Partie 34 - Chapitre 6 : Les menaces (6/6)
LES ADIEUX
J'arrivai à l'hôpital en uniforme, le visage blême et le cœur battant. Une infirmière m'indiqua la chambre allouée à mon père. Lorsque j'entrai dans la pièce blanche, ma mère et mes sœurs se tenaient assises à son chevet. Je m'approchai sans rien dire. Ma mère se leva en s'adressant à Iwona et Ania :
« Laissons-les ensemble tous les deux, » dit-elle faiblement en espagnol.
En passant à côté de moi, elle posa une main légère sur mon ventre avant de m'embrasser sur la joue, puis elle sortit de la pièce. Iwona et Ania me prirent dans leur bras au passage avant de la suivre toutes les deux en larmes.
Je pinçai mes lèvres sèches, puis je continuai de m'approcher du lit. Mon père ne bougeait pas, une main crispée levée dans les aires. La partie gauche de son visage semblait paralysée, son œil mi-clos, ses lèvres pendantes d'un côté. Je continuais d'avancer lentement lorsqu'il pencha sa tête dans ma direction. Je me figeai en l'observant.
« Borys ? » interrogea-t-il d'une voix faible.
« Je suis là, » répondis-je en retenant ma respiration, mes pas alourdis par le choc de la scène. Il paraissait si faible, vulnérable, impuissant.
« Tu vas survivre, n'est-ce pas ? » continua-t-il d'une voix inquiète.
Je fronçai les sourcils me demandant à quelle expérience de ma vie il faisait allusion.
« Il faut que tu survives. Je veux que tu survives, » persista-t-il à dire en s'agitant. Arrivé à ses côtés, je me penchai alors vers lui pour serrer sa main tout en lui disant doucement :
« Oui papa, je vais survivre et j'en sauverai plusieurs aussi. »
« Je n'ai jamais voulu te faire de peine, » ajouta-t-il plus calmement. Sa main interne et molle dans la mienne. « Je voulais juste que tu survives. Le monde des hommes est cruel. »
À ces mots, des larmes chaudes me vinrent aux yeux embrumant ma vision de son visage. L'homme aura beau être cruel, la vieillesse telle la maladie sauront toujours lui rendre la monnaie de sa pièce. Je m'allongeai à côté de mon père qui ne disait plus rien comme apaisé par ma présence. Il avait dit et fait tout ce qui lui était donné d'accomplir dans ce monde. Désormais, la mort pouvait venir le prendre à moins de soixante-dix ans. J'en avais trente-neuf.
Et moi là-dedans ?
Son corps immobile et faible s'enfonçait sur les draps blancs tandis que son regard restait suspendu au plafond. Je n'avais probablement jamais été aussi proche de lui qu'à ce moment-là. Je scrutai chaque courbe de son visage, chaque ride, chaque brin de peau, chaque poil, sa chevelure. Je devais bien garder ce visage en mémoire, car bientôt je ne le reverrai plus.
Je serrai son corps immobile et faible tout contre moi et soupirai en fermant les yeux.
***
Le lendemain après le travail, je revins à l'hôpital lui rendre visite. Une infirmière m'arrêta nette en me courant après dans le couloir.
« Mr. Leszczyński, » fit-elle en m'attrapant légèrement par le bras.
Je me retournai surpris, mais devinant déjà la terrible nouvelle qu'elle allait m'annoncer :
« Je suis désolée, » me dit-elle simplement avec un regard compatissant.
Je frissonnai alors que ma vue se troubla un instant. J'ôtai mon chapeau solennellement pour le porter à mi-hauteur de mon ventre avant de lui demander d'une voix sereine :
« Est-ce que je dois signer quelque chose ? »
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