25 - LIENS

Hayden porta Lyria jusqu'à la chambre indiquée par Angélina. Il l'allongea immédiatement sur un large lit pendant que la jeune femme ouvrait les volets pour laisser passer la clarté du jour dans la pièce.

Hayato ne tarda pas à revêtir son rôle de médecin et s'installa près de la femme-dragon qui venait de sombrer dans l'inconscience. Il examina alors son aspect général avant de dévisager ses deux acolytes d'un air plus que sérieux.

— La douleur semble venir de sa poitrine. Je vais devoir la déshabiller pour regarder de quoi il s'agit. Aidez-moi à la mettre à l'aise.

À cette requête, Kyeran se figea et déglutit. Il n'avait jamais vu Lyria en tenue légère et la seule idée de se retrouver face à une partie de son corps nu lui faisait craindre de se laisser aller à des pensées malsaines. À l'inverse, sa conscience jubilait déjà de satisfaction à cette idée. Il hasarda un coup d'œil en biais vers Hayden. Le métis s'était statufié, mais plus par réserve. Voir un autre homme déshabiller son ex-compagne à sa place le rendait peut-être trop nerveux pour agir.

Hayato dégrafa la cape de Lyria avant de se retourner vers eux, les sourcils froncés d'exaspération.

— Vous allez rester plantés là encore longtemps à me regarder ? Filez-moi donc un coup de main au lieu de jouer les effarouchés !

Ils sursautèrent, mais au moment de s'exécuter, Angélina les devança.

— Laisse tomber, Yat, je vais t'aider, soupira-t-elle en secouant la tête.

Au moment où elle souleva les épaules de leur patiente pour la débarrasser du vêtement encombrant, une forme noire et allongée en sortit avec un couinement plaintif. La jeune femme laissa échapper un cri de surprise et recula d'un bond.

— C'est quoi ça ?

Effrayée, la créature rampa en rond avec des gémissements. Peiné par sa détresse, Kyeran s'en approcha aussitôt et en posant sa main sur sa tête, les aigrettes de celui-ci s'abaissèrent.

— Hé, tout va bien, le rassura-t-il d'une voix douce, tu n'as rien à craindre ici et personne ne fera de mal à ta maîtresse. Au contraire, on va essayer de la soigner.

Le xéobrat parcourut les différentes personnes présentes dans la pièce d'un regard inquiet, puis finit par s'apaiser.

— Il s'appelle Oz, expliqua alors Kyeran à l'attention de sa sœur, c'est un xéobrat, une sorte de...

Il réfléchit un long instant tout en scrutant le petit animal, puis se retourna vers la jeune femme avec une moue dubitative.

— ... en fait, je n'ai aucune idée de ce que c'est. C'est juste le compagnon de Lyria.

— On est bien avancé avec ça, soupira Angélina avant de se concentrer de nouveau sur sa tâche.

Quand Lyria fut enfin mise à l'aise, Hayato s'affaira à déboutonner sa chemise. Sa poitrine nue se dévoila et Kyeran laissa échapper un grognement étranglé face aux deux formes rebondies à l'aspect soyeux. Pendant un court instant, il redouta la réaction de son équipier, car il avait toujours une fâcheuse manie d'avoir les mains baladeuses. Toutefois, en bon médecin, le Vulpian garda une expression sérieuse et concentrée. Son regard se porta sur un endroit bien particulier du corps.

Intrigué, le Dragyan s'approcha enfin, mais il se figea. Sur la peau de la femme-dragon, juste à la naissance de ses seins, était gravé un cercle noir hérissé de pointes irrégulières. En son centre, trois ronds de plus petit diamètre s'entrecroisaient les uns aux autres en formant un triangle.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? marmonna-t-il, abasourdi. On dirait...

— C'est un sortilège d'asservissement, leur révéla Hayden qui était resté en retrait. D'après ce qu'elle m'a dit, ce sont les Red Skulls qui lui ont infligé ça.

— Un sceau d'esclave ? s'étonna Angélina. Mais... pourquoi ?

Hayato plissa les yeux d'un air pensif.

— Ça fait bien longtemps que cette magie n'existe plus dans la région. Elle a été interdite il y a environ deux cents ans lorsque l'esclavage a été aboli, mais elle est encore utilisée dans certains pays. Quelqu'un a dû leur fournir l'incantation.

Kyeran inspira vivement et la colère ne tarda pas à bouillonner dans ses veines. Un dragon ne se laissait pas asservir, encore moins par un humain. Les Red Skulls ne s'en sortiraient pas aussi facilement et il comptait bien leur faire regretter leurs actes. Ils pourraient être trente ou quarante, cela ne ferait aucune différence pour lui, il les neutraliserait les uns après les autres. En attendant, il devait trouver une solution pour les empêcher de remettre la main sur sa précieuse Lyria.

— Ce serait donc cette marque qui la fait souffrir, en conclut-il, est-ce que tu peux annuler ce sort avec ta magie ?

Hayato haussa les épaules.

— Aucune idée, mais je peux tenter.

Hayden se rapprocha d'un bond, les yeux brillants.

— Vous pouvez vraiment faire ça ? Vous pouvez la guérir de ce sortilège ?

Le Vulpian réfréna aussitôt ses ardeurs en levant une paume.

— Je n'en aurais la certitude que lorsque j'aurai essayé. Maintenant, il me faut un peu de silence, j'ai besoin de me concentrer.

Le jeune Mérien grimaça, mais opina avant de retourner s'assoir sur une chaise.

Hayato apposa ses doigts sur Lyria et ferma les paupières avant de fredonner en langue vulpianne. Une lueur blanche étincelante émana de ses mains et enveloppa le corps de la femme-dragon.

Adossé au mur à l'opposé du lit, Kyeran ressentait la chaleur bienfaisante de son éther. Il avait toujours admiré son talent de guérisseur et aujourd'hui encore, il était reconnaissant envers Alaric pour lui avoir désigné Hayato comme mentor, puis partenaire. Le Vulpian était l'un des membres le plus fiable et efficace qu'il ait connus dans sa guilde.

Perdu dans ses songes, il tressaillit lorsque la main chaude et rassurante d'Angélina entoura la sienne.

— Elle va s'en sortir, j'en suis sûre, lui murmura-t-elle.

Il acquiesça silencieusement. Il l'espérait de tout son cœur et posa une paume sur son torse, là où une douleur sourde lancinait depuis plusieurs jours. Une centaine de pensées se bousculaient dans sa tête et l'étourdissaient presque. Si le Fléau n'avait pas existé, si Lamyria ainsi que ses fichues expériences ne l'avaient pas brisé, aurait-il quand même rencontré Lyria malgré des circonstances différentes ? Il n'aurait sans doute jamais quitté Extalia et serait probablement devenu roi. De ce fait, leur relation se serait déroulée dans une atmosphère bien plus saine, et alors, peut-être aurait-il pu la courtiser sans se poser de contraintes.

Peut-être, mais à cette époque, tu étais obnubilé par Léona, se rappela-t-il.

Les secondes s'égrenaient et Hayato répétait inlassablement les mêmes mots. L'invocation donnait l'impression de durer depuis une éternité, mais la luminosité s'estompa et il recula d'un pas, les traits durcis par l'exaspération.

Hayden se releva d'un bond de son siège, une lueur d'impatience dans ses yeux vert vif.

— Alors ?

— Ça ne fonctionne pas, grogna le Vulpian, ma magie n'est pas assez forte pour rompre ce sortilège.

— Merde... fais chier... siffla l'homme-félin entre ses crocs.

Kyeran accusa le coup, lui aussi. Il quitta la proximité d'Angélina et s'approcha du corps inconscient de Lyria. Sa respiration était pantelante et son visage ruisselait de sueur. Que pouvait-il faire pour lui venir en aide ? Il devait bien exister une solution pour la sortir de cette souffrance. Se sentant profondément démuni, il s'assit à ses côtés et prit sa main dans la sienne. Elle se réchauffa à son contact et des picotements remontèrent de ses doigts jusqu'à son échine. Tout en la contemplant, il savoura l'effluve épicé qui se dégageait de sa peau et laissa son corps s'en enivrer. Peu à peu, l'étau qui enserrait son torse s'estompa et une douce vibration le remplaça lorsque le souvenir de leurs lèvres prêtes à se rencontrer s'immisça dans son esprit. Il ne regrettait qu'une chose : de ne pas avoir scellé ce baiser et maintenant que la jeune Dragyanne se trouvait près de lui, il comptait bien reprendre là où il s'était arrêté.

Qu'Yldrarth soit miséricordieuse, qu'elle me donne la force d'y croire, pria-t-il.

À son tour, Hayden se rapprocha et se pencha sur l'autre côté du lit avec une expression dépitée.

— Qu'est-ce qu'on peut faire ?

Hayato entrelaça ses doigts, le regard rivé vers le plancher.

— À part retrouver celui qui lui a infligé ça et le forcer à annuler le sort ou... le tuer, je ne vois pas d'autres solutions.

Un silence glacial plomba l'ambiance. Chacun se mit à réfléchir à une possible alternative, sans succès. Kyeran reporta son attention sur Angélina. Songeuse, celle-ci scrutait un petit symbole noir gravé à l'intérieur de son poignet et le caressait distraitement. Cette marque, identique en tout point au tatouage qu'il arborait sur son dos, appartenait au pacte qu'il avait passé avec sa sœur quelques années auparavant. Il s'agissait d'un sortilège que seul un dragon s'autorisait à utiliser envers une créature inférieure. Lorsqu'elle releva la tête et croisa son regard, la jeune femme haussa les sourcils.

— Qu'est-ce que c'est ? fit-elle remarquer.

Kyeran tressaillit, puis se tourna vers Lyria lorsqu'il sentit ses doigts bouger autour des siens. Elle s'agitait et ces mêmes filaments d'éther argentés qui les avaient liés l'un à l'autre ce jour-là dans la grotte réapparurent. Tandis qu'il continuait de lui tenir la main, leur luminosité se renforça. Si le sceau d'asservissement ne disparut pas, la peau de la jeune femme retrouva en revanche sa légère teinte dorée. Les traits de son visage se détendirent et ses paupières papillonnèrent.

***

Lyria rouvrit les yeux et un long moment passa avant que sa vue soit en mesure de distinguer son environnement. Lorsqu'elle fut enfin éveillée, elle se rendit compte de plusieurs choses et un frisson de déconvenue la parcourut.

D'abord, elle ne se trouvait plus dans la rue et ignorait complètement l'endroit où on l'avait amenée. Ensuite, elle était étendue sur un lit, encadrée par deux hommes aux visages soucieux. À sa gauche, celui aux cheveux ébène afficha un timide sourire tandis que celui de droite, à la crinière auburn, lui tenait la main. Elle irradiait d'une chaleur tellement intense qu'une agréable fébrilité l'envahit à ce contact.

Face à leurs expressions soulagées, elle les regarda fixement avec un sentiment d'incompréhension. Avait-elle été blessée ? Pourtant, chaque partie de son corps bougeait sans aucune gêne ou douleur. Sa respiration semblait normale et son cœur battait à un rythme régulier. En l'occurrence, tout allait bien, alors, que s'était-il passé ?

Enfin, ses souvenirs lui revinrent. Elle était venue prévenir Kyeran du danger qui le guettait, mais le sceau d'asservissement s'était manifesté au même moment. Sous la souffrance écrasante, elle s'était effondrée dans les bras d'Hayden. Son ami avait dû ensuite la transporter jusque dans cette chambre et sa chemise grande ouverte sur sa poitrine nue ne tarda pas à lui confirmer que quelqu'un l'avait examinée.

Si en temps normal, la pudeur était le cadet de ses soucis, une certaine gêne s'empara d'elle à l'idée de se retrouver ainsi exposée aux regards de non pas une, mais quatre paires d'yeux. Elle se redressa et s'affaira immédiatement à reboutonner son vêtement.

Le visage rassuré d'Hayato lui apparut.

— Comment te sens-tu ?

Lyria cligna des paupières et réfléchit de longues secondes avant de répondre :

— Euh... mieux, je suppose... Où est-ce que j'suis ?

Une jeune femme blonde s'installa sur la chaise près du lit. Elle la reconnut. C'était la serveuse qui l'avait accueillie lorsqu'elle s'était rendue au restaurant où vivait et travaillait Kyeran.

— Tu es dans l'ancienne chambre de mon frère aîné. Tu as fait un malaise à cause de ce... truc, grimaça-t-elle en pointant un doigt en direction de sa poitrine. Je leur ai dit de t'amener ici pour qu'Hayato puisse t'examiner. Il a essayé d'annuler le sceau, mais ça n'a pas fonctionné.

Kyeran et Hayden approuvèrent ses paroles d'un hochement de tête, puis le premier lui lâcha la main lorsqu'Oz se faufila pour retrouver sa place préférée. Lyria serra son xéobrat contre elle et il en roucoula de joie. Quel soulagement de savoir son petit compagnon près d'elle ! Sa douce fourrure chaude autour de son cou lui apporta un grand réconfort.

— Ce sont les Red Skulls qui t'ont fait ça ? grogna alors Kyeran, la coupant dans ses retrouvailles avec Oz.

Hayato s'interposa avant même qu'elle ne puisse répondre et tempéra aussitôt la nervosité du Dragyan d'une main levée.

— Ne la brusque pas. Je pense qu'elle a suffisamment eu son lot d'émotions pour aujourd'hui.

L'homme-dragon baissa la tête avec une mine penaude, sans pour autant dissimuler la colère qui brûlait au fond de ses prunelles dorées.

Lyria soupira, embarrassée par tant d'attention à son égard.

— J'vous remercie de vous inquiéter pour moi, mais j'vais mieux. Ça n'sera jamais pire que c'que j'ai enduré ces derniers jours...

Kyeran esquissa un pas en avant, l'expression cette fois plus douce.

— Pour en revenir à ce que tu m'as dit tout à l'heure. Qui compte m'attaquer ?

Elle sursauta lorsqu'il lui rappela l'urgence de la situation et un nœud lui tordit les entrailles. Devait-elle tout révéler ? Sa confiance envers Kyeran et Hayden demeurait profonde et réciproque, mais pour les deux autres ? L'écouteraient-ils sans s'offusquer ? De toute façon, qu'avait-elle à perdre ? Après un long silence de réflexion, elle se lança :

— Les Red Skulls m'ont chargée de m'emparer de ton pendentif.

Les lèvres de Kyeran tressaillirent.

— Mon pendentif ?

— Décidément, ils n'ont pas l'intention de lâcher l'affaire, à ce que je vois, maugréa Angélina en croisant les bras.

Hayato plissa les yeux et se pencha en avant.

— Qu'est-ce qu'ils veulent faire avec ça ? Tu lui avais déjà volé une fois, alors pourquoi ?

Lyria se mordit la joue et entrelaça nerveusement ses doigts. Elle ne pouvait plus reculer à présent, elle en avait trop dit.

— La première fois, je l'ai pris sans savoir c'que c'était et j'avais juste entendu Sven et Séréna dire qu'ils cherchaient des bijoux en argent et en forme de croix. J'ai fini par comprendre lorsqu'ils m'ont montré deux pendentifs identiques à celui d'Kyeran et ordonné de reprendre le sien. En réalité, ce sont des clés et ils ont l'intention de s'en servir pour réveiller un démon scellé dans la région.

Un silence glacial s'abattit dans la pièce et Angélina hoqueta.

— Ne me dis pas qu'ils comptent réveiller le Grand Dévoreur ! Ils sont complètement cinglés ! Pourquoi veulent-ils faire ça ?

— Ils veulent l'utiliser pour attaquer la citadelle et libérer des membres de leur clan prisonniers là-bas. Voilà c'que j'ai compris.

Sous le choc, ses interlocuteurs blêmirent et s'échangèrent des regards chargés d'effroi. Lyria ne savait plus quoi dire. À cet instant, elle aurait juste voulu disparaître loin, très loin, mais à ses côtés, Hayden dut ressentir l'immense conflit qui ravageait ses pensées, car il posa une main réconfortante sur son épaule.

— Ne t'inquiète pas, on trouvera une solution pour te sortir de là, tenta-t-il de la rassurer.

Serait-ce seulement possible ? Séréna pouvait activer son sortilège à distance. Elle recommencerait. La Dragyanne savait que sa fuite était déjà synonyme de trahison et connaissant les démarches de sa guilde, sa supérieure n'aurait aucun scrupule à la traquer, puis l'éliminer. Malheureusement, ce ne serait pas sa nature draconique qui la protégerait de ces scélérats. Malgré de bonnes aptitudes au combat, elle ne pouvait pas se dragomorphoser et ne ferait donc pas le poids face à une trentaine d'hommes comprenant des mages puissants au sein de leurs rangs.

Désormais, seul Kyeran pourrait se permettre de les défier.

Hayato sortit de son état de stupeur et ne tarda pas à briser l'ambiance pesante.

— Il faut qu'on prévienne Karen et Bolkiah. On ne peut pas les laisser faire.

Il se tourna vers Lyria.

— Quand ont-ils prévu d'attaquer ?

— Le jour d'la fête des Illuminations, déglutit-elle, mal à l'aise, pendant l'discours électoral du maire.

— Ils vont devoir revoir leurs plans, car les festivités vont être annulées...

Lyria releva brusquement la tête, imitée par Hayden et Angélina.

— Quoi ? Comment ça, annulées ? s'exclamèrent-ils à l'unisson.

Kyeran croisa les bras et s'adossa contre le mur avec une expression impassible.

— Le maire a été obligé de céder aux pressions du gouvernement. Il n'a pas le choix que d'appliquer le couvre-feu à partir de demain et donc... la fête n'aura pas lieu.

Le visage d'Angélina se décomposa et elle se laissa choir sur sa chaise, le regard vide. Autant dire que cette nouvelle venait de fortement l'ébranler.

— Bon, et maintenant ? Que fait-on ? demanda Hayden.

Hayato se frotta le menton et considéra Kyeran.

— Théoriquement, ça nous laisse quatre jours pour agir, mais le problème, c'est que les Red Skulls changeront certainement de stratégie quand ils auront eu vent du communiqué de ce soir.

L'exterminateur approuva ses propos, mais à la grande surprise de la petite assemblée, l'homme-félin ne se démonta pas.

— Alors, il faut leur couper l'herbe sous le pied, suggéra-t-il. On trouve la cachette de ce monstre et on détruit l'artefact qui doit accueillir les clés.

Lyria cligna des paupières, mais fronça aussitôt les sourcils d'un air dissuasif face à son imprudence.

— Tu ferais mieux de rester en dehors de tout ça, lui conseilla-t-elle. C'est trop dangereux.

— Hors de question, protesta-t-il. Tu es mon amie et j'ai toujours été présent pour toi, alors ne cherche même pas à m'évincer de votre futur plan d'attaque. Cette histoire me concerne aussi à présent et je viendrai avec vous, que ça vous plaise ou non.

La Dragyanne fut impressionnée de voir à quel point cette situation avait rendu Hayden courageux et déterminé, lui qui, auparavant, était si réservé. Cela la remplit de fierté et lui donna l'envie de combattre elle aussi à ses côtés.

— Très bien. Personne dans cette pièce ne s'opposera à ta décision si c'est vraiment ce que tu souhaites, mais je doute fort que cela se passe aussi facilement que tu le suggères, répliqua Kyeran.

Tout le monde reporta son attention sur l'exterminateur. Lyria fut très curieuse de connaître sa position ainsi que son opinion sur le sujet et l'assurance qu'il dégageait ne manqua pas de la charmer. Détruire le porte-scellé qui maintenait le démon prisonnier pourrait-il seulement suffire ? Elle aussi en doutait. Cela serait trop simple.

Avant même qu'Hayden ne formule le moindre mot, il poursuivit :

— Si un tel procédé était vraiment sûr, crois-moi, les hauts dirigeants du continent l'auraient déjà fait pour s'assurer un maximum de sécurité et rendre ainsi les clés inopérantes en cas de vol. Malheureusement, si on détruit les serrures de la porte, on prend peut-être le risque de briser le sceau et je te laisse imaginer la suite.

Le Mérien baissa la tête.

— En effet, je n'avais pas pensé à ça...

— Hayato et moi allons réfléchir rapidement quant à la stratégie à suivre, continua Kyeran avant de s'intéresser à Lyria. En attendant, tu resteras ici sous ma surveillance.

La concernée sentit son cœur bondir dans sa poitrine lorsqu'elle croisa son regard. L'idée de partager le même toit que son compagnon dragyan était loin de lui déplaire. Pendant toute cette période à être restée recluse chez les Red Skulls, elle n'avait souhaité que deux choses : revoir son père et surtout, connaître plus intimement l'exterminateur. Cette seule pensée affola tous ses sens. Si son poitrail l'élançait encore à cause du sortilège de Séréna, son corps s'enflammait déjà de joie.

Cependant, Hayden s'interposa :

— Pourquoi, chez toi ? Ma famille et moi sommes tout à fait aptes à la protéger.

— Je n'en doute pas, mais vous serez en danger, observa Kyeran. Ce n'est qu'une question de temps avant que les Red Skulls débarquent à Dabéorn pour la traquer. Ils savent très certainement qui tu es pour elle et ils chercheront chez toi s'ils ne la trouvent pas à la forge. Tu as beau être traqueur, tu ne pourras pas faire face à des mercenaires surentraînés.

L'homme-félin baissa brièvement les épaules avec un soupir, mais cela n'ébrécha pas pour autant son assurance.

— Et toi, alors ? Que vas-tu faire contre eux s'ils te tombent dessus ? Tu es un dragon, certes, mais tu n'es pas invincible.

— Ne t'inquiète pas pour moi, je sais me défendre et ma sœur dressera un champ de force tout autour de notre foyer.

Angélina acquiesça et se redressa fièrement en tapotant sa robe.

— Personne ne pourra pénétrer ici sans mon autorisation, ça, je te le garantis.

Finalement convaincu, Hayden hocha la tête et avant de se diriger vers la porte, il se tourna vers Lyria.

— Dans ce cas, je vais aller chercher tes affaires, je reviens dès que possible.

— Je t'accompagne, lui proposa Kyeran, on ne sait jamais.

Les deux hommes quittèrent la pièce, laissant Lyria seule avec Hayato et Angélina ainsi que ses craintes. Qu'allait-il se passer dans les prochains jours ? Elle détestait se retrouver en position de faiblesse. Jouer les princesses en détresse ne faisait pas partie de ses principes, mais elle allait devoir prendre sur elle.

Vois l'bon côté des choses, Ly, ce n'sera jamais pire que chez les Red Skulls. Au moins, ici, tu es en sécurité.

En effet, chez les Estieral, elle aurait enfin la chance d'évoluer parmi des gens normaux avec un minimum de savoir-vivre. Néanmoins, elle ne put empêcher une soudaine angoisse de la saisir lorsque l'image de son père se rappela à sa mémoire. D'un bond, elle sauta du lit, mais à peine se tint-elle sur ses pieds que la pièce tourna autour d'elle et la nausée l'envahit.

— Où comptes-tu aller ? s'affola Hayato.

— J'veux voir mon père, exigea-t-elle d'un ton ferme, tout d'suite ! J'dois l'voir, il est peut-être lui aussi en danger !

Elle se pencha pour ramasser ses bottes, mais elle vacilla. Le Vulpian réagit le premier et la rattrapa par le bras au moment où elle allait basculer.

Cette fois, son ton se fit plus autoritaire.

— Je comprends ton inquiétude ainsi que ton impatience, mais le sceau d'asservissement t'a beaucoup affaiblie. Pour l'instant, tu dois te reposer. Si tu veux, je t'emmènerai le voir demain matin après une bonne nuit de sommeil. En attendant, j'irais à la clinique pour m'assurer qu'il ne risque rien.

— Mais...

Elle voulut protester, mais le décor de la chambre se troubla. Les voix d'Hayato et d'Angélina devinrent lointaines, puis l'obscurité la saisit.

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