26 - QUIPROQUO - Partie 1/2

Lyria perdit et reprit connaissance à maintes reprises pendant plusieurs heures. Chaque fois qu'elle se réveillait, Angélina était à son chevet. Elle lui apportait de l'eau, des bols de bouillon, des petits morceaux de viande ou encore quelques gâteaux secs. La jeune serveuse aurait dû avoir toutes les bonnes raisons de la détester, car c'était sa faute si Kyeran se retrouvait dans une situation aussi délicate. Pourtant, elle veillait à son confort autant que possible et la dévisageait toujours avec un regard empreint de gentillesse.

Elle aurait aimé lui demander où se trouvait l'exterminateur, mais n'arrivait pas à rester lucide assez longtemps pour satisfaire sa curiosité. Le sceau d'asservissement continuait de l'affecter et c'était dans la douleur qu'elle sombrait.

Lorsqu'elle émergea une énième fois de son sommeil, la faible lueur du crépuscule filtrait à travers les rideaux transparents de la baie vitrée. La nuit tombait et un frisson d'angoisse la saisit quand elle réalisa qu'elle était seule dans la pièce. Où était Kyeran ? Et Hayden ? Du mouvement autour de son cou atténua ses craintes. Oz était resté sagement enroulé à sa place préférée et ne l'avait pas quittée. Elle laissa échapper un soupir de soulagement, puis survola du regard son nouvel environnement.

À sa droite, une imposante armoire siégeait à côté de la fenêtre et le mur aux tapisseries d'un ton beige crème qui lui faisait face était couvert d'une large étagère remplie de livres. À l'opposé, les trois autres cloisons demeuraient vides de toute décoration. Une délicate senteur de vieux bois émanait de cet ensemble au charme ancien et ne tarda pas à lui rappeler l'ambiance de sa chambre à la forge. Sa gorge se noua à ce souvenir. À cause des événements actuels, elle ne pourrait sans doute pas y retourner avant un bon moment.

Ayant recouvré assez de forces, elle quitta le lit pour s'intéresser à la bibliothèque. Elle scruta alors les ouvrages un par un avec curiosité. S'y trouvaient des manuels de sciences et d'histoire, des recueils de poèmes ou encore des romans d'amour. Ses doigts glissèrent sur les différentes tranches en carton lisse ou rugueux et s'arrêtèrent sur un titre qui l'interpella.

— Les Roses de la Marquise de Hanx Jaspel, murmura-t-elle dans un souffle inaudible.

La Dragyanne n'en crut pas ses yeux. C'était l'une de ses romances préférées. Qui dans cette maison lisait ce genre d'histoire ? Angélina, peut-être ? Cela ferait un excellent sujet de conversation à partager avec la jeune femme ! Toutefois, un grognement assourdissant en provenance de son estomac interrompit très vite sa nouvelle motivation. Elle avait grignoté les quelques encas que la sœur de Kyeran lui avait apportés, mais n'avait pas fait de vrai repas depuis plusieurs jours. Les Red Skulls l'avaient maintenue captive en lui donnant le minimum vital.

Elle décida de sortir et s'aventura alors dans un couloir aux cloisons d'un rouge foncé soutenu où quelques appliques murales diffusaient une chaleureuse lumière tamisée. Au sol, une moquette claire et moelleuse insonorisait chacun de ses pas. C'était plus agréable que le parquet grinçant de la guilde des Red Skulls qui la réveillait chaque nuit.

Au bout du corridor, ses narines se dilatèrent quand un fumet de viande lui parvint. Quelqu'un préparait à manger et, quel que soit le plat, il semblait alléchant. Elle emprunta alors l'escalier, guidée par le délicieux effluve et arriva dans une salle spacieuse où se trouvait un grand comptoir de bar ainsi que plusieurs tables décorées de nappes immaculées. Ses yeux survolèrent la pièce coquette et lumineuse d'un air contemplatif. Le plafond fait de poutres en chêne massif se mariait avec élégance au mobilier en bois foncé et contrastait avec la blancheur impeccable des murs. Les verres en cristal et les assiettes en porcelaine brillaient sous les lustres scintillants.

Les premiers clients arrivaient et une femme blonde âgée de la cinquantaine d'années coiffée d'un carré plongeant les accueillait. D'après son apparence physique, il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de la mère d'Angélina.

Dans un recoin de la salle, près du comptoir, un meuble lumineux attira soudain son attention. Avec un coup d'œil prudent, Lyria s'approcha de l'objet de sa curiosité et laissa échapper une exclamation silencieuse : un aquarium aux dimensions impressionnantes lui faisait face. Au milieu d'un décor structuré de roches magmatiques et de plantes d'un vert tendre nageait paresseusement un groupe de gros poissons aux couleurs chatoyantes. Elle n'en avait jamais vu de pareils : bleus à rayures noires, oranges, azur, blancs, tachetés ou encore... dorés.

Comme les yeux de Kyeran, rêva-t-elle alors qu'elle fermait les paupières, bercée par le clapotis de l'eau.

— C'est beau, n'est-ce pas ? retentit une voix douce derrière elle.

La femme-dragon inspira vivement avec un sursaut. Lorsqu'elle se retourna, Angélina la regardait avec un grand sourire. Elle avait revêtu une robe noire moulante à bretelles et un chemisier blanc aux manches courtes bouffantes. Son visage rond encadré de longues ondulations blondes semblait si pâle que la Dragyanne se demanda si elle n'était pas malade.

Le cœur encore lancé au grand galop, elle ne réussit qu'à balbutier :

— Euh... oui, c'est... très beau.

La jolie serveuse s'esclaffa.

— Ne sois pas gênée avec moi ! Tu te sens mieux ?

— Oui, enfin... jusqu'à la prochaine crise...

— Normalement, tu ne devrais pas en ravoir. J'ai dressé un champ de force tout autour du restaurant. Je t'avais dit que toute personne hostile ne pouvait y entrer sans mon autorisation, mais il empêche aussi toute forme de magie extérieure d'agir. Les Red Skulls ne pourront pas réactiver ton sortilège, à moins de briser ma défense.

Lyria lui jeta un regard en biais, peu convaincue. Les Red Skulls ne reculaient devant rien. La magie de cette jeune humaine serait-elle assez forte pour les contrecarrer ? Elle ne put s'empêcher d'en douter et d'appréhender la suite des événements. Pourvu que la barrière d'Angélina soit suffisamment résistante pour leur faire gagner du temps et ainsi, établir une stratégie qui leur permettrait de devancer leurs ennemis.

— Merci, mais quelque chose me préoccupe. Pourquoi t'acceptes de m'aider alors que c'est à cause de moi que ton frère est en danger ?

Angélina pencha la tête sur le côté, puis tendit son bras au-dessus de l'aquarium pour s'emparer d'un flacon rempli de paillettes multicolores. Elle ouvrit le couvercle et, affamés, les animaux ne tardèrent pas à se regrouper à la surface de l'eau. Leur agitation provoqua de généreuses éclaboussures et les deux jeunes femmes gloussèrent de surprise lorsque quelques gouttes fraîches atterrirent sur leur visage.

— Décidément, toi et Kyo, vous faites vraiment la paire, soupira Angélina. Vous vous considérez toujours fautifs de tout. Les Red Skulls en ont après son pendentif pour leur plan personnel. Que tu sois impliquée dedans ou non n'aurait rien changé, car dans tous les cas, ils auraient fini par le prendre pour cible.

— Hum... vu sous cet angle, t'as pas tort...

Une lueur malicieuse brilla dans le regard de la serveuse.

— Et puis... il est de mon devoir de prendre soin de la compagne de mon frère.

Lyria sentit le sang lui monter à la tête et son cœur manqua un battement.

— Hein ? Mais ce n'est pas du tout c'que tu crois ! Lui et moi on est... juste amis !

Angélina referma l'aquarium et leva les yeux au ciel.

— Ne te cherche pas d'excuses ! Pendant que tu étais inconsciente, il m'a raconté tout ce qui s'est passé entre vous deux et m'a expliqué comment les couples se formaient chez les Dragyans.

— Ah... d'ailleurs, en parlant de lui, où est-il ?

La jeune femme se rembrunit et sa voix se teinta d'une légère amertume tandis que son regard se perdait vers une porte derrière le comptoir de bar.

— En cuisine avec mon père. C'est notre dernière soirée avant le couvre-feu, alors il s'est proposé de l'aider.

Lyria comprit à ce revirement d'attitude qu'ils avaient du prendre connaissance du discours de Bolkiah et évidemment, ça n'avait pas été au goût de tout le monde. Ce qui semblait tout à fait légitime. Elle préféra alors changer de sujet et reporta son attention sur l'aquarium.

— Ils sont très beaux ces poissons, ils sont à toi ?

— Non, c'est ceux de Kyeran. Selon lui, ils sont assez rares, alors chacun de nous en prend énormément soin.

Le nez presque collé à la vitre, la Dragyanne reprit sa contemplation. Imaginer l'exterminateur s'attacher à de telles créatures la fascinait.

— Ça n'doit pas être facile de les maintenir comme dans leur milieu naturel, fit-elle remarquer.

— Je ne sais pas trop, je ne m'y connais rien. Je me contente juste de leur donner à manger quand il ne peut pas le faire. Pour le reste, l'aquariophile t'expliquera bien mieux que moi.

— Hum... et est-ce qu'il a d'autres passions en dehors des poissons ?

Angélina sourit.

— Et bien, oui... la cuisine, l'écriture et surtout, la lecture. Kyeran est un mordu de littérature et tous les livres qui sont dans ta chambre sont à lui.

Lyria n'en croyait pas ses oreilles. Quelle chance y avait-il de rencontrer un membre de son espèce partageant le même engouement qu'elle ? À son inverse, elle ne possédait pas autant d'ouvrages et depuis ses péripéties chez les Red Skulls ainsi que le déclin de la santé de son père, elle avait quelque peu abandonné ce loisir. Qui sait, peut-être pourrait-elle renouer avec cette occupation ?

N'y compte pas trop ! Avec toutes les emmerdes qui te guettent, tu n'es pas près d'retrouver un semblant de paix !

Lyria maugréa intérieurement. Comme si elle avait besoin de ce sermon pour lui rappeler la triste réalité de sa situation !

— Au fait, je suppose que tu étais venue me demander quelque chose si tu es descendue, non ? reprit soudain Angélina.

Elle sortit de ses pensées avec un sursaut et un nouveau grognement en provenance de son estomac retentit, comme pour affirmer les propos de la jeune humaine. Honteuse, elle se gratta la tête avec un sourire en coin.

— Euh... oui, j'voulais savoir si c'était possible d'avoir à manger. J'commence à avoir faim et j'ai déjà tout avalé c'que tu m'avais apporté.

La serveuse cligna des paupières, puis porta une main à sa bouche en laissant échapper une exclamation choquée.

— Oh, non ! Je suis vraiment désolée ! J'étais tellement occupée à préparer les tables que je t'ai complètement oubliée !

— C'est pas grave. C'est ton travail, c'est normal.

— Je vais tout de suite aller en cuisine pour demander qu'on te prépare quelque chose.

— M-merci.

À l'instant même où Angélina tourna les talons, Lyria entraperçut un crâne de dragon noir traversé de deux épées gravé sur l'intérieur de son poignet gauche. Ses yeux s'écarquillèrent et une boule se forma immédiatement dans sa gorge lorsqu'elle reconnut le blason clanique de Kyeran.

— Tu peux t'installer à une table, si tu veux, je n'en aurais pas pour longtemps, lui proposa la jolie blonde avec un clin d'œil. Tu vas pouvoir goûter à l'une des spécialités des meilleurs cuisiniers de cette ville !

Tandis que son ventre se nouait, la femme-dragon eut du mal à trouver ses mots et ses lèvres tremblantes ne réussirent qu'à souffler :

— Non, c'est bon, je vais... retourner dans ma chambre.

Le cœur serré, elle regagna les escaliers d'un bond et courut jusqu'à sa chambre. L'image du tatouage continua de s'ancrer sournoisement dans son cerveau. D'après ses découvertes dans le livre d'Anthonis Mazen, au chapitre sur les blasons claniques, cette marque apparaissait sur une partie du corps au hasard d'une femme imprégnée et accouplée à un Dragyan. Ainsi, elle prouvait son appartenance à son nouveau clan.

Quelle idiote faisait-elle ! Comment pouvait-elle croire que Kyeran lui appartiendrait un jour ? La honte l'envahit pour avoir été si crédule. Sous l'effet de la déception, mais aussi de la colère, sa poitrine se comprima et elle eut l'impression d'étouffer. Elle allait devoir se faire une raison : Angélina était la compagne de Kyeran.

***

Le service commença à 19h et au fil des minutes, les plats s'enchaînèrent dans les mains des deux chefs. Gratins, soupes, salades, viandes grillées ou en sauce étaient préparés avec patience et minutie. Divers fumets emplissaient l'air de la modeste cuisine et le plafond se ponctuait d'un nuage de vapeur épars. Bien avant d'exercer en tant qu'exterminateur, Kyeran avait acquis de nombreuses connaissances pour œuvrer dans la gastronomie et depuis son arrivée au sein de la famille Estieral, il montrait un certain talent culinaire.

Occupé à dresser une assiette, il laissait vagabonder de temps à autre son esprit vers une seule personne. On lui avait toujours dit que les femmes faisaient perdre la tête des hommes et les Dragyans ne dérogeaient pas à cette règle. Au début, il n'y croyait pas, mais Lyria hantait à présent chacune de ses pensées.

Le bruit d'une lame frappant un plan de travail en pierre résonna dans toute la cuisine et le sortit de ses songes. Dos à lui, un homme à la carrure impressionnante et vêtu d'une tunique blanche préparait une côte de bœuf. Son bras musculeux couvert de tatouages brandissait un couperet et débitait la viande d'un geste précis et rapide.

Avec ses longs cheveux tressés et sa barbe aux tons roux mêlés de gris, Borys Estieral lui rappelait un peu ces guerriers barbares nommés Vikings que l'on pouvait retrouver dans les romans fantastiques. Fort de plusieurs années d'expérience, ce brillant chef de cinquante-neuf ans se conférait corps et âme à sa passion et menait son restaurant d'une main de maître. Si son apparence de vieil ours bourru laissait croire à un homme autoritaire, il était au contraire un père de famille jovial et aimant. À condition de ne pas lui chercher des ennuis...

— Kyo !

Kyeran sursauta en entendant la voix enrouée d'Angélina. Des cernes violets soulignaient ses yeux noisette et contrastaient avec le teint pâle de son visage. La soirée commençait à peine et la pauvre jeune femme semblait déjà épuisée. Ses premiers mois de grossesse n'étaient pas de tout repos et le sujet du couvre-feu n'avait pas arrangé son humeur. Il ne comprenait pas pourquoi elle n'avait toujours pas avoué la bonne nouvelle au reste de la famille et à son compagnon. Maintenant que la fête des Illuminations était annulée, elle n'avait plus aucune raison de le cacher plus longtemps.

— Est-ce que tu pourrais préparer une assiette pour Lyria ?

Son cœur manqua aussitôt un battement.

— Elle est réveillée ?! s'empressa-t-il de savoir.

— Oui, elle est même descendue et on a discuté un peu, mais...

Angélina grimaça avant de poursuivre :

— Elle est devenue bizarre tout d'un coup, comme si quelque chose l'avait contrariée. Je lui ai proposé de se mettre à une table, mais elle est remontée dans sa chambre.

Kyeran sourcilla et se retourna brièvement vers Borys qui haussa les épaules.

— Prépare-lui tout de suite quelque chose, lui ordonna-t-il.

Le Dragyan opina et se mit immédiatement au travail. Tout en scrutant les ingrédients à l'intérieur du réfrigérateur, il réfléchit au plat qu'il pourrait cuisiner et ses yeux s'arrêtèrent sur un filet de saumon volant. Son après-midi de pêche avec Lyria lui revint à l'esprit et il se remémora la mine réjouie de son amie lorsqu'elle avait découvert le plaisir de manger de la chair crue. Mais cette fois, il voulait l'épater et lui rappeler les bons souvenirs d'un repas partagé avec son père.

Il mit à cuire le poisson sur une poêle et s'affaira à éplucher des légumes.

— Donne-moi quelques minutes, s'adressa-t-il à sa sœur, ce sera bientôt prêt.

La jeune femme hocha la tête et retourna au bar. Concentré sur sa tâche, Kyeran ne remarqua pas Borys s'approcher de lui. Le barbu s'essuya les mains dans un torchon, puis s'adossa au plan de travail juste à côté de lui en croisant les bras. Ses épais sourcils se froncèrent, puis se détendirent alors qu'il observait la salle bondée de clients à travers la vitre de séparation.

— Tu vas avoir vingt-quatre ans l'an prochain, commença-t-il, je ne sais pas comment ça fonctionne chez les dragons, mais chez les humains, c'est un âge courant pour se trouver une compagne et fonder une famille.

Cette anecdote interloqua Kyeran. Il releva la tête vers son père adoptif et le dévisagea d'un air perplexe.

— Mais de quoi tu parles ?

L'homme se gratta la barbe.

— J'ai l'intention de prendre ma retraite l'année prochaine et je vais avoir besoin d'un successeur. J'ai pensé que tu pourrais reprendre le flambeau et ce serait plus facile pour toi de gérer tout ça si tu as quelqu'un à tes côtés pour t'épauler.

Le Dragyan haussa les sourcils, étonné. Il ne s'attendait pas à être choisi pour hériter des responsabilités de la prestigieuse auberge, d'autant qu'avec la menace que représentait le Fléau, il lui était difficile de se projeter dans l'avenir.

— Pourquoi moi et pas Angélina ?

— C'était mon premier choix, mais elle a refusé. Elle dit qu'elle n'a pas les épaules assez larges pour s'occuper d'un restaurant toute seule, d'autant qu'avec son travail, Sköll ne pourra pas la seconder, à moins de changer de métier.

Il marqua une pause avant de reprendre :

— Tu sais, je n'ai jamais compris pourquoi tu avais choisi de devenir exterminateur. J'ai toujours pensé que la cuisine était ton seul intérêt. Alors, j'ose espérer que tu y réfléchiras si jamais un jour tu en as marre de décapiter des mutants.

Kyeran resta d'abord silencieux et mesura l'importance de cette proposition. Borys n'aimait pas le métier d'exterminateur et avait tenté à plusieurs reprises de le dissuader de s'engager dans cette voie, sans succès. Grâce à ce poste, il pouvait laisser libre cours à ses instincts guerriers, car le goût du combat coulait dans ses veines. Cependant, l'idée de pouvoir un jour vivre un quotidien paisible comme n'importe qui, était loin de lui déplaire.

— Ne t'inquiète pas, la cuisine est aussi un travail qui m'intéresse beaucoup et je te promets d'y réfléchir.

Les moustaches de Borys se rehaussèrent sur un mince sourire.

— Y a rien de mieux que la cuisine pour impressionner une femme ! Si tu réussis à conquérir son estomac, tu as des chances d'obtenir son cœur !

Le Dragyan pouffa.

— C'est une devise intéressante, mais je ne suis pas sûr qu'elle fonctionne sur tout le monde.

— Bien sûr, chacun a sa façon de procéder.

L'ambiance s'était détendue. Même si le souvenir du discours de Bolkiah au sujet du couvre-feu restait encore ancré dans les esprits, Kyeran apprécia de voir son père de meilleure humeur. Les lèvres de Borys s'entrouvrirent et alors qu'il allait reprendre la parole, le coucou mécanique situé sur le mur au-dessus de leurs têtes se déclencha et l'interrompit.

— Coucou ! Il est 20h30 ! piailla l'oiseau en métal avant de disparaître derrière sa petite trappe de bois rouge.

Le chef cuisinier avisa l'horloge d'un air contrarié et posa ses larges mains calleuses sur ses hanches.

— Tu as fini de préparer ton plat ?

— Presque, confirma Kyeran en ajoutant un dernier filet de sauce au beurre blanc sur sa composition.

— Prend une pause et va rejoindre ta belle pour lui apporter son repas, mais n'abuse quand même pas trop sur le temps.

Le Dragyan releva la tête, surpris et sentit ses joues s'échauffer.

— Quoi ? Mais... et toi ?

— C'est bon, je vais m'en sortir. Vas-y.

Il ne chercha pas à le contredire et tout en s'emparant de l'assiette qu'il posa sur un plateau, il quitta la pièce avec une moue peu convaincue. Kyeran aimait ce métier, c'était une certitude, mais avec toutes les menaces qui progressaient autour d'eux, aurait-il encore le loisir de l'exercer dans un avenir proche ?

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