Partie 23 - Chapitre 4 : La transition (9/9)
L'HOMME ET LE COURAGE
Feliz me questionna de son joli sourire et c'est avec beaucoup de courage et de peine que je pris la force de lui raconter mon dilemme. Elle écouta calmement sans m'interrompre, le visage d'apparence sereine. Peut-être que tout comme mon père elle s'attendait toujours au pire, aux mauvaises nouvelles et au malheur. Elle ne broncha pas à mon récit ni à la décision qu'elle suspectait que je prendrais. D'où lui venait cette certitude du malheur ? Du futur ou du passé ? Combien d'hommes dans sa vie mis à part son père l'avaient eux-aussi abandonnée ? Qu'est-ce qui ferait de moi l'exception à la règle et le premier à rester ?
« On pourra toujours s'écrire, » s'exclama-t-elle avec un large sourire sachant parfaitement que ce ne serait pas pareil.
Je voulais lui faire comprendre combien le choix ne m'était pas aussi facile alors je me penchai sur elle pour me rapprocher de ses lèvres. Elle s'écarta immédiatement. Les paroles d'Alegria me revinrent : « la luxure est facile, mais toujours éphémère ; la complicité peut venir vite, mais elle demande du courage ; la loyauté requiert la confiance ; tout le monde ne sait pas apprécier ni donner de l'affection aux autres. » Avant même de quitter l'île, j'avais déjà perdu Feliz, parce que contrairement à moi elle savait que je n'étais pas encore assez courageux pour me battre pour elle.
Pourquoi doit-on se battre pour aimer une personne qu'on ne nous donne pas le droit d'aimer en plein jour?
Probablement pour des raisons similaires que celles des militaires qui combattent pour défendre leur nation contre un ennemi ou une invasion. La honte, la peur, la culpabilité sont les pires ennemis de l'homme, elles envahissent son âme dès le plus jeune âge et font de lui un mort vivant. Eh oui, les morts-vivants aussi peuvent avoir une brillante carrière, une charmante épouse et de beaux enfants.
***
Une semaine et demi plus tard, je serrais longuement et très fort Alegria dans mes bras avant d'embarquer avec ma famille dans l'avion qui me ramènerait en Europe m'envolant vers un tout autre chapitre de ma vie. Alegria ne versa pas une seule larme, son visage confiant et souriant. Du moment où j'avais pris la décision de suivre mes parents, elle m'avait soigneusement déraciné de la terre chaude de Cuba pour me mettre en pot avant de me remettre à mes parents. Elle espérait que la terre de Pologne où mon père voulait me planter serait aussi fertile que celle de son île. Elle m'avait donné tout ce qu'elle avait de plus cher : sa sagesse, sa tendresse et sa force. Il tenait à moi désormais d'en faire bon usage partout où j'irais.
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