Chapitre 37 : Autoroute A13
- Ça te dit quelque chose ?
Elle lui jette un regard qui veut rien dire de bon, très bien. Peut-être que ça fait plusieurs fois qu'elle pose cette question, c'est vrai. Peut-être que ce n'est pas très malin de sa part de remuer le couteau dans la plaie, d'accord. Est-ce que c'est une raison pour se comporter comme une Blair Waldorf moins riche et lesbienne ? Non, certainement pas.
- T'es pas obligée de le prendre comme ça tu sais, j'essaie juste de savoir si tu connais cette route. Ça pourrait être utile pour l'enquête et puisque ta mère venait souvent ici eh bien...
- Non. Ça ne me dit rien du tout. Odile. C'est bon là ?
John n'a pas prononcé un mot depuis le début du trajet mais tout le monde ici sait qu'il n'en pense pas moins. Il est constamment en train de les regarder avec l'air de tout savoir même ce qu'elles ignorent encore. C'est fatiguant. Purement et simplement fatiguant. Odile recommence à pianoter sur son clavier, ça fait une heure qu'ils sont coincés dans les bouchons et ça n'a pas l'air de vouloir se débloquer.
- On pourrait faire un jeu !
- Non.
La rousse se renfrogne, d'accord. Tout le monde a donc décidé qu'en plus de patienter bêtement dans une voiture pendant des heures, ils devaient faire la gueule. John leur a expliqué sur le trajet que le ferry d'Aimée était censé arriver à Caen ou en tout cas pas loin de Caen. Le port s'appelle Ouistreham et il est à quinze minutes de la ville d'après son fidèle allié : Google Maps. Odile soupire en matant les photos.
- Ça a l'air joli franchement. Pas forcément le genre d'endroits où je vivrais mais des vacances... ouais, pourquoi pas.
Pas de réaction, le visage de la blonde reste caché derrière son chignon tout défait, repose contre sa main pendant que son regard se perd sur l'asphalte immobile. Très mélancolique tout ça. Soupir. Encore. Odile essaie de faire passer un message mais personne ne semble l'entendre, y a même pas la radio. Elle va finir par crever d'ennui si personne n'est là pour lui faire la conversation et elle n'est pas sûre que papoter avec Hervé soit une bonne idée pour le moment.
- T'es vraiment pas obligée de faire la gueule comme ça, tu sais. Je sais que t'es chafouin parce que John nous a empêché de copuler mais c'est pas pour autant qu'il faut donner l'impression qu'on veille un mort. Je veux dire y aura bien des hôtels là-bas alors...
- Pitié, Odile.
Soupir, définitivement. Y a un truc qu'elle sait pas, c'est pas possible autrement. Odile se repasse le départ dans sa tête, elle sait que John et Anna ont échangé quelques mots avant de monter dans la voiture. Elle s'en souvient puisqu'elle s'est même dit qu'ils étaient gonflés de la laisser charger les bagages toute seule pendant qu'ils se tapaient la causette. La discussion n'avait pas l'air houleuse pourtant, et elle sait reconnaitre une discussion houleuse puisqu'elle est journaliste. Pourquoi personne lui dit jamais rien. Soupir. Dehors le temps semble être aussi triste que l'ambiance de cette voiture, il fait nuit et le ciel est lourdement chargé. La lune brille à peine au loin. Quand la première goutte tombe sur le pare-brise, elle sait déjà qu'ils sont foutus.
- Vous me cachez un truc tous les deux et j'aime pas ça.
À sa droite, alors que les gouttes et la mélodie qu'elles jouent sur le verre commence à battre la mesure, elle aperçoit une lumière bleue. Gyrophare. Poulets.
- Oh bon sang, ils manquaient plus qu'eux.
Les forces de l'ordre c'est pas son truc, vraiment pas son truc. C'est assez ironique quand on y pense mais Anna est véritablement l'exception qui confirme la règle. Elle a déjà vu trop de choses louches pour ne pas se méfier d'eux. Ça a le mérite de faire réagir Anna et à vrai dire, elle n'y croyait plus.
- On peut savoir ce que t'as contre nous, franchement ? On est là pour vous protéger, t'as oublié ? Et sérieux, des fois je me demande si vous le méritez.
Si elle n'en était pas sûre, maintenant c'est bon. Sa dulcinée est fâchée et elle ignore complètement pourquoi. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle n'aime pas les éclairs qu'elle voit dans ses yeux. Ça ressemble à du trac en y réfléchissant bien.
- Les blancs, oui. Vous protégez les blancs.
Elle évite l'activisme d'habitude parce que celui-là, c'est pas son combat. Elle a juste observé, jamais vécu. C'est compliqué de l'ouvrir quand on a jamais vécu, même si beaucoup se le permettent. Elle a juste remarqué qu'on contrôlait plus souvent ses potes noirs qu'elle, c'était assez. Sauf qu'Anna, ça la rend encore plus fâchée. Dehors les gouttes de pluie deviennent averses, ça tonne une fois et le ciel se déchire en deux. Maintenant, c'est John qui râle.
- On va devoir s'arrêter.
- MAIS C'EST PAS VRAI BON SANG.
Vraiment, définitivement énervée. Odile sursaute un peu quand Anna explose, elle a été si silencieuse qu'elle ne s'attendait pas à tant de sentiments si tôt.
- Je suis pas raciste, mes collègues sont pas racistes, on n'est pas racistes ok ? Et puis vous en savez quoi vous derrière vos bureaux, c'est fou ça quand même.
Le sourcil droit de la rousse se lève sans vraiment qu'elle ne lui en donne la permission. C'est toujours le même discours sauf qu'en vérité, c'est vrai qu'elle n'en sait pas grand chose. Investiguer sur le sujet, c'est rare et tellement complexe que les journaux s'en donnent rarement les moyens. Tout le monde a complètement oublié John qui prend la première sortie pour s'arrêter sur une aire d'autoroute.
- C'est pas forcément volontaire pour la plupart, vous le faites sûrement inconsciemment.
Anna émet une sorte de bruit à mi-chemin entre le grognement et les marmonnements, Odile ne comprend rien du tout. Elle n'est même pas sûre de ce qu'elle dit, sans doute que certains le font volontairement. Mais y a toutes ces influences médiatiques, culturelles qui polluent les esprits et donnent le beau rôle à certains, attribuent le mauvais à d'autres. C'est toujours comme ça et personne n'en parle jamais à la télé.
- Tu m'énerves. Et pourquoi on s'arrête ?
Soupir, mais pour John. Le vieux les regarde avec un air dépité, l'orage illumine le ciel par intervalle de quinze minutes et elles osent quand même poser la question.
- C'est pas un temps pour conduire, on dormira ici si ça dure toute la nuit. Sortez et par pitié, arrêtez d'hurler.
Ça tombe bien, Odile voulait avoir une discussion.
NDA : Bonjour à tou.te.s, j'espère que vous vous portez bien et que Memoriae continue de vous plaire ! J'écris cette petite note d'auteure pour m'excuser du temps que j'ai mis à écrire ce chapitre, je devrais revenir à des publications plus régulières très vite :) Je voulais aussi en profiter pour remercier toutes celles et ceux qui commentent et votent, c'est un vrai plaisir de vous lire et vous contribuez à rendre tout ça beaucoup moins solitaire alors... un grand merci pour ça ♥
Prenez soin de vous et à très bientôt !
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