9 - Mercredi 3 Juillet - 11h00
Cela faisait déjà une heure que Marie et Kyle avaient rejoint Angélina à son appartement. Après avoir rapporté les évènements de mardi, ils revoyaient leurs stratégies et décidèrent d'un commun accord de se rassembler pour enquêter sur chaque point. A trois, ils avanceraient plus facilement que séparément. Point numéro un, la société Bongardy qui n'avait mené jusque-là, nulle part. Ils devaient reprendre à zéro, changer d'approche.
- D'après vos recherches, Kyle, la société n'a aucune trace de prospection vers la boulangerie de mes parents.
- Oui, aucun document n'a fait mention de la boulangerie ou même du nom de Panetti.
- Cela soulève plusieurs questions. Nous allons devoir essayer de répondre à chacune d'entre elles. Marie ?
- Oui Angie, voici ce que j'ai noté ! Question une : la société a-t-elle montré tous les documents ou cache-t-elle quelque chose ? Question deux : l'homme ayant démarché M. et Mme Panetti faisait-il réellement parti de cette entreprise ? Question trois, désolé Angie...
- Pas de soucis Marie, je l'ai moi-même noté sur mon carnet, continu !
- Question trois : l'homme existe-t-il vraiment ou a t'il était inventé de toutes pièces ?
Kyle rebondit alors sur le dernier point en expliquant qu'en répondant à cette dernière, ils gagneraient du temps. Dans sa logique, il fallait tout d'abord être sûr que l'homme existait. Ils perdraient du temps à travailler sur les deux premières questions s'ils n'avaient pas la réponse à cette dernière. Angélina et Marie se regardèrent et acquiescèrent de la tête. Kyle avait tout à fait raison, ce point était le premier à étudier.
- Angélina, vous avez déjà posé pas mal de questions à vos parents !
- Oui, mais je n'ai malheureusement pas pu obtenir grand-chose. Mon instinct me dit qu'ils me cachent quelque chose mais je ne trouve pas d'angle d'attaque pour les faire parler.
- Je comprends, ce n'est pas simple d'interroger ses propres parents. Je vous propose de me laisser gérer cette partie.
- Comment ça ? Vous voulez aller interroger mes parents ? Je doute qu'ils vous parlent. Non pas que je remette en question vos capacités, mais...
- Je ne vais pas y aller de front. Je ne les interrogerais pas directement.
- Comment allez-vous faire alors ?
- Faites-moi confiance ! répondit Kyle, un sourire en coin.
- Très bien ! Marie et moi allons revoir l'historique de la société et faire une liste des commerciaux de l'époque travaillant dans le secteur de New York.
Les nouveaux plans d'actions étant définis, Kyle quitta les jeunes femmes afin de préparer la stratégie d'approche de M. et Mme Panetti. Pour commencer, il devait rentrer chez lui. Quelques minutes pour manger un sandwich et il se changea, se retrouvant en costume, plaquant ses cheveux en arrière et se fit une petite queue de cheval, tenue parfaite pour se faire passer pour un commercial... Encore un ou deux appels à ses contacts et il se mit en route pour rencontrer les Panetti. Vingt-cinq minutes plus tard, il arriva devant leur maison et se dirigea vers l'entrée, passant le portillon et frappa à la porte. Aucune réponse, même après avoir frappé une deuxième fois. Kyle commença à repartir lorsqu'il entendit des bruits venant de derrière la maison. Il fit le tour et aperçu une femme d'une soixantaine d'années, à genoux au milieu d'un parterre de fleurs. Il s'avança un peu.
- Bonjour Madame, excusez-moi, mais j'ai frappé plusieurs fois à votre porte...
- Qui êtes-vous Monsieur ?
- Oui, pardon ! Je m'appelle Kyle Taylor et je suis commercial. J'aurais souhaité pouvoir parler avec votre mari et vous-même.
- Mon mari n'est pas là pour le moment.
- Sauriez-vous me dire quand il doit rentrer ?
- Pas exactement.
- Quand pensez-vous que je pourrai repasser.
- Essayez à partir de 18h.
- Très bien Madame. Je vous remercie infiniment de votre accueil.
Kyle retourna à sa moto et repartit. Cela lui laisserait le temps de peaufiner son histoire. De retour à Manhattan, il s'arrêta chez un imprimeur de carte de visite. Il lui fallait étoffer son identité de commercial. Il retourna ensuite chez lui imprimer un faux listing de clients potentiel à démarcher incluant bien sur les Panetti, une ou deux brochures de la société et son kit était complet. Il ne manquait plus qu'une chose pour que son plan soit sans faille.
- Carl !
- Oui ?
- C'est Kyle, dis-moi, pourrais-tu t'occuper d'une ligne téléphonique ?
- Une nouvelle affaire ?
- Oui ! C'est assez pointu.
- Combien de temps as tu besoin ?
- Entre une à deux semaines, c'est possible ?
- Ok ça marche, donne-moi le numéro à faire suivre.
Kyle donna le numéro inscrit sur sa fausse carte professionnel. Ce numéro allait être transféré automatiquement vers Carl qui se ferait passer pour un responsable de la société. Cela devrait suffire à faire écran de fumé au cas où les Panetti chercheraient à vérifier son identité. Encore une heure avant de devoir partir. Il se mit sur son ordinateur et étudia la société, il lui fallait bien connaître son sujet.
Les préparatifs étaient finis, il était temps de se rendre à Williamsburg. Une petite demi-heure de trajet et le revoilà devant la maison des parents d'Angélina. Il frappa à la porte et ce fut Mme Panetti qui lui ouvrit.
- Rebonjour Madame...
- Oh oui, vous êtes le jeune homme de cet après-midi.
- Votre mari est rentré ?
- Oui, un instant s'il vous plait.
Mme Panetti était une femme avenante au regard souriant, sociale et accueillante, voilà les premières impressions que Kyle avait eu après ce deuxième face-à-face de la journée. Quelques minutes plus tard, un homme vint à la porte. Impassible et méfiant, tout l'inverse de Mme Panetti.
- Monsieur Panetti ?
- Oui.
- Bonjour Monsieur, je me présente, Kyle Taylor, commercial de la société Bongardy. Je souhaiterais vous proposer nos nouveaux produits.
- Quels produits ? Comment avez-vous eu mon adresse ?
- Je suis nouveau dans la société et on m'a demandé de présenter nos services et produits.
- Quels produits ? Je ne comprends pas ce que vous voulez.
Kyle sortit une brochure et demanda s'ils accepteraient de le laisser entrer afin qu'il développe sa présentation. L'homme paraissait réticent, mais avant qu'il ne réponde, sa femme s'écarta spontanément de l'entrée et l'invita à la suivre le conduisant vers le salon et lui proposa de s'asseoir. Le couple s'installa face à lui. À peine assis, la femme se releva.
- Toutes mes excuses, voulez-vous un café ?
- Avec plaisir, merci madame. sourit Kyle.
- À part notre fille, nous ne recevons pas beaucoup de personnes.
- Vous avez une fille ?
Aussitôt, l'homme coupa la conversation et revint sur le pourquoi de sa présence. Kyle lui tendit la brochure et commença sa présentation. Au bout de 5 minutes, l'homme le stoppa encore.
- Je ne comprends toujours pas ce que vous faites là. Nous sommes à la retraite. Que voulez-vous que l'on fasse de vos produits ? Qui vous a donné notre adresse ?
- Oh, je m'excuse, j'ai du mal comprendre. Il y a quelques jours, j'ai entendu des collègues parler et il était question de prospection et de votre nom. Étant nouveau dans l'entreprise, je voulais emmener de nouveaux clients. Les premiers jours ne sont jamais faciles et il faut se faire une place rapidement.
- C'est bien joli tout ça, mais encore une fois, nous sommes à la retraite et cela fait déjà 5 ans.
Kyle sentit que l'homme commençait à s'énerver, il se leva et se confondant en excuses. Que pouvait-il tirer des réactions du père ? Pas grand-chose, les questions qu'il lui posait étaient justifiées et si on ajoutait à ça, son caractère latin, on ne trouvait rien d'anormal. La femme intervint, mal à l'aise du comportement de son mari puis raccompagna Kyle jusqu'à leur porte, désolée de l'accueil de son mari.
- Ne vous excusez pas Madame. J'ai fait une erreur, c'est ma faute.
Il se dirigea vers le portillon et au moment de l'ouvrir, Kyle fut rejoint par monsieur Panetti qui lui demanda sa carte de visite. Le détective mit sa main dans la poche intérieure de sa veste, surpris, et lui tendit. Il ne s'attendait pas à ça. L'homme remarqua l'air de Kyle et justifia sa demande en expliquant qu'il pouvait passer sa carte à des anciens confrères encore en activités.
Kyle monta sur sa moto et démarra. En partant, il aperçut de l'autre côté de la rue, un homme adossé à une voiture noire. Cela ressemblé énormément à la description d'Angélina. Il ralenti un peu et regarda dans son rétroviseur. L'homme traversa en direction de la maison des Panetti. Tout en continuant de l'observer, il se gara rapidement entre deux voitures. L'homme arriva au portillon et se rapprocha de monsieur Panetti qui lui donnait quelque chose. Il rejoint sans tarder sa voiture et repartit. L'envie de le suivre envahissait Kyle, mais l'homme avait sûrement déjà mémorisé la moto. Il se ferait repérer rapidement. Il attendit que la voiture disparaisse dans son rétroviseur et se remit en route pour retrouver Angélina et Marie à l'appartement. Il était 19h15 quand le détective arriva devant l'immeuble. Il monta à l'étage et frappa à la porte.
- Kyle ? Que faites-vous ici, un problème ?
- On ne devait pas se voir en fin de journée ?
- Si, mais... entrez !
Kyle posa son casque et suivit Angélina jusqu'au salon. Il retira sa veste et sortit son carnet avant de s'asseoir. Angélina était en tenue décontracté, pantalon en lin blanc et débardeur. Le détective leva la tête vers elle et marqua une pause, elle était en train de finir un verre de vin. Il tourna la tête à gauche puis à droite, regardant partout dans la pièce. Angélina s'éclata de rire en voyant le comportement de Kyle.
- Qu'avez-vous ? demanda Kyle perturbé par la réaction d'Angie.
- Désolé Kyle, mais pourquoi cette tête ? Qu'est-ce qu'il vous arrive ?
- Marie n'est pas là ?
- Et bien, non. Il est bientôt 19h30, Marie est rentrée chez elle. sourit encore Angélina.
- Je ne m'en étais pas rendu compte, désolé. s'excusa Kyle en se levant.
- Pas de problème Kyle. Vous voulez manger ? répondit-t-elle en se dirigeant vers le frigo.
- Je ne veux pas vous déranger.
- Allez ! Venez manger, je vous tiens compagnie avec mon verre. Nous prendrons le café ensemble.
Angélina posa des couverts et lui réchauffa un plat. Le détective s'installa et commença à manger. Habitué à manger rapidement et seul, il apprécia ce début de soirée. Angélina le taquinait sur son apparence qui se trouvait être à l'opposé de son style vestimentaire de tous les jours. L'ambiance était détendue. Lorsque le repas fut fini, ils passèrent tous deux au salon. Angélina apporta les cafés pendant que Kyle posait ses notes sur la table basse. Toujours dans une ambiance calme, Kyle raconta sa rencontre avec les Panetti. Dans la description qu'il lui faisait, Angélina sourit de voir l'impression que lui avait donné sa mère. Et celle de son père était tout aussi réaliste.
- Donc pour vous...
- Angélina, vous pouvez me tutoyer. sourit Kyle.
- Très bien Kyle. Donc, pour toi, ils ne connaissent pas la société Bongardy.
- Et bien ni l'un ni l'autre ne m'ont parlé d'un ancien rendez-vous avec la société. Ils auraient pu me dire qu'ils avaient déjà été approchés et que le commercial leur avait posé un lapin. Mais ton père insistait sur le fait qu'ils soient à la retraite et voulait comprendre comment leur nom avait été placé sur ma liste.
- Pour le dernier point, ça me parait normal. Par contre le nom de la société aurait dû les faire réagir. Ils m'ont donné l'info, il n'y a pas si longtemps.
- Pour moi, rien de suspect. Depuis le temps, ils sont passés à autre chose, et l'info qu'ils t'ont donnée ne les a pas travaillés. Le contraire aurait été plus curieux.
- Donc on laisse la piste commerciale.
- Oui et non...
- Explique toi !
- C'est ce qui est arrivé après le rendez-vous qui me fait douter. Juste avant de passer le portillon, ton père m'a rejoint pour me demander ma carte. M'expliquant qu'il allait la passer à des anciens confrères.
- C'est étonnant. Il passe de, pressé que tu partes, à "je peux vous aider". Après, il est bien possible que ma mère l'ait sermonné pour son attitude. Ça ne m'étonnerait pas d'ailleurs.
- Oui, mais c'est après que ça me travaille. En partant, j'ai aperçu un homme de l'autre côté de la rue et il ressemblait énormément à celui que tu nous as décrit l'autre jour.
- Tu veux dire qu'il surveille aussi mes parents ! s'exclama Angélina en se levant en colère.
Kyle arrêta son récit et demanda à Angélina de se rasseoir et de se calmer. Il hésita alors à continuer, la suite de son récit allait la mettre dans tous ses états. Était elle prête à attendre ça. Avec les clients habituels, il n'avait aucun problème, il était payé pour tout leur dire sans ménagement, mais avec Angélina c'était différent, ce n'était pas une cliente, c'était l'amie de Stana. Remarquant le silence soudain de Kyle, notre journaliste s'arrêta de parler et regarda Kyle.
- Angie, dans cette affaire, il faut que tu sois prête à tout entendre, au moins jusqu'à ce que la vérité tombe. Je ne peux pas continuer si tu réagis comme ça à chaque fois. Je ne vais pas te mentir, ton histoire pu réellement et elle peut détruire toutes tes certitudes. Tu comprends ce que je veux dire ?
Angélina se leva et alla se resservir un café avant de revenir s'asseoir en face de Kyle, prenant une grande inspiration, se détendant doucement. Kyle lui proposa de reprendre cette conversation demain, il se faisait tard et elle devait être fatiguée. Elle refusa, son cerveau était déjà en ébullition, elle ne pourrait pas dormir pour le moment.
- Continue Kyle s'il te plaît.
- Tes parents ne sont pas surveillés.
- Mais c'est ce que tu viens de dire !
- Lors d'une enquête, tu n'es pas censé laisser parler les gens pour ensuite poser d'autres questions ? répondit Kyle en riant.
- Excuse-moi, continu.
- À peine démarrée, j'ai vu l'homme traverser la rue en direction de ton père. Je me suis donc garé plus loin entre deux voitures pour observer. Ton père lui a remis ma carte puis le mec est reparti.
- Tu es en train de me dire que mon père connaît l'homme de la voiture ?
- Je crois que pour la première fois dans cette enquête, on avance. Je pense inutile des questionner ton père là-dessus, il trouverait une excuse.
- Que veux-tu faire alors ?
- Ils ont ma carte... Attendons d'être contacté !
Il est plus de 22h quand Kyle quitte Angélina. Il sort de l'immeuble et se dirige vers sa moto, quand son téléphone sonne. C'est Carl, il a l'air paniqué.
- Kyle ! Faut que tu m'aides ! lança stressé.
- Du calme, du calme Carl. Qu'est - ce qu'il se passe ?
- Ils sont venus bordel, je ne sais pas quoi faire !
- Qui est venu, Carl ? Tu es où ?
- Je suis dans une ruelle, mec, je suis complément flippé là !
- Bon écoute, tu vas aller au Blueprint, tu vois où c'est ?
- Oui, oui, c'est le bar dans la cinquième avenue.
- C'est ça. Vas-y et attends-moi, j'arrive tout de suite.
Kyle se mit immédiatement en route, il n'avait jamais vu Carl dans cet état. Il passa le Brooklyn Bridge où le trafic était fluide, comme d'habitude. Ça lui permettait de rouler à vive allure. Il ne mit qu'un quart d'heure à arriver au bar. Quand il entra, il aperçut Carl, la tête entre les épaules, un verre non consommé à la main. Il arriva prêt de lui et commanda un verre.
- Explique-moi ce qu'il se passe Carl.
- C'est le bordel mec... Je suis rentré chez moi toute à l'heure et en arrivant devant ma porte, tout était ouvert. Je suis entré et là... Putain Kyle ! Tout mon appartement à été retourné. On m'a pris mes ordinateurs, mes disques durs, tout...
- Ok Carl, calme-toi. Tu es sur quoi en ce moment ?
- A part ton suivi de numéro, rien !
Kyle venait de faire le lien avec la scène du père d'Angélina et de l'homme de la voiture. Ça ne pouvait être que ça. Ils avaient réussi à tracer le suivi et avaient trouvé l'adresse de Carl. Les moyens qu'avaient ces gens étaient démesurés. Ça allait plus loin que de simples boulangers à la retraite. On était dans les hautes sphères-là. Les deux hommes finirent leur verre et sortirent du bar. Il fallait mettre Carl à l'abri. Après être monter sur la moto, ils partirent à toute allure. Kyle devait trouver une planque. Après un peu moins, d'une heure de route, les deux hommes arrivèrent devant l'aéroport. Kyle prit un billet d'avion et le paya en liquide. En chemin, il avait conclu que son ami ne serait en sécurité nulle part à New York, il préférait l'écarter de l'affaire.
- Bon Carl, écoute-moi bien. Voici un billet aller simple et de l'argent. Débarrasse-toi de ton téléphone, tu prendras un prépayé à ton arrivée.
- Ok, mais je fais quoi après ?
- Après, tu reprends un vol, n'importe où. Il faut que personne ne puisse savoir où tu es, tu as compris !
- Oui, oui, j'ai compris.
- Carl ! Ne va surtout pas chez des amis ou de la famille ! Tu dois disparaître !!
- Kyle, c'est quoi cette histoire ? Tu travailles sur quel affaire bordel ?
- Vu comme c'est parti, moins tu en sauras mieux se sera... Allez, file ! Bonne chance Carl.
- Merci Kyle.
Plus ils avançaient dans l'enquête et plus l'affaire prenait de l'ampleur. Dès le début, cela avait titillé Kyle, mais avec ces derniers événements, il était comme un chien cherchant un os à ronger. Demain, il ferait le point avec les jeunes femmes. Ils devaient passer la vitesse supérieure.
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