Partie 49 - Chapitre 9 : La survie (4/7)


LA FORCE DE L'ESPÈCE HUMAINE


« Et papa, tu devineras jamais quoi ? Hier, on a mangé du mouton, » s'exclama Ousmane en ouvrant de grands yeux brillant de joie.

« C'est vrai Ousmane, mais il ne faut pas le crier sur les toits, » fit doucement Fatou en arabe en lançant un sourire complice à notre fils déjà un adolescent.

« Et vous l'avez eu comment cette viande de mouton ? » demandai-je, intrigué et envieux. Je n'avais pas mangé de viande depuis plusieurs mois déjà.

La viande était devenue non seulement chère, mais surtout rare faute de pâturage. Jadis injustement accusés d'être coupables du changement climatique, l'élevage d'animaux s'est avéré être aussi victimes que nous dans un système trop avare et manipulateur. Les dirigeants qui imposaient à leur population de manger steaks et boulettes d'insectes et de légumes à grands coups de sanctions s'empiffraient de viandes dans le confort de leurs domaines privés. Après avoir nourri les herbivores aux sojas et aux antibiotiques, l'homme s'était mis à nourrir l'homme aux insectes et aux légumes génétiquement modifiés.

Et tout ça pourquoi ?

Pour sauver une planète qui se mourrait d'un tout autre mal : l'avarice humaine.

« Secret de famille ! » répondit Fatou en riant.

« Quoi ? Je ne fais plus partie de la famille, maintenant ? » rétorquai-je sous le ton du reproche.

« Bien sûr que oui, regarde un peu, » fit Ousmane en tirant derrière lui une petite poche qu'il ouvrit devant moi avec un large sourire.

« Merci d'avoir pensé à moi ! » dis-je en saisissant le morceau de viande cuit qu'il me tendait fièrement. Je lui souris et lançai un regard plein de gratitude à Fatou, qui avait sans nulle doute préparé cette viande avec beaucoup d'amour pour ceux qui la mangeraient. La même chose s'appliquait au fermier qui avait élevé l'animal.


***

Eh oui ... La vie reprit son cours plus vite que l'espèce humaine l'avait imaginé. Après les premières années de choc, l'homme se ressaisit et s'adapta à son nouvel environnement comme il y était toujours parvenu depuis la nuit des temps. C'est ce qui fait sa force, n'est-ce pas ? Il trouve le moyen de s'adapter à son nouvel environnement quoi qu'il arrive. Malheureusement pour lui, il ne sait faire que ça : s'adapter sans rien apprendre, voué à répéter inlassablement les mêmes erreurs différemment plus loin ailleurs jusqu'au jour où c'est finalement l'environnement toujours et encore qui impose le véritable changement.

Aux quatre coins du monde, chaque nation commença à développer avec ses propres moyens la technologie, l'architecture et le mode de vie adaptés aux nouvelles conditions climatiques. Le fossé entre les pays riches et les pays pauvres s'étant recouvert pendant la colonisation des pays riches par l'intelligence artificielle, désormais ils disposaient tous les moyens de plus ou moins s'en sortir. Le plus dur pour les humains restait à prendre de nouvelles habitudes. Tout d'abord, ils durent oublier les plaisirs de la viande (bœuf, poulet, mouton, etc.) pour accepter la réalité d'une terre appauvrie, fatiguée, et brûlée qui ayant assouvie pendant des années leur gloutonnerie ne savait plus comment subvenir à leurs besoins.

À mon époque aujourd'hui en 2082, les hommes, même riches, ne mangent qu'une fois par jour, généralement soit le matin, le midi ou le soir dépendamment du choix de chacun. Combien de fois par jour mangions-nous en moyenne dans les années 2020 ? Cinq à six fois, n'est-ce pas ? Incroyable ! C'est à croire que nous faisions que ça de nos journées ! L'habitude de manger qu'une seule fois par jour me vînt avec facilité puisquà l'instar de mon père, j'étais accoutumé à ne manger que deux fois par jour : le midi et le soir. Pour beaucoup de gens en revanche, la transition fut pire que la torture. De nombreuse personnes trichaient et mangeaient plus que le quota autorisé. Alors, les gouvernements organisèrent des campagnes publicitaires pour éduquer la population à moins consommer de nourriture et ils obligèrent les producteurs alimentaires à modifier la composition de leurs produits. L'humanité qui n'avait plus ressenti la satiété depuis plus d'un siècle devait réapprendre à s'alimenter sans faire exploser son estomac. Consommer des aliments avait finalement retrouvé son but originel : nourrir. Manger n'était plus un moyen de se réconforter, de séduire, ni d'oublier ses peines. L'humanité devait définitivement sortir de ce cercle infernal si elle voulait survivre assez longtemps ne serait-ce que pour voir l'aube du 22ème siècle.

Par conséquent, notre alimentation devint plus simple et plus naturelle. Nous mangions principalement notre nourriture dans son état brut, sans emballage, ni code barre ou boîte en carton. Les ingrédients, lorsqu'il y en avait, se constituaient essentiellement de trois éléments : de l'eau, un légume ou un fruit ajouté. Ennemis jurés de la satiété, le sucre et le sel avaient complètement été bannis de nos assiettes à moins d'être naturellement déjà dans l'aliment en question. L'insatiété de l'homme allait de pair avec sa gourmandise qui avait dépouillé la terre.



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