Détention 2/8
— Commandant, hurla t-il. Xamarcas... Endeval... les armes de l'homme bleu portent leurs sceaux.
Le gradé devint livide.
— Qu'est-ce... Qu'est-ce que...
Sa lance en protection, il se retourna subitement vers les prisonniers et ordonna :
— La cellule... Ils entrent dans la cellule !
Puis il hésita, comme torturé par un dilemme terrible.
— Enfin... Entrez... Entrez dans votre cellules... Ils doivent savoir.. Enfin... Heu... Sachez que le commandant respecte uniquement les ordres, il va très vite prévenir l'Éblouissant... Il doit y avoir une erreur.
— On peu ramasser nos affaires ? demanda le Nohyxois hésitant.
Le gradé resta un instant à le regarder comme s'il n'avait pas compris la question, puis il se mit à bredouiller piteusement :
— Heu... Oui... Bien sûr... Mais entrez... le commandant vous le demande humblement, entrez.
Les trois compagnons obéirent. Un garde approcha de la grille avec précaution et la ferma à double tour. La troupe fit marche arrière sans jamais leur tourner le dos et une fois la porte du couloir refermée, ils s'en furent au pas de course.
Le silence s'était à nouveau abattu et les trois compagnons commencèrent à enfiler leurs vêtements. Tout en s'habillant, Brankas poussa un long sifflement.
— Et bien, des armes forgées sur les îles divines, mais que faites vous avec de tels objets en votre possession ?
— Espèce de corniaud dégénéré ! répondit froidement Izba, explique moi pour quelle raison je ne devrais pas te tuer et soit convaincant.
Le visage de l'archer se ternit de regrets et ses yeux reflétaient une culpabilité sincères.
— Désolé les gars, je ne comprends pas comment ça a pu dégénérer à ce point, ça aurait pas dû se passer comme ça.
Ménéryl entendit le Nohyxois pester contre les réponses gênées d'un Brankas affligé, mais il ne distinguait plus les phrases et les mots. Il scrutait le sol occupé par la nuée de rongeurs qui tapissait sa cellule. Certains d'entre eux le fixaient comme s'ils jugeaient du temps nécessaire à ce que ces nouveaux venus se transforment en repas. Leur masse grouillait sur les résidus osseux de l'ancien occupant des lieux. Leur goinfrerie avait été telle, que les nuées de mouches communes à toute charogne n'avait même pas eu le temps de s'inviter. Le jeune homme dû user de son pieds pour que daignent s'écarter ces petits êtres arrogants. Il fini par trouver l'objet de sa convoitise : un petit morceau de brique cassé et pointu. Il se pencha pour le ramasser et se dirigea vers une paroie de la cellule. Les échanges de ses deux compagnons ne lui parvenaient plus, autour de lui, les ténèbres s'epaississaient. Il traça sur le mur un petit bâtonnet pour matérialiser leur premier jour d'emprisonnement et reposa le gravillon avec précaution. À nouveau il était dans sa caverne, il pouvait entendre le bruit du vent qui s'engouffrait dans les galeries et la lente remonté des bulles de magma. Il resta là, le regard happé par le minuscule sillon creusé dans cette brique. De combien d'histoire avait elle été témoin avant que les hasards de la vie ne le mène à la balafrer ? Comme possédé, il commença à murmurer :
— Il était fait de gaillardise d'audace et de courage ; un reptile immense et hardi dévoreur de royaumes.
Soudain la lave s'agita et une formidable détonation le fit sursauter. Il se mit à rire à gorge déployée. Quel idiot ! Il s'était tiré d'un enfer sans issus et le voilà qui s'inquietait pour une simple porte à passer ? Pathétique !
Il se tourna vers ses compagnons. Lentement les détails de la réalité lui revenait. Brankas et Izba s'étaient tus et le fixaient déconcertés.
Le jeune homme s'avança vers le Nohyxois et lui posa une main sur l'épaule :
— Retiens ton courroux, dit-il, si nous voulons sortir d'ici mieux vaut être trois.
Le guerrier à la peau bleue le regardait avec inquiétude et il articula avec hésitation :
— L'honnêteté m'oblige à te dire que tu n'as pas l'air dans ton état normal.
— Tout va bien, affirma Ménéryl. Puis se tournant vers Brankas, il essaya de le sonder. Le regard étrange de l'archer affichait toujours la même sérénité, mais ses doigts martelaient nerveusement le haut de sa cuisse et trahissait son inexpérience à la passivité.
— Vous comptez vous évader ? demanda-t-il incrédule.
Animé par une confiance absolue, Ménéryl lâcha un petit ricanements arrogant.
— Sardan tue des femmes parce qu'elle sont enceintes, tu veux attendre de voir ce qu'il réserve à un homme qui s'est incrusté à sa fête en ridiculisant son armée ? Mais d'abord tu es qui toi en vrai et pourquoi tu nous a mis dans ce merdier ?
L'homme à la peau noire baissa les yeux et se gratta la tête avec un air embarrassé.
— J'imagine que je vous dois bien quelques explications. Ce n'est pas une histoire très intéressante qui m'a amené là.
Ménéryl se dirigea calmement vers une des parois, il s'assit et s'y appuya :
— Je t'écoute, lança-t-il avec morgue, je n'ai rien de mieux à faire pour le moment.
Izba vint le rejoindre et s'installa à ses côtés. Brankas resta debout et sous le regard inquisiteur des deux jeunes guerriers commença son histoire :
— Je viens d'une île nommée Deaune. Elle est minuscule, la population est peu nombreuses et nous n'avons même pas de roi. Elle n'a pas de richesses pas plus qu'une histoire particulièrement notable. Les récoltes y sont bonnes, les chèvres les vaches et les volailles sont nombreuses et vivent en liberté. Nos besoins sont comblés sans gros efforts, c'est l'endroit rêvé pour qui aime le calme. Il n'y a pas vraiment de métier défini la bas, les hommes et les femmes sont à la fois, agriculteurs, artisans et militaires. Moi je me suis découvert un talent particulier pour le tire à arc. Je sais que ça ne s'est pas trop vu dans l'arène, mais je peux ficher une flèche dans le cou d'un corbeau à cinq cent pieds de distance, je n'y comprends rien.
— Ne recommence pas à mentir, grogna Izba la tête basse.
— Je ne ment pas ! Vous imaginez bien que je ne me serais pas mis volontairement dans un tel petrain. J'étais de loin le meilleur archer de Deaune, mais il n'y avait aucun avenir là bas pour un guerrier talentueux. La raison en était simple, nous n'étions jamais attaqués. Mon île n'est pas si loin d'Ur Naram et l'obsession qu'a Sardan de s'entourer de gens de talents nous est connue. Quant à la réputation de l'archerie sargadéenne, elle est ce qu'elle est. Tout me poussait donc à tenter le tout pour le tout, je ne voulais pas vivre en étant mort à l'intérieur. Je n'avais qu'une chose à régler, celle de ne pas me présenter comme un gueux. Voilà pourquoi je vous ai abordés, aucune personne importante ne se promène sans gardes du corps dans ces contrées. Vous n'étiez pas de l'île et vous sembliez érer sans but alors j'en ai profité. Je ne pensais pas vous mettre dans un tel merdier, au contraire, je croyais gagner et vous faire profiter des honneurs pour vous remercier.
— Je dois bien te reconnaître une formidable audace dit calmement Ménéryl, mais si je comprends bien, tu es une sorte de paysan qui tire à l'arc !
— Cette façon de présenter les choses ne me met pas vraiment à mon avantage, mais je mentirais en prétendant le contraire.
— As-tu déjà tué un homme ?
L'archer fit non de la tête.
— C'est également ton cas je crois, demanda Ménéryl à l'adresse de son ami.
— C'est également mon cas confirma Izba.
— Nous ne sommes donc pas très expérimentés dans l'art de donner la mort, vous pensez pouvoir tuer sans hésiter s'il le faut ?
— J'ai choisi d'emprunter la voie du guerrier, dit le Nohyxois, il faudra bien commencer un jour.
Brankas se contenter de hausser les épaules, mais son regard ne dévia pas.
— Oui je dirais la même chose.
— Bien ! Parceque si jamais un jour on nous fait sortir un jour de cette cellule, il faudra ne jamais y retourner. Quel que soient les moyens et sans jamais laisser de place au doute !
L'archer cligna des yeux et resta un instant interdit. Comme pour l'aider à formuler une remarque qui avait dû mal à passer, il se mit à faire les cent pas.
— Je ne voudrais pas paraître défaitiste, je suis plutôt courageux vous savez, mais je suis aussi un peu stratège. Je ne peux m'empêcher de constater que nous n'avons pas d'armes et qu'une armée entière nous fait face.
Ses mains étaient très mobiles et s'exprimaient autant que sa bouche, mais Ménéryl ne lui accorda aucune attention et interrogea son ami.
— Je ne sais pas si tu as eu la même sensation, mais j'ai l'impression que ces soldats ne sont pas vraiment une élite guerrière.
— Oui, je l'ai ressenti aussi, confirma le nohyxois. Je pense que les peuples autour de chez eux doivent encore se battre avec des bouts de bois. Les Sargadéens se reposent depuis trop longtemps sur la supériorité de leur armement. Leur musculature trahit une inconstance à l'entraînement. Mais Brankas à raison, ils sont nombreux !
— Et nous devons récupérer des armes, et nous devons récupérer Chunsène, énumera Méneryl pensif.
Il tendit la main vers un gros rat. L'animal vint lui renifler les doigts en quête d'un festin qu'il aurait été le premier à trouver. Le jeune homme le regardait faire. L'avidité du rongeur avait aiguisé son assurance, mais la prudence l'empêchait de croquer dans un aliment encore capable de se défendre. Avec un petit rictus sardonique Ménéryl affirma comme à lui-même :
— Nous avons à faire à une armée composée de moutons, il nous faudra être des loups pour sortir d'ici vivant.
— Par Macdiar ! il y a ce Maéréo, nuança Izba, peut-être a-t-il un rôle au sein de l'armée ? Et nous ne connaissons pas les pouvoirs de ce Sardan, est-il l'égal des hommes-dieux ?
— Peut-être oui, mais cela ne serait-il pas le genre d'adversaires qui mènent tout droit au Saoghail Bonis, suggéra Ménéryl provocateur.
Sous le regard médusé de Brankas, une lueur de tentation anima les yeux du Nohyxois et un sourire féroce se dessina sur son visage.
— Assurément ! murmura-t-il entre ses dents.
D'un geste vif, Ménéryl attrapa le rat qui était maintenant à sa portée. L'aimal n'eut le temps de pousser qu'un petit cri aigu avant de se faire tordre le cou. Le jeune homme lui arracha la peau avec ses dents et avant que ses compagnons dégouté ne puissent émettre une objection il ajouta :
— Nous devons conserver nos forces, ne comptez sur l'ennemi pour nous y aider !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top