Échappée nocturne 2/2


Une fois de plus, Ménéryl fut submergé par une sensation qu'il ne comprenait pas. Ce "bien sûr" ne valait pas beaucoup mieux que celui servi par le Nohyxois quelques instants plus tôt. Il était évident que son amie était dans un état second. Son esprit handicapait son corps, elle ne cherchait plus à survivre. Elle avait donné la mort pour sauver Izba, mais, pour une raison qui lui échappait, il semblait qu'elle interprétait ce geste comme une faute qu'il lui fallait expier. Pourquoi affirmer des choses si vraisemblablement fausses ? Le lien entre ses compagnons les poussait-il à se tromper ? Quel en était l'objectif ? Préserver l'autre ? Était-ce ce même but ou bien la naïveté qui les incitait à se croire ? Mais l'heure n'était pas au questionnement. Pour le moment, c'était aux réactions de Chunsène qu'il devait faire attention. Peut-être n'en était-elle même pas consciente, mais il le sentait bien, la jeune femme souhaitait que passe sur elle le courroux de leurs adversaires pour que vienne la rédemption. Cela la rendait imprévisible, peu fiable et il devait marcher jusqu'au port avec un vieillard sur le dos.

— Ooooh douce enfant, comment avez-vous fait pour vous entourer de tels Butors !

Brankas avait fait demi-tour et se dirigeait vers la soigneuse en pestant.

— À voir votre courage et votre sens du sacrifice, ces deux individus en ont oublié que vous pratiquez l'émotion et la bonté avec un raffinement qui leur est étranger. Venez doucerette, fleur délicate et tendre, cette nuit a été riche en émotions que la décence aurait dû vous épargner. Vous êtes accablée par ces vilaines visions, le temps leur fera leur affaire, mais en attendant, vous avez besoin d'une épaule pour vous soutenir ! La mienne est à votre service.

Il entoura la jeune femme de son bras, elle ne dit rien et se laissa guider pensive. Ménéryl resta un instant stupéfait. Brankas avait-il sentit ses questionnements ? En tout cas, il avait agit à la perfection au moment opportun. Le jeune homme admirait ses manières et son aisance. Il était tout ce que lui est Izba n'était pas et savait avec de simples mots faire retomber la tension. À la réflexion, cet homme ne leur avait pas attiré d'ennuis. Au contraire. Les villageois avaient informé Sardan de leur présence et les choses auraient été beaucoup plus complexes s'ils avaient été arrêtés chez Kéleuce avec Chunsène. À n'en pas douter, ce nouvel allié apporterait bien plus que son arc à leur groupe.

Leur progression fut lente, mais ils atteignirent le port sans encombre. À l'approche de l'Onde Furie, ils entendirent s'élever la voix d'Adybiade :

— Branle-bas les gars ! les v'la.

Ménéryl sourit. Cette voix rocailleuse et familière faisait plaisir à entendre. Il se surprit à en éprouver une certaine forme de tendresse.

— Daaaar ! Faut pas lambiner les marmots, lança-t-il à leur adresse, qu'on quitte rapidement st'île de foies jaunes.

Les quatre compagnons montèrent sur le pont. Izba les attendait. Avant même de les accueillir Adybiade lança à tout l'équipage :

— Larguez les amarres, on prend l'large et qu'ça saute tas d'bernacles galleux !

L'Onde Furie s'écarta du débarcadère à peine les ordres prononcés, les voiles se baissèrent et le navire prit la direction de l'océan. Abydiabe se tourna vers le groupe, Izba les rejoint.

— Yaar, bin alors les jeunes, keski s'est passé ? j'commençais à croire qu'y vous était arrivé du vilain.

Sans qu'ils n'eurent le temps de répondre, le vieux marin continua :

— Chiabrena ! Mais c'est qu'vous m'avez ramnés deux nouvelles caboches, mais qu'est s'qui vous est arrivé chez les sauvages ? C'est pas des sauvages au moins ?

Une fois de plus il ne leur laissa pas le temps d'articuler la moindre réponse.

— Yaaaarg ! On va s'installer, vous allez m'raconter tout ça on à un peu d'temps jusqu'à Dias Perrec.

— Capitaine Adybiade ! intervint Chunsène avec une fermeté dont elle ne semblait plus capable.

Le marin se tourna vers la jeune femme. Il s'était pris d'affection pour elle et afficha instantanément un sourire paternel qui ne l'avait pas quitter à l'aller.

— Cette homme que vous voyez et qui est bien mal en point, c'est Kéleuce.

Pour la première fois depuis qu'il le connaissait, Ménéryl vit le vieux capitaine rester sans voix. Ses traits semblèrent rajeunir et son visage se figea dans une expression d'émerveillement enfantin.

— Le sage de Tocynthe, bredouilla-t-il... C'est un honneur.

— Je devine au ton de votre voix que vous devez venir de Systagène, s'amusa Kéleuce un peu gêné, vous savez, on a dit beaucoup de...

— Pardonne moi mon oncle, le coupa Chunsène, nous prendrons le temps de discuter après.

Puis elle se tourna vers le marin et ajouta :

— Capitaine, je sais que ce n'était pas prévu mais je ne pense pas vous surprendre en vous annonçant que Kéleuce est mourant. Son dernier souhait est de voir une dernière fois la terre de ses origines. Je veux que nous mettions les cap sur la Systagène, nous devons nous rendre à Argène.

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