Réunion 4/4
Les murs de la maison avaient disparu, seuls subsistaient les ténèbres d'un vide infini où s'entremelaient des lignes sinueuses et argentées : les chemins du temps. Ils étaient multiples, flottaient en majorité éparses dans l'obscurité, mais par endroits, ils convergeaient jusqu'à former un duvet cotonneux et scintillant.
Nul paroles n'était nécessaire, les pensées suffisaient, mais si elles pouvaient être individuelles, la plupart du temps elles étaient le résultat de plusieurs esprits qui s'enchevêtraient, parfois même elles se faisaient globale.
— L'enfant n'est pas mort, les cours du temps qui le présentaient comme tel ont tous disparu, tout à changé.
— Leur multitude a diminué, le temps reprend son cours.
— Elle a diminué mais restera multiple, quelque chose l'a divisé jusqu'à la fin de ce cycle.
— Quel chemin prendre ?
— Là ! La majorité converge.
— La majorité converge, mais le faux convergeait déjà à notre dernière rencontre.
— Nous avions affaire à une puissante illusion, l'enfant s'est effacé de la matra, il est réapparu, il n'agit plus.
— Autre chose la trouble.
— Autre chose la trouble, mais elle n'agit pas.
— Il nous faut trouver la deuxième convergences et explorer tous les sentiers qui la relie à la première.
— Il nous faut connaître les interactions entre les deux causes/conséquences.
— Là !
— Nous avons failli la manquer à cette distance, elles sont si rapprochées.
— Deux à cinq années humaines les séparent.
Les patriarches s'approchèrent, tout se faisait de manière instantané car ils se trouvaient là où n'existe ni le temps, ni l'espace. La finesse des sentiers lumineux n'était qu'apparence liée à l'éloignement. De prêt, ils se présentaient sous la forme de terribles maelströms dont les ouvertures béantes plongeaient vers une lumière éblouissante où dansaient de minuscules tâches noires agglomérées en spirales tournoyantes.
— Les possibles ont diminué, mais ils sont encore nombreux.
— Il nous faut tous les visiter, leur somme totale correspond à sept cent un ans.
— La masse d'informations est trop importante, le détail ne sera cherché que dans les causes/conséquences, les indices ne pourront être effleurés que dans leur globalité.
Les occultistes s'enveloppèrent du non temps qui les entouraient afin de prémunir leurs esprits des siècles qu'ils allaient parcourir. Il faisaient là une chose contre nature et l'effort nécessaire n'en fut que plus intense.
— Convergence première : Sardan atteindra l'ammortalité et il mourra... Sardan a atteint l'ammortalité et il mourra... Sardan a atteint l'ammortalité et il est mort.
— Ça a déjà eu lieu.
— Sardan avait atteint l'ammortalité et il mourrut.
— Cette cause/conséquences s'est imprimée dans les cycles suivants.
— La piste est la bonne.
— Comment est-ce possible ? l'ammortalité était l'apanage des hommes-dieux.
— Il s'agissait d'un tour de passe-passe, l'ammortalité n'était pas totale, il lui fallait renaître après chaque vie d'homme.
— Les empreintes sont très claires, l'enfant et celui qui marche dans son ombre ont tué l'empereur. Ils ne reviendront pas en Dacéana.
— L'enfant aurait dû mourir !
— Sottises, l'enfant suit sa destinée !
— Sa naissance a multiplié les chemins du temps.
— Sottises encore, Näaria est l'origine !
— Convergence seconde : le chaos sur le monde, l'homme réduit en esclavage, l'homme à nouveau gibier, la civilisation terrassée, le règne du chaos.
— Cela est resté inchangé.
— Une cause claire se détache-t-elle ?
— Non, la force est inexpugnable c'est tout.
— Qui ?
— Vos impressions ?
— L'enfant et celui qui marche dans son ombre font route vers le Thésan, ils sont une cause aux probabilités conséquentes.
— La profusion n'indique rien, une seule voie est tout de même une probabilité que les choses se produisent, le moindre détail peut tout changer
— L'enfant n'a pas été formé jusqu'à maturité et celui qui marche dans son ombre n'a pas reçu les instructions de son rôle de catalyseur.
"Asexué"
— Laissons ça de côté pour le moment, continuons.
— À par l'enfant... Les royaumes de l'ouest du Thésan. Le ressentiment peut entraîner la guerre, la haine peut entraîner l'extermination.
— Les forces concernées sont bien trop submersives pour qu'il s'agisse d'humains ordinaires.
"Mortifié"
— Laissons ça encore de côté, la vision n'est pas complète.
— Le nord se gonfle de colère.
— La colère est dans la nature des Boréens.
— Quelque chose l'a exacerbée, elle veut se déverser.
— Frigg ? Vénéris ?
— Leurs présences n'apparaît pas.
— Soyons vigilants ! L'enfant à pu cacher son empreinte matrique, peut-être le peuvent-ils aussi dans un cycle indéterminé.
— Vénéris le pourrait, Frigg non.
— Les Boréens ne peuvent y arriver seuls.
— Ils le peuvent. Sargonne est en guerre, le Thésan s'affaiblit.
— Ou se renforce !
— La maison des Gargandra ?
— Ils règnent sur des humains ordinaires.
— Soit ! Mais les armées de Caribéris ont pris la direction de l'est, au bout de leur route se trouve la porte d'Ifrinn.
— Il est issu de la lignée pervertie par le roi fourbe.
— L'anubie !
— La porte d'Ifrinn pourrait s'ouvrir, certains chemins ne la font plus paraître aussi irrémédiablement close.
— Certains animaux pourraient avoir récupéré leurs capacités des anciens temps, les indésirables commencent à sortir de la clandestinité. L'un d'entre eux à frappé dans le Grandval.
"Apostat"
— La vision est parachevée.
— L'asexué, le mortifié et l'Apostat.
— Ils sont, seront les trois Séides pour ce cycle. Ils étaient, sont, seront les trois Séides pour les cycles suivants.
— Étaient ? Leur réalité se stabilise dans les cycles.
— Xamarcas ! Leur matérialité nous mène vers Xamarcas.
— Impossible ! Le sceau ne peut être rompu, ces empreintes sont incompréhensibles en l'état actuel de nos connaissances.
— Ils serviront bien quelqu'un !
— Endéval !
— Les parfaits êtres ont renoncé au monde à la disparition de Karistoplatès. L'Omne n'a jamais plus entendu parler d'eux.
— Les grondements d'un pays sont dangereux, davantage le sont ses silences.
— L'enfant est-il le problème ou la solution.
— Il est encore les deux à la fois.
— Nos agissements peuvent décider de la voie que prendra sa destinée.
— L'archipel des Élémauses est la seule réponse viable au chaos.
— Non, la puissance est trop grande, l'archipel sera balayé, l'enfant doit vivre pour pouvoir faire pencher la balance. Fin !
La vision disparut, il ne restait plus que les murs de la pièce où les mamechs s'étaient enfermés. Écroulés sur le sol, les corps des cinq occultistes étaient pris de spasmes et de vomissements, ils devaient lutter contre le sentiment d'étouffement que procuraient un monde restreint après qu'ils eurent côtoyé l'infini.
— Sahska ! Lâcha Bogatyr Volga.
Même en construction mentale, le plus grand des patriarche peinait à recouvrer son souffle.
— Pars immédiatement pour le Thésan, l'enfant ne doit plus avoir la possibilité du libre arbitre. Nous autres partirons pour avertir en personne les rois des grands royaume. Nous leur indiquerons qu'ils doivent se préparer et allier leurs forces.
— Envoyons des messagers, s'opposa Maul tout aussi oppressé par les murs, le chaos est inévitable, il doit passer sur ce monde.
— Le péril est trop grand, notre simple présence donnera à l'avertissement le sérieux qu'un simple messager ne peut effleurer.
Un sentiment de mépris envahi le champ des pensées. Il provenait de Face-de-Cuivre.
— L'humanité autoproclamée "éclairée" n'agira pas dans le bon sens de tout de façon. Sa cupidité la rend incapable de compréhension, ce n'est que dans une grande tourmente qu'elle est susceptible de concessions.
— Alors tourmentons la ! réagit instantanément Shaska. Des mots trop directs amoindriraient le message. La nature humaine est sensible au mystère, présentons lui le problème sous la forme d'une prophétie. Elle devra être sombre et inquiétante, intelligible, mais sans livrer de message clair. L'homme est intrinsèquement porté à noircir plus que de raison la nature de ce qu'il ne comprend pas, son imagination fera le reste.
Les pensées du souverain kulcanèque orientèrent celles des autres vers Ostabana. C'est à lui que ces mots faisaient allusion. Il avait fait passer Ashira Lagos sous contrôle patriarchal en usant des superstitions de son peuple et en insinuant des récits annonciateurs au sein des croyances locales. D'entre tous, il était le plus doué à cet exercice.
Les échanges mentaux s'apaisèrent pour laisser au patriarche Lagashirate le temps de la réflexion. Sa pensée se stabilisa promptement, mais avant de la partager, il prit le temps de se redresser pour montrer à tous qu'il avait déjà digéré les effets du retour à la réalité.
— Je vais ancrer mes pensées à vos esprits. Face aux rois du Thésan, nos mots doivent être parfaitement identiques pour imprimer en eux une appréhension indélébile. Je cite :
Peuple médiocre maudit par chaque ronde argentée,
À l'adversité oppose vaine défiance.
Outrage fait à sa destinée.
Au jour où, la claire présence à la sombre s'unit,
Des dogmes annonce la fin.
Effrois !
Au-dessus des terres, déploie ses ailes, l'oiseau de nuit à l'ombre infinie.
Destruction, asservissement.
Se trace la voie des royaumes engloutis à laquelle division ne peut nuire.
Comme une objection à mille millénaires de ténèbres,
Derrière la souveraine aberration les certitudes s'effacent.
Shaka sourit. Les affres de l'incertitude se trouvaient toujours face à eux, mais le chemin était tracé et il en conçu une forme de soulagement. La passivité n'était plus de mise. Il allait se rendre sur le Thésan, il allait retrouver l'enfant, mais la première chose dont il devait s'acquitter était la promesse faite à Orphith. Il fallait lui annoncer que Chunsène ne revenait pas en Dacéna, qu'elle n'y reviendrait jamais plus.
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