48 - Aveux
Nous passâmes le reste de la journée au bunker, attendant le retour de James dont nous n'avions plus aucunes nouvelles. Je restais beaucoup perdue dans mes pensées, allongée sur mon lit, mais ne pleurais aucunement. Ce temps-là était révolu. J'en avais assez de pleurer.
Pendant ce temps, j'entendais Tyron pianotait sur son ordinateur, un air concentré sur le visage. Je dut avouer que je passais également un bon moment à l'observer à la dérobée, ce dont il ne se rendis pas compte. Au bout d'un moment, et impatiente comme je l'étais, je me levai et vint derrière lui. Une page blanche était ouverte, avec seulement quelques mots dessus :
« Que ceux nageant dans la nuit la plus sombre trouvent un phare ;
Par sa lumière, il sera l'être le plus puissant jusqu'au prochain jour. »
Je fronçai les sourcils en me penchant à ses côtés, et posai ma main contre la table :
- Qu'est-ce que ça signifie ?
- Que tout n'est qu'éphémère, répondit-il en levant les yeux vers moi. Que l'homme est en proie à des désillusions, et qu'il ne pourrait pas s'en passer. Que personne ne peut rester seul face à la violence du monde. Que dans la nuit, il y a besoin de lumière. Toujours.
Je restais silencieuse un moment, étonnée. Cet homme ne cesserait donc jamais de me surprendre ? Je le savais violent, tueur, prêt à tout pour arriver à ses fins. Je le voyais maintenant littéraire et poète.
- Je ne savais pas que tu aimais écrire, constatai-je à voix basse.
- Il ne s'agit pas d'aimer ou de ne pas aimer. Parfois, s'exprimer est un besoin nécessaire.
Il releva ses yeux brillants vers moi et continua :
- C'est vital. Parfois, il n'y a que ça qui t'empêche de sombrer. Et il est souvent plus simple de s'ouvrir à une simple feuille de papier qu'à un être humain. Une feuille ne te juge pas. Ne te contredis pas.
- Mais elle ne te comprend pas non plus, rétorquais-je.
Je pinçai les lèvres, avant de poser mes fesses sur la table à côté de son ordinateur, face à lui. J'étais habillée d'un large tee shirt et d'un short, mais je n'étais même pas gênée. Je triturai un instants mes cheveux avant de reprendre :
- Tu sais, je suis prête à écouter. Tu sais bien que... s'il y a bien quelqu'un qui peut te comprendre, c'est moi. On est dans le même bateau. S'il est percé, nous sombrons tous les deux.
Je le pensais. Après tout, nous avions beaucoup en commun, et il le savait. Je le ressentais aussi. D'une manière inexplicable, je me sentais liée à lui. Comme si toute mon âme ne demandait qu'à fusionner avec la sienne. Il se recula dans sa chaise sans me quitter des yeux et passa une langue sur ses lèvres :
- Je ne suis pas sûr que tu sois prête à entendre ce que j'ai à te dire.
- Je le suis.
Il se leva en hochant la tête et s'approcha de moi, lentement. Mon souffle se fit difficile et je ne pus décrocher mon regard du sien. Une tension palpable régnait dans la pièce. Sa voix n'était plus qu'un murmure rauque quand il s'exprima :
- Tu sais, je ne suis pas le genre de personne à cacher mes sentiments. A essayer de me convaincre qu'il n'en est rien. Nous ne sommes pas dans un de ces romans, où deux personnes se tournent autour pendant les trois-quarts du livre, à jouer avec l'autre et leurs sentiments respectifs. Nous vivons dans un monde où chaque seconde de liberté est précieuse. Chaque seconde...entre nous est précieuse.
Il s'approcha encore et avança une main jusque mon visage. Il la posa doucement sur ma joue.
- Tu pense que les sentiments rendent faibles, soufflai-je, décontenancée.
- Peut-être. Mais ils sont parfois inévitables. Je ressens quelque chose pour toi Morgane. C'est la première fois que ça m'arrive, et je ne me leurrerais pas sur ce qu'il se passe au fond de moi. Je n'aime pas mentir. Tu mérite de savoir ce que je ressens.
Je clignai plusieurs fois des yeux, hébétée, tandis qu'il jouait avec une de mes mèches de cheveux. J'étais incapable de prononcer un seul mot. Voyant que je ne réagissais pas, il continua:
- Il est trop tôt pour mettre des mots là-dessus. Tout est allé très vite. On ne se connaissait même pas il y a un trois semaines. Seulement, je sens ce lien entre nous deux, et je sais que toi aussi. Je le vois dans tes yeux. Maintenant, il est encore temps pour toi de faire machine arrière. Tu sais ce que tu risque avec moi. Je suis un criminel. Un meurtrier. Tu mérites quelqu'un de mieux que moi. Quelqu'un d'honnête, qui te tire vers le haut, et non vers le bas. Il suffit d'un seul non, et je ne te reparlais jamais de ça. Je comprendrais.
J'étais stupéfaite. Bien sûr que je sentais ce lien. Dieu sait que je ressentais moi aussi ces sentiments dont il parlait. J'étais bien incapable de lui dire non. Je ne le supporterais sans doute pas. Pourtant, le oui me paraissait pour le moment beaucoup trop... définitif. Ma main se posa sur la sienne au-dessus de ma joue, et je baissais les yeux :
- Rien ne pardonnera les meurtres que tu as commis. Tu le sais ?
- Je le sais. Mais je ne les regrettent pas
Je relevai les yeux et me redressai, perplexe. Sa main retomba le long de son bras, et je fronçai les sourcils. Comment ça il ne regrettait pas ?Je vis un éclat passer dans ses yeux verts et le dévisageai :
- Ces gens étaient innocents, Tyron. Tu n'avais pas le droit de leur ôter la vie.
Le bandit s'éloigna brusquement de moi et croisa les bras sur son torse. Il s'efforça de ne pas croiser mon regard, mais je voyais bien que l'ambiance venait de changer du tout au tout.
- Je sais, rétorqua-t-il froidement.
Il était désormais éloigné de moi, et je le sentais bien plus inaccessible qu'il ne l'était il y a quelques secondes. Encore une fois, j'avais sans doute tout gâché. Je me levai moi aussi et plantai mon regard dans le sien :
- Alors explique moi ! Je veux bien essayer, mais là je t'avoue être paumée. Je ne comprends pas. Je ne te comprends pas. Je...je ne pensais pas que tu prenais du plaisir à tuer les gens.
- Ce n'est pas le cas ! hurla-t-il subitement en me lançant un regard désespéré. Quand j'étais gosse, je rêvais d'être un poète. De faire s'évader les gens grâce à de jolis mots. Pas d'être un meurtrier ! Tu crois vraiment que ça m'amuse tout ça ?! C'est vraiment ce que tu penses ? Depuis que je suis enfant, pas une nuit ne passe sans que je ne sois hanté par mes fantômes. Je... je les voient. Tous ceux à qui j'ai ôté la vie. Ils sont là, toujours. Et j'ai horreur de ça ! J'ai horreur de tuer. Je me déteste pour avoir ruiner toutes ces vies. Mais s'il fallait le refaire, je le referais. Je sais à quel point je suis cruel et égoïste. Mais pour sauver la vie de mon frère, la mienne et maintenant la tienne, je serais prêt à tuer encore et encore ! Vas-y, dis-le. Dis-le que je suis un monstre ! Personne ne changera jamais ce que je suis. Un meurtrier. Je suis un meurtrier, Morgane. Et je mérite chaque cauchemar que je subis, car je n'ai aucuns regrets. Et c'est sans doute ça le pire.
Il pleurait. Tyron pleurait. Tyron, le bandit que je croyais sans-cur venait de mettre son âme à nu devant moi. Il resta planté au milieu de la pièce, les bras le long du corps, les larmes dévalant ses joues et les yeux ancrés dans les miens. Il ne fit rien pour essayer de se cacher. Pour masquer sa faiblesse, comme l'aurait fait un nombre incalculable d'autres hommes. Non, il acceptait de tout me montrer.
Lentement je me redressai et m'approchais de lui. Je m'arrêtais juste devant et levai le visage vers lui. Il me fixait, impuissant et vulnérable. Me mettant sur la pointe des pieds, je vins passer mes bras autour de son cou, avant de le serrer contre mon corps. Tyron resta un instant immobile et silencieux, comme s'il ne comprenait pas mon geste. Puis, voyant que j'insistais, ses mains tremblantes vinrent se glisser autour de moi avant de se serrer sur mes hanches avec un désespoir perceptible. Il me serra avec force, nicha sa tête au creux de mon cou et fondis en larme contre moi.
- Ça va aller, murmurais-je en caressant ses cheveux. Ça va aller, d'accord ?
Il n'eut pas la force de répondre et me serra simplement un peu plus contre lui. Je n'avais plus Tyron devant moi. Je n'avais plus ce bandit qui m'avait kidnappée et frappée, celui qui avait tué, qui m'avais appris à me battre. Devant moi, j'avais Thomas, ce petit garçon brisé par la vie, impuissant, abandonné par tous et ne sachant pas de quoi sera fais son lendemain. Et à ce moment précis, le petit garçon qu'il était avait simplement besoin de réconfort.
Je me rendis compte à ce moment précis de l'égoïsme dont j'avais toujours fais preuve. Tout tournait constamment autour de ma petite vie. Je pensais avoir le monopole de la douleur. Qu'en raison de ma vie merdique, je pouvais minimaliser la souffrance des autres. J'étais sensée être la victime dans cette histoire. Mais je venais de me rendre compte que si mon âme était fissurée par tant de chocs, celle de Thomas était carrément brisée en de milliers de petits morceaux. Et j'ignorais s'il lui serait un jour possible de la réparer.
Dire que j'étais surprise était un faible euphémisme. Depuis mon enfance, je n'avais jamais vraiment vu des hommes s'ouvrir à ce point-là. En grandissant, John avait arrêté de se confier naturellement, comme s'il fallait maintenir une certaine apparence de Bad boy insensible et ne pas montrer ses faiblesses. Ce que j'avais bien sûr trouvé stupide. Les hommes, pour se rassurer quand à leur condition, croyaient nécessaire de ne rien montrer. Quant à Ryder, il était plus une machine qu'un être humain, étant donné qu'il ne devait jamais avoir ressentis un sentiment réel et non complètement simulé dans un but précis.
Alors voir soudain ce jeune homme s'effondrer dans mes bras sans chercher à se cacher, c'était pour le moins étonnant. D'habitude, c'était moi qui tombais en larme dans les bras des autres. Mais c'était aussi autrement satisfaisant de voir qu'il me faisait assez confiance pour me montrer la face cachée de sa personnalité. Qu'il ne cachait rien, et choisissait de me dévoiler tout, le pire comme le meilleur.
Bonjour bonjour ! 😊🤩
Alors alors ? 😊😊
Ça vous as plut ? J'ai adoré écrire ce chapitre, je vous jure. 😍😍
Dîtes moi toooout.
Sur l'aveu de Tyron quand à ces sentiments.
Sur ce que ressens Morgane.
Sur la crise de Tyron et ce qu'il a dit. Qu'il ne regrette pas et assume amplement ces actes. Qu'il est hanté par ses meurtres.
Sur le fait qu'il ne se cache pas.
Sur l'évolution de "Tygan" ( merci pour ce nom de ship haha. Quelqu'un y avait pensé ? 🤣😅)
Voilà je crois avoir fais le tour !😍
PS : Faut surtout pas hésiter à me dire si vous voyez des incohérences ! Une amie m'a dit, après avoir tout lu d'une titre, qu'avoir une vie de merde comme Morgane, à ce point là c'était irréaliste. 🤣😂 Vous en pensez quoi ?
Bon week-end à vous ! Très long week-end même. Profitez-en.😊😍😘
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