7 - Fouille irrespectueuse [Corrigé]

« Voyons voir...

— Arrêtez ça ! Vous n'avez pas le droit ! »

Je fulmine. Pris d'une curieuse impulsion, Tyron se mis à fouiller dans les poches de ma veste et dans mon sac à dos. Apparemment, je l'intrigue suffisamment pour qu'il ai décidé de percer tous mes secrets. Il en sort un trousseau de clés, des babioles sans intérêt puis tombe sur mon portefeuille. Je grimace. J'aurais préféré qu'ils ne le trouvent pas. Je suis obligée de le regarder faire, toujours immobilisée sur ma chaise. Tyron est assis aux côtés de James, qui s'est redressé avec maintes gémissements pour l'aider dans ses fouilles. Les deux frères vident le portefeuille des quelques pièces qui y trainent, des cartes de visite et autres bricoles, jusqu'à saisir ma carte d'identité. Je ferme les yeux et, comme toujours, la réaction ne tarde pas :

« Non, sérieusement ?

- Morgane Freeman ?

- Comme l'acteur ? »

Je soupire. Voilà pourquoi j'évite, quand je peux, de donner mon nom. Encore et toujours cette même question.

« Tes parents doivent avoir un sens de l'humour pourri » glousse James.

Je roule des yeux. Déjà, avoir un sens de l'humour pourri nécessitait d'avoir un sens de l'humour tout court, ce qui n'était pas le cas de mes parents. Peut-être... Oui, peut-être qu'ils l'avaient eu, à une époque où ils étaient jeunes et amoureux. Avant que tout le poids du monde ne s'abatte sur leurs épaules. Désormais, c'est peine perdue.

« C'est pas très français comme nom, reprends-t-il. T'es quoi, américaine ?

— Les grands parents de ma mère l'étaient » répondis-je d'une petite voix.

Tyron m'adresse un regard rieur avant de reprendre :

« Non, sérieusement. T'as un quelconque lien de parenté avec lui ?

— Bien sûr, raillé-je. Tout comme Robbie Williams est le fils de Robin Williams. »

J'ai droit à deux haussements de sourcils perplexes et c'est à mon tour de leur lancer un regard abasourdi. Allez quoi, les gars. Robin Williams. Criminels ou pas, ils étaient obligés de le connaître, même si son homonyme chanteur était moins célèbre. Mais de toute évidence, non.

« Toi, lance Tyron, t'es vraiment pas comme tout le monde.

— Ça dépend. Dans « tout le monde », tu comprends les meurtriers et les voleurs comme vous ? »

Je ne sais vraiment pas d'où me vient cette audace. Je croyais qu'une prise en otage du genre me ferait oublier à jamais mon bavardage incessant, mais non. Les mots s'échappent tout seuls de ma gorge. Et d'après l'étincelle qui brille dans les yeux de Tyron, ça ne lui plaît pas... et ça ne présage rien de bon pour moi. James semble remarquer le changement de tension de son frère puisqu'il pose une main sur son bras :

« Hé, regarde ça. »

Il lui tend un morceau de feuille qui, je le sais, était glissé dans le fond de mon portefeuille. Il déplie le papier tandis que Tyron ne me quitte pas des yeux. Après un moment, il rejoint son frère dans sa découverte de ce qui constitue une des choses les plus précieuses que j'ai.

Tous deux semblent absorbés par le contenu du papier, que je suis capable de réciter entièrement sans me tromper. Un long silence prends place, jusqu'à ce que Tyron redresse des yeux surpris vers moi :

« Un permis de visite ?

— Pour la prison ? continue son frère.

— Tu es une habituée ?

— Tu es proche de criminels...

— ...Et tu oses nous critiquer ? »

Mon regard va de l'un à l'autre, essayant de suivre le flot de paroles incessant. Et ils ne s'arrêtent pas :

« Tu fais partie d'un cartel de drogue ?

— Ou alors tu fais du trafic d'organes ?

— Du vol à main armée ?

— Du piratage ? » concluent-ils d'une même voix.

Je les dévisage tour à tour, troublée. Je secoue la tête comme simple réponse, mes yeux voyageant entre les deux frères. Je pince les lèvres et, devant leurs regards suspicieux, je ne peux m'empêcher de me justifier :

« Je n'ai rien fait ! Ma mère est en prison, c'est tout. »

Je crois voir un éclat dans les yeux de Tyron. Un éclat infime de compassion et de compréhension qui brille au fond de ses pupilles mais, en un clin d'œil, il a disparu. Le jeune homme émet un rire sarcastique.

« J'espères que t'attends pas qu'on te plaigne ? »

Je ne peux m'empêcher d'être vexée à cause de son ton agaçant. C'est stupide. Je ne les connais ni de père ni de mère. Pourtant, ils ont touché un point sensible. Très sensible, si bien que les larmes me montent aux yeux. Mes nerfs sont à fleur de peau depuis ma rencontre explosive avec les meurtriers.

« Pourquoi elle est en prison ? »

James, les mains croisées, me détaille d'un regard inquisiteur. S'il espère que je lui en dirai plus, il se fourre le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Je baisse les yeux sur mes pieds sans un mot, ayant plus de facilitées à rester muette sans croiser leur regard perplexe. La voix de Tyron s'élève, clairement moqueuse mais j'y décèle une certaine pointe de gravité :

« C'est plus facile de tomber dans la drogue que d'affronter la vie, plus facile de piquer ce dont vous avez envie que d'essayer de le gagner, plus facile de battre un enfant que de l'élever. L'amour par contre, ça demande des efforts et du courage. »

Je relève lentement des yeux interrogateurs. James émet un éclat de rire et Tyron lui renvoi un léger sourire qui n'atteint pas ses yeux. Ses pupilles émeraudes restent plantées dans les miennes. Je saisis mal le comique de la situation. Peut-être trouvent-ils juste ça drôle qu'un voleur et meurtrier comme Tyron parle de morale et d'amour. Mais moi, je ne trouve pas ça marrant. « Plus facile de battre un enfant que de l'élever »... Non, il ne peut pas savoir. Il n'a pas pû deviner, c'est juste un hasard... un hasard douteux, rien de plus.

Après un moment, le jeune homme penche la tête sur la droite, un sourire sarcastique aux lèvres :

« On ne connaît pas ses classiques, Freeman ?

— Non.

— Ne me dis pas que tu n'as jamais regardé les films de celui dont tu portes le nom ? »

Je ne peux m'empêcher de rouler des yeux, oubliant un instant où je suis et qui ils sont. Pendant quelques secondes, il ne sont que des jeunes adultes qui me chambrent comme tant d'autres sur mon nom. Et je suis soulagée de savoir que la phrase de Tyron provient d'un film et non pas d'un obscure pressentiment à mon sujet.

Que ce soit clair, je ne me considère pas comme une enfant battue. Bien sûr, je me suis pris quelques coups, je me suis retrouvée enfermée dans quelques placards, je me suis fait rabaisser, jour après jour, par ma chère et tendre mère. Mais une enfant battue ? Non. Je n'étais pas vraiment une enfant facile, pour sa décharge. Puis quand est venu le tour de mon père, il n'était pas vraiment maître de ses actions. Il n'a jamais voulu me faire souffrir.

« Non, soupiré-je finalement. Je ne les ai jamais vus. »

Il y a une raison à ça. Depuis toujours, on ne cesse de me charrier pour mon nom, tout ça à cause d'un type célèbre de l'autre côté de l'Atlantique. Or, je serais prête à parier qu'on ne s'est jamais moqué de lui parce qu'il porte le même nom que moi. J'en suis arrivée à éprouver une véritable aversion pour cet acteur, qui pourtant n'en est pas vraiment responsable.

« Seven ? reprend James. Franchement, t'as jamais regardé ? Avec Brad Pitt !

— Non. »

Ils ne connaissent pas Robin Williams, je ne connais pas Seven. Un partout, la balle est au centre. J'ai une bonne dizaine d'idées de phrases à rétorquer mais je me retiens, pour une fois. Ce n'est pas si mal si ce qui ce passe dans ma tête reste dans ma tête, surtout aux vues du regard blasé que m'adresse Tyron qui signifie clairement « tais-toi, ou je t'en fous une ». Je ne prononce plus un mot.

Durant les heures qui suivent, je me fais invisible en espérant que, avec un peu de chance, je finirais pas me fondre dans la chaise. J'observe les deux garçons bouger, s'activer, manger et discuter de choses et d'autres. Je vois bien qu'ils évitent certains sujets et me jettent régulièrement des coups d'œil conscrits. Ils ne veulent pas que j'en sache trop. Tyron quitte à plusieurs repises la cabane quelques minutes et il arrive même qu'une fois, James se lève en prenant appui sur son frère pour sortir. Et moi, je n'ai rien d'autre à faire que les regarder et les écouter. Le temps passe lentement. Très, très lentement. Néanmoins, mon corps se rappelle vite à moi par une violente pression sur ma vessie. Non, on a beau y mettre toute notre volonté, on ne repousse jamais bien loin les besoins physiologiques.

« Excusez-moi... lançai-je d'une toute petite voix. Hé... s'il vous plait... »

Les deux garçons sont assis en tailleur sur le lit du bas, penchés sur un tas de feuille dont je n'ai pas réussi à déterminer le sujet exact. Tyron tourne à moitié son visage vers moi, me lance un regard m'incitant clairement à ne pas plus les déranger puis retourne à son frère. Je reste un instant interdite, mais je peux pas rester comme ça bien longtemps.

« Il faut que j'aille aux toilette ! »


Hey !

Comment allez-vous aujourd'hui ? 😘

Bon alors, qu'en avez vous pensé ? Des avis, des impressions ? Tyron et James, vous en pensez quoi ? Vous les aimez ? Vous les haïssez ? Je veux savoir !

Et Morgane, que pensez vous de ses réactions ? Sages, irréfléchies ?

Bonne journée à tous :) 💋

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