Chapitre 18
TW : scène de sexe indiquée entre crochets [ ] si vous souhaitez l'éviter
Le lendemain, Potter m'embarque dans un autre quartier de la ville où les échoppes se font plus sombres, moins engageantes. Rien d'illégal pourtant, mais les étals bien achalandés ont laissé place à des vitrines sales et opaques qui semblent abriter des activités peu recommandables. Potter est arrivé à court de sa réserve de potion Trompe l'Œil, mais il a l'air de s'en accommoder.
Adossés à des piliers, bras croisés, des types à la mine peu recommandable nous observent remonter la ruelle.
Potter ne se laisse pas impressionner, sa cape de voyage claque dans son sillon tandis qu'il avance, avec un air sauvage et déterminé qui lui donne une stature impressionnante. Il bifurque, se faufile dans un passage étroit peu engageant et finit par s'engouffrer dans une échoppe minuscule, comme oubliée entre deux immeubles.
La pénombre est tenace, aussi je retiens le vieux rideau élimé le temps que mes yeux s'habituent à l'obscurité.
Au fond de la gargote, un type gringalet se redresse en voyant Potter approcher.
Des ingrédients rares et insolites sont conservés sur des étagères poussiéreuses et brinquebalantes.
Des orbes entreposés dans des coffrets ouverts semblent palpiter comme des cœurs qui battent. Rien de suspect cependant, rien de directement lié à de la magie noire, mais qui s'installe volontairement dans un trou aussi paumé s'il n'a rien à se reprocher ?
Je me positionne entre le comptoir et l'unique sortie, et pose une main prudente sur la fiole au fond de ma poche.
Potter traîne des pieds dans l'échoppe, s'attarde sur certaines reliques anciennes et fragiles. Il a ajusté le pan de sa cape pour que le type remarque sa baguette, dans son harnais accroché contre sa cuisse.
Quand Potter s'approche, le gringalet s'est redressé et attend de savoir à quelle sauce il va être mangé. Potter ne tourne pas autour du pot, et lui demande directement ce qu'il sait sur des marchés clandestins de Gizeh.
— Fais pas le malin, on sait que tu y participes. Tu ne risques rien, on veut juste quelques informations...
Le type me jette un œil pour me jauger, semble chercher une solution de repli, mais Potter pose ses deux mains à plat sur son comptoir.
Il pioche un bijou posé sur le plan de travail, lève à hauteur de regard un pendentif en cristal avant de le laisser volontairement tomber au sol.
— Allez, donne-nous quelque chose et on te laisse tranquille !
Potter écrase méticuleusement du talon le fragile pendentif dans un crissement de verre brisé.
Alors qu'il allait se plaindre, le marchand retient son souffle alors que Potter s'est saisi d'un talisman finement ouvragé qu'il fait tourner entre ses mains.
— Attendez, attendez... Pas la peine de s'énerver !
Potter repose le talisman avec précaution.
— Bordel, vous êtes qui ? Pas de la Garde Royale, c'est sûr ! Services Magiques Étrangers ? Toujours au-dessus des lois sorcières à ce que je vois !
À peine ai-je cligné des yeux que Potter a contourné le comptoir, a saisi le type a la gorge et le plaque violemment contre le mur.
— Me cherche pas et dis-nous ce que tu sais !
Je fais un pas en avant, le type me jette un regard incertain. Je me racle clairement la gorge, une main resserrée autour de ma baguette, l'autre contre le verre froid de la fiole. Pas la peine de faire vaciller l'autorité de Potter, mais si on peut éviter une bavure dans un pays étranger...
Potter se fige, réalise ce qu'il est en train de faire, retire sa main et force le commerçant à se rasseoir sur son tabouret. Le type tousse, se masse la gorge et nous lance un regard noir.
— J'peux pas vous dire grand chose. Les revendeurs invités sur ses marchés sont soumis à l'alsiriya. On reste dans le secret quand on y est conviés et amenés jusque là-bas...
Potter secoue la tête d'incompréhension. Comme je sens qu'il arrive à court de patience, je réduis la distance.
— Il ne pourra pas dire où ça se trouve. Même sous la contrainte.
Potter tourne son regard vers moi pour que je développe.
— J'imagine que c'est un sortilège de discrétion...
Le type hoche prudemment la tête, alors je poursuis.
— Il faut qu'on remonte au Gardien, le seul à connaître les emplacements des marchés. Ce que Monsieur doit pouvoir nous indiquer s'il veut qu'on quitte rapidement sa boutique...
Je hausse des sourcils équivoques vers le type, qui a intérêt à comprendre que je ne veux que son bien.
— Je ne peux pas balancer le Gardien. Vous voulez ma mort ou quoi ?
— Dites-nous juste dans quel coin il traîne, une adresse, le début d'une piste, n'importe quoi...
Je pose doucement la fiole sur son comptoir. Comme il hésite et que Potter menace à nouveau d'exploser, je me penche vers le marchand nerveux.
— Il ne saura pas que ça vient de vous, promis...
Potter pose sa question et le type confesse du bout des lèvres le nom du café où le Gardien de ces marchés clandestins organise les transferts vers le désert.
Je murmure à voix basse la formule, agite ma baguette, les étincelles dorées se mettent à tourbillonner. Avant de sceller le flacon, j'hésite un moment et je pose finalement la question que j'aurais posée si j'avais été à la place de Potter.
— Qu'est-ce que vous avez à nous dire sur Nectanébo le Grand ?
Le type renifle.
— Nectanébo ? C'est un sorcier qui a vécu il y a des siècles, pas très doué en magie, mais habile pour manipuler à sa guise les pharaons de l'Égypte antique. On dit que son tombeau a été profané par des archéologues britanniques pendant une exploration des pyramides sacrées, et qu'il a été exposé dans un de vos musées...
Le marchand est clairement offusqué par l'idée, mais il poursuit son explication.
— On dit que son sarcophage et certaines de ses reliques ont été mystérieusement ramenés au pays il y a quelque temps, mais ça tient peut-être de la légende...
— Nectanébo aurait toujours des disciples, même plusieurs siècles après sa mort ?
— Faut croire. Ce n'était pas un sorcier très puissant, mais certains disent qu'il avait découvert des formules rares. Mais encore une fois, on retrouve son histoire dans bien des contes pour sorciers en mal d'aventures, et la légende se mêle sûrement à la réalité...
Je prends le temps d'assimiler ces nouvelles informations, agite ma baguette pour amener les dernières paroles dans la fiole.
— Et ces disciples, est-ce qu'ils ont un nom ? Où est-ce qu'on peut les trouver ?
— Aucune idée. Les sorciers-nomades ont toujours été discrets sur l'emplacement de leurs temples dans le désert...
Je finis par sceller ses mots dans leur prison de verre. Quand je relève la tête, Potter m'observe attentivement les sourcils froncés.
Il dépose quelques gallions sur le comptoir, un dédommagement pour le pendentif, marmonne-t-il. Tandis que je ressors dans la ruelle, tout en accrochant avec soin la fiole à ma ceinture, il me rejoint en fronçant le nez.
— Pour ce Nectanébo...
Je soupire et essaie de me justifier avant que ses reproches ne claquent.
— Je n'aurais pas dû intervenir, je sais. Mais je me suis dit qu'il y avait peut-être un fond de vérité sous cette légende...
— T'as bien fait.
Sa réponse me prend au dépourvu.
— Quoi ?
Il remonte d'un geste ses lunettes tout en évitant mon regard.
— J'allais juste dire que c'était bien vu. Je vais creuser cette histoire de disciples...
*
Comme la plupart des nuits, Potter veille sous sa cape, sa baguette allumée comme s'il pensait être discret.
Plusieurs nuits par semaine, il n'arrive pas à dormir. Puis une nuit de temps en temps, il tombe de fatigue. Le matin, il a des cernes immenses et un caractère irritable au possible, bien que je ne sois pas sûr que ce dernier point soit directement lié à son manque de sommeil.
Un soir, je lui tends une fiole sur laquelle il pose un regard sceptique.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Une potion pour mieux dormir.
À ce stade, dormir tout court même.
Il se contente de relever un sourcil moqueur.
— Tu m'as concocté une potion ?
Je tique sur sa formulation. Pourquoi tourne-t-il le geste de façon si intime alors que c'est juste mon boulot ?
— Non, j'ai fait une potion de sommeil, et elle devrait t'aider à dormir, nuance...
— Arrête ça tout de suite, Malefoy.
— Quoi donc ?
— N'essaie pas de me réparer.
J'ai un mouvement de recul, la petite fiole serrée dans le creux de ma paume, tandis qu'il détourne le regard. Je me lève, fais quelques pas pour éviter d'empoigner ce crétin par le col, mais impossible de retenir le fond de ma pensée.
— Bordel Potter, depuis quatre semaines, j'essaie d'être le plus arrangeant possible. Arrête d'être aussi parano avec moi, merde ! Tu crois avoir le monopole de la souffrance ? Tu crois être le seul à avoir l'impression d'avoir atteint le fond du trou sans savoir comment remonter à la surface ? Figure-toi que non ! Et si tu t'entêtes à refuser les mains tendues, tu n'es qu'un abruti... Accepte cette foutue potion, par Salazar !
Potter me dévisage, l'air buté, prêt à faire durer le conflit
— J'ai déjà pris des potions de Sommeil sans Rêves après la Guerre, et je ne veux plus de ces médocs...
Je me mords la langue pour ne pas continuer à l'insulter.
Je reconnais que certaines potions ont des effets d'accoutumance dangereux quand on les prend trop longtemps.
Je me demande soudain dans quel état il s'est retrouvé juste après la Guerre. Pire qu'aujourd'hui ? Pire que moi après Azkaban ?
— Il n'y a rien d'addictif dans celle-là, je t'assure. Ce sont juste quelques plantes calmantes. C'est juste... pour t'aider, bon sang ! Un coup de pouce pour que tu dormes un peu. Ça te fera du bien, et entre nous ça me fichera aussi la paix de ne pas être constamment réveillé au milieu de la nuit !
Je m'efforce de calmer le tourbillon d'émotions qui s'agite au creux de mon ventre. Je commence à le reconnaître, c'est toujours le même aux côtés de Potter. Je soupire lentement pour faire redescendre la pression, à ce rythme on va en venir aux mains rapidement... et je suis celui de nous deux qui sait calmer le jeu.
Je viens me rasseoir sur le lit face à lui.
Le sentiment d'être à côté de la plaque, j'ai connu. Ne plus se sentir que l'ombre de soi-même, aussi.
À la sortie d'Azkaban, j'étais une loque qui bataillait avec des cauchemars glaçants à n'en plus finir. Je me souviens des angoisses nocturnes, la confiance fauchée, la douleur de devoir se reconstruire, la perte complète de repères, le non-sens de la vie au petit matin, l'insoutenable envie d'en finir pour de bon... la spirale était infernale.
Je me frotte les yeux pour chasser les souvenirs.
Potter s'est renfrogné entre ses coussins, empêtré dans ses traumatismes et sa solitude.
Je sais mieux que personne la dose de patience et de présence nécessaire quand on a l'impression d'être seul au monde et de ne mériter personne.
— Écoute, on est relativement en sécurité ici, je peux veiller si tu veux...
— Par Morgane, ne fais pas ça !
— Quoi ?
Sa lèvre tremble et la colère vibre dans le timbre de sa voix.
— Comme si... comme si tu t'inquiétais de ma santé mentale ! Tu te prends pour qui, ma mère ? Ma psy ? C'est pas dans ton contrat, rien ne t'y oblige, alors contente-toi de l'enquête et fiche moi la paix !
Je dépose la fiole sur la table de nuit un peu plus brusquement que prévu et retourne à mes grimoires.
— Sérieux, je retire ce que j'ai dit l'autre soir, t'es un vrai connard quand tu t'y mets !
Même si cet abruti ne mérite absolument pas mon inquiétude, j'invoque le soir même une sphère à la lumière douce entre nos lits que je laisse léviter toute la nuit. Sans un mot, je reproduis le geste plusieurs soirs et un matin, la fiole sur la table de nuit est vide.
Je ne retiens pas un sourire satisfait, et décide de préparer un autre flacon à laisser traîner sur sa table de nuit.
*
À peine a-t-on mis les pieds dans le café qui servirait de repaire au Gardien des marchés clandestins, qu'un mauvais pressentiment m'étreint. Les regards qu'on nous adresse ne sont clairement pas amicaux ou curieux. Dans le sillon de Potter, je vois les types se déplacer subtilement pour nous bloquer la sortie. Si ça tourne mal, je ne vois pas comment se sortir de là sans transplaner.
Potter s'attable dans un recoin pour pouvoir observer l'environnement, mais pas la peine d'être un Auror perspicace pour se rendre compte que le climat est clairement hostile. J'ajuste le tissu du chèche autour de mes cheveux pour me fondre dans la masse, mais les regards posés sur nous demeurent insistants.
Contrairement aux gargotes du souk qui ont l'habitude de voir passer des sorciers de tout horizon, j'ai l'impression ici d'avoir mis les pieds dans un nid de vipères. Les types à la mine patibulaire semblent n'attendre qu'un geste pour se jeter à notre gorge.
Je déglutis péniblement en essayant de masquer ma nervosité. Potter a assuré que c'était un simple repérage, au mieux une filature discrète. Il joue l'air détendu, mais ses doigts ne restent jamais loin de sa baguette. J'énumère dans ma tête les sorts de défense que je connais et que je pourrais éventuellement lancer en cas d'attaque, mais je n'ai pas eu à me battre depuis plus de dix ans, et j'espère bien ne pas devoir commencer aujourd'hui.
Le serveur nous amène nos chopes et Potter lui demande directement s'il peut rencontrer le Gardien. Le tenancier répond que le type n'est pas là, d'ailleurs il ne voit même pas de qui on parle. Potter se contente de porter la chope à ses lèvres, ça pue le mensonge bien sûr, il le sait, tout comme le serveur. Il change imperceptiblement de position, pour avoir une meilleure vue sur la taverne, pose sa main sur sa baguette accrochée à sa cuisse, un frisson d'adrénaline me court sur l'échine.
Au bout d'un moment, il repose sa chope en se penchant vers moi.
— Il y a une autre sortie dans l'arrière-salle, tiens-toi prêt.
Alors que je m'apprête à lui soutirer davantage de précisions, un type se lève dans un coin de mon angle de vision et se dirige nonchalamment vers un rideau qui cache effectivement une autre salle. Je n'ai pas le temps de me demander comment Potter a su, s'il savait qu'un type allait forcément se lever après sa question au serveur, s'il se doutait de la tournure des évènements ou s'il improvise au fur et à mesure. Potter est déjà debout et marche d'un pas assuré vers le rideau.
Je me lève précipitamment, hésite sur la marche à suivre. Dois-je lui emboîter le pas ? Rester dans la salle pour assurer ses arrières ? Faire diversion ? Est-ce que ça l'aurait tué de me briefer sur ses intentions en amont ? Quand certains types menaçants commencent à se lever à leur tour, je suis Potter sans réfléchir davantage.
Dès que j'ai passé l'ouverture dissimulée, Potter fait un geste de baguette pour figer et renforcer le rideau pour bloquer l'accès aux autres restés dans la salle principale. Alors que leurs grognements surpris s'élèvent, Potter a déjà plusieurs enjambées d'avance dans le couloir qui prolonge l'arrière-salle. Rapidement, le couloir débouche à l'extérieur sur un dédale de ruelles qui connectent les tavernes entre elles.
J'accélère le pas pour ne pas perdre Potter de vue, mais bientôt de grandes foulées remplacent son pas rapide et ce qui devait être une simple filature se transforme en course-poursuite dans d'obscures contre-allées glauques et étroites.
Je crois plusieurs fois perdre de vue la cape de Potter, alors j'accélère le rythme pour ne pas m'égarer complètement. À une énième bifurcation, Potter s'arrête soudain et je manque de lui rentrer dedans. Au même moment, un sort s'écrase sur une bulle protectrice que je ne l'ai même pas entendu invoquer.
Sa baguette à la main, il s'accroupit derrière une caisse, réplique, puis fend la bulle magique pour reprendre sa course.
J'essaie de le suivre, mais je commence clairement à manquer de souffle. Quand un sort percute le mur à quelques mètres de moi, je m'accroupis derrière des sacs de grains, en réalisant que je n'ai même pas eu le réflexe de sortir ma baguette !
À quelques pas, Potter échange sorts et contre-sorts, tout en continuant à avancer dans la ruelle. J'essaie de le suivre prudemment, mais arrivés sur une petite place aux nombreux embranchements, il peste en abaissant sa baguette.
Il revient sur ses pas tout en jetant un regard nerveux alentour. Je suis encore en train de reprendre mon souffle les mains sur les genoux, quand il invoque un bouclier protecteur qui vibre autour de nous.
— Est-ce que ça va ?
La lueur d'inquiétude que j'aperçois dans ses yeux est déroutante.
— Le sort m'a à peine frôlé...
Mensonge. J'ai eu la peur de ma vie et j'ai bien cru que j'allais mourir sans revoir Scorpius !
Potter serre et desserre la mâchoire en secouant la tête. Il vérifie nos arrières, on a peut-être perdu la trace de notre type, mais personne ne s'est lancé à notre poursuite non plus. Lentement, on finit par retrouver notre chemin à travers le quartier labyrinthique.
À la pension, je n'ai qu'une envie, prendre une bonne douche avant de me réfugier entre mes draps, mais Potter m'arrête d'un geste sur le pas de notre chambre. Une rune magique orne le battant de la porte, comme un sceau de feu apposé dans le bois tendre. J'ai peu de connaissances en runes, mais ça sent clairement l'avertissement. Potter m'intime de rester sur le palier et pour une fois je ne bronche pas. Il avance prudemment dans la chambre, sa baguette en main, inspecte chaque recoin. Elle ne semble pas avoir été fouillée ni ensorcelée, mais il lance quelques incantations et des charmes complexes pour déceler d'éventuels pièges.
Possible que notre incursion dans le repaire du Gardien ait attisé quelques colères, la menace est claire : ils savent où on est et qui on est !
Quand Potter s'est assuré qu'il n'y a aucun piège, je m'avance pour vérifier l'état de mon matériel de potionniste rangé sous le lit et de mes grimoires. Potter fait quelques pas sur le palier, jette un œil au patio en contrebas puis aux coursives qui quadrillent les étages de la pension et revient dans la chambre en maugréant.
— Faut qu'on se barre d'ici, c'est plus assez sûr.
Il se saisit de son bagage de voyage et le remplit à la hâte.
— Rassemble tes affaires et fais-nous transplaner
— Quoi ?
— Dépêche. Pas très loin d'ici, dans le quartier d'à côté, fais-nous transplaner, Drago !
Je passe l'anse de mon coffret en bandoulière, ouvre ma valise et la remplis rapidement d'un sortilège. Je lui tends le bras, qu'il serre un peu plus fort que nécessaire, puis le crochet du transplanage me tire le nombril et nous aspire dans un tourbillon désagréable.
Le temps que je retrouve mon équilibre et chasse la sensation de nausée, Potter a déjà invoqué un bouclier discret et vérifie que l'on n'a pas attiré l'attention. À cette heure de la soirée, il n'y a plus grand monde dans cette ruelle marchande de la Médina.
Quand un groupe de jeunes sorciers remonte la rue qui fait l'angle en riant et en chantant de façon bruyante, Potter pose une main sur ma poitrine pour me forcer à faire un pas en arrière et me coller dans l'ombre du mur. Un frisson qui n'a rien à voir avec l'adrénaline me court dans les veines. Il remonte la capuche de sa cape et se tourne vers moi pour faire dos aux jeunes qui nous dépassent.
La lueur d'inquiétude dans les yeux de Potter a été chassée par son agacement habituel, mais il reste pourtant un moment à me dévisager sans un mot. Quand le groupe bruyant tourne au bout de la rue en nous ignorant, je relève le menton.
— Qu'est-ce qu'il y a encore ?
— T'es peut-être excellent en potions, mais sur le terrain, t'es vraiment nul...
Je le repousse pour le forcer à faire un pas en arrière et briser cette proximité troublante.
— Je t'emmerde ! Je m'attendais à une filature discrète. À aucun moment il était spécifié dans ce fichu contrat qu'il faudrait que j'aie recours à des sorts de défense !
— C'est ça le terrain Malefoy, tu ne peux jamais savoir !
— Je croyais qu'on ne pouvait pas transplaner ? Il y a d'autres choses que tu ne me dis pas et que je vais découvrir au fil de tes improvisations ?
— La Trace a été posée sur moi. Je pense que le co-transplanage n'est pas surveillé. Enfin, il me semble, j'en sais rien... C'était un cas de force majeure, on va éviter à l'avenir...
Comment a-t-il pu survivre tout ce temps en jouant avec autant d'approximations ?
— Et cette Trace...
— Probablement quelqu'un du Magenmagot. Celui ou celle qui couvre ce trafic de reliques.
— Mais tu n'as aucune preuve à ce sujet...
— C'est le but de cette foutue enquête, figure-toi !
Quand la rue est enfin dégagée, et qu'il estime qu'il n'y a plus de risques d'être suivi, il sort sa carte de la ville, essaie de repérer les allées sorcières dissimulées dans la médina et reprend la tête de notre expédition. Il finit par trouver un petit hôtel discret et, au comptoir, rajoute quelques pièces pour s'assurer du silence du sorcier.
Sur le pas de la porte de la toute dernière chambre disponible, j'avise l'unique lit double qui trône au milieu de la pièce.
— C'est une blague, j'espère ?
Potter me dépasse en me jetant un regard noir.
— Tu crois peut-être que cette situation m'amuse ? Tu préférerais peut-être qu'on descende dans des hôtels raffinés où Monsieur aurait sa suite avec salle d'eau privative ?
Il dépose sans délicatesse sa besace sur une banquette miteuse.
— Je vais dormir sur ce canapé, prends le lit et épargne-moi ta pruderie !
*
Sans surprise, Potter passe la nuit à veiller, sa baguette à la main. Quand je me réveille au petit matin, il s'est endormi recroquevillé sur la banquette inconfortable.
La veille, il a griffonné à la hâte une lettre adressée à Nigaud pour l'informer de la situation et avoir son retour sur les conséquences de notre incursion de la veille. Il a glissé le tout dans une enveloppe moldue et l'a remis au réceptionniste pour qu'il l'envoie via une méthode visiblement lente et peu fiable. Sans avoir si des sorciers sont à nos trousses, il est préférable de faire profil bas quelques jours, par sécurité.
Après une toilette rapide, je dispose mon matériel de potionniste sur le vieux bureau - tiré sous la fenêtre pour avoir davantage de luminosité - et je m'attelle à renouveler des doses de Memoriae Captiva. Inutile de ruminer le fiasco de la veille, autant se concentrer sur ce que je fais de mieux. Penché au-dessus de mon chaudron, je passe en revue les différents ingrédients et les dispose soigneusement dans l'ordre de ma préparation. Je m'efforce de me concentrer sur les étapes de concoction de la potion afin qu'elle soit prête dès que l'on pourra ressortir. Finalement, rester coincé dans cette chambre ou dans celle de l'autre pension ne change pas grand-chose à ma routine bien huilée. En revanche, Potter, lui, tourne en rond.
Il est sur les nerfs - encore plus que d'habitude - en attendant la réponse de Nigaud..
Assis en tailleur, il a étalé sur le lit ses parchemins et son carnet de notes qu'il étudie tout en jouant avec un stylo moldu qu'il fait tourner entre ses doigts. Quand il ne passe pas de phalanges en phalanges, il le fait cliqueter de façon stressante et insupportable.
Au moment délicat d'ajouter une once bien précise de poudre de lune, son fichu stylo valdingue sur le parquet et le lit grince bruyamment quand il se penche pour le récupérer dans un juron.
Malgré ma concentration, mon geste ripe et je constate, dépité, que la texture de la potion se voile déjà. Impossible à rattraper à ce stade, il va falloir la refaire !
Je nettoie d'un geste de baguette le fond de mon chaudron et ressors les ingrédients jusque là soigneusement rangés au fil de la recette.
— Bordel, Potter, fais-toi une camomille, va méditer, sors faire un tour, fais quelque chose pour te calmer, sinon je te jure que je t'assomme et je te balance par la fenêtre !
— Je te l'ai dit, on ne peut pas sortir pour le moment ! Il y a un risque que les issues soient surveillées par les sbires du Gardien ou que nos déplacements soient traqués, qu'est-ce que j'en sais !
J'ignore si sa paranoïa latente est démesurée ou s'il y a effectivement un risque que notre filature peu discrète ait attisé une méfiance au sein de la Guilde des Voleurs. Il reste que sa simple présence m'empêche de mener à bien ma concoction infiniment précise, et ce malgré mes exercices de méditation habituels.
Je remonte mes lunettes de travail sur le haut de mon crâne, et me pince les ailes du nez pour essayer de ramener le calme dans ma respiration.
— Qu'est-ce que tu fais d'habitude pour te détendre ?
— Je vais baiser les plans cul que tu désapprouves !
Les petites fioles que j'alignais avec minutie tintent sous mes doigts. J'essaie de chasser de mon esprit l'image des mains baladeuses de Nigaud partout sur sa peau. Puis, j'essaie de chasser la serviette de douche trop courte de Potter et sa chute de reins indécente. J'inspire, expire et tâtonne à la recherche d'une fiole de potion calmante au fond de ma sacoche.
— Je suis certain que tu vas pouvoir retrouver ton Nigaud rapidement...
— En attendant, c'est avec toi que je suis coincé.
À quel moment exactement c'est devenu ma faute ?
Les ressorts du lit grincent à nouveau quand il étend ses jambes pour s'allonger tout habillé entre les draps, l'air boudeur. Je jette un œil vers lui : affalé au milieu du lit, sa chemise débraillée laisse apparaître des bouts de peau tentatrice qui disparaissent sous sa ceinture. Il intercepte mon regard, et le soutient comme un défi. Son attitude immature me donne chaud et derrière sa barbe mal taillée, je revois soudain l'adolescent effronté qui me rendait fou d'envie.
Je repose ma baguette qui tremble légèrement dans ma main ainsi que la petite fiole sur le bureau. S'il veut jouer à ce jeu-là, il me connaît décidément très mal.
Il croit peut-être que je me suis ramolli avec l'âge, que je ne reconnais plus ces perches tendues et ces appels à la provocation délibérés ? Il croit peut-être que sa tendance à mettre les pieds dans le plat va m'intimider ? Qu'il est le seul à assumer sa sexualité ?
Quel crétin ! Je sais exactement comment chasser cet air narquois de ses traits.
La lueur provocatrice derrière ses binocles finit par me faire vriller.
Je me lève et rejoins le lit grinçant en deux enjambées. Je lui écarte les cuisses d'un geste et, à mon contact, il hoquette, sincèrement surpris.
— Qu'est-ce que tu fous ?
Au lieu de lui répondre, je caresse son entrejambe ainsi offert.
Je croise son regard à présent incertain. C'est trop facile de le prendre à son propre jeu.
— Est-ce que tu veux que j'arrête ?
Tandis que mes gestes se font plus amples et insistants sur la toile de son pantalon, il secoue la tête dans un marmonnement. Continue.
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Je me cale alors sur le flanc, écarte d'un geste les parchemins éparpillés et défait la boucle de sa ceinture. Quand je glisse ma main contre le tissu de son caleçon, il se cambre sous mes gestes et retient un gémissement.
Il s'enfonce davantage entre les coussins et enfouit sa tête dans le creux de son bras.
Il durcit rapidement sous mes caresses et je finis par écarter d'un geste impatient la pièce de tissu encombrante. Son sexe se dresse alors, vigoureux, parmi ses boucles brunes. Je reste de trop longues secondes, le cœur battant, à découvrir l'objet de mes fantasmes d'adolescent. Puis, je crache dans ma main et je m'applique à le caresser lentement.
Potter se mord la lèvre pour retenir ses gémissements et j'accentue mes mouvements pour pouvoir les entendre davantage. Ma propre envie commence à pulser dans mon pantalon serré, à mesure qu'il se crispe sous mes caresses.
— Oh putain... par Merlin !
Je quitte des yeux son sexe gorgé d'envie pour détailler son visage mal dissimulé sous sa manche. Ses binocles de travers, ses traits froncés de plaisir, ses pommettes rougies et ses lèvres entrouvertes offrent un spectacle qui se révèle impudique à regarder. Je devrais détourner les yeux, mais être responsable de cet effet-là est fascinant.
Au bout d'un moment, sa respiration se saccade, ses hanches tressautent.
— Je vais... je vais...
Je resserre ma poigne sur son sexe dur, accélère le mouvement jusqu'à ce qu'il finisse par jouir bien plus vite que ce que j'avais imaginé. Il pousse un juron incompréhensible tout en reprenant son souffle, le visage toujours mal dissimulé dans son coude.
Je m'essuie la main dans sa cape déjà dégueulasse, puis me lave les mains, penché au-dessus du petit évier.
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Une fois la tâche achevée, je retourne au petit bureau, rouvre mes carnets. Je débouche d'un geste la potion calmante et l'avale d'une traite pour apaiser mon érection et reprends la concoction de la Memoriae Captiva.
Dans mon dos, Potter est enfin silencieux, le souffle court, mais calme.
Il finit par se faufiler dans la douche, referme soigneusement la porte et y passe bien trop de temps sans un bruit avant que l'eau de la douche ne coule enfin.
Quand il revient dans la chambre, il ajuste les draps et s'avachit à nouveau dans le lit, silencieux.
Du coin de l'œil, je le vois tendre la main pour prendre un de mes grimoires sur ma table de nuit. Pas certain que les propriétés magiques des cristaux subsahariens l'intéressent, mais je ne relève pas. Même quand il ne tourne pas assez de pages pour faire semblant de lire, je l'ignore et m'efforce de finir ma potion en silence.
Quand la confection de la Memoriae Captiva arrive enfin à son terme, parfaitement réalisée, la pénombre s'est déjà posée sur les toits de la ville. Potter déballe quelques en-cas qu'il a fait monter par le sorcier de l'accueil. Il les dispose sur le bout du lit en attendant que je débarrasse le petit bureau. Une fois mon matériel et mes parchemins rangés, il fait léviter la table pour y déposer notre repas du soir.
Il me tend ma portion, ouvre la sienne : de simples mais délicieuses boulettes de viande accompagnées de riz épicé.
Au bout de quelques bouchées, il se racle la gorge.
— Est-ce qu'on va en parler ? demande-t-il le nez dans son assiette.
— Ne t'emballe pas, c'était juste pour avoir la paix.
Il hoche la tête, reprend une autre bouchée de son plat et le reste du dîner se fait en silence.
Le soir même, Potter dispose à nouveau quelques coussins sur la banquette trop étroite et s'enroule dans sa cape. Impossible qu'il arrive à dormir mal installé de la sorte, mais pas question de lui proposer une place dans le lit, c'est entièrement sa faute s'il a choisi la seule pension qui n'avait plus qu'un seul lit disponible.
Dans la nuit cependant, avant que je plonge dans un sommeil réparateur, le lit grince quand il se faufile entre mes draps et vient se coller dans mon dos.
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Ses doigts s'égarent en caresses le long de ma cuisse avant de remonter jusqu'à mon sexe.
Je devrais l'arrêter, lui assurer que je n'attendais rien en retour et que ça va juste être malaisant au possible au petit matin... mais les mots se bloquent dans ma gorge, et sa main chaude est agréable autour de mes testicules.
Je me rends compte que j'ai arrêté de respirer quand il murmure tout près de mon oreille.
— Tu veux que j'arrête ?
Rien qu'en réalisant que Potter est dans mon lit, peut-être à poil, tout contre moi, l'envie gonfle rapidement. Je secoue la tête, non, et ses doigts se referment autour de mon sexe et s'appliquent à me branler doucement. Tandis que je serre les draps entre mes poings et que j'essaie de retenir des soupirs de plaisir, il accélère le mouvement dans une délicieuse cadence. C'est finalement son souffle chaud dans le creux de mon cou et la furieuse envie de ses lèvres sur ma peau qui me fait vriller.
Quand des éclairs de plaisir me traversent tout le corps, je jouis dans sa main sans même le prévenir.
Je sens sur ma peau un sort informulé qui nettoie mon foutre puis un murmure tout contre ma nuque.
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— C'est juste pour être quittes...
Et puis, trop vite, Potter me laisse seul entre les draps de ce foutu grand lit...
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