LA BOÎTE DE PANDORE

« La génétique et toutes les sciences de la médecine ne se sont jamais vraiment intéressées aux populations africaines, mis à part lors de certaines infections virales sérieuses, et ce même si ces populations sont les plus anciennes et par conséquent uniques, » commença-t-elle en s'installant à son bureau.

Je pris place sur le siège en face d'elle.

« Pour ma part, le gène de Babel est une mutation qui est apparu probablement à cause des conditions environnementales survenues au cours de la première moitié du siècle, » continua-t-elle en posant ses mains sur le bureau.

« Les Grandes Catastrophes et l'aggravation des conditions climatiques, particulièrement le soleil, ont probablement entraîné la mutation du gène MC1R qui est responsable de la mélanine et la pigmentation de la peau, » dit-elle finalement en s'arrêtant pour me dévisager avec un petit sourire.

« Est-ce que ça veut dire que tous les peuples noirs l'auraient ? » interrogeai-je avec grand intérêt en me dressant sur mon siège.

« Tous les peuples africains, » fit-elle simplement.

« Ça inclut aussi les peuples de la Diaspora ? »

« D'après les résultats de mes dernières recherches en Amérique et dans les Antilles, il semblerait que oui, »

« Et pourquoi les autres peuples n'auraient-ils pas développer ce gène ? Et ceux dont un des deux parents proches, ou un parent lointain serait Africain ? » interrogeai-je avec enthousiasme.

« L'hypothèse la plus probable est tout simplement que d'autres peuples l'aient eu aussi à un moment donné il y a très longtemps lorsque tous les humains vivaient en Afrique. Puis, en se déplaçant ils ont perdu le gène MC1R pour développer leurs propres caractéristiques. Au fil du temps, ils ont aussi perdu le potentiel de la mutation du gène. »

Elle s'arrêta à nouveau pour me dévisager un instant avant de me demander calmement, mais curieuse :

« Avez-vous fait le test pour voir si vous l'aviez ? »

« Quoi moi, le gène ? Non ! » fis-je avec un petit sourire embarrassé.

« Pourquoi pensez-vous ça ? À cause du teint de votre peau et de vos origines polonaises ? »

J'acquiesçai de mon silence.

« Vous devriez passer le test. Ça ne m'étonnerait pas si vous l'aviez, » fit-elle en souriant puis elle repassa au sujet principal de notre conversation :

« Une chose intrigante avec ce gène c'est qu'il n'aime pas qu'on le manipule. Dès qu'on essaie de le toucher, il devient ... comment dire...très méchant, »

« Très méchant ? » répétai-je en fronçant les sourcils, perplexe.

« Il transforme en virus destructeurs les enzymes ou les virus destinés à le trouver. Lorsqu'il rencontre une enzyme ou un virus, il se recombine avec lui pour donner un virus très agressif. De plus, si on essaye de le sortir de l'ADN, il s'autodétruit, Pouf... » s'exclama-t-elle en ouvrant de grands yeux et en levant les mains dans les airs. « Généralement, la science parvient très facilement à contourner le problème, sauf que cette fois-ci avec ce gène-là il n'y a rien à faire. »

« Et pourquoi ça à votre avis ? » interrogeai-je très curieux.

« Venant d'un gène qui ne veut pas voir ses hôtes exterminés cela pourrait s'expliquer par l'instinct de survie qui se défend contre toute attaque par tous les moyens. Un peu comme si le gène avait développé son propre système d'auto-défense contre toute manipulation, » expliqua-t-elle avec engouement en survolant ses mains au-dessus du bureau.

« Ce gène-là est téméraire et très ingénieux ; ça va nous prendre du temps de le connaître et le comprendre. Je crois que Dame nature nous a posé une colle, » fit-elle en souriant, son regard sombre scintillant d'une lumière presque surnaturelle.

Téméraire et ingénieux ? Est-ce que ces deux mots-là pouvaient décrire quelqu'un comme moi ?