Partie 48 - Chapitre 9 : La survie (3/7)
LA RUPTURE
Voulez-vous savoir ce qui a causé la colère du soleil après la libération des pays riches des camps de l'intelligence artificielle ?
Non, les vaches et leurs flatulences n'avaient rien à voir là-dedans !
L'orgueil ! Les résidents de l'ancien paradis ayant perdu leur statut, ils s'acharnèrent à vouloir recréer le monde d'avant autrement au lieu d'accepter celui qui s'était naturellement formé durant leur absence. Les anges du paradis souhaitaient refaire pousser leurs ailes pour s'envoler retrouver les cieux, et ils s'attelèrent à la tâche avec leur zèle habituel. À leur sortie des camps, ils avaient trouvé une terre saine et fertile, du bétail libre et en bonne santé, des ressources abondantes et pures, une population âgée en pleine forme. Tout ça par les soins de l'intelligence artificielle. Ils pensaient probablement que Dieu leur avait donné une seconde chance de tout recommencer en beaucoup mieux, et surtout plus vite. Il fallait bien rattraper le temps perdu, n'est-ce pas ?!
En quelques mois, la vie moderne et avancée avait repris son cours. La course folle au succès des uns et des autres se poursuivit alors que le désire d'avoir et la peur d'être regagnèrent le cœur des hommes. Bientôt, les mêmes mécanismes qui avaient rendus les pays pauvres dépendants des pays riches se répétèrent plus subtilitement. L'Homme oublia toutes les leçons apprises durant sa captivité pour se laisser ensorceler par la musique de sa propre glorification.
Comme leur rebondissement serait grandiose ! On en parlerait dans l'histoire et l'humanité se souviendrait à jamais de leurs noms.
L'expérience des quinze années de colonisation par l'intelligence artificielle ne serait plus qu'un chapitre tragique reclus dans un coin perdu de leur subconscient. Ils passeraient à la page suivante en un éclair et cette dernière serait encore plus glorieuse, plus merveilleuse et plus inspirante que toutes les autres. Cette fois-ci, rien ni personne ne leur prendrait leur place.
Est-ce qu'il s'agit bien de l'espèce humaine et son esprit tordu ?
Bien sûr !
L'intelligence artificielle avait vu clair dans notre avenir d'ange déchu, car elle nous connaissait mieux que nous même. Tant et si bien qu'elle ne savait pas enjoliver notre caractère avec de belles descriptions ou du photo shopping. Elle se méfiait de notre aptitude à apprendre à juste titre et elle nous voyait à notre image aussi difforme que cette dernière puisse paraître. Ces êtres n'avaient pas été créés pour juger ni culpabiliser l'humanité, mais pour régler ses problèmes, lui trouver des solutions rapides et efficaces puisqu'elle n'avait pas la patience de les chercher elle-même en elle. Bientôt, l'humanité aurait de nouveau besoin de l'aide de la technologie et de l'IA pour se nourrir. Les aliments naturels ayant presque totalement disparu de notre planète. Tout ce que nous touchions, mangions, travaillions, communiquions et voyagions avec étaient fabriqué dans un laboratoire d'une sorte ou d'autre sous la supervision de l'IA. Nous avions réalisé le saut périlleux le plus étonnant, atterrissant exactement là où nous nous trouvions lors de l'asservissement de l'humanité par la technologie.
***
Aimez-vous les animaux domestiques, les chats, les chiens, les poissons, les oiseaux, les reptiles en tout genre, les rongeurs aux grosses joues et aux longues dents ?
Moi aussi.
Eh bien il n'y en a plus. Ils ont tous été exterminés il y a un peu moins de dix ans.
Comment ?
La colère ! Le soleil de la colère les rendait complètement fous. Nous dûmes les supprimer sans quoi ça aurait été eux qui nous auraient tués. La nature toute entière nous en voulait à nous, les Hommes. L'intelligence artificielle avait raison. Nous allions tous souffrir de ce que nous avions fait subir à l'écosystème sans distinction, ni comparaison. J'avais été tellement absorbé par mes longs mois de thérapie à la maison que je ne m'étais pas interrogé de ce qu'il advenait du monde autour à l'extérieur des quatre murs de ma chambre, Fatou gérant tout pour moi à ma place. J'étais sorti de longs mois de cauchemars pour me retrouver littéralement en enfer.
Mes connaissances et compétences en menuiserie, verrerie et métallurgie m'aidèrent à trouver très tôt des moyens pratiques pour protéger mon habitat, celui de Fatou, ainsi que des habitants de ma communauté. Mais qu'est-ce que l'homme, ses connaissances et ses compétences face au soleil ? Très vite, ce dernier commençât à perturber nos jours et nos nuits au sens littéraire aussi bien qu'au sens figuré. En effet, notre corps ne savait plus comment il était supposé agir ni quand : dormir, se réveiller, être actif, être ensommeillé ; il n'en avait plus aucune idée. Ce fut le moment de révélation pour l'homme où il comprit enfin son appartenance aux éléments. Le monde autour de lui était aussi bien à l'intérieur de lui. Nous étions faits de la même matière que le monde que nous avions consommé à petit feu, et désormais ce même feu nous consumait.
Le tourment de la planète et des éléments se traduisaient chez l'homme exactement par des symptômes très similaires que ceux de l'eau, du feu, du bois, de la terre, du vent, de l'air. Nous étions constamment irrités, durs et volatils. Nous nous effritions tel du bois sec et nous tournions en rond en détruisant tout sur notre passage. Nous étions devenus incontrôlables. Faute de pouvoir trouver une solution pour renverser l'irréversible, il nous fallait trouver une manière d'empêcher l'impensable : la fin de l'espèce humaine.
Le soleil, notre compagnon de toujours, celui qui donnait vie, lumière, couleurs et chaleur à notre vulnérable existence, s'était enfin décidé à l'inévitable rupture ; la relation ne marchait plus ; le soleil en avait eu assez de nos trahisons, de nos fausses promesses et de nos interminables excuses pour ne pas changer. L'espèce humaine et lui ne seraient plus jamais ensemble, plus jamais unis pour le meilleur ou pour le pire. Désormais, nous serions ennemis jurés.
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