𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
PROLOGUE
L'automne rougeâtre avait comme des accents de feu et d'ombres et d'un ciel brun et épais, — presque les éclaboussures d'une aquarelle sur un buvard, et roulait en grisures menaçantes au-dessus des croupes des collines.
Il y avait sur la Petite-Celtie l'ombre portée des nuages, le ruissellement du soir, qui frémissait le long des bocages et des champs. Car le paysage ondoyait, bruissait comme le flanc d'une grosse bête ; c'était ici que la campagne faisait un patchwork de brun et de roux ; puisque les ombres couraient en fomoires, dans les creux vallonnés, et dansaient. C'était vers la colonie de Levenn que portera le regard.
...Levenn avait été édifié au creux des champs (à flanc de calcaire) comme un épi sur la campagne, sous le roulis des nuages et les mosaïques versicolores, avec ses ombres en clocher et ses chaumes contre la pierre, — son paisible cataclysme de torchis et de mortiers crayeux et de colombages, dans la semi-ombre de la Petite-Celtie. C'était un sentier de pavés qui menait jusqu'au creux de la falaise, dans ce petit renfoncement qui fait comme un giron. On s'y tordait les chevilles en riant. Du coin de l'œil, voyez ce chat noir et blanc, qui saute souplement du muret abattu de ces refuges troglodytiques.
Il y avait au creux des collines comme une humidité, une fraîcheur bucolique qui engourdissait l'âme et rendait le cœur un peu plus léger. Levenn était muet : seul un portail dégondé, un gros portail de fonte aux boucles entrelacées, grinçait un peu, au loin, sur la gauche, en penchant comme des nœuds d'ombre sur le ciel grisâtre. Sinon,...le silence.
Le chat miaula, dans un courant d'air.
C'est alors qu'en tendant l'oreille, vous pourrez observer comme des rires — les stridulations étranges d'une cigale dans un orage de montagne. Ils viennent d'ici. Suivez ! Cette maison, cette grotte douillette, — cette vieille bicoque nouée dans la roche et dévorée par le lierre, ne me semble pas dangereuse. On y vit. Voyez ; une lumière ruisselle du premier étage. Ça fait comme un œil ou un phare dans le flanc de la petite falaise rose. La clarté d'automne — à moins que ce ne soit la lune — jette d'étranges ombres chaudes et argentées sur les poutres de la bâtisse. Poussons la porte du portail. Il sert à garder deux chèvres en-dedans. Qu'elle est étrangement ciselée ; il me semblerait des couleuvres. Dans la chair de la fonte noiraude, il y a comme des mâchoires.
Sur le petit chemin de pierres lisses, les pas frappent, battent les moellons rouges, et l'herbe trop sombre — entre chaque foulée — se plie sous la semelle, semble se rétracter, verdoie étrangement. Une volée de marches. La mousse, le lichen et de bizarres petites plantes grimpantes y ont assis leur empire. Attention aux fissures ; la pierre a cédé par endroits.
Puis un palier, une porte, toute noire et emmêlée sur une plaque de verre brossé. La poignée ressemble à une boucle de cheveux, ou une tête de lion.
Le soleil tombe. L'automne est rouge. Les champs chantonnent.
Levenn dort.
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