Partie 15 - Chapitre 4 : La transition (1/9)


LA JUPE


Chris et moi étions en train de nous éloigner de la foule en délire qui s'animait au rythme de la musique lorsque quelqu'un cogna brusquement son épaule contre la mienne pour se frayer un passage entre nous deux. À la force de la bousculade j'aurais juré que le coup venait d'un homme, mais je fus surpris de voir s'éloigner devant moi la silhouette d'une femme. Elle avait la peau brune aussi rouge que la terre sur le terrain d'Alegria, sa jupe jaune aux motifs colorés se balançait nonchalamment au rythme de ses jambes fines et musclées jonchées sur de toutes petites hanches. Sa chevelure aussi vaste et sombre que la nuit était parsemée de brillants qui scintillaient telles des étoiles. Un énorme foulard jaune enveloppait sa tête lui donnant l'allure élancée et divines des pharaonnes de l'ancienne Egypte.

La femme ne se retourna même pas pour s'excuser poursuivant son chemin, absorbée par l'écran de son téléphone portable et le texto qu'elle tapait. Malgré moi et Chris à mon côté qui m'interpellait, mon cœur fit un grand bon dans ma poitrine. Il ne s'arrêta plus de cogner comme s'il essayait sortir, se libérer. Je me retournai vers mon ami pour lui dire :

« Je reviens ! »

Puis, je me mis à suivre la jupe jaune aux motifs colorés parmi la foule à la manière d'un chien suivant une trace ignorant jusqu'où celle-ci le mènerait, mais bien décidé à ne pas la laisser filer. Je me faisais bousculer de tous les côtés par les gens qui marchaient bruyamment à contre-courant du mien. La jupe ne semblait pas avoir remarqué que je la suivais ; elle continuait dans sa lancée, déterminée et sereine, vers une destination qu'elle seule voulait suivre. Tandis que tous les autres se précipitaient gaiement vers l'endroit d'où provenaient les cris et la musique des orchestres, la jupe s'en allait dans la direction opposée où les rues montraient en plein soleil toute la laideur de la pauvreté ; la mélodie entraînante de la salsa jouait constamment en bruit de fond. Sur l'île le silence n'existait qu'aux premières heures du petit matin quand la population priait le ciel pour un jour meilleur ailleurs. Pour moi, celui dont je rêvais ne désignait jamais aucune destination, ni son, ou image ; il se présentait complètement vide telle une page blanche sur lequel je serais libre d'écrire ou dessiner tout ce bon me semblait : mon père, ma mère, mes sœurs, mes deux grands-mères et depuis cette merveilleuse apparition, une jupe jaune qui allait déterminée et sereine vers une destination qu'elle était bien décidée à atteindre avec ou sans quelqu'un à ses côtés.

Depuis ce jour-là, je chercherais toujours dans mes choix d'homme la même expérience de liberté que m'avait donnée ma première rencontre avec Feliz. Malheureusement, j'ignorerais pendant longtemps comment devenir aussi léger dans un monde aussi pesant que le nôtre. Chaque choix portait indéniablement ses étiquettes et son lot de fardeaux.

Soudain, la jupe se précipita dans une petite allée déserte.




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