Partie 7 - Chapitre 2 : L'exil (4/4)
PREMIER JOUR D'ÉCOLE
Ma grand-mère avait préféré attendre quelques semaines avant de m'inscrire à l'école. Ce fut avec regret que je laissai la propriété familiale pour monter dans la voiture de Pedro qui devait me conduire à l'établissement. En retournant en plein centre-ville plusieurs semaines après mon arrivée je remarquai les vieilles voitures colorées des années quarante, cinquante et les immeubles coloniaux délabrés. Quant à la pauvreté de toute âge, elle s'exhibait omniprésente et elle allait allègrement dans les rues. Sans oublier l'odeur du cigare devenue familière avec Pedro. Enfin et bien évidemment encore et toujours, la salsa avec ses voix et ses rythmes entraînants.
Je me souvenais parfaitement des événements des semaines précédentes qui avaient causés mon exil. La peur de reproduire dans ma nouvelle école le même sacrilège me hantait toujours. Armé de mon bel uniforme blanc et bleu et des bisous d'Alegria, je descendis de la voiture le sac au dos et le pas déterminé à faire de meilleurs choix cette fois-ci ; ceux que les adultes attendaient de moi.
Sur le chemin de ma classe que me montra une responsable je pris soin de regarder mes pieds en tout temps afin d'éviter toute interaction dangereuse. Je m'assis sagement et tête baissée sur le siège désigné par l'institutrice. Les visages colorés de mes petits camarades et de la maîtresse me rassurèrent un peu. Mes cheveux bruns bouclés, ma peau légèrement basanée et mes yeux bleu vert ne faisaient pas tache sous leur soleil. Je pourrais facilement passer pour l'un des leurs. À mon grand regret elle commença la leçon en m'annonçant comme une présentatrice annonce un spectacle de divertissement :
« Bonjour les enfants, aujourd'hui on accueille parmi nous un tout nouvel élève du nom de Boris ... » elle hésita une fraction de seconde avant d'incliner furtivement sa vue sur le bout de papier dans ses mains pour continuer : « Lesniski ».
Elle se tourna vers moi avec une grimace pour me demander pardon d'avoir écorché mon nom.
« Boris, veux-tu te lever pour te présenter ? » dit-elle simplement.
Le cœur battant à la chamade, je me dressai de ma chaise pour me retourner vers la classe qui me dévisageait curieux et souriants. Je rebaissai immédiatement les yeux. Alegria et moi ne discutions pas beaucoup, ou du moins je préférais la laisser parler pour moi. Pedro, quant à lui, était bavard et j'aimais écouter ses aventures et ses blagues lorsqu'on travaillait la terre dans le jardin avec Alegria. Il y avait aussi la radio qui hurlait dès l'aube à plein poumon : musique, commentaires sportifs, nouvelles, prières ...
« Je m'appelle Borys Leszczyński. Mon papa est polonais et ma mère vient de Cuba. J'ai une grande sœur qui s'appelle Iwana et une petite sœur prénommée Ania. Toute ma famille est à Katowice en Pologne, sauf mamie Alegria chez qui je vis maintenant avec son compagnon Pedro. »
Lorsque je fermai à nouveau la bouche, les lèvres pincées et sèches, je relevai le regard vers mon audience qui me scrutait avec grand intérêt, leurs yeux brillant de joie. Sans aucun doute, je parlais couramment leur langue. Je leur souris timidement et comme un reflet dans un miroir, ils me sourirent tous aussi.
Je me retournai vers l'institutrice qui arborait un large sourire aussi. Son regard pétillant d'une lueur nouvelle semblait dire : « Vous avez entendu ça ? Son père peut être Polonais s'il veut, mais cet garçon-là est bien un des nôtres ! »
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