Chapitre 7 - Repose en paix

- Je l'ai trouvée !

Je me redresse et regarde autour. À une quinzaine de mètres se situe James, penché au-dessus d'une tombe, qui me fais signe d'approcher. John, de l'autre côté du cimetière, se dépêche de revenir. Je rejoins James en slalomant entre quelques pierres tombales et m'immobilise à sa droite. Ce que j'ai en face de moi me crée un tel choc que je tombe à genoux devant la pierre. Dessus sont gravés quelques mots :

RICARDO SANCHEZ
1994-2019
REPOSE EN PAIX.

Et c'est tout. Pas de petits mots, de quelconques lieux familiaux, aucune décoration et pas la moindre fleur. Au moins, il est mort comme il a vécu : sans concessions. Je pose ma main sur la tombe glacée.

- L'année dernière... murmuré-je.

- En décembre, précise John derrière moi.

Je souffle un long coup, mes yeux ne pouvant se détacher de ce nom écrit en lettres droites dans la pierre. Ryder est bel et bien mort. Son corps repose sous mes pieds. Pendant une seconde, j'ai presque envie de creuser pour m'assurer que, tel un mort-vivant, il n'a pas quitté son cercueil dès la nuit. Mais, devant la macabrité de cette idée, je laisse tomber. On n'est pas dans un film de zombis. Dans la réalité, quand il y a une tombe, il y a un corps en dessous.

- Comment tu te sens ? demande John.

- Bizarre, avoué-je. Soulagée, bien sûr. Mais aussi perdue. C'est comme un poids qui s'enlève de ma poitrine. Et je ressens...

Je me tais, cherchant à comprendre le flot d'émotion me parcourant. Les yeux humides, je fais une révélation affolante et lève la tête vers mon meilleur ami.

- Je ressens de la tristesse. De la peine. Oh merde, comment je peux être triste pour ce... ce...

- Hé, m'interrompt John en tombant à genoux près de moi. Viens par là.

Il m'attire contre lui et je me laisse aller sur son torse. Je ne peux empêcher les larmes de couler. Je les essuie d'un geste rageur du bras. Je ne peux pas le pleurer, pas lui ! Alors que je recommence, mon ami intercepte ma main et la serre dans la sienne.

- C'est normal d'être triste. Tu as le droit de pleurer. Ce type... c'était un sacré fumier, on est tous d'accord. Il mérite ce qui lui est arrivé. Mais il a été dans ta vie pendant bien six ans. Et, pendant un long moment, il t'a rendue heureuse. Vous avez eu des bons moments. Il... t'aimait.

Il lâche cette phrase comme si chaque mot lui brule la langue. Il m'adresse un sourire triste.

- Et tu l'aimais. Il faudrait être sacrément dérangée pour ne pas pleurer dans un moment pareil.

Je lui lance un léger sourire reconnaissant et nous restons là un moment. John et James respectent mon silence et je leur en suis reconnaissante. Puis je me relève d'un coup et me tourne vers eux.

- Voilà ce qu'on va faire. Les flics n'auront pas le temps de m'aider et il est hors de question de diffuser cette vidéo. Je vais dans ce magasin. Vous me filmez en train de voler ce stupide paquet de bonbons, je lui montre la vidéo. Celui ou celle qui a fait ça demandera autre chose, c'est évident. J'essaierais de lui soutirer des infos sur son identité. John, il faudrait que tu cherches auprès de la police ce qu'ils font dans ce genre de cas. Et James, étant donné que t'es un pro en informatique...

- Je peux essayer de retracer la personne qui a fait ça, complète-t-il.

J'acquiesce d'un sourire. James semble partant, John un peu réticent mais il ne proteste pas et, ensemble, nous quittons le cimetière en direction de mon ancien appartement. Bientôt, John gare la voiture dans mon ancienne rue. Juste devant nous se trouvent la supérette et, plus loin, mon ancien immeuble. Je m'apprête à sortir mais m'interromps, la main sur la poignée et me tourne vers John.

- Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ? Pour... Pour Ryder ?

Il se gratte légèrement le crâne, pince les lèvres avant d'enfin croiser mon regard.

- J'avais peur de te replonger dans tes souvenirs. Je voulais que tu oublies ce type à tout jamais. Tu étais dans le coma, et après, je n'ai pas eu le courage de te reparler de ça.

Je lui adresse un léger sourire. Évidemment, j'aurais préféré le savoir. Mais ça partait d'une bonne intention, je ne peux pas lui en vouloir pour ça. Je regarde un instant les deux hommes sur les sièges avant puis leur adresse un clin d'œil.

- Allons-y. C'est ainsi que commence ma carrière de criminelle.

James et John échangent un regard furtif, avant de descendre tous deux de la voiture. James me rejoins et glisse un bras sur mes épaules. Il m'adresse un sourire joyeux et je roule des yeux. Il n'y a bien que lui pour être de bonne humeur dans une telle situation.

- Tu sais, je crois que t'as toujours été faite pour ça.

- Pour quoi ? Le vol ?

- Le crime. Ne pas tout le temps suivre les lois, voler, manipuler... c'est une vie très excitante. Avec ta mémoire, tu ferais des miracles. Je suis sûre que ça pourrait te plaire.

Je me stoppe net. Je me tourne vers James et le regarde droit dans les yeux avec gravité.

- Écoute bien. Je fais ça parce que je suis obligée. Mais je préfère mourir plutôt que vivre en criminelle.

Ses yeux se voilent et il hoche la tête comme un animal fautif. Je redresse le visage et avance vers la supérette. Mon regard parcourt la devanture. Je me rappelle d'absolument chaque fois où je suis venue ici. Tout ce que j'y ai acheté, quel vendeur travaillait quand, quels produits avaient été en fin de stock à quels moments et quelle météo il faisait à chaque fois. Mais, depuis presque un an les choses ont changé, je le vois avant même de passer la porte. Je fais comprendre d'un signe de tête aux deux hommes d'attendre un peu avant d'entrer, puis je pousse le battant et pénètre dans le magasin.

Je reçois toutes les informations en même temps comme un violent coup à la tête. La caisse. Les caméras dans les coins. Le rayon pharmacie. Le bouton d'alarme sous la caisse. Le chocolat, au fond du magasin, bien en hauteur. Et de cris, des détonations, l'odeur du sang, la peur qui me tiraille les entrailles...

« Les mains en l'air ! Allez, bien en évidence et pas de gestes brusques ! »

Je sursaute et tourne sur moi-même. La porte est bien fermée. Il n'y a personne. Mon souffle est rapide. La peur me dévore mais j'en ignore la raison.

« Vide-moi la caisse. Allez, plus vite que ça ! Y'a quelqu'un d'autre dans le magasin ? »

Mes doigts se crispent et je tourne sur moi-même plusieurs fois. La voix résonne encore et encore en moi, mais je dois bien me rendre à l'évidence : personne n'a parlé. Le magasin est vide à l'exception d'une vielle au fond et du caissier. L'odeur de sang me grimpe au nez et menace de me faire vomir. Bordel, mais qu'est-ce qui s'est passé ici ? Je cherche la moindre goutte de sang autour de moi mais n'en vois aucune.

- Tout va bien ?

Je sursaute vivement et me retourne. Le caissier me regarde, les coudes posés sur le comptoir et un chewing-gum dans la bouche. Le garçon, à peine la vingtaine, aux cheveux sombres et au visage couvert de boutons, me dévisage comme un spécimen étrange au zoo. Je passe une main dans mes cheveux. Je suis en train de devenir complètement folle.

- Oui, ça va.

Je fuis son regard et cours me réfugier dans un rayon. Le garçon fait éclater une bulle de chewing-gum derrière moi. Cachée entre le papier toilette et le sopalin, je reprends mon souffle. Qu'est-ce qui m'arrive, bordel ? Quand la porte s'ouvre derrière moi, je fais un bond mais ce n'est que James et John qui viennent d'entrer, bras dessus bras dessous. Mon meilleur ami croise mon regard mais fait comme si de rien n'était et tous deux se postent près du premier rayon, avec une vue sur la caisse. Pour ma part, je vais chercher plusieurs choses sans importance dans le magasin : un paquet de stylos, des mouchoirs et une revue. Puis j'approche des deux hommes. Cachée entre eux et le rayon, j'attrape un paquet de bonbons à la menthe. John me filme discrètement avec son téléphone et j'entreprends d'arracher l'étiquette contenant le code-barre. Ceci fait, je glisse le paquet de bonbons au fond de ma poche, puis approche de la caisse. J'adresse un sourire au caissier tandis qu'il scanne mes quelques articles, toujours sous l'œil discret de la caméra. Enfin, je sors du magasin, l'air de rien.

J'attends quelques secondes. Je sais que, à l'intérieur, John filme encore. Je rentre à nouveau dans le magasin en précipitation et vais vers la caisse.

- Mince, j'avais oublié ça dans ma poche ! Désolé !

Je pose le paquet de bonbons sur le comptoir puis repars presque en courant avant même que le type ne puisse poser de questions. Derrière moi, John et James me suivent précipitamment. Une minute plus tard, nous sommes tous les trois dans la voiture dans un silence lourd. J'ai le cœur qui tambourine dans ma poitrine et le souffle court. Subitement, James éclate de rire. John l'imite presque aussitôt et je ne tiens que quelques secondes avant de faire de même.

- Je retire ce que j'ai dit, s'exclame James entre deux gloussements. Tu fais une piètre voleuse !

...

Hey tout le monde !
Comment vous allez ? Bien, j'espère !

Alors, que pensez vous de ce chapitre ? De la mort assurée de Ryder ?
Du petit vol ?

Merci à tous pour votre lecture et une bonne soirée à vous 😍😘

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