27 - L'ÉVEIL - Partie 2/2

Le visage de Lyria vira au blême et son regard chercha immédiatement celui de Kyeran. Ce dernier sentit une sueur froide perler sur sa tempe. Que comptait-il lui faire subir ? Il ne tarda pas à obtenir sa réponse lorsque le mercenaire sortit un fouet de sous sa cape qu'il fit claquer au sol. Le Dragyan voulut se relever d'un bond, mais les lianes magiques lui comprimèrent aussitôt le corps, lui coupant ses élans de fougue ainsi que son souffle.

Les yeux écarquillés, Lyria laissa échapper un hoquet terrifié.

— Non, attendez ! Ne faites pas ça ! Par pitié !

Sans sommation, Sven la gratifia d'un coup de pied dans le flanc et elle tomba à genoux. Acculée contre la paroi rocheuse de la grotte, elle n'avait nulle part où se cacher et se recroquevilla sur elle-même pendant que des larmes ruisselaient sur ses joues.

Choqué et impuissant, Kyeran sentit son sang se glacer dans ses veines et ses crocs crissèrent les uns contre les autres quand Sven la tira par les cheveux d'un geste brusque pour la jeter au sol. Lyria tentait de résister, mais son bourreau la forçait à rester face contre terre en l'écrasant de tout son poids.

— Ne bouge pas ! lui ordonna-t-il de sa voix rauque.

Ce détestable individu ne semblait pas être le genre à éprouver de la pitié envers qui que ce soit ni à faire preuve de mansuétude.

Comme ces enfoirés de scientifiques qui se délectaient de ta souffrance ! L'espèce humaine est décidément irrécupérable et pourrie jusqu'à la moelle !

Le premier coup de fouet s'abattit et le hurlement de Lyria creva le silence avant de se perdre en un écho lancinant dans toute la caverne. Au même instant, une vive douleur transperça Kyeran, comme si on lui avait posé un couteau chauffé à blanc sur la peau et son cœur rata un battement. Éléonore sursauta face à la violence de ce déchaînement gratuit et voulut crier à son tour, mais le bâillon fermement collé à sa bouche ne laissait passer que des sanglots étouffés.

À mesure que la lanière de cuir s'acharnait sur le dos de sa bien-aimée, les chairs du Dragyan subissaient de nouveaux éclairs ravageurs.

— Arrêtez... arrêtez... tentait-il désespérément de crier.

Les mots restaient coincés dans sa gorge et refusaient de s'extérioriser tant la douleur lui coupait la respiration. Il avait l'impression que son âme s'émiettait, que son corps se brisait. C'était là l'un des pires effets secondaires de l'imprégnation : ressentir la souffrance de l'autre et pourtant, ce n'était rien comparé au supplice que Lyria endurait sous ses yeux.

Chaque impact la faisait se cambrer violemment et au bout de quelques minutes qui lui parurent interminables, la cuisante torture eut raison de sa ténacité. Ses hurlements se muèrent en de faibles gémissements et elle s'effondra au sol pendant que les coups continuaient de pleuvoir.

Rompu, les membres tremblants, les muscles meurtris par une douleur encore vive, Kyeran réussit enfin à hoqueter d'une voix rauque entre deux halètements :

— Arrêtez... Je vous donnerai ce que vous voulez, mais par pitié, arrêtez ça.

La meneuse des Red Skulls le scruta d'un air perplexe, puis se tourna vers son subordonné en levant une main.

— Ça suffit.

Le mercenaire s'arrêta dans son geste. D'après sa moue renfrognée, il ne semblait pas se réjouir de cet ordre et l'interrogea du regard pour comprendre ce qui avait bien pu décider sa supérieure de l'interrompre dans son moment de plaisir sadique.

— C'est très intéressant tout ça, souffla-t-elle tandis que son regard oscillait entre Lyria et Kyeran. On dirait qu'il ressent sa douleur.

— Et tu m'as interrompu pour ça ? grogna Sven. Je m'en fous de ses états d'âme, je m'amusais bien, moi !

La cheffe des Red Skulls lui jeta aussitôt un regard glacial.

— C'est bon. Elle a eu son compte et je te rappelle que nous avons une mission beaucoup plus importante à mener.

Sven grogna dans sa barbe et obtempéra de mauvaise grâce avant de ranger son fouet sous sa cape et de tirer sa victime par le tissu à moitié lacéré et bleui de sa tunique.

— Allez, debout !

Lyria réagit à peine. À demi consciente, elle ne trouva pas la force de se remettre sur pieds si bien que son bourreau dut la traîner à bout de bras. Derrière ses cheveux emmêlés de poussière, son regard vide fixait le sol. Des volutes de fumée s'échappaient déjà de ses plaies, preuve que sa régénération s'activait, mais au vu de son sang hybride, cela prendrait un certain temps avant qu'elle ne puisse être de nouveau en pleine possession de ses moyens.

Son corps s'agita soudain de soubresauts incontrôlables et dans un gargouillis immonde, elle rendit son déjeuner sur une des bottes de Sven. Écœuré, il jura en la lâchant et lui colla un coup de pied dans les côtes qui lui déclencha une quinte de toux.

— Putain de merde ! Elle m'a gerbé dessus cette saloperie !

— C'est bon, stop ! intervint sa supérieure. Je la veux vivante, alors doucement avec les coups !

Kyeran sentit une fureur sourde enfler en lui devant ce spectacle dégradant et en oublia presque la douleur qui meurtrissait encore son corps. Il aurait donné n'importe quoi pour se débarrasser de ses liens et bondir sur Sven pour lui faire regretter ses actes. Tuer des humains par vengeance, il l'avait déjà fait et recommencerait sans hésiter, surtout pour une cause juste.

Ne force surtout pas sur les lianes ! le prévint immédiatement la voix de son dragon. Souviens-toi de ce que Lyria t'a dit.

Le Dragyan retrouva un brin de lucidité et remercia sa conscience pour cette piqure de rappel. Il s'évitait ainsi une inconfortable déconvenue qui aurait pu le mener droit à sa perte. Il croisa brièvement le regard d'Éléonore. Toujours aux mains d'un des hommes à capuche, la pauvre jeune femme était livide et tremblait de tous ses membres. Son maquillage avait coulé et formait des sillons noirs le long de ses joues tant elle avait pleuré.

Luttant pour retrouver son sang-froid, Kyeran se focalisa ensuite sur le visage de la cheffe des Red Skulls quand cette dernière s'approcha de lui.

— Bon, je vois que tu es finalement disposé à coopérer, mais par précaution, nous t'avons déjà devancé.

Elle se tourna vers un de ses subordonnés qui lui apporta un objet en métal sombre. Kyeran écarquilla les yeux, médusé, lorsqu'il reconnut sa montre.

— Eh bien... une T020-Z ! s'extasia la femme avec un regard brillant. Les exterminateurs sont bien équipés à ce que je vois. Il paraît que cette petite merveille vaut une fortune.

— Rendez-moi ça.

Les lèvres de la mercenaire se courbèrent en un rictus mauvais.

— Je te la rendrai lorsque tu m'auras dit où se trouve le pendentif. Tu ne l'avais pas sur toi quand on t'a fouillé et je sais que cette montre possède une capacité de stockage, donc il est forcément là-dedans. Maintenant, dis-moi comment y accéder sinon...

« Ne leur donne pas ! »

Kyeran tressaillit lorsque la voix de Lyria s'immisça dans son esprit. Il tenta de ne pas laisser entrevoir son trouble et avisa un discret coup d'œil dans sa direction. Toujours avachie aux pieds de Sven, elle semblait cependant avoir retrouvé assez de conscience pour une approche télépathique.

« On est au pied du mur, Ly, je n'ai pas le choix. Si je ne le fais pas, ils s'en reprendront à toi. C'est ce que tu veux ? Subir à nouveau cette infâme torture ? »

« Non, mais ils vont réveiller l'démon. Si Séréna arrive à ses fins, ce sera la fin de Zapornia. »

Kyeran pensa aussitôt à sa famille et ses amis. Il devait trouver une solution, une échappatoire, n'importe quoi qui pourrait lui permettre d'empêcher les Red Skulls de commettre cette folie. Mais comment ? Il s'interdisait de revoir Lyria se faire passer à tabac à cause d'un mauvais choix. Il ne se le pardonnerait pas.

« Désolé, mais ta vie a plus de valeur à mes yeux que ce bijou, reprit-il. Si vraiment on doit affronter ce monstre, je vais avoir besoin de toi. Quoi qu'il arrive, on le fera ensemble. »

Lyria resta silencieuse et parut mesurer le pour et le contre de cette décision.

« D'accord... »

— Tu as perdu ta langue, le dragon ? J'attends toujours que tu me répondes, s'impatienta Séréna avec un air aigri, peut-être que quelques coups de fouet supplémentaires devraient te décider ?

Le Dragyan déglutit quand Sven approuva d'un grand sourire sadique, sa main prête à se saisir de son vil objet de torture.

— Bouton central, puis dans le menu, chercher l'onglet « dimension de stockage », se hâta-t-il alors de révéler avant de pousser un soupir désœuvré, le pendentif est dedans...

Séréna le remercia d'un hochement de tête peu compatissant et s'exécuta. Un écran holographique bleuté s'afficha devant elle, puis après avoir suivi ses consignes, le précieux artefact se matérialisa dans sa paume.

Un sourire radieux se dessina sur ses lèvres et elle survola ses compagnons d'un regard empreint d'une satisfaction sinistre.

— Bien, il est temps de se rendre au temple.

Après quelques minutes de marche silencieuse, le groupe arriva devant un long corridor bordé de colonnes qu'il traversa avec prudence. Au fur et à mesure de sa progression, la roche de couleur gris soutenu prenait une teinte rougeâtre et des photophores nichés dans les paumes ouvertes d'étranges sculptures mi-homme mi-bête s'allumaient les uns après les autres comme pour lui dévoiler son chemin. La salle où était retenue prisonnière la créature ne devait plus se trouver bien loin.

Un sentiment d'anxiété grandissant saisit Kyeran. Il ne comprenait pas pourquoi leurs ravisseurs tenaient à les amener ici plutôt que les abandonner dans un coin de la grotte, mais les Red Skulls n'étaient pas le genre à se séparer de leurs otages. Bien au contraire, ils y trouvaient toujours une utilité quelconque et avaient bien l'intention de les faire participer les deux filles et lui à leurs « festivités ».

D'aussi loin qu'il se souvienne, les démons et les dragons s'étaient toujours livrés des guerres sans merci. Réveiller cette créature était de la folie pure. Il hasarda un coup d'œil sur Lyria. Talonnée par Sid, elle marchait sans émettre le moindre mot ou émotion. Pendant un court instant, il crut voir une coquille vide de toute âme et cela ne fit qu'accroître son malaise.

Le couloir déboucha enfin sur une immense double porte en fer noir où étaient gravées des fresques représentant des centaines d'hommes occupés à affronter un monstre titanesque aux allures de chimère. En son centre, là où aurait dû se trouver une serrure, trois renfoncements circulaires formaient un triangle. Une aura indicible et inquiétante émanait des battants pourtant fermés et Kyeran sentit sa nuque se hérisser.

Séréna s'approcha et observa avec attention les formes rondes avant de se retourner vers Sven.

— Donne-moi les autres clés.

Son bras droit s'exécuta et lui tendit les deux artefacts qu'il gardait en sa possession. Elle s'affaira à les enclencher à leurs places respectives et un cliquetis lugubre retentit tandis que les cercles du scellé s'illuminaient en tournant sur eux-mêmes. Quelques secondes s'écoulèrent, plongeant le corridor dans une atmosphère pesante. Chacun retenait son souffle, puis la grande porte s'ébranla doucement dans un grincement sourd avant de s'ouvrir sur une obscurité la plus totale. Un courant d'air en émana et charria avec lui une subtile odeur de soufre. La lueur en provenance du couloir n'arrivait pas à pénétrer dans ce qui devait sûrement être une salle et il était impossible de distinguer quoi que ce soit, même en écarquillant les yeux.

Si Kyeran n'avait jamais éprouvé la moindre peur face à n'importe quel adversaire, à cet instant, une sueur froide et incontrôlable lui coula dans le dos. Lyria adopta une réaction similaire et darda sur lui un regard craintif. Il ne faisait aucun doute que si elle avait pu avoir les mains libres, elle se serait cramponnée à son bras. Tout comme lui, elle n'avait aucune envie de rester dans cet endroit synonyme de l'enfer.

L'homme encapuchonné qui le retenait prisonnier l'obligea à avancer en le bousculant lorsque Sven et Séréna pénétrèrent les premiers dans la grande pièce après avoir récupéré les clés sur la porte.

— Quelqu'un pourrait utiliser un sortilège de lumière ? exigea la cheffe des Red Skulls. On voit rien là-dedans et...

Sa voix résonna en un écho sinistre et mourut entre ses lèvres au moment où deux flammes rouges rayonnèrent soudainement de part et d'autre de leur position. Chacun resta silencieux, sur le qui-vive, et bientôt, deux autres lueurs jaillirent, puis d'autres encore jusqu'à former un chemin au bout duquel se dessinait un cercle. Au milieu de celui-ci, une ombre énorme se profilait au fur et à mesure de leur progression. Une créature bipède demeurait au centre d'un pentagramme et de chaque pointe de l'étoile, des chaînes partaient du sol et lui entravaient le cou, les bras et les jambes.

Le petit groupe dut lever les yeux pour observer le gigantesque corps aux muscles saillants et recouverts d'une fourrure rouge sombre striée de noir. Le monstre tenait plus de l'animal que de l'humain et devait mesurer dans les six mètres de haut. Hormis le museau semblable à celui d'un canidé, sa tête aux grandes oreilles tombantes surmontée de deux imposantes cornes enroulées sur elles-mêmes rappelait celle d'un taureau et se campait sur un poitrail puissant séparé par un cou épais, presque trop court.

Quant à la partie basse de son corps, elle se prolongeait non pas en une paire de jambes, mais en deux pattes avec de gros sabots à leur extrémité. À l'inverse, ses membres supérieurs se terminaient par de larges mains aux griffes aiguisées comme des rasoirs. Le démon aurait presque pu ressembler à un faune géant, mais son apparence terrifiante et inhumaine dissuada quiconque d'y faire allusion.

— Alors, voilà le Grand Dévoreur. Il est encore plus grand que je me l'imaginais, jubila Séréna avec des yeux brillants avant de se tourner vers ses subalternes. Il me faudrait cinq volontaires pour prendre place sur le pentagramme, qui veut s'y lancer ?

Sa voix résonna dans l'immense salle, mais aucun de ses hommes ne bougea. Seul un silence oppressant lui répondit. Certains d'entre eux se tenaient même prêts à prendre la fuite au moindre geste suspect de la bête.

— On ne peut plus reculer, les sermonna-t-elle tout en dévisageant Lyria d'un air accusateur, la fête des Illuminations a été annulée et à l'heure actuelle, Bolkiah doit être au courant de nos plans, ça ne sert donc plus à rien d'attendre. On va attaquer la citadelle aujourd'hui et le prendre au dépourvu.

Pendant que les mercenaires continuaient de se consulter du regard, Sven s'exécuta et se plaça le premier sur l'une des pointes du pentagramme. Finalement ragaillardis par la présence d'un de leur supérieur, quatre hommes se détachèrent du groupe et rejoignirent leur position respective non sans garder un œil prudent sur l'immense démon qu'ils entouraient à présent.

Sid et Lars, quant à eux, restèrent auprès des captifs. Pendant ce temps, Kyeran tenta d'entrer en contact avec Éléonore par la pensée, mais il se retrouva face à un mur. La chanteuse était tellement bouleversée qu'un bouclier mental semblait s'être dressé tout autour d'elle et empêchait quiconque de pénétrer son esprit. Avec ses cheveux roses désordonnés et sa position avachie, elle ressemblait à une marionnette à laquelle on avait coupé les fils. Elle n'avait plus rien de la jeune femme pétillante qu'il connaissait si bien.

Un soupir navré s'échappa de ses lèvres quand il comprit qu'il ne pourrait rien faire pour la rassurer et croisa le regard dépité de Lyria. Sa compagne se sentait tout aussi démunie que lui.

Séréna s'avança à son tour face à une sorte d'autel construit dans une matière à la fois rocheuse et métallique. Sur celui-ci se trouvaient trois renfoncements circulaires identiques à ceux de la porte d'entrée. Elle y apposa les pendentifs et comme précédemment, ils tournèrent sur eux-mêmes dans un cliquetis lumineux. Tandis que ses cinq sbires se concentraient devant le point d'ancrage des chaînes en fermant les yeux, les bras tendus, la cheffe des Red Skulls psalmodia d'une voix solennelle :

— Ô Grand Dévoreur, entends mon appel, écoute ma voix. Par ces clés qui t'ont si longtemps entravé, je lève les scellés et te libère.

Ses subalternes encapuchonnés répétèrent l'invocation à leur tour comme un seul homme dans un son guttural. Kyeran avait l'impression d'assister à un rituel satanique organisé par une secte quelconque. Il ne manquait plus qu'un sacrifice de sang et quelques accessoires occultes pour parfaire l'ambiance.

Pendant un court instant, rien ne se passa, mais l'exterminateur frémit lorsqu'une vague glaciale et hostile le caressa au plus profond de son âme, provoquant le hérissement de sa nuque. À ses côtés, Lyria tressaillit à son tour. Si les humains n'étaient pas en mesure de percevoir les auras ou les ondes énergétiques, les Dragyans y étaient très sensibles.

Un tremblement secoua le sol. Les chaînes qui retenaient le démon prisonnier étincelèrent et se désagrégèrent progressivement dans une épaisse poussière dorée crépitante. Les yeux clos de l'immense créature s'ouvrirent, puis scintillèrent d'une lueur rougeâtre avant de scruter intensément le petit groupe d'humains qui venait de la réveiller de son sommeil millénaire. D'instinct et par prudence, chacun recula de plusieurs pas lorsque le géant baissa la tête en direction de Séréna. Il s'exprima alors d'une voix caverneuse dans un dialecte que Kyeran eut toutes les peines à traduire.

Les Red Skulls se dévisagèrent les uns les autres, et une forte inquiétude commença à saper leur bonne humeur. Regrettaient-ils d'avoir réveillé le mal absolu ?

Une distance d'environ trente mètres séparait l'entrée du centre de la salle. Si jamais le monstre venait à se révolter, personne n'aurait assez de temps pour rejoindre la grotte sans subir de sérieux dommages.

Le Dragyan peina à garder son calme. Il avait combattu de nombreuses créatures pendant ses missions, mais c'était la première fois qu'il rencontrait un démon. Il en frémissait d'effroi rien qu'à l'idée de se retrouver sans défense et de ne pas pouvoir protéger Lyria ainsi qu'Éléonore. Même libre de ses mouvements, il n'était pas sûr de pouvoir égaler cet adversaire dans un affrontement singulier.

Tandis que Séréna dialoguait avec le Grand Dévoreur, celui-ci releva ses yeux luisants en direction des Dragyans. Ses narines se dilatèrent et son corps se figea.

— Dôragon... souffla-t-il bruyamment en allongeant son museau.

Il se redressa d'un geste brusque, puis poussa un mugissement si assourdissant que toutes les parois de la caverne tremblèrent. Sa main droite se leva et une forme luminescente se matérialisa au sein de celle-ci avant de s'allonger en une gigantesque hallebarde faite d'un métal aussi noir que de l'obsidienne et au centre de laquelle brilla un joyau rouge vif. Sans que personne ne s'y attende, il brandit l'arme tranchante et fonça droit sur Kyeran et Lyria à toute vitesse.

— Lars ! Sid ! Attention ! hurla Séréna.

Si le premier réagit assez vite en empoignant Éléonore pour la soustraire de l'attaque, ce ne fut pas le cas du second. La hallebarde frappa le sol avec une telle puissance qu'il se fissura et une profonde brèche éventra la salle de part en part. Secoué par la force de l'impact, Lars perdit l'équilibre, puis roula droit vers la crevasse, entraînant les deux Dragyans dans sa chute.

La dernière chose que Kyeran perçut fut le vacillement des flammes rougeoyantes qui s'amenuisait au fil des secondes, accompagnées des hurlements de panique des Red Skulls. Tandis qu'il plongeait dans l'obscurité, son corps rencontra violemment à plusieurs reprises la dureté glaciale de la roche.

Perdre la vie en sombrant au fond d'un gouffre... quel triste destin...

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