cerne aussi bien.
— Si, je peux. James et Albus passent leur année scolaire à Poudlard, Lily est chez sa mère ou chez ses grands-parents la semaine, je peux transplaner à Londres si besoin ou obtenir des portoloins officiels pour pouvoir rentrer les week-ends mais, à part ça, je peux faire exactement ce que je veux. Je suis le foutu Sauveur du Monde Sorcier, je te rappelle !
Il roule exagérément des yeux, mais un sourire s'étire sur ses lèvres.
Je tends la main pour faire courir mes doigts là où sa manche est retroussée.
— Est-ce que ça te dirait de m'accompagner de nouveau sur le terrain, Drago ?
La question a mille gallions ! Celle qui me brûle les lèvres depuis ce matin. Malgré ses manies psychorigides, je pourrais m'habituer à l'avoir à mes côtés sur d'autres enquêtes. A mon contact pourtant, il tressaille, retire sa main et fiche son regard au-delà de mon épaule pour s'assurer que le type est toujours là.
— Dès que la potion sera stable, tu n'auras plus besoin de moi sur le terrain, tu le sais...
Il réussit pourtant à me canaliser, son calme compense mes éclats d'agressivité. Il n'est pas auror, mais il est doué en potions et en soins, et puis il s'y connaît autant voire mieux que moi en magie noire. À y réfléchir, avec son sang froid couplé à mon intuition, on pourrait faire des merveilles ensemble !
— L'autre type est revenu, commente-t-il. Avec une sacoche qu'il lui dépose. Plutôt lourde, j'ai l'impression. Il ne s'éternise pas, notre disciple est de nouveau seul...
J'enregistre l'information, sûrement un portoloin clandestin.
— Quand il se barre, laisse passer quelques secondes avant de te lever. Juste assez pour qu'il ne nous remarque pas, mais on ne doit pas le perdre des yeux.
Drago hoche la tête pour valider ma consigne.
Je réalise que j'ai tellement besoin de lui à mes côtés, que je redoute sa réponse à ma proposition. Comme s'il pouvait réussir à rééquilibrer la balance instable qu'est devenue ma vie jusque là.
— Tu as d'autres compétences que la Memoriae Captiva, Drago... On pourrait faire équipe, on fonctionne bien ensemble.
Il secoue la tête en ricanant.
— Tu ne disais pas ça, il y a à peine quelques semaines. D'après Nigaud, tu ne fais que me supporter par obligation. Pas de souci, il y a une dizaines d'autres potionnistes disponibles pour ce genre de missions. Et puis, ce ne sont pas les plans cul sur le terrain qui manquent. Tu sauras trouver ce qu'il te faut. Tout le monde te veut dans son lit, tu as l'embarras du choix...
Je me mords la langue. Son regard est toujours au-delà de mon épaule, son ton est amer.
C'est toi que je veux. Les mots meurent au bout de mes lèvres au moment où Drago se lève à la suite du type et me fait signe de ne pas traîner.
*
La filature nous fait traverser les ruelles les plus occidentales du souk, bientôt les étals laissent place à des quartiers résidentiels et j'en viens à me demander quand il va enfin utiliser son fichu portoloin ! On arrive finalement aux portes du désert, à l'ouest de la ville, où les conducteurs de tuk-tuks moldus alpaguent le chaland pour leur proposer un trajet rapide jusqu'au pied des grandes pyramides de Gizeh. Notre type poursuit son chemin en évitant la foule des touristes, il emprunte un sentier peu fréquenté, ignore la pyramide de Khéops et celle de Khêphren, celles qui attirent le plus l'attention des touristes et se faufile entre les ruines d'anciens bâtiments, moins prestigieux, de la nécropole.
Devant l'un des édifices, coincé entre deux vieilles ruines, il ralentit le pas et jette un œil par-dessus son épaule. Drago me tire par la manche pour me dissimuler contre un mur.
— C'est le temple de Mykerinos, murmure-t-il tout en ne quittant pas du regard le type.
Je suis assez impressionné par son savoir sur tous les lieux qu'on a parcourus jusque là. J'ai longtemps cru qu'il savait tout et qu'il se faisait un plaisir d'étaler sa culture générale, mais, en réalité, il ne peut pas s'empêcher de potasser des piles de bouquins dès qu'on arrive dans une ville nouvelle. Le savoir est une force, m'a-t-il répliqué un jour, ses lunettes de lecture sur le nez, alors que je l'insultais gratuitement de rat de bibliothèque. En tout cas, ce sont bien ses lectures sur les contes et légendes orientales qui nous ont mis sur la piste de Nectanébo le Grand.
Le type s'est agenouillé pour défaire le cordon de sa sacoche et en sort une ribambelle de pierres lourdes. Ce n'est que quand il les dispose au pied du mur, devant une ouverture scellée depuis des millénaires peut-être, que je comprends qu'il dessine un schéma au sol et que les pierres sont en réalité des runes gravées. Ça n'a rien d'un portoloin, bon sang ! Il est sur le point d'altérer le mur de pierres pour pouvoir le traverser : il y a un passage là derrière !
Avant même que je n'ouvre la bouche, Drago devance ma pensée.
— Tu ne vas pas le suivre là-dedans, Potter. Tu sais ce qu'on dit de ces constructions : ces temples et ces pyramides sont conçus comme de véritables labyrinthes, c'est un coup à t'y perdre ! On devrait prévenir les renforts...
Dans l'immédiat, je n'ai pas d'arguments convaincants à lui riposter, alors je consens à lancer l'alerte à Nigel en activant mon amulette pour lui donner notre localisation.
— Qu'est-ce qu'il fabrique ? s'impatiente Drago.
Je jette un œil au type. Il a commencé à marmonner un sortilège au pied du mur, mais rien de concret ne se passe. Le schéma dessiné par les pierres runiques vibre à peine d'ondes magiques.
— Il n'est pas très bon, il manque de puissance. Ça doit lui demander pas mal d'énergie de lancer ce sortilège seul...
Je prends le temps de détailler un Drago concentré sur le type. Il a les yeux plissés, à l'affût du moindre de ses mouvements. Alors que je l'ai traîné contre son gré, il prend finalement cette filature et toute cette enquête bien trop au sérieux.
— Je ne parlais pas d'un plan cul tout à l'heure. J'ai compris, c'est pas ce que tu veux...
— Alors quoi ?
— On pourrait être de vrais partenaires, sur un pied d'égalité. J'ai besoin d'un binôme, tu sais. Ça fait des années qu'on me le rabâche.
— Le Ministère n'acceptera jamais !
— Laisse-moi gérer ça, j'en fais mon affaire...
Au pied du temple, un portail apparaît enfin et creuse un trou dans le mur de pierres qui s'élargit petit à petit jusqu'à pouvoir laisser passer un homme. Le type finit par le stabiliser complètement, enjambe les vieilles pierres et disparaît dans les entrailles de l'édifice.
— Merde !
J'active précipitamment le second signal de l'amulette.
— Reste là, Drago. La Garde Magique va arriver en renfort. Surtout, tu restes là !
Alors que je m'élance, il me retient par la manche. Il a le regard inquiet, mais il se contente de secouer la tête.
— Pas de risque inutile !
— Tu me connais...
Et puis, en quelques pas, je m'engouffre à mon tour à travers le mur du temple.
*
Le portail dans mon dos faiblit jusqu'à se refermer complètement me laissant désorienté dans un couloir obscur et poussiéreux. Je fais quelques pas à tâtons avant de souffler un Lumos. Sur les murs, des traces de runes sont dessinées, le couloir débouche rapidement sur d'autres galeries identiques. On pourrait réellement se paumer dans ce dédale, mais le disciple a allumé une torche dont je perçois encore la lueur. Je presse le pas pour ne pas le perdre et souffle un Nox quand je m'approche d'une grande salle voûtée.
Quatre larges escaliers plongent vers un semblant de temple, entouré de hautes statues divines. Plusieurs sorciers sont regroupés autour d'un autel surélevé. Ça pue l'encens et la magie, l'air en est saturé. Au centre du temple, éclairé par une centaine de bougies et de lanternes magiques, le vieux sorcier au bâton-catalyseur se dresse là, un grimoire posé devant lui, entouré d'une poignée de disciples.
Des chants psalmodiques résonnent contre l'immense plafond voûté et la brèche vers l'au-delà est déjà ouverte sur l'autel, un peu plus haut que les sorciers en transe.
Je ne repère aucune pierre posée au sol, mais des runes sont directement gravées dans de larges piliers sculptés, qui forment eux-mêmes un grand pentagramme dans la salle.
Je descends les larges marches en contournant prudemment le groupe de sorciers pour m'approcher du voile évanescent par l'autre côté. Je m'immobilise dans l'ombre d'une statue ancienne quand une première créature émerge du voile dans des gémissements dérangeants. Elle semble plus humaine, moins ignoble que celles que j'ai vu dans le désert, mais celle-ci s'écrase à son tour sur les dalles du temple dans un bruit de chair défraîchie.
Je repousse un haut-le-cœur et reporte mon attention sur le voile. Plus je m'approche, plus je me sens attiré par lui.
Il est fascinant et hypnotique à regarder, tellement que j'ai du mal à lui résister, comme si une force plus puissante me happait vers elle. Cette fois des murmures émanent de la brèche, je ne rêve pas. Il y a quelque chose - quelqu'un ? - qui a besoin de moi et qui m'appelle là derrière. Et si... ?
Je fais un autre pas, l'excitation tambourine dans ma poitrine, mêlée à une crainte tapie au fond de mon ventre. Encore quelques pas et je saurais... La peur me coupe les jambes, mais la curiosité se fait plus forte. À moins que ce soit cette force obscure qui m'attire doucement vers elle.
Et puis, soudain, des cris s'élèvent en haut des escaliers. Des sorciers en tenue d'officiers dévalent les grandes marches du temple, quadrillent le rituel, lancent des sorts. Sauf que cette fois le sorcier au bâton-catalyseur a anticipé l'interruption. Sans devoir maintenir la puissance des pierres runiques, il a conservé davantage de magie pour invoquer un bouclier protecteur qui lui permet de maintenir le voile en place malgré l'attaque.
Je perçois les combats à la limite de mon champ de vision : les disciples sont aussi mieux préparés cette fois, certains sont présents juste pour défendre et protéger les sorciers en pleine incantation. Je ne devine que leurs silhouettes autour de moi, le voile continue de capturer toute mon attention.
Je n'ai plus envie de résister. J'ai envie de me laisser happer, d'arrêter de lutter, de déposer mes angoisses et mes pensées noires à terre, et de me laisser aller à cette promesse de douce délivrance.
Les combats s'intensifient autour de moi, des cris s'élèvent de toutes parts et soudain une voix perce le brouhaha ambiant. Celle de Drago, un peu en arrière. Je tourne difficilement la tête vers lui, il me regarde sévèrement, sa baguette à la main.
— Recule doucement, Potter !
Il a l'air blessé et à l'affût. Quand l'un des sorciers fond sur lui, il esquive l'attaque, lance un contre-sort, pare un coup, réussit à le repousser vers un officier de la Citadelle, puis revient vers moi. Il jette un regard mauvais vers le voile, essaie de me rejoindre, mais se force à faire un pas en arrière en grimaçant.
— Tu es plus fort que leur sorcellerie, Potter ! Fais pas le con, accroche-toi à ma voix et résiste-lui !
Par-delà le voile, l'appel lancinant est pourtant irrésistible.
Tout serait plus simple si je lâchais enfin prise et me laissais glisser pour rejoindre tous ceux qui y sont déjà. Maman, Papa, Sirius, Remus... J'ai la gorge serrée et les yeux qui piquent, l'univers m'offre une porte de sortie toute trouvée. Encore quelques pas et la souffrance disparaîtra pour laisser place à une sérénité douce et apaisante.
— Harry ! fait la voix de Drago, avec plus d'urgence. S'il te plaît, reviens vers moi !
Les volutes du portail continuent de se faire tentatrices et Drago se tient campé à quelques mètres, la main désespérément tendue vers moi.
Au même moment, une attaque conjointe des officiers de la Citadelle réussit à atteindre le sorcier au bâton-catalyseur qui vacille et perd le contrôle du voile, qui se fait soudain moins tentant.
Je cligne des yeux quelques instants avant de finir par me ressaisir. Je fais un pas en arrière, puis un autre et Drago réduit la distance pour venir m'agripper le bras et m'attirer plusieurs enjambées en arrière.
Il m'entoure de ses bras et me serre contre lui comme s'il était un foutu bouclier capable de me protéger des effets du voile. Autour de nous, la Garde de la Citadelle continue d'échanger quelques sorts, réussit à neutraliser les piliers runiques et finit par immobiliser la plupart des sorciers impliqués dans le rituel.
Le voile se défait doucement en lambeaux de brume et l'air arrête de vibrer.
Les bras de Drago autour de mes épaules ne me lâchent pas pour autant.
Je le sens trembler, le souffle court et saccadé contre mon oreille.
— Je vais bien, je lui assure, autant pour lui que pour moi en posant mes mains sur sa taille.
Il se contente d'enfouir son nez dans mon cou, d'inspirer et expirer longuement.
— J'ai cru... J'ai cru que j'allais te perdre pour de bon...
— Désolé, j'aurais pas dû. J'ai cru... j'en sais rien... je suis désolé.
Il continue de me serrer fort tout contre lui.
J'ai l'impression d'entendre son cœur battre la chamade, à moins que ce soit le mien.
— Tu n'es pas seul, Harry. Et si je dois rester dans les parages pour te le rappeler, je le ferai, crois-moi !
Je ressers mes bras autour de sa taille en relâchant le souffle que je n'avais pas conscience de retenir.
J'ai la gorge serrée face à son inquiétude manifeste. Je ne m'étais pas rendu compte que, nous deux, c'était aussi sérieux pour lui. Ses sentiments sont plutôt flippants mais, là tout de suite, c'est juste extrêmement réconfortant d'être niché contre lui. Je passe une main dans son dos pour essayer de le rassurer, mais Nigel vient nous interrompre dans notre étreinte.
— Bougez de là, les tourtereaux ! Mes officiers vont devoir sécuriser cette scène, mais attendez-moi à l'entrée du temple, j'ai besoin de vos témoignages avant que vous ne filiez.
Drago s'écarte enfin, les yeux rougis et prend ma main dans la sienne.
Il me guide à travers les couloirs où ils ont précédemment laissé planer un fil magique pour retrouver la sortie. La fatigue reprend soudain le dessus. J'ai les jambes en coton et la tête qui tourne, alors je me concentre uniquement sur la main de Drago qui serre fort la mienne.
*
À l'entrée du temple, le soleil nous aveugle, des officiers nous interceptent et Drago lâche ma main. La Garde de la Citadelle s'affaire sous des tentes sorcières à recenser les disciples faits prisonniers. Elle a érigé un grand bouclier de discrétion pour dissimuler la scène aux moldus qui continuent de se balader sur la nécropole pour contempler les grandes pyramides un peu plus loin.
Quand Nigel finit par ressortir à son tour, il s'enquiert auprès de son équipe des enregistrements des différents témoignages et supervise les transplanages directs vers la Citadelle.
Au bout d'un moment, il fait signe à Drago.
— Si vous voulez un témoignage certifié, c'est le moment. Leur chef refuse de dire un mot, mais l'un des disciples a reconnu les faits.
Drago s'approche du sorcier-nomade interrogé. Il reconnaît avoir rejoint le clan des disciples pour tenter de faire passer des défunts depuis l'au-delà, voire toute une armée à terme, si les rituels de Nectanébo étaient concluants. Leurs expérimentations ont commencé il y a des mois et ils observent des améliorations lentes, parfois décourageantes. L'interrogatoire se poursuit, mené par Nigel, mais Drago n'hésite pas à intervenir pour demander d'où ils puisent leur magie. Le sorcier reconnaît avoir régulièrement pratiqué un sortilège élémentaire qui draine des bribes de magie noire - plus puissante et visiblement plus répondante au voile - à partir d'objets anodins trouvés sur des marchés sorciers.
Les explications se font lointaines tandis qu'une migraine se faufile contre ma tempe.
Bientôt, je ne vois plus que Drago dans ce tableau chaotique. Drago qui a pris de foutus risques pour venir me récupérer là-dedans. Drago qui tient inexplicablement à moi. Drago qui sait ce qu'il veut. Drago qui a pardonné les erreurs de mon passé et qui ne demande qu'à se projeter dans l'avenir, tandis que moi je trouve ça terriblement flippant...
Drago finit par invoquer la Memoriae Captiva pour récupérer le témoignage en question. Il agite sa baguette avec une grâce et une détermination séduisante dont il n'a même pas conscience.
Quand il revient vers moi, il fait tourner fièrement la fiole aux reflets pourpre entre ses doigts. Alors je me redresse et essaie de reprendre contenance.
— Bien joué, toutes les pièces s'assemblent à présent. Par contre, t'es toujours obligé de frimer quand tu fais ça ?
— Comment ça ?
— Ta façon de procéder, toujours très tape-à-l'œil. C'est plutôt sexy pour tout te dire, ça me fait de l'effet à chaque fois...
Il secoue la tête, rougit un peu, tout en accrochant minutieusement la fiole à sa ceinture, mais un sourire s'étire sur ses lèvres.
Nigel revient à notre rencontre pour recueillir nos témoignages. Celui de Drago est rapide, puisqu'il a accompagné les officiers lors de l'assaut, puis vient mon tour. Je ne rentre pas dans les détails, me contente de fournir des données factuelles. Nigel prend des notes avec une distance toute professionnelle. Je ne peux pas lui en vouloir de me détester, même si je m'en veux un peu d'être responsable de son cœur blessé.
Quand je rejoins Drago, assis sur une caisse sous l'une des tentes montées par la Garde, il me fait passer une outre d'eau, puis décroche une fiole revigorante de sa ceinture qu'il me tend.
Il pense à tout, et je ne sais plus si c'est vraiment agaçant ou plutôt touchant.
— J'ai bien cru que j'allais te détester là dedans, Potter, que t'allais abandonner...
Je déglutis, je l'ai pensé aussi. Et puis la main de Drago était là, comme une foutue promesse d'avenir.
— On a commencé l'enquête ensemble, on la finit ensemble...
Drago se contente de sourire que je réutilise ses propres mots contre lui.
Je débouche la fiole et avale son contenu d'un geste. La migraine s'estompe, les douleurs s'effacent, et puis le silence entre nous s'étire tandis que ça s'affaire sous les autres tentes.
— Tu étais sérieux ? demande-t-il soudain.
— Quand ça ?
— Pour cette histoire de binôme, sur le terrain.
Je me tourne vers lui, j'ignore si c'est sa potion qui me fait de l'effet, un sursaut d'adrénaline ou sa simple présence, mais je me sens plus confiant et serein que je ne l'ai jamais été.
— J'étais sérieux...
— Tu es sûr ? Tu as plutôt été un loup solitaire jusque là...
Il me regarde avec hésitation comme si j'allais finalement changer d'avis et le repousser.
— Contre toute attente et contrairement à ce que tu crois Drago, j'aime... t'avoir à mes côtés. J'ai pas envie que ça se termine comme ça.
— Moi non plus. Mais ça ne répond pas à la question : qu'est-ce qu'on est nous deux au juste ?
Je jette un regard au-delà de la tente qui nous abrite pour pouvoir me pencher vers lui sans crainte.
— Entre nous deux, c'est si spécial que personne ne saurait le définir, Drago. On peut être ce qu'on veut...
Il tend la main pour dégager une mèche rebelle qui me tombe devant les yeux.
— Mais pas un couple, c'est ça ?
Je soupire exagérément et dépose un baiser sur ses lèvres pour le faire taire.
— Tu me fais chier avec tes questions, Malefoy.
Alors que je me redresse, sa main se faufile dans ma nuque pour me retenir.
— À croire qu'il y a des choses qui ne changeront jamais, Potter...
Il m'embrasse en retour et me retient un peu plus longtemps. Quand il s'écarte, il a les yeux brillants et déterminés, bien plus que moi.
— Viens, rentrons à Londres, me propose-t-il en se levant et en me tendant la main.
Et même si je n'ai pas de réponse immédiate à sa question impossible, je sais que cette chose qui grandit entre nous est loin d'être une passade.
***
On approche du dénouement et j'ai déjà le cœur serré de les laisser faire leur vie...
Un p'tit mot si ça vous a plu ?
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