Chapitre 13 : procès
En rentrant chez nous je ne dis pas un mot, plus perturbée par cette visite que je voudrais jamais l'admettre. Tyron est vraiment quelqu'un à part et j'ai encore du mal à définir si c'est dans le bon sens ou le mauvais. Ce qui est sûr, c'est qu'il est brisé. Et que, malgré tout, ça me fait mal au cœur de l'imaginer pourrir trente ans en prison pour ce qu'il a fait. Quand à espérer que le juge comprenne qu'il a agis pour de bonnes raisons, il ne faut pas trop y penser. Soudain, une idée traverse mon esprit et je sors de ma chambre, rejoignant les deux garçons dans le salon.
- James ? J'ai une question.
Ils sont tous les deux posés sur le canapé, les yeux rivés sur la télé. L'intéressé lève le regard vers moi :
- Dis-moi tout.
Je prends place sur le tabouret devant le canapé. John, voyant mon air grave, brandis la télécommande et éteint la télé. J'hésite une seconde avant de me lancer.
- Tyron à son procès demain... quelqu'un va témoigner en sa faveur ?
- Presque personne. Une ancienne voisine qui parlera des cris qu'elle entendait quand le père de Tyron les frappait, lui et notre mère mais elle n'a plus toute sa tête alors son témoignage n'a pas grande importance. Et une fille qui était à la caisse de la bijouterie qu'on a cambriolé, qui témoignera que le braquage s'est fait sans violence inutiles.
Ce dernier point m'arrache un petit sourire étonné. J'arque un sourcil.
- Et toi ?
- J'aimerais, mais je ne peux pas me dévoiler. Il refuse catégoriquement et le seul résultat serait de m'envoyer en prison également. Je devrais me contenter d'être dans le public.
- Et les témoignages contre lui ?
Le garçon pousse un long soupir et réponds en faisant le décompte sur ses doigts :
- Des tonnes. Les familles des victimes, les anciens amis de son père, quelques personnes dans la bijouterie, un témoin à l'hôtel, le type blessé dans le parking, une...
- C'est bon, arrête.
Ça fait pas beaucoup de choses en sa faveur. Il a intérêt à avoir un sacré bon avocat. Sentant les regards des deux garçons sur moi, j'en viens au bout de ma pensée.
- Je pourrais... je pourrais témoigner pour lui.
- Quoi ?
- Ben oui. Je peux leur expliquer que je me rappelle de tout et que jamais il n'a été violent avec moi, qu'il m'a bien traité, qu'il faisait ça pour de bonnes raisons, qu'il est torturé par ce qu'il a fait, qu'il voulait faire le minimum de mal autour de lui et tout ça.
James en reste perplexe, les sourcils froncés. Il n'avait de toute évidence pas envisagé cette option. Mais John, lui, semble carrément contre.
- Non. Réfléchis, Morgane. SI tu dis que tu te rappelles de tout, la police va te tomber dessus. Ils t'ont laissés tranquille en raison de ton amnésie. Mais là, ils vont t'interroger, t'utiliser pour démasquer James et, si tu prends la défense de ton agresseur, ils vont te soupçonner de complicité en raison des preuves qu'ils avaient en ce sens ! Tu peux pas risquer tout ça juste pour aider ce type alors qu'en plus, ça ne fera au maximum que raccourcir sa peine de deux ou trois ans !
- Ce « type », John, c'est mon frère, fait remarquer James d'une voix grave.
Un léger malaise s'installe, jusqu'à ce que John s'excuse d'une petite voix. Pour ma part, je suis désormais partagée. Mon ami à su semer le doute dans mon esprit. James finit par secouer la tête.
- Il a raison, Morgane. Ne te mêle pas à ça. Mon frère savait à quoi il s'engageait en se livrant à la police et il l'a quand même fait. Pour toi. Alors ne gâche pas son sacrifice en foutant tout en l'air, s'il te plaît.
Cet argument a raison de moi et, retournant à mes idées noires, je repars dans ma chambre.
Depuis mon réveil après mon coma, je dormais comme un bébé. De temps en temps, des brides de souvenirs me réveillaient mais c'était assez rare. Cependant, cette nuit là, j'ai retrouvé l'enfer qu'étaient mes nuits avant. Avec tout ce que j'ai appris récemment, mon cerveau a besoin d'une mise à jour et c'est la nuit qu'il le fait. Alors bonjour aux souvenirs particulièrement traumatisants qui se muent en cauchemars horrible et me réveillent toutes les heures. Bonjour aux sueurs froides, aux insomnies et aux miaulements de Salem qui en a marre que je remue sous lui.
Aussi quand, au matin, j'entends James et John s'agiter de l'autre côté de la porte, je suis réveillée aussitôt. Je suis encore plus fatiguée qu'hier soir et j'ai l'impression d'être en lendemain de cuite. Ce qui est en soi pas totalement faux, étant donné que c'est ma première vraie nuit depuis la soirée en boite. Je me lève et entreprends de me préparer. Mon regard dans le miroir me fait peur. Mes cheveux ont doublés de volume, j'ai des cernes énormes et la peau beaucoup plus pâle que d'habitude, ce qui n'est pas peu dire.
Je me rends rapidement présentable à l'aide d'une brosse, que je casse au bout de quelques passages dans mes cheveux, puis d'une deuxième brosse, de laque, de fond de teint et d'anticerne. Je me maquille un peu, enfile une robe noire très simple, des collants et un gilet. Puis j'attrape mon téléphone, mon sac et pars dans le salon.
John est là, accroupis par terre en train de faire ses lacets. Il lève les yeux vers moi et me dévisage d'un regard critique.
- Tu vas quelque part ?
- Au même endroit que vous, soupiré-je.
- Je croyais que Tyron voulait pas que tu viennes. Tu comptes vraiment témoigner ?
Je vais me servir un café en lui tournant le dos.
- Ne t'en déplaise, Jonathan, je suis une femme libre. Je vais là où j'en ai envie et surtout, je fais ce que je veux, quand je le veux. Alors oui, je viens. Et non, je ne témoigne pas.
Je bois une longue gorgée de café, adossée contre le plan de travail. James débarque subitement, frais et pimpant dans un petit jean et une chemise noire. Il passe devant moi rapidement, s'arrête, repars en arrière et me dévisage. Il grimace.
- Ouch. Mauvaise nuit ?
Je soupire. Moi qui croyais avoir réussi à le maquiller. Devant mon air dépité, il hausse les épaules.
- Tu as mis deux boucles d'oreilles différentes.
Il m'adresse un sourire conscrit, me tape sur l'épaule puis vas enfiler ses chaussures. J'apprécie le fait qu'il ne m'interroge pas sur ma venue avec eux et qu'il l'accepte sans problème. Je vais à mon tour mettre mes bottes et ma veste en cuir, puis laisse ma tasse vide dans l'évier. En passant devant le miroir je découvre que, en effet, je porte deux boucles d'oreilles différentes. Mais j'abandonne l'idée de les changer et sors de l'appartement à la suite des garçons.
Une demie-heure plus tard, nous sommes assis dans le tribunal, au troisième rang. Nous avons tous les trois des attitudes bien différentes. James semble effrayé et inquiet du résultat. John est émerveillé et observe tout avec son regard de nouveau flic. Quand à moi, je suis tout bonnement apathique. Qu'est-ce que je viens faire ici, déjà ? Quelques minutes après l'arrivée du juge, du procureur, des témoins et toute la clique, on annonce l'entrée de l'accusé. Je me tends et, comme la majeur partie des gens dans le public, je me tourne vers la porte qui vient de s'ouvrir. Deux flics entrent, puis Tyron et deux autres flics à sa suite. Ils sont dans un petit box à peine séparé de la salle. Je dévisage le jeune homme.
Il est proprement rasé, bien coiffé, il se tient droit, le regard franc et sans animosité. Il semble accepter tout ce qui va lui tomber dessus. On lui indique de rester debout.
- Merci à l'accuser de décliner son nom, son prénom, sa date et lieu de naissance et son lieu de vie.
La voix du juge résonne dans la salle. Tyron chancèle légèrement et ferme les yeux un court instant. Je ne le quitte pas du regard, le cœur serré.
- Thomas Morisson, né le dix-neuf mars 1997 à...
Il vient de me voir. La bouche entrouverte, il ne songe plus à continuer à parler et me dévisage avec stupeur. Il semble blessé de me voir ici malgré ses revendications. Un des policiers lui indique de continuer et, d'une voix essoufflée, il finit de décliner son lieu de naissance et de vie. Il n'arrête pas de me fixer. Je vois plusieurs personnes du public se retourner pour voir ce qui a bien pû attirer son attention ainsi et je détourne les yeux, l'air de rien.
Tyron peut enfin s'asseoir. Je me penche légèrement vers James.
- Son avocat est bon ?
Je le fixe ou plutôt, la fixe. C'est une femme d'une quarantaine d'années, au regard franc et au dos droit. La large robe noire d'avocat qu'elle porte n'enlève rien à sa beauté glacée. James acquiesce.
- Il parait. Il a refusé que je lui en paye un alors il a du se débrouiller. Mais elle a très bonne réputation.
- J'espère que c'est pas seulement à cause de la dimension de ses seins, je maugrée.
Qui, soit dis en passant, auraient convaincus n'importe quel juré de changer d'avis si elle portait le moindre décolleté. James m'affiche un regard faussement choqué.
- Morgane, voyons ! Dans quel société crois-tu que nous vivons ?
La nôtre, justement. Et c'est ça qui me fait peur. Je ne réponds rien et me reconcentre sur ce qu'il ce passe. Les jurés sont en train d'être choisis. Quand les neuf jurent solennellement que leurs intentions sont bonnes, l'avocat général s'avance. Il repositionne ses lunettes sur son nez et s'éclaircis la gorge.
- Je vais lire l'acte d'accusation du présent Thomas Morisson. Monsieur Morrison est accusé en premier lieu du meurtre de ses parents, monsieur Pierre Morisson et madame Kate Morisson. Il est accusé d'avoir battu sa mère à mort puis d'avoir tiré cinq balles sur son père, causant la mort immédiate de la victime. Il est également accusé de délit de fuite, les corps n'ayant été retrouvés que grâce à l'intervention des voisins. Monsieur Morisson est accusé du braquage dans trois épiceries sans destruction matérielle ou humaine à l'aide d'un complice dont l'identité nous est inconnue. Lors d'un quatrième braquage, il a tiré un coup de feu sur madame Emma Taraud alors qu'elle voulait appeler la police. La victime est morte sur le coup. Suite à ça, l'accusé à pris en otage madame Morgane Freeman, présente à ce moment dans le magasin. Il...
Et il continua, d'une voix monotone et sans intonations qui m'effraya. Ça faisait beaucoup de motifs pour la perpét'. Il fallut une bonne demie-heure pour finir de lire l'acte d'accusation. Quand ce fut fait, je pus voir la différence dans le regard des gens. Au début, ils regardaient Tyron avec un semblant de compassion. Après tout il est jeune, il se tient bien et il semble si malheureux ! Désormais, ils le regardent avec hargne. Si le procès devait s'arrêter là, le public voterait pour la mise à mort immédiate. Il serait jeté dans l'arène avec les lions.
- Nous allons passer à l'audition des témoins de l'accusé.
Cette phrase me fait revenir dans le moment présent et je frisonne. J'essaie de savoir ce que ressent Tyron a cet instant. À sa place, je serais terrifiée d'être là. Mais son visage impassible ne dévoile rien. Il a désormais arrêté de me regarder, tournant résolument le dos de l'autre côté. Sans doute savait-il qu'en nous voyant, il ne saurait garder son impassibilité.
- J'appelle à la barre madame Hortense Lefrançois.
Une vieille femme se lève du premier rang où elle était assise, accompagnée d'un jeune garçon qui l'aide à tenir debout. Elle va là où on le lui indique, puis adressa un petit coucou de la main à Tyron. Celui-ci esquisse tout juste un petit sourire fatigué en réponse. Le juge relève la tête.
- Nous vous écoutons. Parlez-nous de votre rencontre avec l'accusé, de ce que vous savez de lui et de l'affaire pour laquelle nous sommes réunis.
- J'ai... j'ai connu Thomas quand il n'était qu'un bébé. J'habitais juste à côté de leur maison. Sa maman était d'une gentillesse extraordinaire. Quand son père n'était pas à la maison, elle emmenait souvent Thomas chez moi. C'était un enfant très mignon. Je me rappelle une fois, je lui avais offert du lait avec un petit cookie, il devait avoir trois ans. Ou quatre. Ou...
- Est-ce qu'on peut revenir à des éléments plus récents ?
J'esquisse un léger sourire en voyant l'air outré de la vieille femme. Pourtant, elle finit par abandonner l'histoire du cookie et enchaine d'une voix tremblotante.
- J'entendais souvent des cris dans la maison d'à côté. Je... je n'ai jamais eu le courage d'aller voir la police. Nous les entendions tous et personne ne faisait rien. C'est toujours comme ça. Ce soir-là... je m'en souviens comme si c'était hier. J'ai vu le père rentrer tardivement. Je crois qu'il était alcoolisé. À peine après être rentré, j'ai entendu la mère hurler sous les coups. Puis le garçon aussi. C'était horrible. J'étais prête à téléphoner à la police quand... quand j'ai entendu des coups de feu. Puis plus le moindre bruit. J'ai couru à la fenêtre et j'ai vu Thomas partir en courant. Après j'ai... appelé les secours.
Je n'étais pas certaine que ce témoignage soit à la faveur de Tyron. Il ne faisait qu'exposer des faits que tout le monde savait déjà. Le seul point important étant que son père les battait, lui et sa mère et qu'il s'agissait de défense quand il avait tiré mais la vielle femme l'avait à peine accentué. Et en voyant l'expression de Tyron, derrière la vitre, il semble en être à la même conclusion que moi. Elle est raccompagnée jusqu'à son siège puis une jeune femme passe à la barre. Aussitôt, je me souviens d'elle. Je me souviens du collier qu'elle avait voulu me vendre... du coup de téléphone que je lui avais demandé de passer... puis du moment où je lui ai pointé un pistolet sur le crâne. Son témoignage est rapide. Elle parle du braquage en des termes presque élogieux en y vantant l'absence de blessés et de morts. Quelques minutes après, le silence s'installe. Le juge se racle la gorge.
- Très bien. Ceci fait, et si personne n'y voit d'objection, nous allons passer à...
- Je veux témoigner !
Tous les regards se tournent vers moi tandis que j'ouvre de grands yeux. Et merde.
***
Oui oui, je sais, ça fait longtemps. Désolé pour ça, j'essairais de faire mieux la prochaine fois :)
Qu'avez-vous pensé du chapitre ? Du procès de Tyron ?
De l'intervention de Morgane, bonne idée ou pas ?
Des idées pour la suite ?
J'essaye de publier rapidement le prochain chapitre ! Merci à ceux qui suivent encore l'histoire, vous êtes des lecteurs en or ! :)
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