Chapitre 19

TW : scène de sexe (indiquée entre crochets si vous souhaitez l'éviter)

Au petit matin, Potter ne parle pas de nos branlettes improvisées de la veille. Il n'y aurait rien à en dire de toute façon : juste du sexe pour du sexe, entre deux adultes consentants sur les nerfs qui ont besoin de se détendre. Point.

Alors que je verse de l'eau chaude dans ma tasse, un oiseau tapote contre le volet de la chambre, un message accroché à la patte. Potter se lève d'un seul mouvement pour accueillir et nourrir l'oiseau, puis défait le mot, le parcourt rapidement. Il finit par l'abandonner sur les draps, un sourire satisfait sur les lèvres avant de partir à la recherche de ses bottes planquées sous le lit.

Je me saisis du parchemin pour prendre connaissance de l'information que Potter ne daigne toujours pas partager. C'est une lettre du Nigaud : il confirme que la Guilde des Voleurs n'a pas apprécié qu'on mette le nez dans ses affaires. Rien de grave pour autant, assure-t-il, leur avertissement avait surtout pour but de nous impressionner et de nous tenir à distance. Il écrit qu'il est dans une impasse quant au nom du Gardien, mais que ses indics lui ont fourni une piste sur un entrepôt où des marchandises sur le point d'être transférées vers le désert seraient stockées. Il termine sa lettre en donnant rendez-vous à Potter dans un quartier excentré de la ville.

Tandis qu'il finit de lacer ses bottes de cuir, je tends la main vers ma ceinture à potions, glisse une fiole de Memoriae Captiva dans une des sangles de cuir et l'ajuste à ma taille devant le miroir en pied.

Potter reste un moment à m'observer depuis l'encadrement de la porte, puis finit par marmonner.

— Tu restes ici, par contre.

Je me tourne vers lui afin qu'il développe.

— Je rejoins Nigaud - Nigel ! se reprend-il - pour faire du repérage. Ça sera juste de l'observation de terrain, peut-être une filature, mais pas besoin de potion à ce stade.

— Je viens. Même sans potion.

Il pose une main ferme contre ma poitrine et me repousse doucement dans la chambre.

— Tu restes là, Malefoy.

— Ne fais pas ça, ne me mets pas sur la touche.

— T'es pas entraîné pour le terrain, on l'a bien vu au café...

— Par Salazar, tu vas me le reprocher mille ans ? Je peux rester en arrière s'il le faut, je saurai être discret et me débrouiller !

Il secoue la tête sans même me regarder en face.

— Je ne peux pas, je... je ne veux pas prendre de risque.

À quoi est-ce qu'il joue ? Est-ce qu'il veut définitivement m'évincer de la partie ou me protéger ? Est-ce que la nuit dernière a changé quelque chose entre nous ? Est-ce qu'il regrette et me punit à sa façon pour mon geste déplacé ? Je ne le comprends pas. Je sais juste que c'est lui le crétin qui a besoin d'être retenu et cadré quand il fonce tête baissée dans les ennuis !

Une lueur d'hésitation passe dans le regard qu'il lève enfin vers moi, mais il se contente d'ajuster sa baguette accrochée à son harnais et clôt cette conversation qui n'en est pas vraiment une.

— Tu restes ici. Point.

*

Toute la journée, il a été difficile de me concentrer sur les grimoires que je parcourais. Les lignes manuscrites dansaient sous mes yeux. Arrivé à la fin d'une phrase, je me rendais compte que je n'avais rien retenu de ma lecture, et il fallait recommencer depuis le début ! Potter et ses décisions arbitraires prenaient toute la place dans mon esprit. Potter et sa colère constante, patinée de déception amère. S'il avait voulu un véritable auror à ses côtés, il n'avait qu'à faire équipe avec une des recrues de son département ! Elle aurait su, elle, repousser à la perfection les sorts d'attaque de l'autre soir et assurer une course poursuite digne de ce nom !

Si seulement la Memoriae Captiva était un peu plus stable et se conservait davantage que quelques heures, je pourrais lui laisser un stock suffisant et rentrer à Londres. Il aurait ainsi le champ libre pour jouer les cow-boys avec son nigaud attitré et j'arrêterai de lui tendre la main dans le vide, en espérant mériter un jour son estime.

Le soir, après avoir mangé un encas sur le pouce, que je n'ai même pas pris le temps d'apprécier, j'essaie de chasser mes ruminations en me concentrant à nouveau sur le grimoire ouvert en grand sur le bureau. Ce recueil de contes et légendes narre les aventures de Nectanébo, et raconte comment il a su séduire les plus grands pharaons de l'Égypte antique par la ruse. D'après les écrits, Nectanébo n'était pas un sorcier puissant, seules ses frasques malicieuses semblent avoir marquées l'Histoire ; il était un arnaqueur doué plutôt qu'un sorcier expérimenté. Certains contes évoquent cependant son obsession pour la Mort et des rituels qu'il aurait expérimentés pour pouvoir attirer à lui des défunts depuis l'au-delà. Les contes ne rentrent pas dans le détail et se contentent de romancer les nombreuses péripéties et manigances grotesques du sorcier, au point que j'en viens à me demander si le Nigaud n'a pas raison. Peut-être que tout cela tient de la simple légende et que j'ai orienté Potter vers une piste foireuse...

Si seulement il acceptait de partager ses avancées et ses questionnements au lieu de tout garder pour lui, comme si je n'étais pas digne de sa confiance. Je me rends à l'évidence, je ne le serais sans doute jamais, et ma patience à ses côtés commence à atteindre ses limites. J'ignore pourquoi je m'entête à vouloir rester sur cette mission. A croire que je veux lui prouver que je suis capable, moi, de le supporter, et d'être là, contre toute logique sensée...

Je retire mes lunettes de lecture en soupirant et me masse les tempes en gestes circulaires. Mes pensées ont encore dévié sur Potter et j'ai de nouveau perdu la ligne de mon texte.

Il faut que j'arrête ça et que je rentre.

Être à ses côtés en me sentant constamment dénigré est trop douloureux à supporter. J'ai beau avoir appris à encaisser son mépris, ça ne peut pas durer éternellement. J'estime avoir fait assez d'efforts pour faciliter notre cohabitation. Tant pis si ça ne fonctionne pas. Je n'ai par ailleurs rien à lui prouver, son regard ne devrait pas m'atteindre aussi vivement. Après tant d'années de thérapie, je sais que je mérite mieux, et Potter, lui, me ramène constamment à de vieux démons.

Alors que je me penche pour reprendre la lecture de mon grimoire, la porte de la chambre claque avec fracas contre le mur me faisant lâcher ma plume de surprise.

Potter s'engouffre dans la chambre, referme la porte du coude et se laisse glisser contre son battant, le souffle court, les cheveux collés de sueur, sa baguette encore en main.

Je traverse la chambre en deux pas pour l'aider à se redresser, mais il refuse la main que je lui tends.

Il jette une série de sorts de protection contre la porte et sur l'unique fenêtre avant de se redresser péniblement, et de tituber jusqu'à la salle de bain. Il dégrafe sa cape, brulée là où des impacts de sorts l'ont touché et commence à inspecter ses différentes blessures.

Je vire d'un coup de pied rageur sa cape jetée au sol et jauge à mon tour son état général. Dans le miroir de la salle d'eau, son reflet fronce les sourcils.

— C'est rien, vraiment pas grand-chose...

— Pousse-toi de là, je lui intime, et laisse-moi faire.

J'attire un tabouret pour le forcer à s'asseoir et fais léviter d'un geste de baguette ma trousse de soins.

— ... et ferme-là, veux-tu ! je le coupe alors qu'il s'apprêtait à protester.

Je fais couler de l'eau chaude sur un chiffon propre que je lui tends afin qu'il nettoie ses plaies et que je puisse mieux jauger de la gravité de ses blessures.

Bon sang, ce n'est pas rien ! Des marques de suie lui barrent le visage, quelques estafilades saignent encore. Du sang imprègne tout un côté de sa chemise collée par la transpiration et son poing, encore crispé sur sa baguette, est bien abîmé.

Par Morgane, il est dans un sale état !

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— On s'est infiltrés dans l'entrepôt que Nigel avait repéré. Il y avait bien des caisses de stockage, des reliques liées à nos registres. Le scarabée a même reconnu que la boîte à musique s'y trouvait ! Quelques sorciers patrouillaient, rien d'inquiétant, mais, en voulant pousser plus loin, on a été repérés et on a échangé quelques sorts avant de pouvoir filer...

Je lui enlève le chiffon sale d'un geste sec et lui retire sa baguette qu'il n'a pas encore lâchée.

— Et Nigaud n'a rien fait pour éviter ça ? Ce n'est pas son boulot à la Citadelle Magique de protéger les citoyens ? Qu'est-ce qu'il fichait, il se tournait les pouces ?

Je pose une compresse sur son arcade amochée un peu plus durement que prévu.

— Appuie là-dessus.

— On baise peut-être, mais Nigel ne me doit rien. Les gens avec qui je couche ne sont ni mes amis, ni mes petits amis, compris ?

Je vois. Potter lève les yeux pour essayer d'accrocher mon regard mais, là tout de suite, je n'ai pas envie de soutenir ses insinuations, j'ai juste envie de l'achever moi-même !

Je soulève sa chemise qui colle au sang déjà en train de coaguler. La plaie n'est pas très profonde, mais sa peau est brûlée, à vif, sur une large zone comme si un sort l'avait atteint. Il grimace de douleur en retirant sa chemise tandis que je fouille ma trousse de soins d'une main à la recherche d'un bandage assez large. Les fioles tintent sous ma main tremblante quand je cherche à tâtons mon flacon de sérum régénérant. J'essaie d'inspirer et d'expirer pour garder mon calme, je stoppe le suintement de la plaie d'un geste de baguette, puis je la désinfecte sans même le prévenir que ça va piquer. Quand la blessure est propre, j'applique le baume de façon généreuse sur tout son flanc.

Potter finit par se taire et se laisse soigner sans broncher. Je peux inspecter avec minutie chaque blessure sans subir son regard désapprobateur. M'occuper de plaies à soigner, je sais faire.

Je parcours du bout des doigts chaque parcelle de peau, chaque marque venue abîmer son corps forgé par son quotidien d'auror.

Je m'efforce de garder une logique anatomique et médicinale pour ne pas me laisser distraire par la texture de sa peau ou par sa respiration lourde près de mon oreille.

Me concentrer sur un corps à rafistoler m'évite de cogiter sur les réactions irrationnelles que je peux avoir quand il s'agit de Potter.

J'essaie d'adopter une posture professionnelle, comme quand un de mes étudiants se blesse ou se brûle gravement lors de la concoction de potions difficiles.

Au bout d'un moment, Potter se racle la gorge pour briser le silence devenu inconfortable et la distance est soudain rompue.

— Je savais pas que tu étais aussi médicomage.

Je n'ai vraiment aucune envie de discuter avec lui.

Aucune envie de comprendre pourquoi l'inquiétude m'a dévoré les entrailles pendant un instant, ni même pourquoi je lui en veux tellement d'être rentré dans cet état.

— Potionniste et médicomage ont le même tronc commun. Tu le saurais, si tu avais suivi les cours de base à l'Académie comme tout le monde, sans te faire pistonner...

J'inspire calmement et expire par le nez, j'essaie de contrôler le tremblement de mes mains pour le soigner au mieux.

Qu'est-ce qu'il se serait passé si la blessure avait été plus sérieuse, ou l'hémorragie plus importante, ou s'il n'avait pas pu revenir jusqu'ici ?

Je fais le tour de sa taille avec le bandage pour protéger sa plaie au flanc, en serrant suffisamment pour que ça tienne en place, et lui soutire un gémissement de douleur au passage.

Je procède à un état des lieux de ses autres blessures, soigne mécaniquement ses estafilades les plus importantes en premier, tout en essayant d'ignorer l'inquiétude qui continue à pulser dans mon ventre.

Cet idiot n'est qu'une tête brûlée qui flirte constamment avec le danger. À croire qu'il espère sciemment se faire buter un de ces jours !

— La prochaine fois, rien à foutre de ton avis, je t'accompagne.

— Et pour quoi ? Pour me protéger ?

Potter penche la tête, moqueur, pour essayer d'intercepter mon regard.

— Je ne veux même pas imaginer le bordel administratif si tu te fais tuer pendant une mission, illégale, à mes côtés. La paperasse sera un enfer à traiter et je n'ai vraiment pas envie de retourner à Azkaban.

Son air narquois s'efface aussitôt.

Il n'a pas envie de parler du passé, il botte en touche à chaque fois. Excepté lors de cette soirée dans le jardin de l'autre pension où la bouteille de liqueur a délié nos langues plus que nécessaire. À croire qu'il a mis sous clef tous les vieux souvenirs dans un coffre, lui-même soigneusement enfoui au fond de lui.

Au bout d'un moment pourtant, ses mots, dans un murmure, semblent sortir de nulle part.

— Je suis désolé, Drago.

Est-ce que ce sont ses excuses inattendues ou mon prénom sur ses lèvres qui provoquent un looping dans le creux de mon ventre ?

— De quoi est-ce que tu parles ?

— Azkaban.

Bon sang, ce type n'a pas de juste milieu. Soit il est mutique pendant des jours, soit il met directement les pieds dans le plat. Pas de demi-mesure avec lui.

Je termine en silence l'inventaire de ses plaies, puis prends sa main dans la mienne pour aviser le sang séché sur ses phalanges. J'inspecte chacun de ses doigts pour repérer d'éventuelles micro fractures, mais il semblerait que ce soient juste de vilains hématomes.

Je pose néanmoins le bout de ma baguette sur ses métacarpes pour lancer un sort de réparation des osselets de sa main.

— Tu n'as pas à l'être, je lui réponds dans un soupir.

Ce n'est pas sa faute si son témoignage de l'époque n'a pas suffi à effacer ma peine.

Peut-être qu'un an à Azkaban était déjà une réduction de peine suffisante, une peine exemplaire pour tous les autres.

Même si un an à Azkaban m'a semblé comme mille ans en enfer et qu'il m'a ensuite fallu des années pour me reconstruire après ça.

— T'étais qu'un gamin, il chuchote.

— Toi aussi. Et pourtant, au même moment, tu as su faire tes propres choix....

Il secoue la tête comme si c'était plus compliqué que ça.

— Tu sais, j'étais sincère pendant le procès, tu m'as sans doute sauvé la vie ce soir-là au Manoir.

— Et toi, face au Feudeymon. Et sur le champ de bataille... et même pour Azkaban, au final.

Je n'aurais jamais assez d'une vie entière pour payer les dettes que je lui dois.
Il lève un regard interrogateur sans comprendre.

— Ça aurait pu être bien pire. Ça aurait pu être une sentence à vie, comme Lucius... je ne suis pas sûr que j'aurais tenu. À la place, j'ai payé pour mes erreurs, j'ai pu travailler sur moi, reconstruire ma vie. Et puis l'Académie, le Département des Potions, Scorpius... J'aime ma vie aujourd'hui, je n'ai pas à me plaindre.

Je prends une noisette de baume et l'applique en geste circulaire sur ses phalanges abîmées pour accélérer la cicatrisation.

— Mais tu as sans doute raison, j'aurais dû revenir vers toi, rien que pour te remercier. C'est juste que...

— C'est pas ce que je voulais dire, il me coupe, ce n'est pas... tu n'avais pas à...

Ça ne nous va pas d'évoquer le passé et ses fantômes.

Sa phrase reste en suspens tandis qu'il observe sa main cagneuse nichée au creux de mes longs doigts fins.

La manche de ma chemise retroussée laisse apparaître la Marque des Ténèbres, moins vive qu'à l'époque, mais toujours là, difficile à cacher. Potter ne détourne jamais les yeux quand ma manche la révèle parfois.

Je devrais ressentir de la honte, celle-là même qui m'a grignoté pendant des années après Azkaban. Je devrais vouloir dissimuler cette horrible trace de mon passé mais, face à Potter, je ne peux pas me dérober ni jouer un autre rôle. Il sait ce que j'ai été, il sait ce que j'ai traversé.

La vérité, c'est qu'il ne me connaît que trop bien. Et c'est sans doute pour cette raison qu'il me déteste tant, parce que je lui rappelle constamment le gamin lâche et pitoyable que j'étais.

Je ne peux pas le blâmer, je me suis longtemps détesté après Azkaban, mortifié par ce que j'avais fait, hanté par le rôle que ma famille a joué. Mais j'ai payé pour ces atrocités, j'ai compris mes erreurs et, si j'ai passé des années à me flageller à cause d'elles, j'ai ensuite travaillé sur moi afin de tourner cette page sombre de mon passé. Aujourd'hui, je ne peux plus ruminer ces mauvais choix sans fin. J'ai travaillé trop dur pour panser ces plaies, pour pouvoir construire l'homme que je suis devenu, et tant pis si Potter, lui, n'arrive pas à remiser notre passé.

Sa main dans la mienne, je finis de m'assurer que chacune de ses phalanges est correctement soignée, puis je range mes flacons dans ma trousse et fais disparaître les compresses souillées.

Il récupère sa main, dessine du pouce ses jointures soignées et guéries, serre et desserre son poing pour faire jouer ses articulations.

Puis je décide qu'il est temps de jouer cartes sur table avec lui.

— J'avais trop besoin de ton pardon à l'époque et je n'aurais pas supporté que tu me le refuses. C'est pour cette raison que je ne suis pas revenu vers toi.

Faire reposer toute ma rédemption sur son seul jugement à lui, attendre son pardon rien qu'à lui était trop lourd à porter à l'époque.

C'était plus simple de me reconstruire en ignorant avec application ce qu'il pensait de moi.

Potter reste un moment silencieux, les yeux rivés sur son poing.

— Tu t'es bien débrouillé sans mon opinion.

— Il le fallait.

— J'avais rien à te reprocher pourtant. Rien à te pardonner.

— À d'autres, Potter ! Je lis constamment de la déception dans tes yeux. Aujourd'hui je m'en contrefiche, mais je n'aurais pas pris le risque à mon retour à Londres...

C'est faux. Encore aujourd'hui, ses regards désapprobateurs sont douloureux à encaisser, mais il n'a pas à le savoir.

Il se lève pour inspecter dans le miroir son arcade sourcilière soignée et refermée, puis se tourne vers moi en s'appuyant sur le lavabo.

— Tu te trompes, Drago. Sur toute la ligne.

— J'ai pourtant l'impression de t'agacer constamment...

Il baisse le regard sur son poing soigné et je détourne le mien pour arranger les fioles déjà parfaitement triées dans ma sacoche.

— Évidemment, tu es toujours si.. toi, et en même temps si... différent...

Il passe une main dans sa tignasse tout en évitant soigneusement mon regard.

— Je ne sais pas comment me comporter avec toi. T'as tellement changé. T'es comme un miroir qui me renvoie chaque jour à quel point, moi, je suis resté coincé à l'Après-Guerre... et c'est pas une sensation très agréable.

Je déglutis péniblement.

À quel moment a-t-il besoin, lui, de l'approbation des autres ? Il a toujours fait tout ce qu'il voulait sans penser aux conséquences. Pourquoi se comparerait-il aux autres - et pire, à moi - à présent ?

Je chasse l'idée du temps qu'on a perdu à se garder à distance, peut-être pour rien, pour des malentendus.

Et puis je me ravise, être à ses côtés sera toujours aussi douloureux.

Être à ses côtés, c'est raviver constamment de vieilles blessures : entretenir des bribes d'espoir d'une éventuelle entente, tout en ayant conscience de ne jamais être assez bien pour lui.

Je me racle la gorge pour faire passer la boule douloureuse qui enfle.

— Tu ne dois rien aux autres, Potter.

Tandis que je referme ma sacoche et m'apprête à quitter la salle de bains, il me retient.

— Attends...

Il prend mes doigts dans les siens, puis les pose sur sa peau nue, juste au-dessus de son bandage.

Son regard est brillant d'envie, mais j'ignore ce qu'il se trame dans sa tête.

Laisse-moi te prouver que je t'ai pardonné ?

Arrêtons de parler du passé et baisons sans un mot ?

Laisse-moi me sentir vivant ?

[

J'ai envie de lui rétorquer qu'on ne résout décidément pas tout par le sexe, même s'il semble avoir adopté ce mode de résolution de conflits dans tous les pans de sa vie. Je ne bronche pourtant pas quand il délaisse ma main pour venir faufiler la sienne sous ma chemise. Je frissonne quand, d'un revers de sa main, il trace lentement une caresse de mes côtes jusqu'à mon flanc, là où la peau devient douce et sensible. Ses doigts s'attardent sur mon ventre juste au-dessus de ma ceinture, puis lentement, sa main s'aventure vers mon entrejambe, et mon sexe, même à travers le tissu, se met à durcir au rythme de ses caresses.

Je retiens un soupir de plaisir, j'ai tellement, tellement, envie de lui. Mais pas comme lui.

Le désir purement charnel que j'ai toujours éprouvé pour lui enfle rapidement, mais se débat avec des sentiments interdits qui pulsent douloureusement dans le creux de mon ventre.

Et puis les questions soigneusement enfouies depuis des années se télescopent dans ma tête.

Est-ce que tu m'as pardonné ?

Est-ce que mes erreurs d'adolescent sont absoutes à tes yeux ?

Est-ce que ces mille ans à Azkaban ont effacé rien qu'une partie de mes dettes ?

Son foutu jugement a toujours été tellement, tellement, important. Chacun de ses regards détestables est comme une lame douloureuse entre mes côtes qui me rappelle que je ne serai jamais assez bien pour lui.

Mais, dans l'immédiat, sentir ses mains sur ma peau et constater son envie manifeste effacent pour un temps toutes les questions que je voudrais lui poser. Elles sont comme un pardon tacite et je pourrais pleurer sous la réalité de ses caresses.

Pour autant, pas question de me sentir aussi vulnérable sous ses mains. Je reprends mes esprits, laisse à mon tour courir mes doigts le long de ses muscles dessinés par sa condition d'auror et je me débarrasse rapidement de sa ceinture pour faufiler ma main dans son caleçon.

Il se mord la lèvre pour retenir des râles de plaisir quand mes doigts entourent son sexe déjà dur.

Constater qu'il bande sans même avoir commencé à le caresser m'envoie des décharges de plaisir à travers le corps.

Alors je poursuis des mouvements amples tandis qu'il retient ses gémissements.

Sauf que j'ai terriblement envie de les entendre ces sons.

J'ai envie de déposer des baisers le long de sa gorge, tout en le masturbant lentement.

J'ai envie de cueillir ses lèvres d'où s'échappent des soupirs de contentement.

J'ai envie de l'embrasser juste sous l'oreille et l'entendre gémir de plaisir.

Sauf que ça serait franchir une dernière barrière trop intime.

À qui est-ce que je mens ? La barrière est déjà franchie depuis un moment !

Alors pour chasser cette envie de l'embrasser qui me dévore, je tombe à genoux, descends d'un geste son pantalon sur ses mollets, libère son sexe dressé et vient le lécher sur toute la longueur avec lenteur.

Quand je le prends en bouche et commence de lents mouvements amples, il pousse un soupir bruyant et bascule sa tête en arrière tout en s'appuyant sur le rebord du lavabo.

Je m'applique à aller et venir, à titiller son gland, à ralentir, à aventurer ma langue à la base de ses bourses pour mieux reprendre son sexe dur en bouche. Les sensations sont au-delà de mes fantasmes interdits d'adolescent : son odeur musquée, son goût salé sur ma langue, le moindre de ses tressautements m'électrise. J'agrippe ses fesses pour le maintenir contre ma bouche puis je le relâche dans un bruit de succion indécent, qui lui procure des râles de contentement.

Je pourrais jouir rien qu'en entendant ces sons que je lui procure.

Tant pis si c'est juste pour éviter de parler du passé, tant pis si c'est pour fuir des conversations importantes.

À un moment, ses doigts se faufilent dans mes cheveux qui se sont défaits, et sa caresse est douloureusement tendre.

Peut-être s'en rend-il compte également, puisqu'il finit par agripper mes cheveux un peu plus sauvagement pour initier des mouvements de bassins contre ma bouche.

Je le laisse aller et venir jusqu'au fond de ma gorge pour le prendre complètement et l'entendre gémir de plaisir.

Et puis, quand ses hanches se font plus pressantes, quand je sens qu'il est sur le point de jouir, ma main remplace ma bouche et après quelques mouvements rapides, un gémissement impudique précède sa semence chaude qui se répand sur son ventre - et partiellement sur mes fringues.

J'esquisse une grimace et me relève pour nettoyer le foutoir d'un geste de baguette.

Je me masse les genoux, me lave les mains et m'applique à refermer ma sacoche de médicomage.

Alors que je m'apprête à quitter la salle de bains, soudain trop petite pour nous deux, il se tient en embuscade dans mon dos.

— Laisse-moi faire, dit-il en tendant la main vers mon sexe tendu encore emprisonné contre la toile de mon pantalon.

Il me retourne face au lavabo et vient se coller contre mes fesses.

Son ton est autoritaire, ses gestes directifs. Je devrais m'offusquer, rien que par principe, mais sa pression sur mon entrejambe douloureux est une putain de bénédiction.

Une main s'affaire à masser lentement mon sexe et l'autre, s'est faufilée sous ma chemise, dans un semblant d'étreinte qui me prend au piège.

Dans le miroir, je croise ses yeux verts qui me détaillent, ses pupilles dilatées de plaisir, sa bouche, lèvres entrouvertes, si près de ma peau. Je referme les yeux de douleur et m'agrippe au rebord du lavabo. Son souffle saccadé tout contre mon cou est une torture. J'ai envie qu'il me murmure des mots à l'oreille - autres que des jurons et des insultes. J'ai envie de céder à la tentation et de basculer ma tête en arrière pour embrasser ses lèvres qui me narguent, de le prendre dans mes bras et de picorer sa peau de baisers tout en lui assurant qu'Azkaban n'était pas de sa faute.

Sauf que, si je me retourne, on franchit une foutue limite interdite lui et moi.

Jusque là, les gestes sans tendresse nous permettent juste d'évacuer la tension accumulée de cette mission, le trop-plein d'adrénaline, la peur soudaine de le perdre au détour d'une filature foireuse.

Le sexe juste pour du sexe suffit pour combler ces silences qu'on ne sait pas remplir de mots sérieux : rien de trop intime, juste des gestes mécaniques qui suffisent à ne pas s'entretuer.

Une voix narquoise au fond de moi se moque des justifications absurdes que je m'invente pendant que Potter à mon sexe dans sa main.

Tandis qu'il accélère ses mouvements, je le sens durcir à nouveau tout contre mes fesses. D'autres envies me contractent le ventre : j'ai envie de lui, tout entier, de lui en moi. Mais il suffit que je l'entende gémir tout contre mon oreille et sentir la caresse de ses lèvres sur mon épaule dénudée, pour qu'une décharge de plaisir me traverse tout le corps.

Un voile blanc s'abat sur mes yeux quelques secondes et je jouis dans sa main.

Je me retiens au rebord du lavabo pour ne pas flancher, puis je m'assure que je n'en ai pas foutu sur mes affaires.

Potter attire un mouchoir en tissu qu'il me tend. Il reste un moment à m'observer, cherche peut-être ses mots, attend la suite, mais il n'y a rien à dire. Alors je le pousse hors de la petite salle d'eau et m'y enferme pour me nettoyer.

]

J'essaie de reprendre mes esprits en laissant l'eau de la douche couler : ça ne rime à rien.

C'est vraiment, vraiment, agréable de se sentir désiré par Potter, mais je serai le seul à souffrir quand il aura envie de passer à quelqu'un d'autre, ou de retrouver ce crétin de Nigaud.

Il va falloir arrêter ce petit jeu rapidement, je ne peux pas retomber amoureux d'un type qui enchaîne les plans cul pour se détendre, je n'ai pas signé pour ça !


***


Si vous avez lu ma dernière fic, le Chant du Cygne, vous avez saisi que j'ai clairement une obsession pour les scènes où Drago soigne Harry... 

Pardon à celleux qui pensaient qu'on aurait une déclaration de sentiments en bonne et due forme, puis un rapprochement physique, c'est pas tout à fait le programme, oups !

 A la semaine prochaine pour la suite...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top