Chapitre 6 - Il est de retour
- R... Ryder. Il est revenu.
John et James échangent un regard que je n'arrive pas à déchiffrer. Mon meilleur ami secoue la tête :
- Non. C'est impossible.
- Ma... ma veste.
James se lève et va la chercher. Il me la ramène et je récupère la lettre dans la poche. Je la donne à John, le cœur serré. Il déplie le petit papier, lit les lignes tandis que James, au-dessus de son épaule, fait de même. Je surveille les expressions de son visage. Ses sourcils se froncent de plus en plus et il secoue la tête à nouveau en relevant les yeux vers moi.
- Ce n'est pas lui.
- Pardon ? je m'exclame.
Je me redresse vivement et lui arrache le papier des mains. Je lui pointe du doigt les éléments dessus.
- R comme Ryder ! « Tu crois t'être séparée de moi il y a des années », ce qui est le cas ! Les bonbons à la menthe, c'étaient ses préférés ! Le... le livre ! C'est une page de "Lolita" ! Qu'est-ce qu'il te faut de plus, merde ?
Il secoue encore une fois la tête. Je me serais attendue à ce qu'il s'énerve, comme il le fait à chaque fois que nous évoquons le nom de mon ex. Je ne comprends pas pourquoi il nie ainsi. Après tout, nous savions tous qu'il allait revenir un jour ou l'autre. Il l'avait promis. Et quand un type comme Ryder promet quelque chose, il le fait.
- Cette vidéo... demande James. C'est quoi ?
Je passe une main dans mes cheveux et souffle un bon coup.
- Une vidéo de moi et de lui en train de... de... oh, merde. Putain, c'est pas possible...
Je bois une gorgée de thé en essayant de retrouver mon calme. Inspire, expire... Je ferme un instant les yeux en chassant les milliers de souvenirs qui remontent dans ma tête.
- Pourquoi il ferait ça ? questionne John.
- Il veut se venger, sans doute. Ce type est un malade. Il veut du contrôle, de la domination... il veut me mettre plus bas que terre. Il veut me détruire...
- Oui, mais pourquoi te demander de voler quelque chose ?
- Mais qu'est-ce que j'en sais, bordel ? m'exclamé-je un peu trop fort.
Un silence plane. Je passe une main sur mon visage avant de marmonner un « désolé ». John reste immobile puis s'approche et prend mes mains entre les siennes. Il me regarde droit dans les yeux.
- Écoute Morgane. Je suis certain que ce n'est pas lui.
- Pourquoi ?
- Il... Un rapport de la police m'est passé entre les mains il y a un moment. Un rapport le concernant annonçant sa mort. Son assassinat. Ryder est mort, tu entends ? Il y a eu un conflit entre eux, une de ses « victimes » et son nouveau petit ami. Il a été tué. Il n'a eu que ce qu'il méritait.
J'en ai le souffle coupé. Je n'arrive pas à y croire. Inconsciemment, j'ai toujours su qu'il reviendrait un jour. Alors, autant cette idée m'a horrifiée, autant elle a réussi à se frayer un chemin dans mon esprit, mais là... je suis aberée. Ryder, mort ? Tué ? Qui donc pouvait bien avoir le pouvoir de faire une telle chose ? Je le croyais intouchable. Immortel. Et il aurait été tué par une fille qui, comme moi, avait été malmenée par lui ? J'ai du mal à y croire. Il possède une si grande emprise sur les gens ! Moi-même, j'ai beau le haïr par tous les pores de ma peau, j'aurais été incapable de lui faire du mal, encore moins de le tuer.
- Il est vraiment mort... ? murmuré-je.
- Complètement mort, confirme John.
- Autant mort qu'on puisse l'être, renchérit James. Mort du genre en plusieurs morceaux, froid comme un glaçon, avec des vers de terre qui lui sortent par tous les orifices et des...
John le fait taire d'un coup de coude et il grimace en m'adressant un regard désolé. Je ferme un instant les yeux en essayant d'appréhender cette idée. Ryder est mort. Il ne viendra plus jamais m'embêter. Il ne viendra pas se venger. Il ne...
- Mais alors c'est quoi ça ? j'explose en brandissant la lettre comme une preuve. Son testament ? Une lettre envoyée depuis le fin fond des enfers ?
John hausse les épaules d'un air navré.
- J'en ai pas la moindre idée.
Il y a un long silence. Je suis sûre que cette lettre pue Ryder à plein nez. Tout porte à croire que c'est lui. Mais plusieurs choses clochent. Le fait qu'il soit mort, par exemple. Le fait qu'il me fasse du chantage via une lettre et un site internet, alors qu'il est plutôt du genre à venir en personne me chercher. Je relève les yeux vers John.
- Je veux voir sa tombe, dis-je. S'il est bien mort, je veux voir sa tombe.
Je sais que Ryder a toujours refusé catégoriquement l'incinération. S'il est mort, il est forcément enterré quelque part. Je veux la preuve. John et James échangent un regard, puis mon meilleur baisse les yeux.
- Ok. Il est enterré dans le cimetière de l'autre côté de la ville. On y va demain.
J'acquiesce. James, à côté, fait une petite moue mais ne proteste pas. Je souffle un long coup puis me redresse.
- Je vais prendre une douche.
Sans attendre de réponse, je me lève, vais déposer ma tasse encore à moitié pleine dans la cuisine puis me dirige vers la salle de bain. Durant les minutes qui suivent, l'eau chaude me fait un bien fou et m'aide à assimiler tout ce qui est arrivé aujourd'hui. Je ressors une vingtaine de minutes plus tard, les idées bien plus claires. Alors que j'enroule une serviette autour de mon corps, je surprends des cris de l'autre côté. Curieuse, j'avance jusque la porte et colle mon oreille dessus.
- Il faut lui dire, bon sang !
Je sursaute. C'est sans doute la première fois que j'entends James crier ainsi, qui plus est sur John. Cela ne fait que décupler ma curiosité et je tends l'oreille.
- Je ne peux pas... rétorque John d'une voix que je peine à entendre. Elle n'est pas prête. Je ne peux pas tout gâcher... Gâcher encore une fois sa vie. Laisse-la continuer à ignorer, je t'en prie.
- Et pour cette lettre ? Il faut...
- James, s'il te plaît, implore John. Tais-toi.
S'en suit un long silence. Je noue ma serviette autour de ma poitrine et sors vivement de la salle de bain.
- Il faut me dire quoi ?
James est assis sur le canapé, la tête de John reposant sur l'épaule. Ils sursautent tous deux en m'entendant et se redressent. James m'adresse un sourire qui me semble bien contradictoire avec son énervement il y quelques secondes.
- John pense que c'est pas une bonne idée, mais je vais te le dire quand même. J'ai adapté nos plans pour demain !
- Quoi ?
- Et bien, tu sais, on était censés passer la journée à s'éclater. Alors on laisse le moins marrant au début : le matin, on va au cimetière. Ensuite, on va se faire un petit resto. Puis on passe une aprèm déteinte et...
- Et je vais voler ce stupide sachet de bonbons, je marmonne.
Ils semblent tous deux surpris et je vois vite la désapprobation dans les yeux de mon meilleur ami. Il se lève et me fait face.
- Tu ne vas pas faire ça quand même ?
- Et tu veux que je fasse quoi d'autre ?! C'est le genre de dossier qui peut détruire une vie et une carrière ! Personne ne voudra jamais m'embaucher comme médecin en trouvant ce genre de vidéos sur moi. Et tu imagines... tu imagines juste si tout le monde voit ça ? Mes profs, mes collègues... mon père ? Tu te rends compte ?
Il pince les lèvres et secoue la tête. Il ne veut pas ça et moi non plus.
- Je suis en passe de devenir flic ! s'exclame-t-il soudain comme s'il s'agit du dernier argument valable qu'il a. Je ne peux pas être complice de vol.
- Hé, on parle d'un sachet de bonbons dans une supérette pourrie, pas d'un braquage à la banque Nationale d'Espagne.
- On peut aller voir la police ! Ils trouveront qui a fait ça et l'arrêteront avant qu'il ne puisse mettre la vidéo en ligne.
- Demain, quinze heures, lui rappelé-je. Ils trouveront que dalle en aussi peu de temps.
Il se tait, sans doute à court d'arguments valables. James, qui suivait l'échange en silence, se racle la gorge et reprend comme s'il n'a jamais été interrompu :
- Et le soir on va faire la fête !
- J'ai pas vraiment la tête à ça, James.
- Ça, c'est exactement ce que disent les gens qui ont besoin d'aller faire la fête.
Il m'adresse un regard tellement convaincu que je n'ai pas le cœur de protester. Je fais un signe de la main pour leur faire comprendre que ça m'est égal, puis me dirige vers ma chambre. Sur la porte, je me retourne vers eux.
- Je mangerai pas ce soir. À demain.
Je ferme la porte et vais m'effondrer sur mon lit, moralement épuisé. Salem, qui dormait roulé en boule sur mon oreiller, se réveille et se lève en s'étirant longuement. Il bâille, saute du lit, fait le tour de la chambre puis remonte sur le matelas. Tout ça pour, au final, venir s'allonger sur moi et se rendormir. Parfois, j'aimerais être un chat. Comme leur vie est bien plus facile ! Qu'est-ce que j'aimerais que mes seules préoccupations soient manger et dormir et non pas lutter contre un maître chanteur qui est possiblement mon ex petit-ami psychopathe et qui veut se venger !
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