Partie 4 - Chapitre 2 : L'exil (1/4)
LES RETROUVAILLES
Dans mes souvenirs, ma première impression de Cuba se manisfestait par une confusion dans une profusion de couleurs, de voix et de sons sous formes surnaturelles. Et la chaleur omniprésente. Mon petit corps de garçon triste et apeuré passa d'une main d'adulte à une autre du siège de l'avion, au couloir de l'aéroport, au siège du taxi et enfin, aux pieds des escaliers de la maison de ma grand-mère maternelle.
L'immense demeure peinte en blanc à l'architecture étrange se dressait devant moi comme une montagne. Portes et fenêtres grandes ouvertes, l'édifice semblait vivant vibrant au rythme d'une musique enjouée qui battait de l'intérieur.
« Mme Perez, je vous amène votre fils ! » hurla le chauffeur de taxi en me tenant fermement par la main comme si j'allais tenter de m'enfuir.
Bientôt, une silhouette féminine sortit de l'antre de l'habitation pour se présenter à la lumière du dehors. Les pieds nus, une jupe colorée et une chemise beige, les mains sur les hanches, une chevelure noire et envahissante, une peau et un visage aussi sombre que l'ébène, ma grand-mère s'approcha de moi lentement comme d'une proie. La femme devant moi n'avait rien de similaire avec ma mère mis à part la petite taille. De ma vie d'enfant Polonais de cinq ans, je n'avais jamais vu personne avec la peau aussi sombre. Pris par les émotions des deux derniers jours, la surprise du voyage et le choc de la réalité de mon exil forcé, des larmes me vinrent aux yeux.
Ma grand-mère remarquant mon malaise vint s'asseoir silencieusement aux pieds de l'escalier avant de tendre quelques billets au chauffeur de taxi et lui faire signe de la main qu'il pouvait s'en aller. Ce dernier posa mon sac à dos et ma valise à mes pieds avant de partir. Elle resta longuement à m'observer sans rien dire, un sourire fier aux lèvres comme si le petit garçon devant elle avait été sculpté de ses propres mains. Ces lèvres-là, ces dents parfaites ressemblaient bien à celles de ma mère. Elle saisit la pochette pendant toujours à mon cou pour l'enlever avec mépris :
« On n'a plus besoin de ça ! » commença-t-elle en espagnol avant d'ajouter en souriant : « Je connais ton nom. Borys ! Et toi, est-ce que tu connais le mien ? »
Je réfléchis un instant cherchant dans ma mémoire si ma mère ne m'avait jamais donné cette information. J'hésitai longuement ; j'appréhendais de vexer mon hôte. Je baissai les yeux, accablé par la honte de ne pas avoir la réponse.
« Alegria ! Je m'appelle Alegria, mais tu peux m'appeler mamie si tu veux, » fit-elle simplement en saisissant mon menton entre ses doigts pour relever ma tête et me regarder droit dans les yeux, des yeux à la fois rieurs et perçants aussi sombres que la peau de son visage.
Ma grand-mère devait avoir la cinquantaine à peine, mais elle en paraissait trente.
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