Convergence thésanique 4/6
Ses petits yeux perçants se tournèrent vers les Ugres. Malgré la haine qui divisait leur deux peuples, le visage maigrelet du vieux comte s'illumina d'un sourire admiratif.
— De ce côtés là par contre, je peux vous dire qu'il y a du beau monde.
Il indiqua du doigt un petit homme vêtu d'une armure extrêmement sobre et qui discutait sans leur accorder d'attention. D'aspect rustique, il avait les jambes courtes et noueuses, les épaules démesurément larges ainsi qu'une grosse tête ronde et ingrate. Jamais le prince exinien n'avait vu chez un homme aussi fabuleuse laideur.
— Celui-ci vous devez le connaître de réputation, c'est Noriker de Maultier.
Ça n'était rien de le dire, Bernard connaissait très bien ce nom. Noriker de Maultier, milite d'Ugreterre, dit la bête de l'Othe. Un surnom acquis face aux Boréens qu'il fut le seul à mettre en difficulté lors de l'invasion des peuples du nord. Contrairement aux autres, il avait renoncé à faire partie de l'ost royale pour mener une tactique de harcèlement et de guérilla. Beaucoup pensaient encore aujourd'hui qu'il fût celui qui sauva Trimont en retardant l'avancée du siège jusqu'à leur départ précipité. L'homme n'avait d'ailleurs pas sourcillé en voyant les Noromiens.
— Pour votre information, reprit Louis, il possède quelques terres dans le pays d'Othe, baronnie du Seigneur Godfred, chef de la garde royale de Trimont. C'est un proche des Madalgreif, l'Othe obéit à la ville de Rimenbourg, fief d'origine de la nouvelle famille régnante. Sa garde rapprochée est composée de solides lieutenant qui lui vouent une fidélité sans faille. C'est un chien fou qui a pris mille risques pour les sauver face aux Boréens. Croyez-moi, il est celui qui a le moins de titres ici, mais il sera le plus écouté et le mieux obéit.
Les derniers mots du seigneur de Val-et-Mer peinèrent à sortir. Il porta son poing fermer vers sa bouche et se racla la gorgre. Avec l'âge sa voix s'enrouait de plus en plus régulièrement.
— Vous voyez celui qui discute avec Noriker ? reprit-il en saisissant à nouveau ses rênes.
L'attention de Bernard se porta sur l'individu que lui indiquait le vieux comte. Un homme grand et élancé mais également pourvu de solides épaules. Sa tête était très particulière, tout en long. Elle semblait s'étirer d'un menton extrêmement saillant et carré jusqu'a un haut front surmonté d'une tignasse coupée à l'écuelle. La symétrie était tellement déroutante que ses gros yeux globuleux paraissaient être le centre de son visage.
— Il s'agit d'Odoacre du Véhen, expliqua Louis. Il est issu d'une bien plus haute noblesse que celle de Noriker. Sa famille règne sur des terres inféodées à Trimont. C'est un proche des Klausdraken et il est ici pour les représenter. Ne vous y trompez pas, il a tissé un lien fort avec le milite, c'est deux là sont très copains. À la mort du Synarchéin, lorsque tout à dégénéré entre les deux camps restants, Odocare n'avait que dix-sept ans. Il a pourtant fait preuve d'un grand courage dans le chaos du massacre qui a suivi. La bête de l'Othe se trouvait là ce jour-là et il a été subjugué par le panache de ce petit jeunot.
Le vieil homme émit un petit rire, puis son regard se perdit dans le vague.
— Il faut dire que des hommes bien plus aguerris ont été paralysés par la trouille. Qui les blâmeraient ? Ce qui s'est déchainé ce jour-là était une horreur de boucherie, un déferlement abominable de puissance, les hommes tombaient comme des mouches.
Louis tourna les yeux vers le prince déchu, il affichait à nouveau une mine admirative.
— Et c'est deux là sont toujours là ! Ils ont été ensemble de toutes les batailles qui ont suivi et ils s'en sont toujours sortis. Vous voyez ! Votre frère nourrit comme une sorte de complexe face aux Ugres, c'est quelque chose qu'il a hérité de votre père. Moi je trouve qu'au contraire, nous devons être fiers de notre bonne vieille Exinie qui n'a pas laché un pouce de terrain face à des ennemis aussi terribles.
Bernard en convint d'un signe de la tête. Il leva la tête vers le sommet du donjon; les traits las, il poussa un soupir emplit d'aigreur.
— Une alliance avec l'Ugreterre ferait trembler Sargonne. Cette forteresse me paraîtrait plus vulnérable avec de pareils alliés. Mon père est à ce jour le meilleur allié des Gargandra.
— Tous ceux qui ont réussi ont un jour rêvé de réussite.Vous régnerez un jour, mon prince, soyez en sûr.
— Encore faudrait-il que des Ugres partagent mes idées. Ils sont peut-être tout aussi opiniâtres que mon père.
— Éh ! fit Louis en haussant le épaule, vous voyez le grand mince sur son cheval là-bas ? Celui qui a l'air si raffiné dans son armure d'apparat et qui nous observe depuis tout à l'heure en faisant mine de ne pas nous regarder. Je le sais parce que moi-même je l'observe depuis notre arrivée en faisant mine de ne pas le regarder.
— Je le vois, fit le prince exinien, mais si vous l'avez remarqué il a dû lui aussi vous remarquer.
— C'est même sûr ! pouffa le vieux comte, mais c'est là une étiquette dans les apparences, des subtilités que seules de frêles constitutions à l'esprit éclairé peuvent comprendre. Si il y en a bien un qui saura s'ouvrir à la discussion, c'est lui. Il s'agit d'Herbert de Turone, il représente les Tenctel, la troisième des grande famille ugre. Ils sont à la tête de la puissante ville de Turone et on bien plus de pouvoir que n'en avaient les Madalgreif avant leur accession au trône. Herbert est plus connu pour son habilité à la stratégie que pour ses exploits guerriers. Ça a rendu son esprit très malléable. Son coup le plus éclatant fut sans contexte le soutien qu'il apporta à Rodert lorsque Ludolphe fut destitué. Il fournit une aide inconditionnelle Madalgreif alors même qu'il était le plus vif partisan des Klausdraken lorsqu'ils régnaient encore. Il est puissant, il est écouté, et il peut faire sienne votre cause si elle va dans le sens de ses intérêts.
— Intéressant, marmonna Bernard pensif, c'est vrai que ça fait beaucoup de grands noms réunis au même endroit.
Le prince exinien se trouvait exactement où il fallait être. Voilà qui était cocasse, si son père avait voulu l'aider dans ses projets, il n'aurait pu mieux s'y prendre qu'en l'envoyant rejoindre l'ost. Mais il allait falloir se méfier, il n'y avait pas à y réfléchir deux fois, tout ce joli monde n'était pas nécessaire pour mater une rébellion grandvalaise. Cette convocation ressemblait fort à un prétexte, un moyen de tenir l'ouest sous contrôle. Cariberis s'était-il douté de quelque-chose ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top