Partie 10 - Chapitre 3 : L'adolescence (3/7)


COMME DES FRÈRES


La première fois que j'ai rencontré Chris j'ai d'abord cru qu'il était un touriste de passage. Sa peau aussi blanche que le linge trahissait le fait qu'il était installé sur l'île depuis plusieurs mois. Britannique, il allait à l'école internationale située non loin de la plage où j'aimais aller me baigner. Nous avions exactement le même âge et le même chagrin : ses parents l'avaient laissé à Cuba avec son grand-père paternel pour mieux vaquer à leur vie d'homme et de femme d'affaires très occupés. De quoi se plaindrait-il ? Après tout, un exil sous le soleil des Caraïbes valait bien mieux qu'un exil dans un pensionnat à Oxford, Londres, ou Cambridge, n'est-ce pas ?!

« Excuse! Tu parles anglais ? » fit-il en espagnol en courant après moi comme s'il avait perdu quelque chose.

Je me débrouillais pas mal en anglais à l'école, je regardais des films en version originale et je lisais beaucoup aussi. En plus, je pratiquais avec les touristes en leur proposant mon aide. J'utilisais les mêmes procédés avec le polonais et le français pour pouvoir apprendre et pratiquer les deux langues.

« Je me débrouille, » répondis-je simplement en espagnol.

« Eh bien je pense que tu te débrouilles mieux que moi en espagnol, » dit-il avec un sourire en coin en me tirant par le bras.

Il avait besoin d'un interprète pour récupérer son argent.


***

« Merci, moi c'est Chris ! » s'exclama-t-il en anglais avec un large sourire en mettant son argent dans sa poche.

« Pas de quoi ! Moi, c'est Borys, » fis-je dans la même langue en lui retournant son sourire. « Qu'est-ce qui t'amène à Cuba ? » demandai-je curieux.

« Mes parents m'ont posé chez mon grand-père comme s'ils avaient déféqué, puis ils sont repartis après m'avoir inscrit à l'école internationale, » répondit-il en rigolant. « Et toi, tu es d'ici ? »

« Ma mère vient d'ici. Moi aussi, je vis avec un grand-parent, » fis-je simplement. « Qu'est-ce qu'ils ont ces parents à se débarrasser ainsi de leurs enfants ? » continuai-je sans cacher mon amertume. « Comme si on leur avait demandé à naître. »

« La plupart de nous ne sommes que des accidents, » rétorqua-t-il en rigolant. « Beaucoup font des enfants parce que c'est ce que la société attend de nous avant de mourir ; certains gouvernements payent même pour encourager la natalité puisque ça les arrange ; plus de contribuables et de consommateurs à tirer par le bout du nez. On devra bien faire pareil nous aussi, » ajouta-t-il en rigolant de plus belle. « Il faut bien laisser sa 'crasse' sur Terre, non ?! »

Après nos présentations Chris et moi devînmes comme des frères, unis dans la peine et soudés par d'innombrables moments de joies et de fous rires. Son amitié et sa compagnie me supportèrent pendant mes instants de doutes et me divertirent durant mes périodes de solitude. Deux enfants échoués sur une île paradisiaque avec pour seul GPS l'affection et la sagesse de leur grand-parent.




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