LES PIEDS SUR TERRE

Alegria, comme j'avais choisi de l'appeler, m'invita à s'asseoir auprès d'elle en entraînant mon petit corps à ses côtés avant d'ôter mes chaussures et mes chaussettes pour les déposer soigneusement à côté d'elle. Ensuite, elle me prit dans ses bras et me porta en bas de l'escalier. Puis, elle me posa à même la terre et l'herbe humide comme pour m'enraciner au sol. Mes orteils s'enfoncèrent naturellement dans la terre tels des racines. La douceur fraîche et verte à mes pieds m'apaisa instantanément.

Alegria me prit par la main pour m'entraîner vers l'arrière de la maison où se prélassait au soleil un étalon brun, sa queue balayant l'air allégrement alors qu'il mastiquait l'herbe à ses pattes. Je m'émerveillai devant l'animal qui brillait aux premières lueurs du jour comme un sou neuf.

« Tu sais ce que c'est ? » interrogea Alegria en pointant le cheval du doigt.

« C'est un cheval ! » je m'exclamai fièrement en polonais, heureux de connaître au moins la réponse à cette question.

Alegria sourit tendrement.

« Oui, ça doit être ça, sauf qu'ici on dit cheval, » fit-elle en levant un doigt dans l'air et en accentuant chaque syllabe du bout de ses lèvres.

Elle s'approcha de lui et se mit à le caresser doucement m'encourageant d'un simple sourire à en faire de même. Rien que l'idée me porta un large sourire aux lèvres. Je m'approchai timidement mais sûrement, la main tendue, le cœur haletant. Après quelques minutes, Alegria rompit à nouveau le silence pour me demander :

« Tu veux le monter ? »

J'ouvris de grands yeux tandis que mon sourire se répandit sur toute la largeur de mon petit visage. J'hochai la tête vigoureusement. Alegria se retourna alors pour s'écrier :

« Pedro ! Il me faut la selle de Pura Sangre ! »

Sa voix fut tellement forte que j'en sursautai de terreur.