Partie 1 - Chapitre 1 : Chez soi (1/3)
LA TENDRE ENFANCE
Le début des années 1990
Chez soi ! C'est quoi et surtout c'est où lorsqu'on est nés entre deux terres, deux cultures, deux langues, deux idéologies, deux couleurs, deux religions, deux sexes, deux côtés diamétralement opposés ?
Depuis ma plus tendre enfance, je me suis toujours demandé comment certains hommes faisaient pour voir et être attirés par des femmes invisibles : celles qui parlent peu, voire même jamais, celles qui arborent un sourire timide et complaisant à toute épreuve, celles qui se laissent faire telles des marionnettes ou des poupées de chiffon, celles qui se fondent dans la masse pour ne surtout pas se faire remarquer, celles que l'on voit à peine, mais dont la présence nous laisse une trace indélébile dans l'âme même après leur mort.
***
Mon premier chez moi se trouvait dans la Pologne natale de mon père au milieu des années 1990. Il n'y avait pas grandi toute sa vie non plus, ses parents ayant immigré en France quelques mois après sa naissance ; un enfant du milieu lui aussi.
Comme moi plusieurs années plus tard mon père était retourné chez lui à l'aube de sa vie d'homme adulte. Il parlait couramment la langue, comprenait parfaitement la culture et ressemblait à la majorité de ceux qui l'entourait.
Pourtant, c'est à l'autre bout du monde sur une grande île des Caraïbes qu'il est allé chercher une femme invisible pour fonder une famille. Ma mère était Cubaine. Elle ne s'exprimait avec moi qu'en espagnol quand elle parlait bien sûr ce qui arrivait rarement. Malgré son beau visage et sa petite silhouette de femme mulâtresse, elle parvenait à se fondre dans n'importe quelle masse partout où elle allait ; en Pologne aussi.
Je suis l'enfant du milieu né de l'union entre mon père et ma mère. Il y avait quatre ans d'écart avec ma sœur aînée, et deux ans avec ma sœur cadette. La société dit qu'être un garçon est plus facile. Bien que je ne puisse pas vraiment estimer à quel point l'existence d'Iwona et Ania fût plus facile ou plus difficile que la mienne, mon expérience de petit garçon, telle que je m'en souviens, était ornée de tristesse, de confusions, de blessures et de honte.
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