L'arène de Sydruk 3/4

Dans l'escalier à demi éclairé par les rayons du soleil, montait une masse lourde et sombre. Un pied s'avança vers la lumière, il était chaussé d'une pesante botte de métal. La jambe épaisse propulsa vers le jour une carcasse imposante et grossière comme esquissée dans un rocher. L'Anubien sorti tout entier, armé d'une massue aux proportions effroyables. Vêtu d'un simple pantalon rouge et de genouillères en acier, son torse nu était une montagne de muscles se mouvant sous une hideuses peau verdâtre. Sa physionomie brutale était accentuée par des arcades sourcilière proéminentes, des oreilles pointues, une mâchoire bien carrée projetée vers l'avant et de laquelle sortait une rangée de dents jaunâtres et pointues. Il n'avait pas de nez, juste deux énormes trous au contours boursouflés que surmontaient de grands yeux ronds qui, déformés par un formidable strabisme, donnaient l'impression qu'à son inquiétante bestialité s'ajoutait la dangerosité d'un esprit attardé.

— Coprolithe ! Qu'est ce que c'est que ça s'exclama Ménéryl.

Brankas ne prononça pas un mot, il affichait toujours une sérénité dans faille, mais n'arrivait pas à détacher ses yeux de la créature. La stupéfaction l'avait rendu muet.

— S'en est un ! lacha calmement Izba malgré le trouble qui obscurcissait son visage.

— Un quoi ? demanda le jeune homme.

— Il est de cette race qui a ravagé mon île. Il ressemble aux dessins des anciens, il n'y a pas de doute. J'ai toujours cru que c'était très exagéré, mais il est aussi abominable que dans leurs descriptions.

— Maéréo l'Ogrénas, chuchota Ménéryl en se tournant à nouveau vers l'arène.

Haut de sept pieds, l'anubien semblait pratiquement d'égal largeur, il avançait lentement vers les esclaves trop hagardes pour être affolées. Ses jambes étaient extrêment arquées comme tordues par l'impressionnante densité de ce corps. À chacun de ses pas, sa démarche chaloupé faisait remuer une série d'ossements qui ornaient sa ceinture. Le monstre s'approcha d'une première humaine, la différence de gabarits était était totale. L'ombre du colosse l'enveloppa, pourtant elle ne cherchait pas à fuir, sa conscience l'avait quittée. La femme s'agenouilla et se contenta de caresser son ventre avec un sourire béat. Maéréo la regarda un instant inexpressif. Sans même faire prendre d'élan à sa massue, il balaya la malheureuse et poussa un hurlement brutal. Il y avait juste mit la force nécessaire au spectacle, rien au delà de ce que pouvait inspirer un combat sans enjeux. Le corps désarticulé fut projeter dans l'air laissant derriere lui une traînée vermeille qui retomba sur sol comme des milliers de rubis étincelants. La course du cadavre avait formé une magnifique parabole jusqu'au muret d'une tribune sur lequel il s'écrasa avec un bruit abominable. Les personnes qui y étaient assises se précipitèrent vers l'avant. Il y eu un mouvement de foule pour voir les restes en contrebas. Des applaudissements et des cris admiratifs retentirent dans l'assistance.

— Qu'est ce qu'il applaudissent, c'est un massacre, pas un combat, dit tout haut Izba.

— Oh ! fougueux Dacéanien, à l'esprit forgé par le code des combattants et leur honneur. Vous ne regardez pas le spectacle avec le bon point de vu. On ne peut être qu'eblouit par la solide charpente de cet individu. Ho certes, il ne met dans son office qu'un entrain mesuré mais qu'elle vigueur ! Et puis admirez l'esthétisme de cette anéantissement : une course extraordinaire, des humeurs pulvérisées sur la moitié du terrain en un magnifique panache sanguinolant et une explosion finale particulièrement spectaculaire. Un divertissement simple pour des esprits simples. À ces latitudes on ne s'encombre pas de vos principes. Ces femmes ne sont rien de moins que des outils, le moindre objet, fût-ce une simple cuillère à plus de valeur aux yeux de ces gens. Leurs vies n'est justifiée que par leur capacité à travailler alors une fois devenues inutiles on trouve un moyen de les utiliser à autre chose. L'héroïsme, ici, est une notion qui n'existe pas ou alors juste pour qualifier le souverain et les dieux. Il y a l'Éblouissant et le reste ne sont que des cloportes, des misérables, des loqueteux. Les plus aisés, les élites, l'aristocratie ont beau se parer d'or, ils ne sont que des rampants face à l'aura écrasante d'un empereur-dieu.

Tout en écoutant Ménéryl regardait de côté de la tribune de Sardan. L'empereur regardait le spectacle une coupe en or à la main et une jeune femme d'une grande beautée se présenta devant lui. Sans même la regarder il fit un signe de la main, elle s'agenouilla et disparu derrière le parapet. Par intermittence, le haut de sa tête réappaissait au dessus du muret au rythme d'un va et vient soutenu. Un jeune éphèbe approcha à son tour et après s'être badigeonné les mains d'huile commença à masser les épaules et le torse du souverain.

Au milieu de l'arène, trois nouvelles dépouilles jonchaient le sol, certaines éparpillées en morceaux. L'Orcnéas attrapa une esclave par le cou, la souleva comme un pantin jusqu'à sa gueule grande ouverte. Les puissantes mâchoires se refermèrent sur son crâne et arracherent la peau la chair et les os. Le visage n'était plus qu'un trou béant duquel s'écoulait une moitié de cervelle lorsqu'il jeta le corp inerte. Tout en mâchant il s'approcha de la dernière femme encore debout. Il abattit sa massue sur les jambes de la malheureuse qui furent broyées. Elle n'avait même pas lâché un cri de douleur et regardait encore sereinement le ciel quand Dalrok envoya un violent coup de talon qui fit éclater sa tête. Dans les gradin se déchaînait une véritable fureur. Les femmes comme les hommes étaient pris d'une frénésie proche de la démence, la vu du sang les avait plonger dans un état second comme une meute de prédateurs affamés. L'Anubien repartait calmement vers sa trappe, sans jubilation ni honte, simplement l'indifférence d'un devoir accompli sans passion. Relevant un instant la tête, il croisa le regard de Ménéryl qui le dévisageait et s'arrêta soudain. Le jeune homme cru lire sur ses traits une stupeur au moins aussi grande que la sienne. Le colosse à la démarche irrépressible avait été comme violemment stoppé par une force terrible et pour la première fois, il affichait une expression. Il se ressaisi et renifla bruyamment l'air comme à la recherche d'un indice olfactif. Il s'arrêta. Paraissant avoir flairé ce qu'il cherchait, il pris une série de petites inspirations comme pour affiner. Son regard oblique retomba sur Ménéryl. Au bout d'un instant, il le salua respectueusement de la tête, puis s'en fut. Alors qu'il s'enfonçait dans l'escalier, le jeune homme vit les imposante épaules du monstre prises de soubresauts. Il riait.

— Tu le connais ? demanda Izba à qui la scène n'avait pas échappé.

— Je n'ai jamais croisé de ma vie un tel monstre, répondit machinalement Ménéryl. Cette certitude le troublait néanmoins. Pourquoi cette bêtes avait-elle réagi de la sorte ? Pourquoi cette sensation fugace qu'un instant, leurs âmes étaient à l'unisson ? Pas de doute, il l'avait bien ressenti, il existait entre eux une sorte d'association qu'il ignorait, mais que Maéréo comprenait.

— Les amis, ça va être à nous, lança Brankas en se levant, je dois m'avancer dans l'arène accompagné de mes gardes du corps.

— Nous ne sommes donc plus des compagnons mais des garde du corps ? souligna ironiquement Ménéryl.

— Ba ! maintenant que nous sommes là... se résigna Izba.

— Ah ! mais vous ne serez des gardes du corps qu'à leurs yeux, si j'arrive tout seul comment voulez vous qu'ils me prennent avec le nécessaire de sérieux ? Vos grands cœurs peuvent s'appaiser, ce tournoi je vais bien entendu le gagner. Et avec brio, car à ce jeu là, jamais mes doigts ne m'ont jamais fait défaut. Je m'en vais de ce pas leur faire passer un pénible moment par un être rompu à l'art d'atteindre sa cible promptement. Un maître uni à son arc et son carquois, l'excellence de la précision et de la maîtrise de soi. Ces Sargadiens vivent depuis trop longtemps entre eux, il pense être des champions, des virtuoses et avoir des compétences qui tendent au merveilleux. Croyez moi compagnons ils sont médiocres au mieux ! et à ces misérables, j'envisage depuis bien longtemps d'ouvrir les yeux. Après avoir triomphé de cette journée, les plus hauts poste me seront proposés et je ne ferai pas avarice de cette nouvelle idylle, vous serez bien entendu toujours les bienvenue sur cette île.

Il exécuta un salut plein affété et s'avança dans l'arène rejoindre les autres compétiteurs.

Après l'avoir accompagné à mi distance, Ménéryl et Izba se dirigèrent vers les autres porte-glaive qui restaient debout à l'écart. Leur présence était bien moin justifiée par un souci de protection, que par le besoin d'étaler une prétendue puissance. Malgré tout, certains avaient des visages marqués par une vie dure et s'accorder leur protection ne devait pas être bon marché.

— Plus ça va, et plus je me dit qu'on aurait pas dû le suivre ici, avoua le nohyxois.

— C'est vrai, son assurance me paraît démesurée et regarde la tête des autres, je crois bien qu'il est le seul à ne pas venir de Sargad.

— Oui, j'avais remarqué ça aussi, répondit Izba sans même jeter un œil, je commence à me demander si ce tournoi était ouvert aux étrangers.

Ménéryl poussa un long soupir, exaspéré par sa propre sottise :

— Est-ce que l'île d'Arigléna existe au moins ?

— J'en sais rien, je ne connais pas toutes les îles il y en a trop.

Le jeune homme posa la main sur le pommeau de son glaive et le regarda désabusé.

— Toi au moins tu as reçu un armement digne de ce nom.

— Ils ont bien essayé de te fournir un scramasaxe.

— Je ne me sens pas à l'aise avec une lame trop courte, mieux valait encore cette vieille lame émoussée. Mais bon ! rien ne sert de s'affoler, nous n'avons rien fait de mal.

— Ils viennent de livrer six femmes à un monstre parce qu'elles étaient enceinte, j'ai bien peur qu'ils aient pas la même définition de "mal" que nous.

Ménéryl acquiesça de la tête et resta silencieux.

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