𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈 : 𝐮𝐧𝐞 𝐚𝐭𝐭𝐞𝐧𝐭𝐞
CHAPITRE II : une attente
Ce fut une nuit de pleine lune.
Une lumière argentée baignait la Petite-Celtie de reflets mercureux — parfois courait en ruisseaux dans le creux des vallons. Nichée à flanc de tertre, dans les ombres en aquarelle, il y avait la falaise de Levenn : très blanche dans le noir brillant de toute cette nuit. La pierre de craie donnait des accents clairs. Ça faisait une lueur d'encre qui reluisait un peu.
Sur toute sa longueur, les petites habitations troglodytiques perçaient son giron comme de doux pneumostomes ; noirauds et épais — on aurait cru des orbites. Il y avait des fleurs piquées sur la pierre, comme des balcons, et un petit portail en contrebas, où dormaient trois chevrettes. Sur le sol crayeux, un petit chemin de pierres. Ils faisaient une grande pénombre sur la pierre trop blanche.
L'un de ces nids, en particulier, attirera notre attention ; précisément à son embouchure, il y avait un petit runtcyrsbroc, qui ne dormait pas.
Celui-ci devait avoir vingt-huit ans, ce qui en âge runtcyrsbroc ne fait pas exactement vingt-huit ans humains, mais légèrement moins — il avait les traits tirés, s'était assis, les jambes pendues dans le vide, et s'appuyait sur un grand bâton. Il montait la garde. Observons-le ; à ces heures, nous n'avons de toutes façons pas grand-chose d'autre à faire.
Il était assez petit, même pour un runtcyrsbroc, avec une drôle de tignasse de cheveux oranges qui faisaient de grosses boucles lourdes. Au-travers, on devinait deux petites cornes de chevreuil, — ou du moins ce qui y ressemblait ; elles étaient courtes, ramifiées légèrement. Du reste, un visage jeune, quoiqu'un peu rond, — des grands yeux bruns presque d'ambre, dans lesquels jouait la lumière de la lune ; et des oreilles basses et longues, totalement glabres, à peu de choses près celles d'un lapereau ; qui se perdaient dans ses cheveux. Il portait de vieux vêtements d'un assemblage étrange, et par-dessus un habit de grosse laine qui évoquait ce qu'on appelle chez nous « poncho ». Ils étaient fréquents parmi ce peuple, tout bonnement parce qu'ils ne demandaient pas grand travail d'ajustement, et parce qu'ils tenaient chaud pendant les nuits fraîches.
Le petit runtcyrsbroc frissonna et s'emmitoufla dans cet étrange manteau en jetant un regard à la ronde. Ce qu'il faisait là ? Il gardait l'oothèque. C'était son travail. Son nom ? Peu importe. On l'avait formé à cela ; garder l'œil ouvert toute la nuit, s'assurer que rien n'arrivait aux œufs de la colonie. C'était faisable aux premières chaleurs de l'été ; mais l'hiver pouvait s'avérer pénible. Le jeune runtcyrsbroc souffla sur ses doigts, pour se réchauffer. Il devait être une heure du matin. Il sondait inlassablement l'horizon, toute l'âme tendue vers chaque soupir de vent.
Derrière lui les œufs avaient de doux reflets laiteux.
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